Entretien
Inutile de rêver d’une Syrie jouet de
l’Occident,
ce rêve ne se réalisera pas !
Bachar al-Assad
Entretien du 26 Août avec le journal
russe Izvestia
1. Monsieur le
Président, aujourd'hui la question
essentielle concerne la situation sur le
terrain. Quelles sont les régions du
pays toujours contrôlées par les
rebelles ?
En ce qui nous
concerne, la question ne se résume pas à
dire quelles sont les régions contrôlées
par les rebelles et quelles sont celles
contrôlées par l’Armée nationale, car
nous n’avons pas à faire à une
occupation territoriale traditionnelle
par un ennemi précis pour réfléchir de
cette manière.
Nous faisons face à
des terroristes qui se sont infiltrés
dans des villages et des zones
périphériques de villes où ils sèment
ravages et destructions... Ils tuent des
civils innocents qui les rejettent et
condamnent leurs actions... Ils
démolissent les infrastructures... La
police, les forces de sécurité et
l’Armée se mobilisent pour les repousser
et les éliminer... Ceux qui en échappent
gagnent d’autres régions et ainsi de
suite... Par conséquent, l'essence même
de notre action est d’éradiquer le
terrorisme.
Le problème que
nous rencontrons et qui fait que la
situation perdure est l'afflux d’un
grand nombre de terroristes venus de
l’étranger... des dizaines de milliers
et plus... Leur soutien financier et
militaire se poursuit... nos frappes se
poursuivent aussi, et je vous assure
qu’il n’y a pas un endroit où l'Armée
nationale syrienne est intervenue sans
réussir à les éliminer.
La majorité d’entre
eux sont des Takfiristes ayant adopté la
doctrine d'Al-Qaïda, le reste consiste
en un petit nombre de hors-la-loi. C’est
pourquoi nous ne pouvons parler de qui
contrôle quoi... Partout où le
terrorisme frappera, nous frapperons !
2. Pourtant, les
grands médias occidentaux affirment que
les terroristes contrôlent 40% à 70% du
territoire syrien. Que contrôle vraiment
l’État syrien ?
Pas un seul état au
monde n’est capable de déployer son
armée, toute équipée, sur tout son
territoire. Les terroristes exploitent
cette situation et tentent de pénétrer
dans toutes les zones où l'armée est
absente. Ils se déplacent d'une région à
l'autre et à chaque fois que nous avons
décidé de pénétrer une région où ils
s’étaient installés nous les avons
éradiqués. Je le répète, le problème
n'est pas la superficie des territoires
contrôlés par les terroristes, laquelle
varie d’heure en heure et de jour en
jour. Le problème est le grand nombre de
terroristes venant de l'étranger.
Le critère qui
compte est la réponse à la question :
« Est-ce que l’Armée arabe syrienne a pu
éliminer les terroristes dans toutes les
régions où elle est entrée en
action ? ». Je réponds : très
certainement oui, et elle continue !
Mais leur éradication totale demande du
temps, car ce type de guerre ne peut se
terminer d'un coup. C’est ce qui fait
que nous payons et que nous payerons un
lourd tribut avant de réussir à tous les
éliminer.
3. Monsieur le
Président, vous avez parlé de
combattants islamistes extrémistes et
takfiristes qui envahissent la Syrie...
Sont-ils des groupes indépendants les
uns des autres qui se battent ici ou là,
ou bien font-ils partie d’une grande
puissance qui cherche à mettre fin à la
sécurité et à la stabilité dans tout le
Moyen-Orient, y compris en Syrie ?
Ils sont les deux à
la fois, dans le sens où ce qui les
rassemble est la doctrine et la source
de financement, leur pensée étant
extrémiste et takfiriste puisée chez des
individus tels Al-Zawahiri et leur
financement étant souvent puisé à des
sources pratiquement similaires et
parfois identiques. Ce qui les distingue
est leur travail sur le terrain, car ce
sont des groupements divisés et
incohérents, chacun d’entre eux
obéissant à une direction indépendante
et à des ordres différents.
