Dans la prison de Nafha, vive tension
et inquiétude
Ali Samoudi - Jénine
21 novembre 2005
Les séances rapides des tribunaux internes aux prisons et
centres de détention sont devenues une pratique courante, imposée
par la direction des prisons pour punir les prisonniers. C'est
en tout cas une pratique quasi généralisée dans la prison de
Nafha, où les prisonniers ont été victimes ces derniers temps
d'une campagne systématique de mise en isolement dans des
cellules individuelles et d'imposition d'amendes.
Dans un entretien avec l'avocat Shadi Younes, le prisonnier
Abdel Khaleq Natché, l'un des dirigeants du mouvement Hamas,
qui est détenu dans la prison de Nafha, affirme que la
direction de la prison a récemment accentué sa répression et
ses provocations à l'encontre des prisonniers : fouilles à
toute heure, condamnations, amendes que les détenus ne peuvent
pas payer. La direction de la prison veut punir les prisonniers
à cause de leur activité et leur rôle dans la résistance à
l'occupation.
Natché affirme que la situation dans la prison de Nafha est
devenue insupportable. La direction entretient un climat de
tension extrême, par ses provocations. "Malgré nos
protestations, nous sommes toujours la cible des fouilles, même
en pleine nuit. Bien que la direction soit au courant de nos
pratiques religieuses, elle fait tout pour nous en empêcher.
Lorsque nous protestons, nous sommes mis en isolement, pour
plusieurs jours. Au cours de la nuit, nos cellules sont fouillées,
nous sommes tirés hors de nos lits, avec des menaces, pour nous
retrouver entourés de nombreux gardes armés.
L'avocat Shadi Younes a rapporté les paroles de Natché, disant
que le plus dur que vivent les prisonniers de Nafha sont les séances
des tribunaux formelles. A tout moment, les soldats arrivent,
sans motifs ou cause, ils investissent les sections et obligent
plusieurs prisonniers à les accompagner, comme cela s'est passé
avec moi et certains détenus, il y a moins d'une semaine. Ils
nous ont demandés et nous ont emmenés pour nous mettre en
isolement. Un jour plus tard, ils m'ont emmené au tribunal, où
j'ai trouvé une longue liste d'accusations fabriquées, mensongères,
avec un jugement tout prêt, qui est l'isolement pour une
semaine et une amende de 250 shekels, l'interdiction des visites
familiales pendant un mois. Je n'avais le droit ni de protester
ni de discuter.
Le geôlier est lui-même juge
Natché a affirmé que ces tribunaux formels sont une dérision,
leurs jugements sont préparés par la direction de la prison.
Pire encore, le juge dans ce tribunal est l'officier de la
prison, ou plus précisément l'officier geôlier, qui est la
cause du problème avec le prisonnier, le même qui a demandé
son isolement. Pour moi et mes camarades, le juge était
l'officier qui nous avait précédemment isolés. La
condamnation ne nous a pas étonnés, comment voulez-vous qu'un
geôlier soit une juge impartial et juse ? C'est ce qui se
passe, actuellement, dans la prison. Nous en comprenons que la
direction de la prison veut entretenir une tension et susciter
des problèmes avec les prisonniers, bien que les prisonniers
cherchent plutôt à calmer la situation, tout en maintenant
leurs droits et leur dignité.
En termes de provocations, la direction de la prison a investi
les sections le jour de la fête du Fitr et a empêché la prière
collective. Le prisonnier chargé du sermon et ceux qui priaient
ont été emmenés en cellules, puis ils ont été condamnés à
l'isolement et l'interdiction de visite pendant un mois, et en
plus, des amendes entre 200 et 500 shekels. Les amendes sont une
vraie calamité, pour le prisonnier et pour sa famille, qui
arrive à peine à se débrouiller dans la vie ordinaire.
Suite à sa visite, l'avocat Younes a déclaré que les
prisonniers de Nafha sont victimes d'une répression féroce.
"Au cours de ce mois, la direction a condamné 12
prisonniers à l'interdiction de visite, à l'isolement et aux
amendes. C'est une situation intenable pour les prisonniers. Il
faut que les institutions humanitaires fassent pression sur la
direction de la prison pour la suppression de toutes les mesures
répressives. Les prisonniers ont adressé une lettre dans ce
sens, et ont affirmé qu'ils mèneraient une grève de la faim
si les provocations ne cessaient pas.
