Mali : Entretien avec le Dr
Ley-Ngardigal Djimadoum à la Nouvelle
République
« L'Algérie est
dans la ligne de mire des prédateurs
occidentaux »

Samedi 21 avril 2012
Décidément, à chaque nouvelle
déstabilisation d’un pays, l’Occident
fait appel à ses éclaireurs médiatiques.
Une grande campagne de désinformation
est orchestrée contre le Mali. Pourquoi
? Après le retour à l’ordre
constitutionnel auquel plusieurs parties
ont appelé, cela se conçoit, que se
cache-t-il derrière ce double jeu d’un
Occident qui ne lâche pas prise ?
L’encouragement des Touaregs à
constituer un « Etat » indépendant ne
serait-il pas conçu dans cette logique
de balkanisation de la région ? On est tenté d’y croire si l’on se
réfère aux richesses dont regorge le
Nord du Mali. Dans cette perspective
prédatrice, l’Occident ne s’embarrasse
pas d’appliquer sa politique des « deux
poids deux mesures ». Y-aurait-il de
bons et de mauvais
putschistes ? Dans cette nouvelle
escalade à nos frontières, quels
seraient les enjeux et le rôle de
l’Algérie ? Questions que nous avons
abordées avec le Dr Ley-Ngardigal
Djimadoum, Secrétaire Général d’ACTUS / prpe (Action Tchadienne
pour l’Unité et le Socialisme / Parti
Révolutionnaire Populaire et Ecologique) et d’ALAC (African
Libyan Action Committees).
La NR/
Au vu des informations véhiculées par
les médias occidentaux, c’est
l’apocalypse au Mali.
Comment peut-on décrire la situation qui
prévaut actuellement ?
Après les guerres impérialistes
d’occupation en Irak, Libye
et Côte d’Ivoire, aucun esprit rationnel
et objectif peu soit-il ne pourrait encore croire aux médias
mensonges occidentaux sur le Mali. A cet
effet, un bref rappel historique des
trois croisades occidentales de cette
dernière décennie, serait nécessaire
pour rejeter les intoxications
médiatiques impérialistes sur le Mali.
La désinformation médiatique est une
redoutable arme utilisée
systématiquement à satiété par les
prétendues « puissances démocratiques »
et impérialistes occidentales afin de
recoloniser les pays du sud. Ces
mensonges érigés en mode de gouvernance
universelle, remplacent dorénavant les
lois internationales. Depuis la guerre
contre le Président Saddam Hussein et le
peuple irakien le 20 mars
2003, la désinformation ou
les mensonges éhontés ont permis la
recolonisation de ce pays
et de la Libye par les puissances
impérialistes Usa ,Grande Bretagne et
France. Au palmarès de cette prédation
coloniale il faudrait ajouter la Côte
d’Ivoire où la France s’était illustrée toute seule par une expédition militaire coloniale punitive en
bombardant le palais présidentiel puis
kidnappé et déporté le président
légitime, insoumis Laurent Gbagbo. Elle
a ensuite intronisé son nervi Alassane
Ouattara. La démocratie à la canonnière
jette de l’opprobre sur la France qui se
dit défenseur des valeurs démocratiques
universelles. Souvenez-vous encore du
petit tube à essai de laboratoire,
exhibé par le Secrétaire d’état
américain Colins Powell, lors d’une
conférence de presse? Ce mensonge
ubuesque voudrait démontrer
la présence d’armes de destruction
massive (ADM) que détiendrait le
président Saddam Hussein. Le résultat,
nous le connaissons : Les usa et leur
allié britannique ont occupé le pays
après des mois d’intenses bombardements.
Ce fut un véritable crime contre
l’humanité, le président Saddam fut
assassiné, plus d’un million d’irakiens
morts, le pays détruit est occupé par
les armées US et britannique, le pillage
du pétrole continue. Paradoxalement, à
ce jour aucune ADM n’a été
découverte !
Ce bref rappel historique me semble t-il
est nécessaire pour comprendre les
cyniques objectifs de la
campagne médiatique orchestrée par les
médias mensonges occidentaux contre la
prise de pouvoir par les jeunes
officiers du Comité
National de Redressement de la
Démocratie et de la Restauration de
l’Etat (CNRDRE) dirigé
par le Capitaine Amadou Haya Sanogo.
Cette aile de l’armée malienne ne serait
pas inféodée à la Françafrique. En
effet, si ces militaires et leur coup
d’état avaient reçu l’aval de
l’impérialisme français, il n’y aurait
pas eu cette avalanche de campagne de
désinformation médiatique et de
condamnation de la part des autorités
françaises. Il n’y jamais eu
d’apocalypse au Mali, causée par les
militaires comme le pérorent les
médiamensonges
occidentaux.
Où sont les images des manifestations de
masse en faveur du régime
du président déchu Amadou Toumani Touré
(ATT) à Bamako ? En revanche, ces
médiamensonges ont occulté les
manifestations monstres organisées par
le Mouvement Populaire du 22 mars (MP
22) en soutien au CNRDRE.
Une telle campagne de haine des
impérialistes occidentaux, est un
prélude à une guerre contre le peuple
frère malien. Les exemples de l’Irak, de
la Libye et de la Côte d’Ivoire sont
présents pour nous rappeler la logique
de guerre de recolonisation et de rapine
de ces puissances prédatrices
occidentales. A ce sujet, l’écrivain et
activiste malien
Mountaga Fané Kantéka qui a
vécu en direct les événements de Bamako,
confiait dans un entretien
réalisé par le
journaliste Chérif Abdedaïm
du quotidien algérien ,
La Nouvelle
République du 11 avril 2012,
le
constat suivant : « Comme je l’avais
mentionné dans un article,il y a eu
toute une campagne de désinformation
autour des putschistes sur le WEB et sur
des médias occidentaux comme RFI, FRANCE
24 ou LA VOIX DE L’AMERIQUE, faisant
croire que c’était l’apocalypse au Mali,
alors que dans la réalité, ce n’était
guère le cas. »
Dans son blog
l’écrivain d’ajouter : « Sur les
antennes des mêmes médias spécialisés
dans la désinformation, j’ai entendu
aussi qu’il y aurait eu ce lundi 26 mars
2012 un « millier » de manifestants
(selon RFI et France 24) et « deux mille
» selon
la Voix de l’Amérique,
dans les rues de Bamako, pour protester
contre le coup d’Etat. Sauf s’il n’est
pas vrai que je vis à Bamako, je n’ai eu
AUCUN ÉCHO de ces protestations.
Pourtant, je me suis promené en ville et
me suis rendu jusqu’à KATI, FIEF DES
PUTSCHISTES ».
LaNR/
Quelles seraient d’après-vous les
motivations profondes de ces putschistes
?
Un certain nombre de faits sociaux
gravissimes égrenés par le CNRDRE dans
sa première déclaration du 22 mars 2012,
justifient l’éviction du président ATT.