Ceci dit, il est
évident que c’est celui qui finance qui
tient le gouvernail. Autrement dit, les
pays qui les soutiennent idéologiquement
et financièrement comme l’Arabie
saoudite, par exemple, peuvent très
facilement les influencer et guider
leurs actions directement ou
indirectement. Ainsi lorsque ce pays
déclare que le devoir de tout musulman
est de mener le Jihad en Syrie, des
milliers de combattants arrivent chez
nous pour ce faire. Celui qui arme et
finance fait en sorte qu’ils exécutent
ses ordres : terroriser et détruire !
Oui, ils sont
souvent les deux à la fois. Je vous ai
donné l’exemple de l’Arabie saoudite qui
les dirige par son idéologie wahhabite
et les soutient avec son argent.
4. Le gouvernement
syrien parle d’une relation étroite
entre Israël et les terroristes. Nous
aimerions comprendre en quoi consiste
cette relation, alors que le simple nom
d’Israël les pousse aux déclarations
hystériques et fortement haineuses !
Si tel était le
cas, comment se fait-il que lorsque nous
les frappons à notre frontière commune,
les forces israéliennes interviennent
contre les nôtres pour desserrer
l’étau ? Comment se fait-il que lorsque
nous les assiégeons, Israël leur ouvre
des brèches pour qu’ils puissent revenir
attaquer d’ailleurs ? Pour quelles
raisons Israël a-t-il attaqué l’Armée
nationale syrienne à plusieurs reprises
ces derniers mois ?
Ce n’est pas le
gouvernement syrien qui parle de
l’étroite relation entre Israël et les
terroristes. C’est Israël qui en parle.
Ne s’est-il pas vanté, plus d’une fois,
de prodiguer ses soins à des dizaines de
terroristes dans ses hôpitaux ? Cette
affirmation de votre part manque donc de
précision ; d’autant plus que si ces
groupes terroristes étaient si hostiles
à Israël au point de devenir hystériques
devant la simple prononciation de son
nom, pourquoi ont-ils combattu l'Union
soviétique hier ? Pourquoi s’en
prennent-ils à la Syrie et à l'Egypte
aujourd’hui ? Et comment se fait-il que
depuis trois décades, ils n’aient jamais
lancé la moindre opération contre
Israël ? Et pour en revenir à
l’essentiel, qui donc a créé ces groupes
terroristes ?
Ces groupes ont été
créés au début des années 1980 par les
États-Unis pour combattre l'Union
soviétique en Afghanistan [*]. Ils sont
soutenus par l’Occident en général et
sont financés par les Saoudiens. Par
conséquent, comment se pourrait-il que
ces groupes fabriqués par les États-Unis
et l'Occident s’en prennent à Israël ?
5. Monsieur le
Président, notre entrevue sera
probablement traduite en plusieurs
langues. Les dirigeants du monde, dont
ceux qui travaillent contre vous, vous
liront. Que leur diriez-vous ?
Nous avons certes
affaire avec de très nombreux hommes
politiques occidentaux, mais très peu
sont des hommes d'État. Certains ne
lisent pas l'Histoire ou n’en tirent
aucun enseignement. D’autres n’ont même
pas été capables de garder en mémoire
les événements plutôt récents de leur
propre Histoire. Ont-ils seulement
retenu les leçons de ces 50 dernières
années ? Ont-ils enregistré que depuis
le Vietnam, les politiciens qui les ont
précédés ont perdu toutes les guerres
qu’ils ont déclenchées ? Ont-ils retenu
que toutes leurs guerres n’ont pas
répondu à leurs espérances, mis à part
les destructions des pays visés et
l’effet déstabilisateur sur le
Moyen-Orient et d'autres régions du
monde ? Ont-ils compris que toutes ces
guerres n'ont pas réussi à convaincre
les peuples de la région de la justesse
de leur politique ni à susciter leur
sympathie ?
Un deuxième point
sur lequel j’aimerais attirer leur
attention. Il se résume à dire que le
terrorisme n'est pas un atout qu’on
garde dans sa poche pour le rejouer
quand et où bon nous semble... Le
terrorisme est comme un scorpion, il
peut vous piquer à tout moment. Dès
lors, vous ne pouvez pas soutenir le
terrorisme en Syrie et le combattre au
Mali, par exemple... Vous ne pouvez pas
soutenir le terrorisme en Tchétchénie et
le combattre en Afghanistan...
