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Imposer ou discuter le document des prisonniers
par Cirepal (Centre d'Information sur la résistance en Palestine)
 


Le 11 mai dernier (2006), des prisonniers palestiniens appartenant à plusieurs formations politiques : Fateh, Hamas, FPLP, FDLP et Jihad islamique, rédigeaient et publiaient un document appelé "document d'entente nationale des prisonniers" où ils proposaient en 18 points une plateforme d'unité nationale, afin de mettre fin aux tiraillements et conflits internes à la société palestinienne. Le document d'entente nationale, signé par le député Marwan Barghouty, sheikh Bassam Saadi, sheikh Abdel Khaleq Natshe, Abdel Rahim Mallouh et Mustafa Badarne, fut publié dans le quotidien al-Quds.
Le contenu du document traduit partiellement en français par le site al-oufok est un rappel des constantes palestininiennes mais émet aussi des propositions pour amener les deux forces principales (Fateh et Hamas) à s'entendre. Ni dans les traductions, ni dans les mises en ligne du document en arabe, nous n'avons trouvé la remarque qui clôt le document : "le mouvement du Jihad islamique a émis des réserves sur l'article concernant les négociations".
 
Pour le peuple palestinien, ce document est important et toutes les forces palestiniennes l'ont souligné : il exprime le souhait des prisonniers, ceux qui ont sacrifié leur liberté pour la cause de leur peuple et pour la libération de leur pays, d'en finir avec une situation de guerre civile larvée dans laquelle les pressions sionistes et internationales ont enfermé le peuple palestinien. Toutes les forces politiques et militaires palestiniennes ont souligné leur respect de ce document et ont manifesté leur intention de le prendre en compte dans la discussion élargie entre elles pour parvenir à une entente nationale. Mais ce document, parce qu'il est émis par des prisonniers, devient-il obligatoire ou bien peut-il être discuté ? Que signifie la menace du président Mahmoud Abbas de le soumettre à un référendum populaire au cas où les discussions entre les forces nationales et islamiques n'aboutiraient pas à une entente, dans un laps de temps de dix jours ?
 
Le document des prisonniers comporte plusieurs ambiguités car tout en rappelant ce qu'on appelle communément les "constantes nationales" dont même la définition reste à revoir, il aborde la question des négociations, qui seraient la prérogative de l'OLP et de la présidence palestinienne.
Selon Ahmad al-Hila, chercheur palestinien, qui a étudié le document (www.palestine-info.info/arabic), les points suivants sont à noter :
"- le premier paragraphe insiste sur le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, à la création de son Etat indépendant et souverain sur toutes les terres occupées en 67, avec al-Quds pour capitale et la garantie du droit au retour des réfugiés. Ces points font l'unanimité palestinienne. Mais le même paragraphe évoque la légalité internationale comme source de ces droits. Or, qui dit légalité internationale dit également reconnaissance de l'occupation de 78% de la Palestine historique, ce que refusent plusieurs forces, notamment le Hamas et le Jihad islamique".
" Concernant le deuxième point, il insiste sur ce qui a été convenu à la conférence du Caire en mars 2005, en ce qui concerne la réactivation et le développement de l'OLP, en intégrant les mouvements du Hamas et du Jihad. Cela fait l'unanimité.
Mais en citant l'OLP en tant que représentant légitime et unique du peuple palestinien, le document heurte la conception du Hamas qui considère que l'OLP est une réalisation nationale importante sans pour autant, en ce moment, représenter tout le peuple palestinien, puisque le Hamas élu en majorité au conseil législatif de l'Autorité n'y est pas représenté. Pour le Hamas, la réorganisation de l'OLP est un préalable à l'affirmation de la représentativité de l'ensemble du peuple palestinien par l'OLP.
"Le quatrième point réclame de mettre au point un plan palestinien pour une action politique globale sur la base d'un programme d'unanimité nationale palestinienne (ce qui n'existe pas encore), de la légalité arabe et des décisions légales internationales justes envers notre peuple... Là encore, il y a des divergences, le mot "justes" est une façon de ne pas prendre en compte d'autres décisions internationales jugées injustes, ce qui peut susciter des discussions inter-palestiniennes sur le critère de justice. Concernant le droit au retour, par exemple, le Hamas parle d'un droit individuel et collectif de tous les réfugiés qui furent expulsés de leurs terres en 1948, mais le mouvement Fateh ou certains de ses membres considèrent que la justice signifie "le possible"... comme le considère le document de Genève, qui a abandonné le droit au retour en le taxant d'irréaliste.
"Mais qu'est-ce alors la légalité arabe ? Est-ce l'initiative arabe du sommet de Beirut ? Celle qui reconnaît l'existence de l'Etat d'Israël dans des frontières sûres sur 78% de la terre de la Palestine historique ? Celle qui contourne le droit au retour en parlant de "solution juste à laquelle parviennent toutes les parties" !
"Le paragraphe 7 considère que la gestion des négociations fait partie des prérogatives de l'OLP et du président de l'autorité, et tout accord est soumis au conseil législatif ou au référendum." Cela peut être possible, souligne l'auteur, si l'OLP est réorganisée avec l'intégration de toutes les formations. Il faut simplement éviter que le document ne soit mal interprété, pour donner au président de l'Autorité toutes les prérogatives dans les négociations, avant même la réoganisation de l'OLP.
 