La paupérisation exponentielle des
masses populaires maliennes est
inversement proportionnelle à
l’accaparement des richesses nationales
par une poignée de personnalités, le
gouvernement est corrompu
et incompétent, l’armée nationale
délaissée et sous équipée
est confrontée à la rébellion dans le
nord du pays. Elle a perdu de nombreux hommes de troupe. Les motivations
profondes du CNRDRE seraient incontestablement le sursaut
patriotique afin de résoudre les
cruciaux problèmes sociaux et
politiques. Dans sa
conférence de presse du 13 avril 2012,
le Capitaine Sanogo a réitéré les
raisons de l’éviction d’ATT
« Nous étions face à une situation
chaotique, l’impasse politique, la
corruption généralisée, et j’en passe.
Notre ambition, C’est le Mali, le Mali
en premier lieu, c’est-à-dire l’intérêt
supérieur de la nation.
Nous poserons des actes concrets au
profit du peuple malien
»[Le Prétoire du 13 avril
2012]
Les jeunes officiers du CNRDRE
appartiennent à l’aile patriotique
de l’Armée selon la déclaration du MP22,
qui sont animés par un élan nationaliste
afin de stopper la descente aux enfers
dans laquelle ATT, sa
poignée de corrompus, les
narcotrafiquants et autres petits
bourgeois compradores, conduisent le
Mali. Pourquoi devrions
nous douter de la bonne volonté de ces
jeunes officiers qui de surcroît ont subi dès les premières heures
de leur action salvatrice les hostilités
de l’impérialisme français ? Le CNRDRE serait par conséquent
une organisation autonome, indépendante
de l’impérialisme français qui serait
par ailleurs pris de cours, malgré son
contrôle par ses agents de
renseignements qui essaiment les pays de
son pré-carré africain.
LaNR/
Ce coup d’Etat pourrait-il constituer un
alibi pour une intervention militaire
étrangère?
Sous le fallacieux prétexte de
rétablissement de l’ordre
constitutionnel, en réalité la défense
de l’ordre colonial établi et des
intérêts hexagonaux, les impérialistes
notamment la France interviendrait
militairement à l’instar de la Côte
d’Ivoire. Pour cette dernière la
Françafrique doit être préservée par
tous les moyens économiques, politiques
y compris militaires.
L’ultimatum de 72 heures lancé par la
Cédéao au CNRDRE pour céder le pouvoir
en rétablissant l’ordre constitutionnel,
a été martelé dès les premières heures
par la France. L’ordre colonial français
a été donné à la Cédéao d’intervenir
militairement au Mali. Cette
organisation sous-régionale, présidée
par Ouattara, s’affirme au grand jour
comme le bras
armé des impérialistes notamment de la
France. Rappelons que le coup d’état
militaire du 11 avril 2011 de l’armée
française contre le président légitime
Laurent Gbagbo, a permis d’introniser monsieur Ouattara. Ce dernier qui doit tout à son maître, le
Président Sarkozy, fera du zèle en
commettant des massacres s’il le faut.
LaNR/
D’après-vous, les militaires qui ont
pris le pouvoir ont-ils les moyens de
contrôler la situation sécuritaire sans
subir d’influence de récupération par
l’Occident ?
Le régime d’ATT était responsable de
l’affaiblissement matériel et moral de
l’Armée nationale. Il serait difficile
au CNRDRE de contenir dans un premier
temps très court l’insécurité
insidieusement et cyniquement programmée
par les puissances
impérialistes au Mali et dans cette
sous-région africaine saharo-sahélienne. Le Mali affaibli militairement,
non seulement verrait se renforcer
l’influence occidentale
mais l’impérialisme français
récupérerait puis atomiserait l’esprit
patriotique qui a conduit à la création
du CNRDRE. Sous prétexte de réorganiser
l’armée malienne et De
l’aider à combattre les groupes rebelles
au nord du pays, la France exigerait en
retour l’installation d’une base
militaire. Au demeurant rappelons que
l’hexagone a toujours souhaité installer
une base à Mopti, cependant le régime
socialiste de Modibo Keita s’était
opposé. Les régimes successifs étaient
contraints de répondre par la négative
ou hésitaient car l’opinion malienne en
général est farouchement opposée à une
présence militaire française sur le sol
national. Vous voyez pourquoi, la France
a aussi contribué à
l’affaiblissement militaire
du Mali en permettant au Mouvement
national de libération de l'Azawad
(MNLA) de rentrer au Mali suréquipé
depuis la Libye. Des milliers de maliens
ont perdu la vie. Le cynisme des
impérialistes occidentaux à l’égard de
l’Afrique est sans limites lorsqu’il
s’agit de défendre leurs intérêts.
LaNR/
Ont-ils les moyens nécessaires pour
contenir la révolte des touaregs et
éviter le démembrement du Mali ?
La proclamation de l’indépendance
de l’Azawad le
vendredi 06 avril 2012
n’est pas une surprise pour
les observateurs peu avertis soient-ils.
En effet, Les moyens matériels de
l’armée malienne sont évidemment
insuffisants en qualité et quantité face
à l’armada des groupuscules armés (Aqmi,
Ansar Dine) et le Mnla surarmé grâce aux
arsenaux libyens. Dans sa déclaration du
20 mars, le CNRDRE a accusé le
régime d’ATT d’avoir été
responsable de l’affaiblissement
matériel de l’Armée nationale. Cette
dernière ne serait pas en mesure de
contenir les assauts des groupuscules
armés dans un premier temps car une
guerre ne saurait être définitivement
gagnée ou perdue que si la victoire ou
l’échec s’inscrit dans la durée. La
farouche volonté commune de rétablir
l’intégrité territoriale du Mali et son
unité d’avant la proclamation
d’indépendance de l’Azawad, a été
maintes fois affirmée par tous les
partis, associations et société civile.
Cette unanimité ne
vaincrait-elle pas le démembrement du
pays? Peut-on imposer à un peuple uni,
jaloux de son indépendance, de
l’intégrité territoriale du pays, la
désintégration de sa patrie? Le
Président de transition du Mali,
Dioncounda Traoré a haussé le ton contre
les rebelles
sécessionnistes
du Mnla : «Nous n'hésiterons pas
à mener une guerre totale et implacable
pour recouvrer notre intégrité
territoriale. Pour bouter hors de nos
frontières tous ces envahisseurs
porteurs de désolation et de misère, que
sont Aqmi et tous ces trafiquants de
drogue qui opèrent depuis trop longtemps
dans le nord de notre pays.(…) Nous
préférons la paix, mais si la guerre est
la seule issue, nous la ferons", a-t-il
promis.» [Le Nouvel observateur
du 12 avril 2012] Le
Capitaine Sanogo, président du CNRDRE a
aussi résumé cette volonté
unanime relative à l’intégrité du Mali
en ces termes : « Il y a d’abord le
dialogue, et l’armée est la dernière
solution. Et si on devait passer par
cette option, on s’est donné comme
mission de défendre l’intégrité
territoriale. Nous sommes en train de
voir dans quelle mesure on pourra
outiller l’armée. Le reste on verra
bien. » [Le Républicain du 16 avril
2012]
LaNR/
Estimez-vous que la « révolte » des
Touaregs contre l’ex.régime malien est
légitime ou serait-elle dictée par ceux
qui veulent instaurer une nouvelle
configuration géopolitique dans la
région du Sahel ?