M’adressant aux
dirigeants occidentaux en particulier,
je dirais à certains d’entre eux que
s’ils cherchent à garantir « leurs
intérêts » ils feraient mieux de prêter
l’oreille aux peuples de la région et à
leurs peuples, au lieu de travailler à
installer aux commandes des
« marionnettes » censées leur permettre
d’atteindre leurs objectifs. Ce n’est
qu’ainsi que leur politique pourrait
devenir plus réaliste.
Et puisque vous
insistez pour que la Syrie délivre son
message au monde, je dirais qu’il est
inutile que qui que ce soit continue à
rêver d’une Syrie qui serait le jouet de
l’Occident, car ce rêve ne se réalisera
pas ! Nous sommes un pays indépendant,
nous combattrons le terrorisme et nous
construirons, en toute liberté, nos
relations avec les pays que nous
choisirons pour servir au mieux les
intérêts du peuple syrien.
6. Le mercredi [21
Août 2013], le gouvernement syrien a été
accusé par les rebelles d’avoir utilisé
des armes chimiques... Certains
dirigeants occidentaux ont adopté ces
accusations. Que leur répondriez-vous ?
Et allez-vous permettre aux inspecteurs
de l'ONU d’enquêter sur l'incident ?
À vrai dire, les
déclarations de l'Administration
étatsunienne et de certains pays
occidentaux, à ce sujet, traduisent leur
mépris de l’intelligence d’autrui et
leur irrespect à l’égard de leur propre
opinion publique.
Aucun État au monde
et a fortiori aucune superpuissance ne
lancerait une accusation pour ensuite se
mettre à en collecter les preuves. Or,
il se trouve que l'Administration
américaine a lancé son accusation
mercredi pour annoncer deux jours plus
tard qu’elle allait commencer à
recueillir les éléments de preuve !
La zone concernée
par cette attaque, qui est donc sous le
contrôle des rebelles, est contigüe aux
positions de l'Armée nationale syrienne.
Comment est-il possible qu'un État
utilise des armes chimiques ou de
destruction massive contre ses propres
forces ? C’est absurde ! Ces accusations
sont complètement politisées et sont
motivées par les avancées de l'Armée
arabe syrienne dans son combat contre
les terroristes.
Quant à la
Commission d’enquête de l'ONU, nous
avons été les premiers à la réclamer
lorsque des terroristes ont procédé à
des tirs de roquettes chargées de gaz
toxique dans la banlieue d'Alep. Il est
important de rappeler que plusieurs mois
avant cette attaque, les États-Unis et
l’Occident préparaient déjà l’opinion
publique à l’éventualité de
l'utilisation d'armes chimiques par
l’État syrien... C’est cela qui nous a
poussé à les soupçonner d’être au
courant des intentions des terroristes
quant à l’utilisation de ces armes pour
s’en servir dans leurs actes
d’accusation contre le gouvernement
syrien. Dès la première attaque chimique
et après concertation avec la Russie,
nous avons décidé de solliciter une
commission d’enquête sur le terrain.
Mais alors que nous attendions une
enquête basée sur les faits, les
États-Unis, la France et la Grande
Bretagne ont tenté d'exploiter la
situation en se fondant sur des rumeurs
et des allégations... et ils
continuent !
Ces dernières
semaines, nous avons travaillé avec la
Commission d’enquête pour définir les
bases de notre coopération. La première
est une ligne rouge indépassable et
concerne notre souveraineté nationale
exigeant l’organisation de tout le
processus en collaboration avec nous. La
deuxième est d’admettre que le problème
ne se restreint pas à savoir comment
sera menée l’enquête, mais aussi la
façon dont les résultats seront
interprétés devant les Nations-Unis.
Nous attendons donc une interprétation
objective des données de l’enquête et
certes, nous attendons aussi que la
Russie bloque toute mésinterprétation
visant à servir les agendas et intérêts
des politiques étatsuniennes et
occidentales. Il est crucial pour nous
que l’on puisse distinguer entre les
accusations occidentales fondées sur des
allégations et des rumeurs, et les
résultats d’une enquête que nous avons
demandée et qui doit se fonder sur des
preuves et des faits concrets.
