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Prisonniers

Les prisonniers défient l’impossible : ils transforment les prisons en universités
Abdel Nasser Ferwana


Photo CPI

6 août 2007

Malgré la répression féroce et le traitement inhumain, malgré les conditions de détention et la torture, les prisonniers palestiniens et arabes détenus dans les prisons de l’occupation sont parvenus à surmonter les difficultés pour s’adapter à leur situation grave et exceptionnelle. Car ils savent d’avance la nature de l’occupation et ont assisté dès leur enfance à ses crimes, comprenant ainsi que les droits s’arrachent et ne se donnent pas, que l’histoire ne s’écrit qu’avec le sang et que la victoire ne s’obtient que par les énormes sacrifices. Ils ont également réalisé, de manière précoce, que l’occupation vise leur culture et leur patrimoine, cherchant à les réduire à des corps creux sans aucun contenu. C’est pourquoi ils ont refusé de s’abandonner à l’amère situation et ont décidé, armés d’une volonté d’acier et d’une détermination inébranlable, de s’organiser et de mener la lutte derrière les barreaux pour améliorer leurs conditions de détention et arracher leurs droits fondamentaux. Ils ont offert les martyrs, l’un après l’autre et ont écrit, tout au long des dizaines d’années passées, des pages lumineuses de lutte et sont parvenus à tisser leur propre histoire, remplie de sacrifices et de magnifiques expériences. Jamais dans l’histoire humaine une expérience collective derrière les barreaux n’a été aussi lumineuse que celle du mouvement des prisonniers dans les prisons de l’occupation israélienne.

Une de ces réalisations fut de transformer les prisons et les centres de détention en bastions révolutionnaires, en écoles et universités pour former générations après générations, le dirigeant ingénieux et le militant entêté, l’écrivain magistral et le poète créatif. Le mouvement d’enseignement et d’éducation ne s’est jamais arrêté, mais est passé par plusieurs phases.

Au début, il était difficile d’obtenir des feuilles de papier et des crayons. Le papier de cigarette ainsi que tout bout de carton furent utilisés au moment où les crayons passaient clandestinement à l’intérieur des prisons. Le même crayon faisait le tour de toutes les organisations qui s’en servaient pour transmettre leurs instructions ou autres. Les détenus furent contraints de mener des grèves de la faim épuisantes afin d’obtenir des cahiers et des crayons ainsi que le droit de faire entrer des livres. Ils revendiquèrent le droit d’organiser des programmes et des stages de formation dans différents domaines.

Malgré la lenteur et la négligence des autorités carcérales, les prisonniers arrachèrent en fin de compte le cahier, le crayon et le droit de lire. L’administration de la prison dirigea alors sa répression contre la matière écrite dans les cahiers, en instaurant surveillance et contrôle et en confiscant ces écrits. Elle voulut maîtriser le genre de livres introduits, interdisant l’utile et autorisant le futile.

La situation évolua et s’améliora de sorte que les prisonniers ont obtenu tout ce dont ils avaient besoin, les cahiers, les crayons et certains livres, bien que ces « largesses » pouvaient être remises en cause à tout moment. Les prisonniers ont adopté le moyen de l’auto-instruction par la lecture individuelle ou l’échange des acquis, ou les formations collectives par les séances éducatives. Concernant les sujets abordés par les prisonniers, ils furent essentiellement politiques, sécuritaires et intellectuels, avec une attention spéciale aux moyens de résister lors des interrogatoires et au comportement avec l’administration carcérale. Des séances d’alphabétisation sont assurées aux prisonniers non instruits avec des programmes obligatoires. L’enseignement des langues, notamment l’hébreu et l’anglais, fait partie des cours proposés aux prisonniers qui le souhaitent. Des centaines de prisonniers s’y sont initiés avant de pouvoir traduire des livres et des études diverses, notamment après leur libération.

 

Des prisonniers se distinguent par leurs écrits

Un grand nombre de prisonniers ont suivi les cours de rédaction, assurés par les organisations dont les formations étaient inégalées. Certains prisonniers ont accordé une importance supplémentaire à l’écriture et leurs écrits furent remarquables, que ce soit sous la forme de poèmes, de nouvelles courtes, d’articles, d’études et de recherches dans différents domaines. Derrière les barreaux de l’occupation, les prisonniers ont écrit et continuent à écrire des centaines de nouvelles, autant de poèmes et d’études politiques. Un grand nombre de prisonniers ont continué à écrire même après leur libération, rejoignant officiellement les écrivains, poètes, journalistes et traducteurs. Parmi les anciens prisonniers écrivains, citons Mahmud al-Gharbawî, Fayez Abu Shamaleh, Abu Salim Jadallah, ‘Issa Qaraqe’, Ahmad Qatamesh, Ali Jaddah, Mahmud Jadda, Hassan Abd-Allah, Ata al-Qumayrî, dr. Adnan Jâbir, Azza Ghazzawî, Ali Jaradat, Ghazi Abu Giab, al-Mutawakkel Taha, Adnan al-Damirî, Nasir al-Laham. La liste est longue et que m’excusent ceux qui n’ont pas été cités.

