Entretien
Leur problème :
une crise de succession !
Le notre : dépasser l'ordre social
Salhi Chawki
Samedi 29 juin 2013
Entretien publié par le quotidien
Reporters
ce samedi 29 juin 2013.
Salhi Chawki, militant de gauche,
ancien secrétaire général du PST et
membre fondateur de l’UTS : « Il y a un
consensus au sommet pour profiter le
plus longtemps possible de l’acquis
politique de la stabilité autour de
Bouteflika »
Écrit par Boudjemaa Medjkoun
Dans cet entretien, Salhi Chawki
revient sur l’actualité
politique qu’a vécue le pays ces
derniers temps, notamment depuis
la maladie du président de la
République. Il nous livre aussi
son analyse des enjeux régionaux
et internationaux qui influent «
grandement », selon lui, sur la
situation que vit l’Algérie.
Reporters : A moins d’une année
de l’élection présidentielle, quelle est
votre lecture de la situation politique
du pays ?
Salhi Chawki : La crise de succession a
mis au second plan l’élément le plus
important de la situation actuelle :
l’offensive impérialiste pour mettre
l’Algérie et la région aux normes
néocoloniales. La dépendance actuelle et
le pillage en cours ne leur suffisent
plus. L’Europe et les USA veulent un
contrôle politique et économique plus
direct. Depuis 2011, ils rêvent d’un
printemps algérien aussi cauchemardesque
que celui de la Libye et de la Syrie.
Les grands titres de la presse privée ne
font que relayer ces pressions des
puissances occidentales, notamment
contre les velléités protectionnistes
depuis la LFC 2008. L’opposition du
patronat national à la règle 49/51
exprime clairement les intérêts des
multinationales et non ceux d’une
bourgeoisie nationale productrice.
Au niveau national, c’est l’inflexion
libérale, la revue à la baisse du
patriotisme économique. C’est un peu
paradoxal. Les projets de relance de la
production industrielle arrivent à
maturation, au moment où les mesures
protectionnistes se relâchent et où les
cadeaux se multiplient en faveur du
patronat et des puissants partenaires
étrangers. La règle 51/49 devient outil
de privatisation du secteur public
résiduel. Le projet de loi de finances
complémentaire menace les salaires, les
subventions aux produits de base,
pendant que des avantages fiscaux sont
proposés aux multimilliardaires, pendant
qu’un couloir vert est offert aux
importateurs qui creusent la dépendance.
Mais l’actualité, c’est aussi les luttes
sociales qui continuent. L’ouragan
social, qui a connu son apogée en 2011,
ne s’est pas calmé.
Justement, pourquoi « le
printemps algérien » n’a pas eu lieu en
2011 ?
En 2011, la grogne populaire était
grande, mais les masses populaires ne
voulaient pas revivre le chaos. Les
Algériens se souviennent avoir adhéré au
changement radical proposé par les
intégristes. Ils se souviennent que ça
s’est fini dans la tragédie des années
1990. La brutalité de la destruction de
la Libye par l’Otan, avec la complicité
des groupes djihadistes, a joué ensuite
le rôle de repoussoir et conforté leur
refus du politique.
Et puis, le tsunami social de l’époque
était porteur d’aspirations
égalitaristes, il était porteur d’une
demande de bien-être et d’un refus de la
précarité, alors que les dizaines de
structures qui se sont coalisées pour le
changement commandé par l’Otan prônaient
la rigueur pour les pauvres gens, la fin
du populisme et dénonçaient les
revendications de ceux qu’ils appelaient
les tubes digestifs. Malheureusement,
les noyaux militants qui convergeaient
avec ces aspirations populaires
n’étaient pas assez forts, pas assez
visibles pour offrir une alternative
crédible. Alors, la pression sociale a
refusé de se muer en pression politique.
Il n’y avait plus d’illusion sur
Bouteflika, mais les Algériens ne
voulaient pas d’un saut dans l’inconnu.
Mais la politique distributive de la
rente pétrolière, adoptée depuis pour
calmer la révolte populaire, n’a-t-elle
pas contribué à différer cette révolte ?
L’échec du « printemps » a précédé la
modeste distribution sociale. On a
surtout payé les riches. Le gouvernement
a accordé des avantages fiscaux énormes
au patronat et aux barons de l’informel.
Mais il a surtout offert des marchés
juteux aux grandes puissances et aux
monarchies réactionnaires du Golfe.
C’est la diplomatie de la canonnière.
Sarkozy bombarde la Libye, puis il
envoie Raffarin, en Algérie, chercher la
commande de tramways Alstom pour dix
villes. Bien sûr, les faiseurs d’opinion
au service des puissances d’argent n’ont
vu que le réajustement salarial,
pourtant bien insuffisant, puisqu’il ne
rattrape pas le préjudice subi depuis le
réajustement structurel de 1994. Que
valent nos augmentations quand on sait
que le dinar a été divisé par 25 depuis
cette époque. A noter que les bas
salaires, la majorité, ont été peu
augmentés. Pourtant, c’est ce qui gêne
les experts libéraux, car ils craignent
l’effet de contagion sur les salariés du
privé.