Exécutions sommaires menées par les unités spéciales
de l'occupation :
des témoins affirment que les unités spéciales ont tiré sur
les martyrs Zayed et Abahira pour les tuer
et les ont exécutés de sang-froid
Au milieu des cris et des larmes, la mère du martyr Ibrahim
Abahira a fendu les rangs de la foule qui stationnait, en colère,
devant les portes de l'hôpital de Jénine. Elle sanglotait et
disant : "Allah Akbar ! Comment ont-ils pu le tuer ? Il
avait achevé son repas un quart d'heure plus tôt ! N'y a t-il
pas de justice ? pas de conscience ?" Tenant la tête de
son fils martyr, elle criait : "Ce sont des assassins ! De
quelle trêve parlent-ils ? Où est le monde pour voir notre
tragédie ? Ils tuent nos enfants de sang-froid puis nous sommes
accusés d'être des terroristes. Ils nous privent de nos
enfants en une seconde, ils éxécutent nos enfants de
sang-froid, sans raison, sinon parce qu'ils sont
palestiniens!"
Alors que les équipes médicales s'approchent pour la secourir,
la dépouille du second martyr, Mahmoud Zayed, assassiné au
cours de la même opération, arrive à l'hôpital. La colère
est grande chez tous les Palestiniens, qui bouillonnaient, après
cette seconde opération, en une semaine, dans la région de Jénine.
La population vit toujours le drame de l'exécution du martyr
Shuja' Bal'awi, par les unités spéciales, alors qu'il avait été
arrêté, rien que blessé.
En pleine journée, une unité spéciale israélienne a mené
l'opération de l'assassinat de Zayed et Abahira, à l'entrée
ouest de Jénine. Des témoins affirment que vers une heure de
l'après-midi, jeudi dernier, ils ont été surpris par la présence
de membres de cette unité, vêtus en civils, qui sautaient
d'une voiture Mercedes, blanche, portant une plaque
palestinienne, dans la rue Jénine-Haïfa, à l'entrée ouest de
Jénine. En face, s'avançait une autre voiture. Les membres de
l'unité spéciale ont tiré sur la voiture qui a bifurqué de
sa route. Elle fut poursuivie par les forces israéliennes qui
ont continué à tirer pour être sûrs d'exécuter les deux
martyrs.
Pour les témoins, l'opération n'a duré que quelques minutes.
Il n'y a eu aucune réaction de l'intérieur de la voiture visée.
Une autre unité spéciale a aussitôt fermé la route. Les
forces israéliennes qui ont assassiné Zayed et Abahira
auraient pu très bien les arrêter, avant de poursuivre les
coups de feu, mais le but était de les exécuter et de
s'assurer de leur mort, avant de se retirer.
A l'hôpital de Jénine, le médecin annonce la mort des deux
martyrs, affirmant que les corps étaient déchiquetés par des
balles tirées à une distance zéro, ce qui confirme la volonté
de tuer.
Les témoins ont démenti formellement les allégations israéliennes
selon lesquelles les deux martyrs avaient refusé de s'arrêter
au barrage dans la région que l'armée d'occupation avait
installé. Samir Abahira a affirmé que l'armée israélienne
ment, et les blessures profondes sur les corps des martyrs
indiquent que les forces de l'occupation voulaient tuer.
"Cela montre toute l'illusion de la trêve, utilisée par
Israël pour assassiner notre peuple. Il n'y avait aucune raison
pour les assassiner, et ce n'est pas parce qu'ils appartiennent
aux Brigades des martyrs d'al-Aqsa qu'ils doivent être assassinés."
Réactions palestiniennes
Les Brigades des martyrs d'al-Aqsa ont dénoncé cette opération
terroriste menée par les troupes de l'occupation, faisant
porter l'entière responsabilité à l'Etat d'Israël. Le
communiqué des Brigades insiste sur le fait que les forces israéliennes
auraient pu arrêter les jeunes au lieu de les exécuter, ce qui
montre que l'Etat d'Israël mène une guerre contre toutes les
forces et les groupes de résistants. Les Brigades ont promis de
riposter à ces exécutions et à la guerre terroriste menée
par le gouvernement de Sharon. De son côté, le gouverneur de
la province de Jénine, Qadoura Mousa, a déclaré que
l'intensification menée par Israël par le biais de ses forces
spéciales est extrêmement grave car il démontre l'existence
d'un plan israélien pour déstabiliser la situation
palestinienne interne. Au cours de la période récente, a-t-il
poursuivi, les forces de l'occupation ont assassiné 7
Palestiniens dans la province de Jénine, dont un enfant, et arrêté
des dizaines de personnes, malgré la trêve proclamée par les
organisations palestiniennes. Cela ne peut conduire qu'à
l'explosion de la situation.