Il conviendrait de souligner que les révoltes des Touaregs dans le
nord du Mali et dans d’autres pays de la
Françafrique sont récurrentes et à
caractère social. Leurs causes sont
d’origine exogène et/ou
endogène. Dans tous les pays du
pré-carré français d’Afrique y compris
le Mali, l’héritage des
antagonismes sociaux créés
par le
colonisateur entre les peuples,
demeurent conflictuels. Par exemple au
Mali, l'administration coloniale
instituera les premières discriminations
entre nomades « blancs » et sédentaires
« noirs ». Dans les années
50, les actuelles régions du Nord peuplées de plusieurs centaines
de milliers d’habitants pour une superficie de 822 000 km2
disposaient seulement de 4
cercles, 10 écoles dont 4 dites
«régionales» (primaires au niveau des
chefs-lieux de cercles), 10 dispensaires
et infirmeries. Voici le vrai visage de
l’impérialisme français qui refuse tout
véritable développement social
économique des colonies. Le Mnla et les
Touaregs auraient effacé de leur mémoire
ce fait colonial accablant pour s’allier aujourd’hui
à leur bourreau d’hier afin de dépecer
leur pays, le Mali? Depuis
« l’indépendance », les gouvernements
nationaux ont accompli des efforts
substantiels en matière de structures de
santé et d’éducation par rapport à
l’administration coloniale française qui
avait délaissé sciemment cette région du
nord, une sorte de bombe à retardement
dans sa stratégie de recoloniser
l’Afrique.
La question Touarègue est par conséquent
l’une des survivances des problèmes des
nationalités (d’origine sociale), léguée
par la puissance coloniale française au
jeune état malien à son accession à
l’indépendance nominale de 1960. La
stratégie impérialiste de « diviser pour
régner » trouve ici au Mali comme dans
tous les autres pays du pré-carré
français sa concrétisation. Les
antagonismes ethniques, régionaux
(Nordistes contre sudistes) religieux
(chrétiens contre musulmans)… ont été
exacerbés par la France afin de
fragiliser puis de
soumettre à sa domination totale les états. L’impérialisme occulte
ainsi sa responsabilité historique dans
le pillage des ressources naturelles et
l’exploitation des peuples, lesquels ont
conduit à leur paupérisation. C’est dans
ce contexte de revendications sociales
légitimes contre les affres du système
d’exploitation capitaliste que des
populations entières africaines se sont
soulevées contre les dictateurs imposés
par la France.
Les légitimes révoltes sociales contre
les régimes dictatoriaux
imposés par la France sont légions. Ces
dernières devraient-elles nécessairement
conduire à la proclamation unilatérale
d’indépendance le 06 avril 2012 d’un
Etat Touareg (Azawad) ? Les injustices
sociales institutionnalisées par les
dictateurs « Gouverneurs-délégués » de
la France en Afrique touchent tout
autant les autres peuples et régions
maliennes, à l’exception d’une ultra
minorité de nouveaux riches prédateurs,
pro-impérialistes, constituée des
dirigeants politiques leurs familles
élargies et Clans. La révolution
populaire de 1991 contre la dictature de
Moussa Traoré au Mali à
laquelle les Touaregs ont participé est
un exemple qui transcende tous les
clivages régionalistes jadis semés par
la puissance coloniale. Les
revendications sociales des Touaregs et
celles des autres populations face aux
affres du régime étaient
convergentes et nationales. L’intégrité
territoriale et l’unité
nationale ont été préservées. Ce constat
reste encore valable aujourd’hui. Le
Mnla se doit de le reconnaître. Il ne
doit pas se laissé manipuler par les
criminels desseins de l’impérialisme
français contre le peuple malien auquel
il fait partie intégrante. La
balkanisation de l’Afrique la
transformera en proie encore plus facile
pour les puissances impérialistes
occidentales prédatrices. Dans ces
conditions d’injustices généralisées au
niveau national, ne serait-il pas plus
judicieux de fédérer toutes les révoltes
sociales en luttes révolutionnaires
nationales démocratiques populaires et
anti-impérialistes afin de renforcer
l’unité nationale? A cet effet, le MP22
qui regroupe 126 Partis, organisations,
associations et personnalités a fait un
pas décisif dans l’unité d’action en
soutenant le CNRDRE tombeur du régime
d’ATT.
LaNR/
Que pensez-vous de l’indépendance
autoproclamée de l’Azawad par le Mnla ?
Quel rôle aurait joué la
France ?
La France qui bombardait à l’époque la
Libye, dispose toujours des bases
militaires au Tchad et
contrôle le Niger. Elle pourrait, si
elle le voulait, intercepter les colonnes des Touaregs
lourdement armées partant de Libye vers
le nord du Mali. L’impérialisme français concocterait déjà son
plan de la partition du pays. Un deal
aurait été conclu entre le Mnla et la France pour la proclamation
de l’indépendance de l’Azawad le 06
avril 2012. Nous y reviendrons plus
tard. Mieux encore, si la France était
tant attachée à l’intégrité territoriale
du Mali, pourquoi n’a-t-elle pas aidé en
armes l’armée malienne ? Pourquoi
n’a-t-elle pas convoqué le conseil de
sécurité de l’Onu pour une question
territoriale aussi importante ? Elle
sait pourtant bien ameuter les instances
onusiennes quant il s’agit d’aller
bombarder les régimes insoumis.
Le deal conclu entre la France et le
Mnla fait de ce mouvement son protégé.
En effet, la France n’a pas mobilisé
l’opinion internationale sur les crimes
contre l’humanité commis par le Mnla dans les territoires qu’il occupe
dans le Nord du Mali. Les intérêts de
l’impérialisme français
sont plus importants que les vies
humaines et les droits de l’homme au
Mali. Des actes gravissimes ont été
commis par le Mnla sur les populations :
viols des femmes, assassinats des
civils, pillages, traitements
humiliants, dégradants et exécutions
sommaires des militaires
faits prisonniers…
La ville d’Aguehoc au nord
du pays fut le théâtre de la barbarie du
Mnla et son allié Aquemi.
L’Indépendant du 13 février 2012
rapporte les propos du président déchu
ATT sur ces massacres d’Aguehoc
« Lorsque le MNLA a quitté les lieux,
nous avons découvert une tragédie.
Soixante-dix de nos jeunes étaient
alignés sur le sol. Les Noirs avaient
les poignets ligotés dans le dos. Ils
ont été abattus par des balles tirées à
bout portant dans la tête. Ceux qui
avaient la peau blanche, les Arabes et
les Touareg, ont été égorgés et souvent
éventrés » Selon le même
journal « Mi-février, de retour d’une
mission au Mali, le ministre français de
la coopération, Henri de Raincourt,
avait avancé un bilan de 82 morts et
fait état de « méthodes barbares et
expéditives » dans l’exécution des
victimes ».