7. Étant donné les
récentes déclarations de
l'Administration étatsunienne et
d'autres gouvernements occidentaux,
pensez-vous que les États-Unis qui n’ont
pas exclu la possibilité d’une
intervention militaire en Syrie puissent
se comporter de la même façon qu’en
Irak ? En d'autres termes, pensez-vous
qu’ils useront une fois de plus de
prétextes fallacieux pour intervenir
militairement en Syrie ?
Ce n'est pas la
première fois qu’est soulevée l’option
d'une intervention militaire. Dès le
début, les États-Unis, avec la France et
la Grande-Bretagne ont tenté de la
mettre en pratique. Malheureusement pour
eux, les événements ont pris un cours
différent et l'équilibre au sein du
Conseil de sécurité s’est établi contre
leurs seuls intérêts. Ils ont tenté
beaucoup de marchandages avec la Russie
et la Chine, mais en vain !
Les conséquences
négatives de leurs ingérences en Libye
et en Egypte n'étaient pas en leur
faveur. L’ensemble a fait qu’il leur est
devenu impossible de convaincre leurs
peuples et le monde de la justesse et de
la sagesse de leurs politiques.
Il en est ressorti
que la situation en Libye diffère de
celle de l'Egypte, laquelle est
différente de celle de la Tunisie, alors
que la situation syrienne est différente
de toutes les autres... Chaque pays a
ses particularités, ce qui fait qu’ils
ne peuvent plus jouer à appliquer le
même scénario à chaque fois et à tous
les États. Ils peuvent tout au plus
initier des guerres, mais ils ne peuvent
prédire jusqu’où elles les mèneront et
comment elles finiront ; ce qui les
conduit à réaliser que tous les
scénarios qu’ils ont concoctés échappent
à leur contrôle.
Désormais, il est
clair pour tout le monde que ce qui se
passe en Syrie n'est ni une révolution
populaire, ni un appel aux réformes. Ce
qui se passe en Syrie vise à détruire
l’État syrien au moyen du terrorisme.
Que diront-ils à leurs populations :
« Nous intervenons en Syrie pour
soutenir le terrorisme contre l'Etat
syrien » !?
8. À quoi se
heurteront les États-Unis s’ils
décidaient d’intervenir militairement ou
de déclarer la guerre à la Syrie ?
Ils se heurteront
au même obstacle auquel ils se sont
toujours heurtés depuis le Vietnam :
l’échec ! Les États-Unis ont mené de
nombreuses guerres, mais n'ont jamais
été en mesure d'atteindre les objectifs
politiques qu’ils s’étaient fixés par la
guerre, comme ils n’ont jamais réussi à
convaincre le peuple américain du bien
fondé de ce type de politique. Oui, les
grandes puissances peuvent déclencher
les guerres, mais peuvent-elles les
gagner ?
9. Monsieur le
Président, êtes-vous en contact avec le
Président Vladimir Poutine? Vous
entretenez-vous par téléphone? Si oui,
de quoi discutez-vous ?
Notre relation est
solide et remonte à de nombreuses années
avant la crise. Nous nous contactons de
temps à autre, mais il est évident que
la complexité des événements en Syrie ne
peut se discuter au téléphone. Nous
sommes en relation au travers des
responsables russes qui nous rendent
visite et des responsables syriens qui
se rendent à Moscou ; autant de contacts
menés loin des projecteurs et des
médias.
10. Monsieur le
Président, prévoyez-vous une visite en
Russie ou une invitation du Président
Poutine en Syrie?
C’est certainement
possible, mais les priorités actuelles
sont de travailler à alléger l’impact de
la violence en Syrie. Chaque jour nous
amène son lot de victimes. Mais, il est
évident que lorsque les circonstances
iront vers le mieux, ces visites dans un
sens ou l’autre devront avoir lieu.
Actuellement, nos responsables
respectifs gèrent bien cette relation.
11. Monsieur le
Président, la Russie s'oppose à la
politique étatsunienne et européenne, en
particulier en ce qui concerne le
dossier syrien. Que se passerait-il si
jamais la Russie acceptait des compromis
en votre défaveur ? Pensez-vous qu’un
tel scénario est possible?