 

Des programmes différents, un but unique

Chaque organisation de la résistance a développé son propre programme éducatif en fonction de sa vision politique et idéologique, et a formé sa propre bibliothèque aux côtés de la bibliothèque central qui rassemble en général des milliers d’ouvrages. Des mécanismes d’échanges d’ouvrages entre les bibliothèques des organisations ont permis leur circulation large. Malgré la différence des programmes et des méthodes éducatives, les organisations sont d’accord pour que la durée de détention soit mise à profit pour éduquer et instruire les prisonniers, quel que soit son niveau. Il arrive que les organisations palestiniennes publient une revue commune pour les prisonniers dont la matière concerne les sujets nationaux, la sécurité et la littérature, au moment où chaque organisation publie sa propre revue et la distribue à ses membres. L’unité des prisonniers se manifeste lors des débats et réunions publiques organisés par au moins deux organisations, dans la cour de la prison, débats où sont

 

D’un autre côté, les prisons israéliennes assistèrent récemment à un évolution remarquable, la revendication des prisonniers à poursuivre leurs études secondaires. L’administration carcérale de l’occupation accepta selon des conditions précises, en coordination avec le ministre de l’enseignement et de l’éducation. De nombreux prisonniers eurent ainsi la possibilité d’obtenir le diplôme de fin d’études secondaires, du moins ceux dont la situation répondait aux conditions fixées. Toutefois, les prisonniers n’ayant pas achevé leurs études pré-secondaires ne furent pas autorisés à poursuivre leurs études officielles.

 

Droit d’adhérer à l’université et à l’enseignement à distance

En 1992, la grève illimitée de la faim des prisonniers s’était étendue à toutes les prisons et a duré dix-neuf jours. Parmi les nombreux droits arrachés au cours de cette grève, celui d’adhérer aux universités par le biais de l’enseignement par correspondance. Mais les autorités carcérales ne les autorisèrent pas à s’inscrire ailleurs qu’aux universités de l’occupant. Malgré cette restriction, des centaines de prisonniers s’inscrivirent aux cours et poursuivirent leurs études universitaires, obtenant des diplômes de licence dans différents domaines et même des maîtrises.

Cela suscita un formidable élan parmi les prisonniers qui s’inscrivirent par centaines pour la poursuite de leurs études secondaires ou universitaires.

 

Les prisonniers diplômés

A ce propos, de nombreux prisonniers ont obtenu la licence et la maîtrise, comme par exemple Samir Qintar, le doyen des prisonniers libanais qui a obtenu la licence en sciences humaines et sociales et a achevé son diplôme en juin 1997 à l’université ouverte de Tel Aviv. Il poursuit actuellement des études pour obtenir d’autres diplômes universitaires.

En juin 2005, le prisonnier Muhammad Hassan Mahmud Ighbarieh, du village al-Mshayrife, dans le Triangle (zone occupée en 1948), détenu depuis 1992 et condamné à 3 perpétuités et quinze ans de prison, a obtenu le magistère en « sciences de la démocratie » à l’université ouverte de Tel Aviv. Il avait auparavant obtenu le magistère en histoire et sciences politiques.

En mai dernier (2007), le prisonnier Mansur Atef Rayan, du village de Qarawa Bani Hassan (région de Salfit) a obtenu la licence en relations internationales et sciences politiques à l’université ouverte, alors qu’il est détenu à la prison de Haddarim.

 

Des prisonniers exposent et discutent leurs thèses au téléphone

Dans un défi inégalé, certains prisonniers sont parvenus, non seulement à poursuivre leurs études, mais aussi à discuter leurs travaux de maîtrise et leurs thèses de doctorat par le biais des téléphones portables qu’ils avaient fait clandestinement passer en prison. De nombreux prisonniers avaient été arrêtés alors qu’ils poursuivaient leurs études universitaires. En prison, ils ont poursuivi leurs études et maintenu le contact avec leurs collègues et professeurs.

Le 16 août 2003, le prisonnier Nasir Abdel Jawad, 38 ans, a discuté sa thèse de doctorat de l’intérieur de la section 5 de la prison de Meggido, grâce au téléphone portable, pendant deux heures et demi, avec l’équipe de professeurs de l’université nationale d’al-Najah. Ce fut une première en Palestine, et probablement dans le monde. Il obtint effectivement son diplôme et est considéré comme le premier prisonnier à obtenir son doctorat au cours de sa détention.

Peu après, au cours de la même année, le prisonnier palestinien Rashid Nidal Rashid Sabri, 29 ans, discute pendant une heure et demi son mémoire de maîtrise, de l’intérieur de la prison de Ofer, grâce au téléphone portable, avec l’équipe d’enseignants de l’université de Bir Zeit.

En mai 2006, le prisonnier Tariq Abdel Karim Fayad réussit à discuter son mémoire de maîtrise par le biais de son téléphone portable, alors qu’il se trouvait dans la prison de Ofer, à l’université d’al-Quds. Fayad n’avait plus qu’à rédiger son mémoire lorsqu’il a été arrêté par l’occupant. Il acheva sa rédaction en prison. Il est de Deir al-Ghossun dans la région de Tulkarm, et est père de deux enfants.

 

Ce ne sont que quelques exemples récents d’une longue lutte menée par les prisonniers pour s’instruire et s’éduquer, malgré les mesures répressives de l’occupation. Le mouvement national des prisonniers représente une formidable école, dans tous les sens du terme, qui mérite qu’on s’y intéresse, en menant enquêtes et études, pour d’abord éclairer les divers aspects de la résistance dans les prisons de l’occupation et ensuite rendre hommage à ces hommes, femmes et enfants qui se sacrifient sans compter pour la libération de la patrie.

 

Traduit par Centre d'Information sur la Résistance en Palestine



Source : Cirepal


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