Le quotidien malien l’Essor du 17
février 2012 écrit : « Du 18 au 24
janvier dernier, la localité d’Aguelhoc
au nord du pays a été brutalement
attaquée par des éléments se réclamant
du Mouvement national pour la libération
de l’Azawad (MNLA). Des dizaines de
militaires des forces armées et de
sécurité ont été faits prisonniers avant
d’être froidement exécutés, les mains
entachées dans le dos, avaient témoigné
deux jours plus tard, les élèves de
l’Institut de formation des maitres
lesquels avaient pu s’échapper de cet
enfer »
Les déclarations du gouvernement
français « désapprouvant » cette
indépendance mais ne la condamnant pas
fermement ne sont qu’une imposture. Le
président Sarkozy déclara :
«
il faut travailler avec les Touareg pour
voir comment ils peuvent avoir un
minimum d’autonomie » [Le Monde du 13
avril 2012]
Pourquoi ignore t-il les
accords de paix entre le gouvernement
malien et le Mnla, signés à Tamanrasset
sous l’égide du gouvernement algérien le
6 janvier 1991? N’y aurait-il pas là une
certaine volonté manifeste de torpiller
la médiation algérienne afin de
réaffirmer sans complexe la suprématie coloniale de la France dans son
pré-carré ? S’agissant de l’autonomie
des 6ème et 7ème
régions du nord du Mali, le procès
verbal de cet accord stipule :
« Les
deux parties ont convenu que les
populations des trois régions du nord du
Mali géreront librement leurs affaires
régionales et locales par le biais de
leurs représentants dans des assemblées
élues, selon un statut particulier
consacré par la loi ».
De quelle «autonomie» nouvelle
qu’évoquait subtilement le président si
ce n’est l’indépendance autoproclamée de
l’Azawad dont la France est la cheville
ouvrière ?
A l’heure où les impérialistes
occidentaux, malgré leurs rivalités
internes inhérentes au système
capitaliste, s’associent militairement
pour recoloniser l’Afrique, ne serait-il
pas suicidaire pour notre continent de
favoriser sa balkanisation en aidant à
la réalisation de leur doctrine
«
diviser pour régner»? Le Mnla
cantonné dans «l’Azawad » land serait
une proie encore plus vulnérable pour
prédateurs occidentaux qui le dépèceront
davantage en (Azawad
occidental, oriental, centre, nord,
sud…) au gré de leur boulimie
d’exploitation en appliquant la même
stratégie d’indépendance programmée. Ils
inciteront plus tard d’autres
populations (Songhaï, Maures, Bambara,
Peuls, Dialonke, Mossi, Bambara...) qui
vivent dans cette région septentrionale
du Mali à proclamer aussi
unilatéralement leurs indépendances.
L’exploitation capitaliste des peuples
africains se traduit par le bonheur et
le bien-être croissant des prédateurs.
Le Mnla serait piégé dans
des accords de dupes avec
les puissances
impérialistes qui
l’auraient encouragé et soutenu dans sa proclamation unilatérale
d’indépendance de l’Azawad le 6 avril
2012. Les Touareg déchanteront et leur
réveil sera brutal. Les
peuples africains se doivent d’intégrer
dans leurs actions la
dimension panafricaine de notre riche
continent qui est devenu
aujourd’hui au 21ème siècle
l’enjeu majeur de géostratégie pour les
puissances impérialistes occidentales.
Les puissances impérialistes notamment
la France et les Usa sont en rivalité
entre elles d’une et d’autre part avec
les puissances émergeantes notamment la
Chine pour l’exploitation des
gigantesques ressources minières
(pétrole, gaz, uranium, or, phosphate
bauxite, manganèse…) du
sahara. La position
géostratégique de la région
saharo-sahélienne attise aussi les
convoitises de ces deux puissances
occidentales. A cette effet, depuis
2002, les USA ont élaboré
le
Pan Sahel Initiative (PSI)
qui deviendra en 2004 Trans-Sahara
Counter Terrorisme Initiative (TSCI),
dont l’objectif officiel est d’aider les
forces de sécurité des pays riverains et
limitrophes du Sahara (Niger, Mali,
Algérie, Tchad, Maroc, Tunisie,
Mauritanie, Sénégal, Ghana) à contrôler
les frontières et à lutter contre les
activités illégales et le terrorisme
incarné par Aqmi
[Source :
globalsecurity.org
du 26 mars 2012].
Des manœuvres et entrainements
militaires ont eu lieu entre les unités
des ces armées africaines et les troupes
étatsuniennes sur notre continent. La France, quant à elle dispose
des bases en Afrique (Tchad, Djibouti,
Gabon, Côte d’Ivoire, Sénégal,
Centrafrique) et des accords de
coopération ou de défense avec un
certain nombre de pays de la
Françafrique. Ces structures lui
permettent de maintenir sa domination
voire de bombarder le palais présidentiel au cas où
le dirigeant africain
manifesterait des velléités
d’indépendance, d’insoumission comme le
fut le président Laurent Gbagbo en Côte
d’Ivoire.
LA NR/
Certains évoquent la reprise du célèbre
plan d’Alain Peyrefitte sur la création
d´un Etat pour les Touaregs, chevauchant
sur quatre pays, le Nord du Niger et du
Mali, le sud de l´Algérie, le sud et
l´ouest de la Libye. Partagez-vous cet
avis ?
Je partage cette analyse. En effet,
l’activisme militaire de la France
autour du Sahara l’atteste. La question du Sahara
a toujours été l’une des
préoccupations majeures de
l’impérialisme français suite à la
guerre de libération nationale du FLN.
L’intérêt de l’hexagone pour cette
région africaine est d’autant plus aigu
avec la montée en puissance de la Chine
dans le domaine économique sur le
continent. Cette « intrusion » chinoise
dans le pré-carré a affaibli
considérablement la suprématie impériale
de la France. Son sursaut impérialiste
se traduit par un activisme guerrier
dans cette région africaine (Libye,
Mali, Tchad, Niger, Mauritanie). La
France s’attellerait à concrétiser son
vieux projet de 1957 de créer
l’Organisation Commune des Régions
Sahariennes (OCRS).
Cette structure consistait à rassembler
les régions sahariennes d’Algérie, du
Mali, de Mauritanie, du Niger et du
Tchad dans un ensemble unique sous
contrôle de l’ancienne puissance
coloniale.