Aujourd’hui, il est
important de ne pas examiner les
relations russo-américaines à travers la
seule crise syrienne qui ne représente
qu’un des aspects, mais de se placer
dans un contexte plus large et plus
global. Les États-Unis ont pensé
qu’après l'effondrement de l'Union
soviétique, la Russie était à jamais
achevée. Mais à partir de la prise de
fonction du Président Poutine, fin des
années 1990, la Russie a commencé à se
redresser progressivement pour retrouver
sa position parmi les nations. Du même
coup, la guerre froide entre ces deux
puissances a repris, mais d'une manière
différente et plus subtile.
Les États-Unis ont
joué sur plusieurs fronts en s'efforçant
de contenir les intérêts russes dans le
monde, et en tentant de modifier la
mentalité même du citoyen russe censée
se rapprocher de la mentalité
occidentale en termes de culture et de
besoins ; le but étant de mettre fin au
rôle important et puissant de la Russie
dans plusieurs domaines, dont celui de
la Syrie.
Comme tout citoyen
russe, vous pourriez vous poser la
question de savoir : « Pourquoi
la Russie continue-t-elle à soutenir la
Syrie ? ». En effet, il est important
d’expliquer à tout un chacun que la
Russie ne défend pas le Président Bachar
al-Assad ou le gouvernement syrien, car
le peuple syrien peut choisir n’importe
quel autre Président et n’importe quel
autre système politique, le problème
n’est pas là !
La Russie
défend avant tout des principes
fondamentaux auxquels elle a adhéré
depuis bientôt plus de cent ans et
auxquels elle croit, à commencer par la
souveraineté des États et la non
ingérence dans leurs Affaires
intérieures, et ce d’autant plus qu’elle
a eu elle-même à en souffrir et que cela
continue ! Par ailleurs, la Russie
défend ses intérêts dans notre région et
c’est son droit. Ces intérêts sont
beaucoup plus importants qu’un port sur
la Méditerranée à Tartous, comme le
prétendent certains analystes
superficiels.
Ainsi, d’un point
de vue politique, lorsque le terrorisme
frappe la Syrie, un pays clé dans la
région, il peut affecter la stabilité de
tout le Moyen-Orient avant de porter
atteinte à la stabilité de la Russie.
Les dirigeants russes en sont évidemment
parfaitement conscients, contrairement à
ceux de nombreux pays occidentaux. Et
d’un point de vue social, nous ne devons
pas oublier les dizaines de milliers de
familles syro-russes, qui créent un pont
humain et culturel entre nos deux pays.
Ceci pour dire que
si la Russie devait accepter des
compromis, comme vous venez de le
stipuler, ce serait déjà fait depuis un
ou deux ans lorsque l'image était encore
floue, même pour certains responsables
russes. Aujourd'hui, la situation est
très claire. Qui n’a pas fait dans le
compromis à l’époque, ne le fera pas
aujourd’hui.
12. Monsieur le
Président, existent-ils des négociations
portant sur la fourniture de carburant
ou de matériel militaire par la Russie ?
Et concernant votre contrat de défense,
avez-vous pris livraison de missiles
anti-aériens russes S-300 ?
Aucun pays
n’annonce publiquement le type
d’armement en sa possession ou le
contenu des contrats passés à cet effet.
Ce sont là des informations classées
« Secret Défense » et « Secret d’État ».
En revanche ce que je veux bien vous
dire est que tous les contrats dûment
signés avec la Russie sont maintenant en
cours d’application. Ni la crise, ni les
pressions des États-Unis, de l’Europe ou
des pays du Golfe n’ont pu l’empêcher.
La Russie fournit à la Syrie ce dont
elle a besoin pour sa défense et la
défense de son peuple.
13. Monsieur le
Président, quelle est l’aide dont la
Syrie pourrait actuellement attendre de
la Russie ? S'agit-il d’une aide
financière, d’équipements militaires, ou
même d’un simple crédit ?
Sans le retour de
la sécurité, il est impossible d'espérer
redresser une véritable économie.
Néanmoins, ce que la Russie offre
actuellement à la Syrie et à son peuple
pour sa défense, dans le cadre de
contrats militaires passés, pourra
faciliter la reprise économique.