On peut donc dire que la
crise persiste…
Les rivalités du sérail ont convergé ces
derniers mois avec la campagne des
milieux néocoloniaux pour produire un
climat pourri. Mais cette agitation est
restée déconnectée de l’opinion
populaire et des luttes sociales, malgré
les tentatives de chevaucher le
ras-le-bol.
L’incertitude politique liée à la
maladie n’a pas fait cesser les luttes
massives et radicales, comme dans la
santé, comme à Sonatrach et dans les
entreprises esclavagistes de
sous-traitance au Sud. Il y a une colère
populaire sourde contre l’Algérie de
l’argent.
La révélation des affaires de corruption
a accru le ressentiment des masses. Puis
il y a eu une sorte d’attentisme
politique avec le transfert de
Bouteflika à Paris. Mais contrairement à
2005, les luttes sociales ont continué.
Justement, la maladie du
Président a éclipsé l’ensemble des
autres questions, qu’en pensez-vous ?
Le Président est malade depuis 2005. Sa
capacité de travail est très limitée. Le
Conseil des ministres est rare. Et
pourtant, la réforme constitutionnelle
de 2008 concentre entre ses mains tous
les pouvoirs. Les critiques ont porté
sur le nombre de mandats, qui n’est pas
un critère de démocratie, sauf à faire
dans le mimétisme. Il s’agit toujours de
mettre en scène les prétextes à des
bombardements humanitaires pour
non-conformité aux standards impériaux.
Le plus important, c’est la
monarchisation des institutions, c’est
la régression médiévale du mécanisme de
la décision politique. Tout est
concentré autour d’une personne. C’est
terriblement antidémocratique. En plus,
il n’y a plus de dispositifs de secours
pour suppléer une absence du décideur
unique. Cela a fragilisé le système et
humilié les acteurs politiques.
En fait, pour des raisons structurelles
de faiblesse des classes fondamentales
de la société et donc de faiblesse des
représentations politiques, nous avons
un système bonapartiste. Chacun des
présidents successifs a eu un pouvoir
absolu bien au-delà de ses attributions
constitutionnelles et il prend la
posture du sauveur de la nation
au-dessus des débats politiques,
au-dessus des rivalités de clans et des
conflits de classes. Sa personnalité
peut être effacée, sa pratique
quotidienne peut être clanique, sa
politique bourgeoise peut être plus ou
moins agressive, il n’en hérite pas
moins d’une position d’arbitre et d’une
image d’homme providentiel. C’est le
Président qui fait et défait les chefs
du parti ou de la coalition
présidentielle, c’est lui qui les
légitime. C’est lui qui conduit l’armée
et les services de sécurité, même quand
ils lui sont réticents ou hostiles. Il
est malade, mais il est au centre du
système, parce qu’il est l’interface
avec le peuple.
Mais la nouvelle de la
maladie change-t-elle la donne ?
C’est un tournant. Les péripéties de
Tiguentourine ont obligé le gouvernement
et l’armée à prendre des initiatives.
Et, depuis l’AVC, on peut dire que la
pratique de Sellal anticipe le
changement constitutionnel qui devait
rétablir l’autonomie du gouvernement.
Comment cela s’est décidé ? Comment ça
se passe ? On le saura plus tard, ce
n’est vraiment pas essentiel. Mais c’est
un équilibre fragile à la merci de la
moindre divergence. Dans le contexte de
2011, Bouteflika avait renoncé à un
nouveau mandat et à l’idée d’une
succession dynastique par son frère.
Mais le refus des Algériens de
s’identifier au changement proposé par
l’Otan mène l’Occident à reporter son
projet de déstabilisation et à rassurer
Alger. Le projet de 4e mandat revit.
Cela commence par une nouvelle tournée
de cadeaux économiques aux grandes
puissances et plus de timidité dans la
résistance aux initiatives guerrières de
l’Otan. Ensuite, l’éviction d’Ouyahia et
de Belkhadem crée le vide de candidature
dans le camp politique de Bouteflika, un
vide pour le rendre indispensable.
Enfin, Bouteflika promet une réforme
constitutionnelle pour rassurer les
siens sur la faisabilité d’un nouveau
mandat malgré sa santé défaillante.
C’est l’idée de redonner du pouvoir au
chef du gouvernement et d’instituer un
vice-Président. L’annonce officielle de
son accident vasculaire a porté un coup
à la crédibilité du 4e mandat. Est-ce
délibéré ? Je ne sais pas. Mais
rappelez-vous qu’on ne sait toujours pas
où était le Président pendant la crise
malienne, pendant Tiguentourine. Et
qu’on n’a jamais su le cancer de
Pompidou ni celui de Mitterrand.