Les troubles qui affectent cette région
ces dernières années par exemple celui
du nord Mali frontalier avec le Sahara
algérien, impliquerait la France. Selon
l’universitaire malien
Dr ASSADEK
aboubacrine, un deal a été conclu entre
la France et le Mlna en ces termes :
« Le deal convient que la France
s'engage à soutenir financièrement,
diplomatiquement et stratégiquement les
séparatistes jusqu'au bout (c'est-à-dire
jusqu'à l'atteinte de leur objectif). En
contrepartie, les séparatistes devront
s'engager à éradiquer l'Aqmi du nord du
Mali et aussi à confier aux sociétés
françaises l'exploitation du pétrole du
nord.» [Sites : Blog regardscroises du
7.04.2012, Rfi du 10.04.2012 et
Médiapart du 18.04.2012]
La question du Sahara fut déjà à la
veille des indépendances des colonies
africaines, une des préoccupations
majeures de la France. En effet, elle
voudrait amputer l’Algérie de son sud
(Sahara algérien), provoquant ainsi
l’échec des premières négociations
franco-algériennes d'Evian entre le 20
mai et le 13 juin 1961 et les
pourparlers de Lugrin du 20-28 juillet
1961. Le Front de Libération
Nationale(FLN) organisa des
manifestations populaires dans tout le
pays. Comme un seul homme, le peuple
algérien a pour exprimer son indéfectible attachement à
l'intégrité du territoire national et son soutien au
FLN et au Gouvernement
provisoire de la République
Algérienne(GPRA).
LA NR/
On suspecte notamment la main des
services de renseignements français dans
cette nouvelle crise malienne ?
Etes-vous de cet avis ?
Les guerres de l’ombre ou secrètes que
mènent les services secrets occidentaux
pour recoloniser l’Afrique sont une réalité. En Libye comme
en Côte d’Ivoire, les agents de la DGSE
étaient en action. Il en
est de même pour le Mali aujourd’hui. Au Mali,le deal conclu entre la
France et le Mnla évoqué précédemment se
trouve renforcé par la croisade
guerrière dirigée par la France contre
la Libye, son rôle dans les
prises d’otages au Niger et Mali, ses
implications militaires au Niger, en
Mauritanie et au Tchad dans les affaires
d’otages. Cette cartographie qui épouse
les contours du Sahara et qui cerne
l’Algérie, confirme si besoin est, les
interventions des services de
renseignements français. Cette guerre de
l’ombre est un prélude à la « vraie
ouverte» contre l’Algérie et pour cause.
Dans cette région, la République
Algérienne Démocratique et Populaire(RADP)
est incontestablement la plus
puissante et importante. Elle est aussi
indépendante, insoumise depuis la
victoire du FLN en 1962 sur
l’impérialisme français. La RADP empêche
de facto la réalisation du projet de 1957
d’Alain
Peyrefitte de la création d´un état saharien Touareg, le
contrôle de la bande Saharo-sahélienne
(riches en richesses minières
stratégiques) par les puissances
occidentales. En conclusion la RADP doit
être déstabilisée voire détruite afin de
voir se réaliser les projets des
impérialistes.
Le
quotidien algérien
Le Temps d’Algérie
du 11 septembre 2011 écrit :
« Les
services de renseignements français qui
organisent le trafic de missiles libyen,
un lot de 20 000 Sam 7 russes et
Stringer américains passé aujourd’hui
aux mains d’Al Qaïda au Maghreb (Aqmi),
avaient planifié au début des années
1990, la révolte des Touaregs dans le
nord du Mali. Une rumeur sur la
prétendue arrestation de Akhamoukh,
véhiculée par ces services secrets au
moment de l’affaire Hadj Batou, avait
été exploitée pour élargir
l’insurrection dans l’Azaouate à la
région de Tamanrasset ».
D’autres
sources affirment par
ailleurs que parmi les 7 otages
occidentaux détenus au Sahara par Aqmi,
l’un d’entre eux serait un agent des
services secrets français, la DGSE.
Cette guerre secrète que mène la France
sous prétexte d’infiltrer les réseaux
terroristes afin de les combattre ou de
libérer les otages, n’aurait-elle pas
aussi d’autres objectifs que ceux
invoqués? L’Algérie a connu des années
noires, elle a su faire face
courageusement toute seule et vaincre
les terroristes. A qui profiterait une
nouvelle déstabilisation de
ce pays africain? Curieuse coïncidence
ou pur hasard, on observe les
accointances entre les impérialistes
occidentaux et Al quaïda ces derniers
temps : En Libye, M. Abdelhakim Belhaj,
l'un des chefs militaires rebelles,
aujourd'hui gouverneur militaire de
Tripoli, un djihadiste bien connu des
services secrets américains et son
groupe, ont été aidés par Sarkozy-Obama-Cameron
et les bombes de l’Otan pour prendre le
pouvoir a Tripoli au sein du CNT. A
propos de cet homme, le quotidien
français Le Monde daté du 26.08.2011 écrit :
« Plus
connu de la CIA sous le nom d'Abou
Abdallah Al-Sadek, il est l'un des
fondateurs et même l'émir du Groupe
islamique combattant (GIC) libyen, une
petite formation ultra radicale qui,
dans les années précédant le 11
septembre, possédait, au moins deux
camps d'entraînement secrets en
Afghanistan »
Une configuration similaire de cette
alliance contre nature est en cours en
Syrie contre le président Bachar Al
Assad. L’Algérie et son juteux Sahara
échapperaient t-ils à ce plan diabolique
des impérialistes? Il est
de notoriété publique que le prétexte de
«lutte» contre Aqmi et autres
groupuscules terroristes au Sahara,
invoqué par les prédateurs occidentaux,
masque en réalité leur farouche volonté
de s’incruster et
d’installer leurs bases militaires. Ils
pourraient ainsi garantir le pillage à
ciel ouvert et à haut débit des immenses
richesses minières de la région
saharo-sahélienne au détriment de l’Afrique.
Le schéma classique de la nouvelle
stratégie des impérialistes pour
recoloniser l’Afrique et les autres pays
du sud dirigés par des présidents
insoumis, repose sur les actions
déstabilisatrices des services secrets.
Voici par exemples quelques pays qui
sont dans la ligne de mire, en cours de
déstabilisation ou ceux
déjà victimes: l’Algérie de Bouteflika,
la Libye de Kadhafi, la Côte d’Ivoire de
Gbagbo, le Zimbabwe de Mugabe, La Corée
du Nord de Kim Jong Un, l’Iran d’Amedinajad, le Venezuela
de Chavez, Cuba de Castro, la Bolivie de
Morales, la Syrie de Bachard Al Assad…Les
puissances impérialistes envoient leurs
agents de sur les terrain, fomenter des
troubles, infiltrer et dévier les
mouvements normaux de revendications
sociales existants de leurs objectifs
initiaux, livrer une guerre médiatique
en relatant généralement les prétendus massacres des
populations civiles par les
régimes... La suite vous la connaissez.
