Des colons
sont partis, mais les prisons sont restées
Les prisonniers dans les prisons de l'occupation, un dossier
ouvert
Muhsin al-Ifrangi
Des colons sont partis, mais les prisons sont restées. Tout comme
la terre a été libérée, il faut libérer l'homme. Ce sont les
mots d'ordre lancés par le département de l'information du
ministère palestinien aux affaires des prisonniers et libérés,
avant de présenter un long rapport sur la situation des
prisonniers.
Les prisonniers palestiniens et leurs familles attendent avec
impatience, les résultats du retrait israélien de la bande de
Gaza et du nord de la Cisjordanie, espérant que cela ferait
remuer leur cause, que les Palestiniens considèrent comme étant
la plus importante pour eux, mais craignant cependant que la joie
occasionnée par le retrait ne fasse oublier à tous et notamment
aux responsables l'amertume de la vie des prisonniers dans les
prisons israéliennes. Vont-ils pouvoir enfin être libres ?
Un prisonnier dans chaque foyer
Selon les informations du département de l'information, le
pourcentage du nombre de prisonniers, par rapport à la totalité
de la population palestinienne, est de 25%, ce qui signifie qu'il
y a en moyenne un prisonnier pour chaque foyer.
Les Palestiniens ayant subi la détention, depuis le début de
l'occupation de 1967 jusqu'à présent s'élèvent à 650.000
personnes, et depuis l'Intifada al-Aqsa, en septembre 2000, le
nombre d'arrestations est de 38.000. Jusqu'à présent, il y a
environ 8600 prisonniers, palestiniens et arabes, détenus dans 28
prisons et centres de détention et d'interrogatoire.
Parmi ces prisons et centres de détention, le plus important est
celui du Naqab, qui rassemble le plus grand nombre de prisonniers,
avec 2150, dont 1000 en détention administrative, ensuite les
prisons de Shatta-Gilboa où se trouvent enfermés 1140
prisonniers. Viennent ensuite la prison de Beer Saba' avec 930
prisonniers et Meggido avec 897 prisonniers.
Les martyrs du mouvement national des prisonniers sont au nombre
de 183, décédés du fait de la torture, de la négligence médicale
ou de l'éxécution après leur arrestation.
Parmi les prisonniers, 116 femmes prisonnières sont encore détenues
sur les 305 arrêtées depuis l'Intifada al-Aqsa, 61 d'entre elles
ont été arrêtées en 2004, et 7 mineures. 306 enfants sont
toujours détenus.
Plus de prisonniers sont malades ou blessés.
Des violations illimitées des droits des prisonniers
Les autorités de l'occupation israéliennes ainsi que leurs
instructeurs ont pratiqué les formes de torture et d'humiliation
les plus barbares à l'encontre des prisonniers palestiniens,
violant ainsi de façon flagrante toutes les valeurs, les lois et
les traités internationaux qui appellent au respect des droits de
l'homme, pourtant signés par Israël, mais dont la signature ne
l'a pas dissuadé de poursuivre à arrêter, à emrpsionner, à
priver les prisonniers de tout, à exercer sur eux des pressions
psychologiques et corporelles afin de briser leur volonté et de
les humilier, de briser la volonté de leurs parents et de leur
peuple.
Pour se venger des prisonniers, les salles des tribunaux israéliens
ont assisté à l'énonciation de condamnations, par dizaines, de
la prison à perpétuité, comme pour le prisonnier Abdallah
Barghouty qui a été condamné à 68 perpétuités, tout
comme les tribunaux ont condamné illégalement des
dirigeants palestiniens jouissant d'une immunité parlementaire,
comme les deux députés Marwan Barghouty et Hussam Khadr.
Les autorités poursuivent la torture des prisonniers par des
moyens jugés illégaux par la communauté internationale, mais
qu'Israël a légalisés en moyens officiels afin d'avoir l'aval
politique et juridique des instances de cet Etat : la cour suprême
de l'Etat d'Israël a autorisé le Shabak en 1996 le droit
d'utiliser divers moyens de torture envers les prisonniers
palestiniens.