A ce titre, que pensez-vous
des dernières affaires de corruption qui
ont été soulevées dernièrement ?
La corruption ? Quoi de plus normal en
système capitaliste ? Aux USA, le
système des commissions est légal et les
allégeances des élus aux grandes
compagnies sont notoires. Sarkozy et
Chirac de France, Berlusconi et
Andreotti d’Italie, Kohl d’Allemagne,
Strauss Kahn et Lagarde du FMI ont été
impliqués dans des affaires au gré des
rivalités au sommet.
Qui sont les voleurs en Algérie ? Chakib
Khelil et ses collègues ? Non ! Les
voleurs ou voleurs présumés sont
Halliburton l’américaine, ENI-Saipem
l’italienne, Lavalin la canadienne, etc.
Chakib Khelil et ses semblables sont des
comparses ou comparses présumés qui ont
bénéficié de millions de dollars de
pourboires pour avoir permis le pillage
de milliards de dollars.
Et pourquoi on n’entend plus
parler de ces affaires à présent ?
Les affaires sont sorties par les
rivalités au sommet du pouvoir,
chiraquiens et sarkozystes en France,
élections US… Et bien, c’est pareil chez
nous. On a sorti l’affaire BRC pour
neutraliser Chakib Khelil qui tenait à
l’odieuse loi sur les hydrocarbures. Les
affaires récentes sont liées à
l’échéance de 2014. Quel en est
l’objectif ? Dissuader Bouteflika ?
Dissuader ses proches ? Et qui a livré
les fuites à la justice ? Les
Occidentaux ? Des fractions du pouvoir ?
On le saura un jour, mais ce n’est pas
important. Dès que la maladie a donné de
meilleurs arguments, les affaires de
corruption qui continuent d’occuper les
juges ont disparu du débat politique.
Mais la gestion de la maladie confirme
qu’il y a un consensus au sommet pour
profiter le plus longtemps possible de
l’acquis politique de la stabilité
autour de Bouteflika. En 2014, voire
au-delà, si c’est possible. Car ils
craignent la réaction des masses en cas
de retrait. Certes, avec le discrédit
islamiste causé par la barbarie des
groupes armés, le vote d’allégeance se
répète depuis 1995. Le courant
nationaliste libéral qui gouverne le
pays va essayer, lui, en l’absence de
Bouteflika, de jouer la continuité, de
proposer le statu quo, avec des noms
comme Sellal ou Ouyahia.
On a aussi parlé de l’article
88 et de la déclaration de la vacance du
pouvoir, quel est vôtre avis là-dessus ?
Souvent, les déclarations sur l’article
88 sont des postures. Personne n’est
prêt à affronter des élections dans les
60 jours constitutionnels. C’est un
immense défaut du dispositif
constitutionnel qui exige 50 000
signatures dans 25 wilayas dans un délai
très court qui disqualifie ceux qui ne
sont pas soutenus par l’administration.
Même au terme du mandat en 2014, la
campagne de signature ne dure que
quelques semaines. Alors qu’une campagne
de six mois pourrait être un moment de
construction des représentations
politiques, un moment de débat national
précieux.
La crise que traverse
l’Algérie est-elle si grave ?
Les campagnes catastrophistes ne sont
pas sérieuses. Le développement de la
dépendance est flagrant. La régression
de l’économie productive est
spectaculaire malgré les récentes
tentatives d’inverser le processus et de
relancer certains secteurs. Bien sûr, le
pétrole n’est pas éternel, nos
exportations ont sensiblement reculé.
Mais dans l’immédiat, les recettes
pétrolières permettent l’équilibre et
plus. Elles payent les projets géants
d’infrastructures surévalués,
surfacturés. Dans l’immédiat, ça va. Et
l’immédiat est le seul horizon pour la
politique bourgeoise. Les propos
alarmistes sur le déficit budgétaire
visent à faire régresser le coût du
travail. Preuve en est qu’on continue de
diminuer les recettes fiscales par de
nouveaux cadeaux aux riches.
La politique libérale de ces dernières
décennies a gravement compromis
l’avenir, mais le présent est florissant
pour l’Algérie capitaliste. La crise
actuelle est une crise de succession. Le
régime n’est pas menacé. Les islamistes
discrédités sont en régression. Les
Algériens ont essayé toutes les
variantes islamistes : populistes du
FIS, djihadistes du GIA et réalistes à
la turque du MSP. Les libéraux
démocrates sont toujours marginaux
malgré leurs puissants soutiens. Le
déclin des partis kabyles ouvre une
autre période. Et, malheureusement,
aucune alternative représentative des
aspirations populaires ne s’est
construite parmi les masses. C’est cette
absence d’une alternative crédible qui
explique le refus des luttes sociales,
nombreuses pourtant, de passer à la
revendication supérieure d’un changement
politique.
