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Dossier
Les voix dissidentes en Israël


Parti Travailliste israélien :
critiquer du dedans ou du dehors ?

Karim Majoros



mai 2002

Shimon Peres aurait accepté de prendre part au gouvernement d'union nationale «pour tenter de limiter les dérapages de Sharon». Alliance avec l'extrême droite, destructions massives, poursuite de la colonisation, mise à l'écart d'Arafat, tout cela en violation flagrante de l'accord d'Oslo, co-signé par Peres... Une fraction croissante des mandataires du Parti Travailliste ne s'y reconnaît pas et menace de faire éclater le mouvement.

Lorsqu'en février 2001, le travailliste Shimon Peres accepte la proposition d'Ariel Sharon d'entrer dans le gouvernement d'union nationale, il prend un pari. Celui d'influencer Israël dans le sens de la paix. Ou, au moins, de limiter la casse provoquée par la droite et l'extrême droite. Les bulldozers israéliens détruisent les maisons palestiniennes. Les services de renseignement israéliens mènent une politique d'«assassinats ciblés» contre les contestataires palestiniens qu'ils soupçonnent de terrorisme. Mais le prix Nobel de la Paix, Shimon Peres, se console en relevant les points positifs de sa présence au gouvernement. «Ce gouvernement a officiellement reconnu l'existence d'un Etat palestinien. Il s'est engagé à appliquer les accords de paix précédents. Il a stoppé la création de nouvelles colonies, ce qui est remarquable», se félicite-t-il en novembre 2001. Peres, d'ailleurs, continue à nourrir des plans de paix. A plusieurs reprises, il proclame son souhait de rencontrer Arafat pour en discuter. Et, à quasiment chacune de ses demandes, Sharon oppose son veto ou ajourne l'entretien. Certes, Peres menace à plusieurs reprises de quitter la majorité. Mais il s'en tient à des paroles.

Cette participation de Shimon Peres au gouvernement est loin de faire l'unanimité au sein même de son mouvement. Une grande partie du camp travailliste avait déjà la gueule de bois, avant même la défaite électorale de février 2001. Les militants étaient sceptiques sur les discours de leur leader, Ehud Barak. Après l'échec des pourparlers de Camp David, en août 2000, Barak en avait attribué la totale responsabilité au président de l'Autorité palestinienne. En discréditant Arafat, il ne faisait rien d'autre que reprendre les thèses d'Ariel Sharon. Le résultat fut donc contraire à l'effet désiré. Sharon remporta le scrutin haut la main. Le camp de la paix - c'est à dire les travaillistes, la gauche sioniste du Meretz et d'autres formations de gauche - fut totalement désorienté. Comble de la douleur, le point d'orgue de son désespoir venait de son propre côté: Peres s'alliait avec Sharon.

La gauche a très vite compris la manœuvre d'Ariel Sharon: redresser sa mauvaise image internationale en confiant le Ministère des Affaires Etrangères à Shimon Peres. Dès lors, comment pourrait-on l'accuser de vouloir la guerre alors qu'il avait engagé Monsieur Paix?

Une crédibilité entachée

«Peres et les autres ministres travaillistes servent de bouclier à Sharon pour atténuer les critiques internationales que suscite sa politique», se borne à répéter le porte-parole du travailliste «réfractaire» et ancien fidèle visiblement déçu de Peres, Yossi Beilin (voir encadré). Pour lui, la présence de travaillistes au gouvernement fournit un trop bel alibi à la «politique d'extrême droite» que mènent Sharon et les autres forces nationalistes. Depuis quelques mois en effet, la colère gronde au sein du parti. Des voix s'élèvent pour dénoncer des «actes destructeurs pour le processus de paix, comme les incursions en zone autonome palestinienne, la liquidation physique d'activistes palestiniens et la destruction des maisons».

Pour ceux que la presse israélienne nomme les «colombes» du Parti travailliste, non seulement l'alliance avec Sharon est contre nature, mais elle entache de surcroît la crédibilité de leur formation toute entière aux yeux de la population. Une analyse qui semble se vérifier dans la réalité. Les sondages actuels prédisent un effondrement des travaillistes aux élections législatives prévues en octobre 2003. En janvier dernier, ils ont donc saisi le Comité Central de leur mouvement pour tenter de lui faire quitter le gouvernement. C'est alors que le numéro un de la formation, le Ministre de la Défense, Binyamin Ben Eliezer, sort de son mutisme. Dans une intervention télévisée dramatisante, il a averti que «si nous quittions le gouvernement, nous laisserions le champ libre à l'extrême droite et nous reverrions vite les scènes sanglantes de la Guerre du Liban». Message entendu puisque les membres du Comité central ont préféré continuer avec Ariel Sharon. Les colombes n'ont cependant pas dit leur dernier mot. Ils se donnent jusqu'à octobre de cette année pour convaincre leurs 120.000 membres. A cette date, ils devront procéder à l'élection du chef du parti, qui défendra les couleurs des travaillistes devant les urnes. Tête de file des partisans de la paix, Yossi Beilin prévient déjà que si «Ben Eliezer devait être confirmé à son poste, les colombes envisageraient de quitter le parti». Et de ficeler une alliance avec d'autres formations de gauche, comme le Meretz.

Prisonniers de leur stratégie

Il y a quelques semaines, en avril, le Premier ministre israélien a intégré au sein de sa coalition trois nouveaux ministres de la droite ultra. Au nez et à la barbe des travaillistes. Leurs protestations sont restées lettre morte. Des députés ont alors à nouveau menacé de quitter la majorité. Mais les ministres Peres et Ben Eliezer leur ont alors expliqué que «le peuple ne nous pardonnerait pas de quitter le gouvernement en pleine guerre»... Situation que Sharon semble aussi avoir très bien comprise. En ces temps d'hystérie sécuritaire, si les travaillistes quittent le pouvoir, ils perdront en effet le soutien d'une bonne partie de leur électorat. S'ils y restent, ils n'y auront qu'une influence minime. Sharon fait donc ainsi l'économie d'une opposition plus «musclée».

Karim Majoros

Ce texte est extrait d'un mémoire sur le conflit israélo-palestinien, intitulé « Ceux qui critiquent Sharon. De Jérusalem à Bruxelles ». Ce mémoire peut être téléchargé au format PDF (nécessite Adobe Acrobat)

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 Source : Solidarité-Palestine


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