Les statistiques du ministère palestinien affirment que 99% des
prisonniers ont subi au moins une des formes de tortures, le
nombre de prisonniers martyrs tombés sous la torture s'élevant
à 70 prisonniers.
Parmi les formes de torture utilisées par les appareils sécuritaires
et de renseignements, corporelles et psychologiques, l'enfermement
dans une cellule de 1,5 m sur 1 mètre, les yeux bandés, les
pieds et les mains attachées, sans matelas ni couverture. Dès
les premiers jours, le prisonnier subit des interrogatoires de
longue durée, répétés, il lui est interdit de dormir, de se
rendre aux toilettes, il subit le shabeh, les insultes, il est
attaché dans des positions douloureuses, comme le fait d'avoir
les pieds attachés et tirés vers l'arrière, sous une chaise,
pendant que le prisonnier est poussé vers l'arrière. Il est
assourdi par une musique puissante, et s'il est malade, sa maladie
et sa blessure sont utilisés pour exercer des pressions sur lui,
il est également menacé de mort, d'arrestation des membres de sa
famille, il est fortement secoué, il lui est interdit de voir son
avocat et sa famille, son visage et sa tête sont reco uverts d'un
sac sale, duquel émane une odeur nauséabonde, il est brûlé par
les bouts de cigarettes, il reçoit des jets d'eau froide et
chaude en alternance, ses yeux sont éblouis par une lumière
puissance. Parmi les autres moyens de torture, le shabeh est subi
par 82% des prisonniers, il y a aussi la mise en frigo qu'ont subi
90% des prisonniers.
Le rapport mentionne également la politique de la négligence médicale
que les autorités carcérales fait subir aux prisonniers malades,
dans toutes les prisons. Plus de 1000 prisonniers souffrent de
maladies diverses, certains sont atteints de cancer, de maladies
de reins, de diabète, de maladies de coeur, de paralysie, de
pertes de la vue. La négligence médicale a conduit dans certains
cas au décès des prisonniers, le dernier martyr étant Jawad
Abdel Abu Mghayseb, 18 ans, de Deir al-Balah, dans la bande de
Gaza, qui est décédé le 28 juillet 2005 dans la prison désertique
du Naqab.
Dans beaucoup de cas, le prisonnier malade subit un chantage à
cause de sa situation, pour le faire avouer en contrepartie de son
incarcération dans des prisons où il serait bien traité.
Plusieurs prisonniers ont dû accepter ce chantage dans la
douleur. Ils ont été obligés de faire des aveux aux
instructeurs en contrepartie des soins qui leur sont dûs.
Parmi les moyens les plus utilisés pour faire souffrir les
prisonniers et leurs familles, la détention administrative qui
peut être renouvelée sans cesse, à la dernière minute, alors
que le prisonnier se préparait déjà à sortir. Le prisonnier
n'est jamais jugé ni condamné.
Le nombre des prisonniers administratifs s'élève à environ
1000, prisonniers, soit 11?7% de l'ensemble des prisonniers, et
ils se répartissent dans les prisons du Naqab et de Meggido, la
plupart soit 90% se trouvent actuellement dans la prison du Naqab.
Des prisonnières et des enfants derrière les barreaux
Pour les prisonnières, le rapport indique que plus de 400 femmes
ont été arrêtées au cours des cinq dernières années, et 116
prisonnières sont toujours détenues, regroupées dans la prison
de Hasharon. 113 viennent de la Cisjordanie et d'al-Quds, et trois
de la bande de Gaza. 42 prisonnières ont été condamnées, 69
sont arrêtées et 5 sont détenues administratives.