Les Brigades d'al-Quds ont déclaré que l'occupation a ouvert
la voie à toutes les possibilités, et il est important que les
forces palestiniennes adoptent une position commune pour y faire
face. Les crimes commis de sang-froid, contre des militants arrêtés
et blessés, constituent des pratiques graves qui réclament une
attitude ferme de la part des organisations. Les Brigades réclament
l'arrêt immédiat des contacts entre l'Autorité palestinienne
et le gouvernement de l'occupation.
Des témoins affirment que Shuja' Bal'awi a été
exécuté de sang-froid par les forces spéciales israéliennes
Le 12 novembre, les unités spéciales de l'armée sioniste ont
exécuté de sang froid Shuja' Bal'awi. Ghadir Nazmi, mère de
Shuja', raconte à notre correspondant les détails de cet
assassinat. Shuja' n'avait que 20 ans. Le soir, les unités spéciales
étaient venues, renforcées par des unités de l'armée
d'occupation. Elles se sont infiltrées dans la région de Beer
Jammal, à l'entrée sud de Jénine, et se sont faufilées parmi
les arbres. Soudain, mon fils Shuja' apparaît près de la mosquée
al-Yamouni, avec quelques-uns de ses camarades. Alors qu'ils se
tenaient debout, ils ont été surpris par les balles tirées
dans tous les sens. Il a été blessé et est tombé par terre.
Imad Jammal, dont la maison se trouve dans la zone, ajoute : sitôt
j'ai entendu les balles, j'ai aperçu plus de dix patrouilles
investir la zone et imposer la fermeture de toutes les issues.
Les soldats israéliens sont arrivés jusqu'à l'endroit où
Shuja' a été blessé, ils ont alors renforcé leur présence
et commencé à fouiller toutes les maisons avoisinantes, à sa
recherche.
Malgré la présence impressionnante des forces israéliennes,
Shuja' a réussi à courir, pour se cacher derrière une maison.
Il a contacté sa famille et leur a annoncé qu'il est blessé
à la jambe par plusieurs balles. La famille appelle le
Croissant Rouge Palestinien qui envoie rapidement une équipe,
qui essaie d'arriver à la zone et lui sauver la vie. Mais les
forces de l'occupation refusent le passage de l'ambulance et
ordonne à l'équipe médicale de s'en aller.
Pendant ce temps, les troupes armées sionistes passent au
peigne fin toute la zone, utilisant les chiens, les hélicoptères
qui survolaient à basse altitude, et les bombes éclairantes.
Quatre heures plus tard, Shuja' appelle ses amis et sa famille,
leur disant qu'il a froid, qu'il saigne abondamment. Puis,
soudain, le silence. Shuj'a ne répond plus.
Les forces sionistes ont réussi, à l'aide de leurs chiens,
d'arriver jusqu'à Shuja' qui ne pouvait plus bouger. Les chiens
sont lancés sur lui. La population affirme avoir entendu les
cris de Shuja', pendant que les chiens le tiraient à terre.
Puis des coups de feu. Lorsque les forces sionistes se sont
assurées que Shuja' a été exécuté, elles ont quitté
la zone.
A l'hôpital de Jénine, le médecin affirme que le corps de
Shuja' avait des traces des crocs des chiens et que son décès
n'est pas dû à la première blessure, dans la jambe, mais à
cause de la dizaine de coups de feu tirés sur son ventre et sa
poitrine. Les coups mortels ont été tirés à une distance
d'un mètre tout au plus.
Sa mère, Ghadir, dit que les forces de l'occupation l'avaient
plusieurs fois menacée de tuer son fils, lorsqu'elles
investissaient la maison. Shuja' était recherché depuis trois
ans à cause de sa résistance à l'occupation. Il a été
plusieurs fois la cible d'assassinats, et il avait été blessé
l'an dernier. "Dans toutes les lois humaines, le blessé
doit être secouru et aidé, même sur un champ de bataille. Mon
fils a été laissé seul, en train de saigner, avant d'être exécuté
de sang-froid, par une armée. L'assassinat de mon fils est un
nouveau signe de l'infâmie de l'occupation, et du monde qui
laisse commettre tous ces crimes, sans agir. Où sont ces
organisations des droits de l'homme qui pleurent sans cesse mais
qui n'hésitent pas à qualifier mon fils et tous les
combattants de la liberté de terroristes, parce qu'ils aiment
leur peuple et la liberté ? Ils l'ont assassiné, ils ont lâché
leurs chiens sur son corps. N'est-ce pas le soldat qui a tiré
qui est terroriste ?
Ghadir considère qu'il ne sert à rien de porter plainte contre
les soldats qui ont tiré sur son fils. Elle rappelle tous les
crimes précédents où les assassins ont été libérés ou jugés
de façon formelle.
Traduit par Centre d'Information
sur la Résistance en Palestine