Les puissances impérialistes encore
appelées « communauté internationale
» imposent alors une résolution au
conseil de sécurité permettant ainsi de
légitimer les bombardements des pays, de
capturer ou d’assassiner les dirigeants
wanted et enfin de recoloniser
légalement les pays et pratiquer le
pillage à haut débit et à ciel ouvert
avec l’aval du Conseil de sécurité de
l’Onu. Hier, les pays tels
Haïti, Irak, Côte d’Ivoire, Libye
étaient victimes de cette guerre de
l’ombre. Au Mali, cette guerre est en
cours. A qui demain le tour? L’Afrique
doit réagir énergiquement et
collectivement contre cette guerre de
recolonisation qui nous est imposée.
C’est une question de survie de notre
continent et des peuples.
LA NR/
Selon l’agence chinoise Xinhua du 26
mars 2012 : « Le Ministère français des
Affaires étrangères a réitéré le 26 mars
son exigence du «retour à l'ordre
constitutionnel » au Mali. Pour vous
c’est une déclaration de guerre.
Pourquoi ?
L’impérialisme français a toujours eu un mépris atavique à l’égard des
états subsahariens. Ce constat est
insupportable, humiliant et dégradant
pour l’Afrique. Les indépendances
nominales de 1960 n’ont rien changé dans
l’attitude de la France car elle détient
tous les leviers qui lui permettent
d’asservir nos états. Les déclarations
du Ministère français des Affaires
étrangères sur le
«retour à l'ordre
constitutionnel »
est effectivement
une déclaration de guerre contre le
peuple malien qui a osé lever la tête. Cette déclaration est aussi un
ordre qui
traduit
cette réalité du rapport «
Maître-Esclave » que la France voudrait
maintenir pour l’éternité contre la
volonté d’émancipation des peuples du
pré-carré français d’Afrique. Il serait
utile de rappeler les trois principaux leviers qui permettent à la
France de tenir en laisse les états du
pré-carré français d’Afrique :
- La Monnaie :
Parmi les premières mesures de rétorsion
imposées par la France contre le CNRDRE et les organisations
affiliées, la plus importante est le
blocage des avoirs dans les
banques des pays membres de la Cédéao.
Le Mali appartient à la zone monétaire
du FCFA que dirige la France. Une
asphyxie monétaire et économique du pays
aurait des effets immédiats. Rappelons
pourquoi cette monnaie est contraire au
développement de l’Afrique. Créé le 26
décembre 1945 par la France, le FCFA «
Franc des Colonies françaises d'Afrique
» est appelé à partir de
1958 « Franc de la Communauté Française
d'Afrique ». Il est utilisé par quinze
(15) anciennes colonies françaises
d’Afrique. Le FCFA étant
lié à l’Ex-Franc Français (FF) se retrouve aujourd’hui sans l’avis
des africains avec une dévaluation sans
précédent dans la zone Euro (1
euro =
655,957
CFA). Une telle parité
monétaire permet aux puissances
impérialistes, notamment à la France de
piller nos ressources naturelles et non
de les acheter à leur juste prix. De
plus, se sont les multinationales
occidentales qui spéculent en bourse sur
les cours des matières premières.
Afin de garantir la stabilité de FCFA
avec un taux de change fixe arrêté la
France, cette dernière a
imposé aux 15 pays africains de placer 65% de leurs recettes
d’exportation encore appelées réserves
de change en devises étrangères sur un
compte du Trésor français. Une
domination et un vol qui ne permettront
jamais un développement de nos états et
le bien-être des masses populaires
africaines. Prenons un exemple : si le
Tchad vend du pétrole pour une valeur d’un milliard de dollars, il a
l’obligation de laisser un
dépôt de 650 millions de dollars sur son
compte domicilié au Trésor Français à
Paris. Cet argent enrichit de toute
évidence l’hexagone. La Banque de France
dispose ainsi et gratuitement
d’importantes réserves en devises
étrangères et de liquidités permettant à l’état français de faire face aux
dépenses courantes alors que les
travailleurs africains cumulent des
retards de paiement de plusieurs mois
parfois par manque de liquidités. Cette
servitude coloniale monétaire est aussi
caractérisée par l’absence d’une
politique monétaire
indépendante conforme au
développement et aux intérêts des
peuples, car la France
dispose le droit de véto au sein des conseils d’administration des
Banques centrales africaines (BEAC et
BCEAO).
- La Défense et la Sécurité :
Les accords militaires et de sécurité
conclus avec les états
africains, la présence des bases
militaires françaises sur le continent,
permettent à l’hexagone de tout
surveiller et d’exercer des pressions
militaires sur les gouvernements.
- La Diplomatie :
Elle dépend de deux premières. Les états
de la Françafrique, non seulement sont
pillés économiquement, mais ils
constituent un socle sur lequel la
France s’appuie pour pouvoir avoir
encore le statut de puissance moyenne à
l’Onu en faisant entendre sa voix. Au
demeurant, rappelons que les dirigeants
(Gouverneurs-délégués) de la France en
Afrique, imposés aux peuples et soutenus
par Paris, votent comme un seul homme
derrière lui à l’Onu. Ces Harkis de
l’impérialisme français sont aussi
coupables de la tragédie
ivoirienne, libyenne et de la recolonisation de ces deux pays.
Au niveau de la crise malienne, nous
avons assisté à l’exécution servile des
oukases de la France contre le Mali par
les Harkis de la Cédéao dirigés par
Ouattara. Ce dernier furieux par la manifestation de soutien
au CNRDRE organisée par le MP22, brûlait
d’impatience pour envoyer 3000 hommes
grâce à la logistique de l’armée française d’occupation en Côte
d’Ivoire pour massacrer les maliens et
rétablir l’ordre colonial. Quelle
humiliation pour notre continent !
LA NR/
Vous considérez la crise malienne comme
une recrudescence des agressions
impérialistes occidentales contre
l’Afrique, afin de la recoloniser ?
Pouvez-vous explicitez davantage ?
En l’espace d’une année, deux guerres de
rapine et de recolonisation ont été
livrées contre l’Afrique. La Côte
d’Ivoire et la Libye sont aujourd’hui
sous occupation impérialiste
occidentale. La crise malienne est une
extension de la croisade
guerrière contre la Libye. Cette guerre
embrasera incontestablement toute la
région Saharo-salienne. Mais cette
fois-ci, la stratégie de l’impérialisme
est d’abord de déstabiliser, d’affaiblir
puis d’occuper toute la région
Saharo-sahélienne qui renferme de
gigantesques ressources stratégiques
(Pétrole, gaz, uranium, wolfram, or)
mais aussi pour sa position
géostratégique. Le vieux projet d’Alain
Peyrefitte de 1957 de
création d´un état saharien
Touareg est sorti des tiroirs de la
Françafrique. La proclamation
unilatérale de l’indépendance de l’Azawad
le 6 avril 2012 au nord du
Mali par le Mlna n’est pas fortuite.
Elle concrétise le dessein de la France.