Bien que reçu avec enthousiasme par la société palestinienne et les forces politiques, d'abord parce qu'il affirme la volonté des prisonniers de discuter des questions politiques au même niveau que les autres responsables, ensuite parce qu'il émane de plusieurs responsables des diverses formations dont certaines sont en conflit sur le terrain, le document ne fait cependant pas l'unanimité, quoi qu'en disent les organes d'information officiels. Les sondages en ligne (qui ne sont pas des outils précis, cependant) donnent une faible majorité de soutien au document, selon les sites visités (entre 70 et 52 %). Il faut expliquer le soutien au document par, d'une part leur auteur (les prisonniers, qui ont une valeur très importante pour le peuple palestinien) et d'autre part la lassitude envers une situation interne tendue qui favorise le soutien à toute initiative allant dans le sens d'une paix civile interne, surtout que les agressions sionistes n'ont pas cessé, au contraire.
 
Mais l'attitude du président Abu Mazen n'est certainement pas claire, concernant ce document. D'une part, il menace les parties palestiniennes en discussion de soumettre ce document au référendum populaire si les discussions n'aboutissent pas au bout de dix jours, alors qu'il n'a fait aucun pas pour appliquer les accords du Caire, demandant la réorganisation de l'OLP, voilà plus d'un an. D'autre part, serait-il prêt à appliquer le document, en toutes lettres, s'il était approuvé par le peuple ? M. Abu Mazen serait-il prêt à accepter la réorganisation de l'OLP, réclamée par le document des prisonniers ? A accepter l'article 2 qui spécifie le droit à la résistance par tous les moyens, lui qui a déclaré suivre la stratégie de la négociation ? Serait-il prêt, comme le demande l'article 9, à soutenir et à défendre les réfugiés, à aider à leur représentation et organisation ? Si oui, demande Abdel Bari Atwan, responsable de l'hebdomadaire al-Quds Al-Arabi, pourquoi est-il nécessaire d'organiser un référendum ? N'est-ce pas des revendications nationales, des constantes acquises ?
"Le document des prisonniers est excellent, écrit Abdel Bari Atwan, il n'y a aucun doute, et ceux qui l'ont écrit ont sacrifié leur liberté et peuvent sacrifier leur vie pour la cause de la patrie, mais la question est celle de la volonté de M. Abbas à appliquer tous ses articles, sans exception." Il poursuit : "M. Abbas veut utiliser le document pour obtenir un mandat direct de la rue palestinienne pour contourner le conseil législatif, amorcer de nouvelles négociations selon les conditions américano-israéliennes, et c'est là où gît le danger".
"Les négociateurs d'Oslo ont utilisé la légitimité de l'OLP pour signer des accords en totale contradiction avec les décisions du conseil national palestinien et des Nations-Unies, ainsi que la Charte nationale. Qu'est-ce qui les empêche de faire la même chose s'ils obtiennent un mandat du peuple palestinien pour négocier à partir du document des prisonniers, alors qu'il n'a aucun caractère législatif, qu'il n'est pas émis par une institution palestinienne élue, mais émis par un groupe de personnalités honorables derrière les barreaux ?"
... "Ce réferendum est dangereux, tout en étant illégal. Dangereux parce qu'il intervient dans le cadre d'un plan américano-israélien pour faire plier le peuple palestinien, et sanctionner son vote démocratique, et illégal parce qu'il demande aux Palestiniens des territoires occupés, qui représentent moins du tiers du peuple palestinien, de décider de questions décisives touchant aux solutions définitives de leur cause, dans des conditions exceptionnelles."
 
En lançant l'idée d'un référendum, M. Abbas a jeté de l'huile sur le feu, alors que le document des prisonniers visait essentiellement à calmer la situation intérieure. Le président veut se servir du document pour empêcher un vrai débat dans la société palestinienne, débat nécessaire sur la stratégie et l'organisation de la résistance. Mais ses paroles ont suscité des réactions qui risquent d'envenimer le débat : rejet total, partiel ou négation même du document tandis que les voix les plus mesurées demandent tout simplement que ce document soit une base de discussion et non un diktat imposé.
 
Centre d'Information sur la Résistance en Palestine


 Source : Cirepal


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