Les conditions de détention des prisonnières sont très pénibles
: elles subissent des pressions de toutes sortes, des provocations
quotidiennes, elles sont privées de tout, même de
l'enseignement, car l'administration pénitentiaire n'accorde pas
le droit aux prisonnières de poursuivre leurs études. D'autre
part, elles subissent les fouilles à nu, de façon humiliante, ce
qui est en contradiction avec toutes les conventions
internationales qui exigent que les prisonniers et prisonnières
soient traités dignement. Parmi ces prisonnières, 16 sont mères
de famille, leurs enfants sont environ 60 enfants, privés de la
chaleur de leurs mères.
Les autorités de l'occupation refusent de faire libérer Manal
Ghanem et son fils Nour, né en prison, qui a actuellement 22
mois, et qui devrait, selon la loi israélienne, être retiré à
sa mère dans deux mois. Manal est malade de talassamie, et son état
de santé se détériore de jour en jour.
Concernant les enfants, les autorités de l'occupation ont arrêté
plus de 3500 enfants, et 306 enfants sont toujours en prison, ils
représentent 3,7% de l'ensemble des prisonniers. Les conditions
de détention sont iunhumaines. 142 enfants ont été condamnés,
159 sont arrêtés en attente de jugement, 5 enfants sont en détention
administrative, sans aucune charge contre eux. Il faut rappeler
que des centaines de prisonniers ont été arrêtés alors qu'ils
étaient enfants, et qu'ils sont passés au stade adulte, pendant
leur détention.
Les autorités de l'occupation privent les enfants détenus des
droits les plus élémentaires accordés par les conventions
internationales et les divers traités comme le droit à ne pas
subir les arrestations arbitraires, le droit à connaître les
motifs de l'arrestation, les droits à la défense par un avoat,
le droit de la famille à savoir la raison et le lieu de détention,
le droit à se présenter devant un juge, le droit de repousser
l'accusation, le droit d'être en contact avec le monde extérieur,
le droit à un traitement humain qui préserve la dignité de
l'enfant détenu.
L'isolement
Les autorités de l'occupation pratiquent également la politique
de l'isolement envers des prisonniers qu'elles enferment dans des
cellules individuelles ou des sections réservées entièrement à
l'isolement. Le soleil n'entre jamais dans ces cellules qui sont
sans fenêtres, où l'humidité est très élevée. Ces cellules
sont tellement insalubres que les rats et autres bêtes sont fréquents.
Dans ces cellules, certains prisonniers sont absolument
interdits de visite, comme le prisonnier Hasan Salameh de Gaza,
condamné à 1175 ans de prison, et le prisonnier Ahmad Yousef
al-Moghrabi du camp de Dhayshe, 31 ans, condamné à 18 perpétuités.
Il n'a reçu aucune visite familiale depuis son arrestation.
Des milliers de prisonniers sont privés des visites familiales
pour des prétextes sécuritaires. Certains prisonniers n'ont pas
vu leurs parents depuis 5 ou 8 ans, même les parents proches,
comme les père, mère, épouse, fils. Les autorités de
l'occupation utilisent l'interdiction de visites comme une
punition contre les prisonniers.
Les prisonniers souffrent de la politique des fouilles à nu, lors
de la sortie ou du retour des tribunaux, et les autorités de
l'occupation insistent à poursuivre leurs pratiques humiliantes.
Les prisonniers sont privés de leurs droits à poursuivre leurs
études dans les universités palestiniennes, seule l'université
hébraïque est autorisée, mais même pour cette dernière,
beaucoup de prisonniers se trouvent devant de multiples obstacles
dont l'interdiction de faire entrer des livres en prison.
Toutes ces violations indiquées dans le rapport se déroulent au
milieu d'un silence international. Comment est-il possible de
susciter la question des prisonniers, de la rappeler dans la
situation d'allégresse qui a suivi le retrait des colons de Gaza
? Il s'agit d'une responsabilité collective, répartie, dont
l'Autorité doit supporter une partie non négligeable.
Traduit par : Centre d'Information sur la Résistance en
Palestine
Source
: Palestine en Marche