Si le Mali a été choisi en premier pour
ce projet saharien, c’est pour la
proximité immédiate de l’Azawad avec le
Sud algérien où se trouve
la ville la plus importante de tout le
Sahara, Tamanrasset. D’une part et
d’autre part le Mnla a conclu un deal
avec la France. La présence
de la République Algérienne
Démocratique et Populaire (RADP)
indépendante et insoumise
dans cette région du Sahara, empêche
incontestablement la concrétisation du
grand projet impérialiste pour le Sahara
par conséquent, cet état africain est
dans la ligne de mire des prédateurs
occidentaux qui rêvent par ailleurs de
le plonger dans le chaos, le dépecer à
l’instar de la Libye.
L’impérialisme impose à l’Afrique des
guerres de recolonisation. Nous avons le
devoir et le droit de nous défendre.
LA NR/
Cette « gangrène » qui a touché la Libye
(actuellement en proie à une guerre
civile généralisée), la Côte d’ivoire et
maintenant le Mali, va-t-elle s’étendre
à d’autres pays africains ou s’arrêter à
ce niveau ?
La crise monétaire et économique du système capitalisme qui frappe
les puissances impérialistes depuis
2008, la montée en force des pays
émergeants Brésil, Russie, Chine,
Afrique du Sud (BRICS)
notamment la Chine, se traduit par le
déclin irréversible des anciennes
puissances occidentales. Dans l’espoir
de pouvoir maintenir leur rang politique
sur la scène internationale, leur haut
niveau de vie par le pillage des
ressources des pays du sud, les
puissances impérialistes se sont fixés
pour objectif la
recolonisation de l’Afrique, cet «
espace vital ». Elles
déclenchent sans complexe des guerres
meurtrières de rapine certifiées par les
résolutions scélérates du conseil de
sécurité de l’Onu. Hier, c’étaient la Côte d’Ivoire et la Libye.
Aujourd’hui, c’est au tour du Mali qui
est en déliquescence programmée par les
impérialistes. A qui demain le tour si
l’Afrique si l’Afrique ne s’organise pas
collectivement pour se défendre ? Le
Mali subirait le même sort suivant la
stratégie française éprouvée en Côte
d’Ivoire où un nervi de la Françafrique
a été imposé et certifié par l’Onu et la
France. Rappelons que la France a
sanctuarisé la région nord de Côte
d’Ivoire où s’étaient retranchés les
rebelles Ouattara et Soro, permettant
ainsi à ces derniers de se renforcer
militairement avant de les introniser
suite au coup d’état de l’armée
française le 11 avril 2011 contre le
président légitime et insoumis Laurent
Gbagbo.
Cette offensive de recolonisation de « l’espace vital » par les prédateurs occidentaux
s’étendra à toute l’Afrique si nous
laissons faire. Stoppons par tous les
moyens cette boulimie de reconquête
occidentale de l’Afrique. Nous devons
nous organiser collectivement à
l’échelle continentale pour vaincre cette guerre qui nous est
imposée. C’est la légitime défense car
il y va de l’existence de notre
continent et des africains.
La NR/
Malgré la situation actuelle, vous êtes
de ceux qui semblent confiant quant au
sursaut d’orgueil des enfants de
l’Afrique. Dans quelle mesure cela
pourrait-il déjouer les complots tramés
par les Occidentaux afin de s’accaparer
les richesses africaine ?
Les deux événements majeurs du début de
ce 21ème siècle qui
marqueront à jamais les consciences des
masses populaires africaines sont :
-
les bombardements du palais présidentiel
de Côte d’Ivoire par l’armée française,
causant la mort de plusieurs centaines
d’ivoiriens, la capture et la
déportation à la Haye du président
légitime Laurent Gbagbo
pour y être jugé par la
CPI, un tribunal raciste anti africain
-
la croisade contre la Libye par le trio criminel Sarkozy-Obama-Cameron,
dirigée par le président Sarkozy. Les
bombardements des forces de l’Otan ont
causé la mort de plus de 100.000 libyens
et enfin l’assassinat du
Guide Kadhafi par ces mêmes
impérialistes et leurs supplétifs Harkis
du CNT de Benghazi. Le pays jadis
développé est aujourd’hui transformé en
un champ de ruines.
Une conscience militante de lutte
anti-impérialiste chez des jeunes prend
de l’ampleur. Ils affirment leur
attachement au panafricanisme et à la
création des Etats-Unis d’Afrique (EUA),
un sublime projet initié par le héros
africain, le Guide Kadhafi et pour
lequel il fut assassiné par les
prédateurs occidentaux.
La balkanisation de l’Afrique programmée
par les impérialistes, sera mise en
échec par cette jeunesse conscientisée
qui sera le futur de notre continent.
Les EUA permettront la survie des
peuples africains. Si l’Afrique subit
encore cette domination occidentale,
c’est que certains
intellectuels africains, assoiffés de
pouvoirs personnels, sont devenus des
Harkis des impérialistes occidentaux.
Ils œuvrent en faveur des intérêts de
leurs Maîtres occidentaux contre ceux de
l’Afrique. Le comportement de traîtres,
indigne, abject et criminel de ces
«intellectuels-harkis», associé à celui
de certains Leaders politiques et chefs
d’états africains (Gouverneurs-délégués)
de la France en Afrique, a encouragé les
impérialistes occidentaux à commettre
des crimes contre l’humanité et à
infligé des humiliations à toute
l’Afrique en 2011.
Ces « Harkis-intellectuels » qui ont
applaudi les crimes impérialistes contre
l’humanité en Côte d’Ivoire et en Libye,
ces « Gouverneurs-Délégués » qui ont
voté les résolutions scélérates du
conseil de sécurité contre leur
mère-patrie, l’Afrique, commencent à
sentir la montée en puissance du sursaut patriotique anti-impérialiste de
la jeunesse. Ils seront contraints de se
soumettre à cette volonté populaire.
C’est aussi ça la vraie démocratie et
non celle qui a servi de prétexte par
les puissances prédatrices pour
recoloniser l’Afrique.
La «défense de la démocratie» et la
«protection des populations civiles»
sont les raisons toujours invoquées par
les puissances occidentales pour
intervenir militairement et recoloniser
l’Afrique. Cependant, force st de
constater aujourd’hui que le masque est
désormais tombé. En effet, les pays sous
occupation (Côte d’Ivoire et Libye) ne
sont ni démocratiques, ni pacifiés.
L’arbitraire et le désordre sont
institutionnalisés règnent.
Face à cette imposture démocratique et à
la recolonisation de l’Afrique, la
résistance anti-impérialiste
s’organisera et triomphera.
Je reste optimiste pour l’avenir de
l’Afrique car le sentiment de révolte qui tonne chez les jeunes et la
paupérisation exponentielle des masses
populaires se transformeront en une
révolution, qui comme un Tsunami brisera sur son passage les chaînes de
l’esclavage.
Un sursaut patriotique est encore
possible car notre continent doit
exister et devenir la superpuissance du
prochain siècle. L’Afrique, vaste
continent, dispose en effet, des
colossales ressources humaines,
naturelles minières… indispensables à
son envol vers cet objectif. L’absence manifeste de volonté politique
chez certains dirigeants inféodés aux
impérialistes et dont la mission est de
torpiller le projet des
EUA, résisterait-elle encore longtemps à
la volonté des peuples tant humiliés,
exploités et méprisé par les puissances
impérialistes occidentales et leurs
valets?