Partagez-vous la réalité de
cette « grande inquiétude » au sommet
décrite par les médias, ces derniers
temps ?
L’avenir à moyen terme n’est pas clair.
Mais le pouvoir ne se sent pas menacé.
Aucun des courants de la bourgeoisie ne
pense que ses intérêts sont menacés.
Même ceux qui perdront la présidentielle
savent que les profits de leur business
continueront à être engrangés.
D’ailleurs, il n’y a qu’à voir ce qui se
passe en l’absence du Président. Aucune
décision solennelle ne peut être prise.
Et alors ? Les exploiteurs exploitent,
les multinationales pillent, les voleurs
volent, les travailleurs triment et les
chômeurs désespèrent. L’inflexion de la
politique économique venue de la
pression du printemps de l’Otan s’est
même accentuée avec des privatisations à
49%, de nouvelles facilitations au
privé, la promesse de leur offrir le
foncier…
Au sein du pouvoir, les rivalités ne
sont pas féroces. Il n’y a pas de guerre
de succession, même s’il y a évidemment
une rude concurrence. Il y a une crise
de succession. On ne sait pas qui
proposer, on ne sait pas comment manager
2014. Mais le pouvoir craint la
cacophonie dans ses rangs. Il craint le
vide politique, il craint que cette
absence du Président, dans sa fonction
d’homme providentiel, libère les masses
populaires et ouvre le jeu.
Que pensez-vous des
propositions de l’opposition ?
Il est assez amusant de voir que tous
les protagonistes en vue qui nous
proposent tous de changer le système
jouent aussi le statu quo et la
stabilité. Ce sont d’anciens officiers
ou d’anciens Premiers ministres. Eux
aussi jouent la continuité. Le slogan de
2e République est aussi creux que la
réforme constitutionnelle. On ne nous
dit pas ce qui change. A noter,
toutefois, le clin d’œil, l’offre de
service faite aux Occidentaux, la
promesse de revenir sur le cours
patriotique mis en place depuis 2008.
Des islamistes aux démocrates libéraux
les plus laïques, c’est le même message.
En fait, les appels à l’armée, les
propositions d’une transition sont
beaucoup plus représentatives des
positions de ces courants qui craignent
le peuple et souhaitent en réalité un
despotisme éclairé. Celui des militaires
ou celui de l’Otan.
Pour finir, quelle issue
voyez-vous à la crise actuelle ?
On sait qui bénéficie d’exonérations
fiscales et de facilitations, pendant
que le peuple d’en bas est menacé des
politiques de containment salarial pour
procurer de la main-d’œuvre bon marché
aux investisseurs. Les délégations
patronales d’Occident ou du Golfe se
succèdent. Le patronat importateur ne se
satisfait pas des cadeaux reçus, il
menace les salaires et les subventions
aux produits de base.
Nous pensons qu’en attendant que le
peuple se prononce, il faut un moratoire
sur toutes ces décisions qui aliènent
l’avenir du peuple. Gel des
privatisations, gel de toute nouvelle
concession pétrolière ou de services.
Annulation des exemptions fiscales pour
les riches, des ventes au dinar
symbolique, des cadeaux scandaleux faits
à Renault, au parc Dounia, des promesses
indécentes pour le gaz de schiste.
Application de l’interdiction des
entreprises de sous-traitance et
réintégration à Sonatrach y compris des
travailleurs en lutte qu’elles ont
licenciés depuis plusieurs années.
Titularisation de tous les vacataires en
poste permanent. Ouverture d’un débat
national respectueux de toutes les
sensibilités du pays, débat sans lequel
les élections prochaines n’auront pas de
légitimité. Ouverture immédiate dès la
rentrée de la campagne de recueil des
signatures pour permettre le débat des
citoyens.
La multitude de structures
d’opposition plus radicales les unes que
les autres, la floraison d’ambitions
personnelles ne réveille pas l’espoir
des masses algériennes. Leur projet est
de continuer le monde actuel, voire
d’aggraver le sort des pauvres gens pour
le bien de leur nation virtuelle. Pour
sortir de l’impasse actuelle qui risque
de pérenniser la dépendance et de
développer le sous-développement
économique avec les plus belles
autoroutes, il faut commencer à
construire une force politique ancrée
dans les masses et porteuse des
aspirations anti-impérialistes, des
aspirations égalitaires exprimées par
les luttes sociales pour le logement,
l’emploi et le pouvoir d’achat, pour le
bien-être social. C’est ce à quoi notre
mouvement politique, l’Union des
travailleurs socialistes, veut
contribuer.
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