De plus et du point
de vue strictement politique, le soutien
de la Russie à notre droit à
l'indépendance dans nos choix et à la
souveraineté de notre État a déjà joué
un rôle important en faveur notre
économie. De nombreux pays ont traduit
leur position politique à notre égard
par des sanctions dont la plus
importante est le blocus économique que
nous endurons péniblement, alors que la
Russie a fait tout le contraire.
Par conséquent et
pour répondre à votre question, les
prises de position politiques de la
Russie et le respect de ses engagements
militaires malgré les pressions
étatsuniennes ont considérablement aidé
notre économie, abstraction faite de
l’impact négatif du blocus sur la vie
quotidienne du citoyen syrien.
Par ailleurs, il
existe plusieurs accords entre la Syrie
et la Russie pour diverses marchandises
et matières premières. Dans ces
conditions, n’importe quel crédit venant
de Russie est à considérer comme
bénéfique pour les deux parties. Pour la
Russie, cela offre de nouvelles
opportunités à ses entreprises et
industries nationales et lui permet de
conquérir de nouveaux marchés. Pour la
Syrie, c’est là une occasion qui nous
permet de reconstruire notre
infrastructure et de rétablir et
stimuler notre économie.
Je répète que le
soutien de la Russie a joué un rôle
essentiel dans beaucoup de domaines
importants concernant la sécurité et les
besoins élémentaires du citoyen syrien.
14. Monsieur le
Président, pouvez-vous préciser l’objet
de ces contrats ? Concernent-ils des
carburants ou des produits alimentaires
de première nécessité ?
Le citoyen syrien
subit un siège qui le prive de
nourritures, de médicaments et de
carburants, autant de produits
essentiels à sa vie. Ce que le
gouvernement syrien recherche à travers
ses contrats avec la Russie, et d’autres
pays amis, c’est de les remettre à sa
disposition.
15. Nous savons
que vous avez décrété de nombreuses
amnisties. Ont-elles concerné des
rebelles ? Si oui, certains de ces
rebelles ont-ils vraiment rejoint les
Forces armées?
Oui, c'est vrai. Et
ceci a amené de grands changements,
surtout depuis que la situation est
devenue plus claire pour beaucoup de
gens qui ont compris que la vérité de ce
qui se passe en Syrie est tout
simplement le résultat du terrorisme.
Nombreux sont ceux qui ont choisi de
déposer les armes, de revenir vers
l’État et de reprendre le cours de leur
vie civile. Plus remarquables encore
sont ces groupes qui sont passés du
combat contre l’Armée nationale au
combat à ses côtés. Ceux-là
appartiennent à deux catégories. Ils ont
été induits en erreur par les médias ou
ont été enrôlés de force sous la menace
des terroristes. C'est pour cette raison
que dès le début de la crise, le
gouvernement syrien a adopté une
politique de « porte ouverte » à tous
ceux qui voulaient faire demi-tour,
malgré le fait que beaucoup de gens en
Syrie se sont opposés à cette décision
qui s’est finalement révélée efficace et
a contribué à atténuer la tension de la
crise.
16. Monsieur le
Président, quels sont les États que vous
pouvez qualifier de véritables amis, et
quels sont les États ennemis ? Les
relations de la Syrie avec plusieurs
États ne cessent de se dégrader tels le
Qatar, l'Arabie saoudite et la Turquie.
À qui la faute ?
Les pays qui nous
soutiennent sont connus de tous avec la
Russie et la Chine sur le plan
international, et l’Iran sur le plan
régional. Toutefois, je peux dire que
nous commençons à voir un changement
positif sur la scène internationale.
Certains pays qui étaient fortement
contre nous ont commencé à modifier leur
position, d'autres ont commencé à
rétablir leurs relations avec nous.
Néanmoins, il est certain que nous ne
pouvons ranger ces pays parmi ceux qui
nous soutiennent directement.