Les peuples algériens et vietnamiens
conscientisés, déterminés ont vaincu les
puissantes armées impérialistes
françaises et étasuniennes. Un tel
objectif à l’échelle des EUA serait d’autan plus facile que le niveau global
de notre développement s’est largement
amélioré en comparaison
avec celui de la période des luttes de
libération nationale.
La NR/
Affaiblir le Mali pour le soumettre ?
Quels sont les enjeux que représente le
Mali dans cette nouvelle crise ?
Serait-il une étape pour de nouvelles
escalades déstabilisatrice dans la
région ?
En permettant aux Touaregs de s’équiper
en armements depuis les arsenaux
libyens, en les laissant
transiter librement par le Niger(qui est
sous son contrôle) pour rejoindre au
final le nord du Mali, frontalier avec
le Sahara algérien (Tamanrasset),
l’impérialisme français vise quatre (4)
objectifs :
-
affaiblir le Mali afin de
le contraindre à accepter l’installation
de la base militaire française à Mopti
car l’opinion publique en général est
très hostile à la présence des forces
étrangères dans le pays.
-
permettre aux entreprises françaises de
participer à l’exploitation de l’or
(confiée aux canadiennes), à
l’exploration du pétrole et d’autres
minerais. La France n’a pas digéré que
son pré-carré accueille d’autres
partenaires économiques.Toute velléité
d’insoumission est sanctionné par la
déstabilisation programmée du pays.
-
affaiblir les relations entre l’Algérie
et le Mali, surtout après les accords de
paix de Tamanrasset du 6 janvier 1991,
signés entre le Gouvernement malien et
le Mnla, sous l’égide de la
République Algérienne Démocratique et
Populaire (RADP).
-
contrôler la région Saharo-sahélienne
pour sa position géostratégique et ses
immenses richesses minières
stratégiques. A cet effet,
l’impérialisme voudrait à tout prix
déstabiliser la RADP voir l’amputer de
sa partie saharienne si besoin est, afin
de ressusciter le projet de 1957 d’une
région française au Sahara. Le choix du Mali pour cette
criminelle opération tient à sa
proximité directe avec Tamanrasset. La
proclamation unilatérale de l’Azawad par
le Mlna concoure à ce projet de
l’impérialisme français malgré ses
déclarations hypocrites sur le respect
de l’intégrité du Mali. Son deal avec le
Mnla cité plus haut montre
son vrai visage.
La NR/
Avec l’instabilité en Libye et au Mali
comment voyez-vous le rôle et la place
de l’Algérie au milieu de ce brasier, si
l’on peut le qualifier ainsi ?
La République Algérienne
Démocratique et Populaire(RADP),
je préfère l’appelle littéralement car
cela évoque dans l’esprit de tous les
patriotes africains révolutionnaires
l’épopée glorieuse de la lutte de
libération du pays, héroïquement menée
par le Front de Libération Nationale
(FLN) contre l’impérialisme français. Ce
même impérialisme hexagonal a repris
aujourd’hui le haut de pavé en
déclenchant des guerres de rapine et de
recolonisation de l’Afrique par exemple
en Côte d’Ivoire, en Libye et en cours
de réalisation au Mali. Ce brasier
allumé à dessein par les impérialistes
en Afrique pour la balkaniser selon leur
principe de
« diviser pour régner ».
Ces guerres de recolonisation, nous
incite à relire l’histoire des luttes de
Libération de notre continent. L’exemple
de la RADP reste une source
d’inspiration et à ce titre, nous
estimons qu’elle a un rôle historique
important à jouer dans la lutte anti
impérialiste et contre la recolonisation
de l’Afrique. Nous avons dans des
déclarations de notre Parti, ACTUS/prpe,
relatives aux situations en Côte
d’Ivoire, Libye et Mali, fustigé les
guerres impérialistes de la France en
Afrique. Nous avons exprimé notre
solidarité avec le
peuple
algérien, qui en 1962 a infligé une
cuisante défaite aux troupes coloniales
françaises, arrachant son indépendance.
Cette humiliation infligée à la France
par
les vaillants
moudjahidines ou « Fellagas » de l’Armée
de libération nationale (ALN) bras armé
du FLN, resterait encore tenace
dans la mémoire de la puissance
coloniale qui voudrait à tout pris
prendre sa revanche afin de piller le
pétrole et le gaz dont elle en est
dépourvue.
Après
l’exécution de son plan criminel en
Libye, au Mali, deux états frontaliers
de la RADP, l’impérialisme français ne
s’arrêterait pas en si bon chemin. La
déstabilisation de la RADP prendrait son
envol par l’activation des antagonismes
régionaux (Berbères,Kabile,Arabe,Touareg…)ou
des réseaux confessionnels islamistes (Aqmi,
Gia,
GSPC)…Cependant, nous souhaitons
et espérons que l’esprit révolutionnaire
et nationaliste du FLN d’antan,
resurgisse afin d’infliger un second
échec à toute velléité de balkanisation
et de reconquête de la RADP. Cette
dernière est dans la ligne de mire des
prédateurs occidentaux notamment de la
France qui rêve encore de réaliser son
projet du Sahara français de 1957. Après
l’indépendance du pays, la RADP a aidé
de nombreux mouvements de libération des
pays du sud. Aujourd’hui, plus que
jamais, ce devoir internationaliste
prend tout son sens et importance en
Afrique face à la recolonisation occidentale
rampante de notre continent.
La RADP devrait perpétrer cette noble
tradition révolutionnaire car
l’impérialisme n’a guerre changé. Il a
muté sous la forme de la « communauté
internationale » constituée en réalité
des Usa, France et Grande Bretagne.
C’est ce trio qui impose au Conseil de
sécurité sa volonté impériale par des
résolutions scélérates et criminelles en
Côte d’Ivoire, Libye. La RADP indépendante et insoumise, ne
serait-elle pas la prochaine cible de
ces puissances prédatrices ? Ces
dernières ne se seraient-elles pas
alliées à Aqmi-CNT en Libye pour
assassiner le Guide Kadhafi, tuer
100.000 libyens par bombardements afin d’occuper le pays ? La défense de la RADP
commencerait aussi par son aide à tout
pays africain visé par les actions
multiformes de recolonisation
impérialiste. C’est à ce niveau que la
patrie du FLN devrait jouer un rôle
important décomplexé et ce d’autant plus
que la sous région Saharo-Sahélienne est
convoitée par les puissances
occidentales assoiffées des ressources
minières stratégiques et d’installation
des bases militaires. Nous pensons que
si la RADP s’était
impliquée davantage aux côtés de la
Libye, elle aurait incontestablement
imposé et entraîné l’Union Africaine
(UA) à résister ensemble
aux impérialistes.
Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm
Publié sur
La Nouvelle République
Le sommaire de Chérif Abdedaïm
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