En face, il y a les
pays qui ont directement mobilisé et
soutenu le terrorisme en Syrie,
principalement le Qatar et la Turquie
dans les deux premières années de la
crise. Le Qatar finançait les
terroristes, tandis la Turquie leur
assurait la formation et les couloirs de
passage vers la Syrie. Récemment,
l'Arabie saoudite a remplacé le Qatar
pour le rôle de financier. Pour être
tout à fait clair et transparent,
l'Arabie saoudite est un État qui n’a
rien d’autre que la finance et par
conséquent ne peut ni construire une
civilisation ni la nourrir, bien au
contraire ! La Turquie est un cas
différent. Il est désolant qu'un grand
pays comme la Turquie se laisse diriger
par l’étranger pour quelques dollars. Il
est désolant qu’un pays qui a une
situation aussi stratégique et une
société aussi ouverte se laisse
manipuler par un pays du Golfe à la
mentalité rétrograde. Toute la
responsabilité en incombe évidemment au
premier ministre turc, non au peuple
turc avec lequel nous partageons
patrimoine et traditions.
17. Monsieur le
Président, qu’est-ce qui rend les
relations russo-syriennes si fortes ?
S'agit-il d'intérêts géopolitiques, ou
bien est-ce parce que les deux peuples
ont eu à souffrir du terrorisme et ont
dû le combattre ?
Il ya plusieurs
facteurs qui forgent si fortement les
relations syro-russes. Le premier vient
du fait que la Russie a souffert de
l'occupation pendant la Seconde Guerre
Mondiale et que la Syrie a été occupée
plus d'une fois. Le deuxième vient du
fait que depuis l'ère soviétique, la
Russie a été l'objet de tentatives
continues et répétées d’ingérences
étrangères, ce qui est également le cas
pour la Syrie. Le troisième, non moins
important, vient en effet du
terrorisme !
En Syrie, nous
comprenons fort bien ce que signifie
l’assassinat de civils par des
extrémistes tchétchènes, la prise en
otage d’enfants comme ce fut le cas à
Beslan, ou la détention de gens
innocents rendus au théâtre comme à
Moscou... En retour, le citoyen russe
nous comprend alors que nous goûtons à
cette même amère désolation et, comme
nous, il ne peut que rejeter les propos
d’un Occidental qui vient lui raconter
qu’existent « des bons terroristes et
des mauvais terroristes » !
Un autre facteur
renforce nos liens. Ce sont toutes les
familles mixtes russo-syriennes que j’ai
déjà évoquées. Elles n’auraient jamais
pu autant se multiplier si nous n’avions
pas partagé certaines valeurs
culturelles, sociales et
intellectuelles.
À tout cela
s’ajoutent les intérêts géopolitiques
que j’ai aussi évoqués. La
déstabilisation de la Syrie et de la
région concerne la Russie qui est
parfaitement consciente du danger de la
propagation du terrorisme qui ne connait
pas de frontières, contrairement aux
Européens et à l'Occident. Il est donc
faux de dire que les prises de position
d’une grande puissance telle que la
Russie ne reposent que sur quelques
éléments de circonstance, alors qu’elles
se fondent sur un cumul historique de
principes culturels et intellectuels.
18. Monsieur le
Président, qu’attendez-vous de la
Conférence de Genève 2 ?
L'objectif de la
conférence de Genève 2 est de soutenir
le processus en faveur d’une solution
politique à la crise. Toutefois, il est
impossible de démarrer le processus
politique avant l’arrêt du soutien
étranger aux terroristes. Nous attendons
donc que cette Conférence commence par
exercer des pressions sur les États qui
soutiennent le terrorisme en Syrie, pour
qu’ils cessent la contrebande d'armes et
l’envoi massif de terroristes étrangers
dans notre pays.
Lorsque ce premier
pas sera franchi, il sera facile de
franchir les pas suivants à commencer
par le dialogue entre les différentes
parties syriennes qui auront à discuter
de leur système politique à venir, de
leur constitution, de leurs lois et de
tout le reste.
Dr Bachar al –Assad
Président de la République arabe
syrienne
26/08/2013
Texte traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Texte original :
Sana / Syrie
http://sana.sy/ara/2/2013/08/26/499188.htm
Note :
[*] Vidéo / Hillary Clinton : nous avons
créé AL-Qaïda !
http://www.youtube.com/watch?v=rOzCMGK6eEc
Le
dossier Syrie
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