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Le Parti socialiste français va élire une
nouvelle direction
Peter Schwarz
12 novembre 2008
Un an et demi après sa défaite à l’élection présidentielle,
le Parti socialiste français reste profondément divisé. Le parti
se réunira en congrès à Reims du 14 au 16 novembre pour élire
une nouvelle direction. L’actuel président du parti, François
Hollande, quitte la direction du parti.
Le choix de la nouvelle direction et l’orientation du parti
soulèvent des questions internes complexes. Depuis l’été, six
motions différentes ont été soumises aux militants du parti,
chaque motion étant défendue par un candidat au poste de premier
secrétaire du parti. Après les débats dans les sections locales
et départementales du parti, les adhérents ont voté le 6
novembre sur ces motions. Quatre factions se sont dégagées au
sein du parti avec un soutien pratiquement identique.
Ségolène Royal, la candidate présidentielle de 2007, est
arrivée en tête avec 29 pour cent du vote. Le maire de Paris,
Bertrand Delanoë, et la maire de Lille, Martine Aubry, la
talonnent de près avec 25 pour cent chacun. Benoît Hamon, 41
ans, considéré comme le porte-parole de l’aile gauche du parti a
également fait un score relativement bon en remportant près de
20 pour cent des voix. La participation au vote a été
relativement faible avec seulement 128.000 votants sur les
233.000 adhérents du parti qui étaient appelés à voter.
Lors du congrès qui va avoir lieu cette semaine, (un congrès
se tient tous les trois ans) une version définitive du programme
sera débattue et adoptée et une nouvelle instance dirigeante
sera élue. Le 20 novembre, le premier secrétaire du parti sera
désigné par un vote des militants.
Derrière les débats politiques sur les projets de programme
et les formules à employer et dont les différences sont à peine
compréhensibles aux observateurs, se cache une lutte amère pour
le pouvoir entre des groupes d’intérêts concurrents pour gagner
de l’influence et déterminer le rôle futur du parti.
Depuis les élections présidentielles de l’année passée,
Ségolène Royal préconise une coopération avec le Mouvement
démocrate (MoDem) du politicien de centre-droit, François
Bayrou. Elle a déclaré que le vieux modèle socialiste du parti
était « dépassé » et aspirait à une « modernisation. » Son bon
résultat qui a créé la surprise est interprété comme étant
l’expression d’un nouveau tournant à droite du Parti socialiste.
Il était toutefois bien inférieur aux 60 pour cent des voix que
Royal avait obtenues pour devenir la candidate socialiste à la
présidentielle.
Royal quant à elle, s’efforce de minimiser son image
droitière en ne touchant que l’apparence et non le contenu. Elle
porte à présent des vêtements plus amples au lieu des tailleurs
BCBG qu’elle portait lors de la campagne présidentielle.
Bertrand Delanoë a longtemps été le favori pour le poste de
premier secrétaire du parti. Il a joui du soutien affiché du
premier secrétaire sortant, François Hollande, ainsi que de
l’ancien premier ministre Lionel Jospin qui avait annoncé au
dernier moment qu’il ne participerait pas au vote à la course
pour la direction du PS.
En règle générale, le maire de Paris est qualifié de
traditionaliste, signifiant qu’il représente une politique
sociale-démocrate de droite. Mais contrairement à Royal, Delanoë
ne soutient pas une alliance avec le MoDem et préfère une
nouvelle version de l’ancienne coalition avec le Parti
communiste et les Verts. Le vote au sein du parti a montré que
l’influence de Delanoë qui a bénéficié du soutien des médias, ne
va pas au-delà des limites de la ville de Paris.
Le bastion de Martine Aubry se trouve dans le nord du pays et
est une puissante fédération socialiste. La fille de l’ancien
président de la Commission européenne, Jacques Delors, compte
deux courants opposés dans ses rangs. D’une part, elle a
courtisé les partisans de Dominique Strauss-Kahn, un ancien
ministre des Finances et l’actuel directeur du Fonds monétaire
international (FMI), un partisan de l’Union européenne. D’autre
part, elle bénéficie du soutien de Laurent Fabius, un ancien
premier ministre qui s’était prononcé en 2005 contre la
Constitution européenne et le Traité de Lisbonne. Tout comme
Delanoë, Aubry passe pour être une sociale-démocrate de droite.
Benoît Hamon est l’étoile montante du parti. Lors des débats
qui ont précédé le congrès du parti, il avait déployé une vaste
rhétorique anti-capitalise qui, au vu de l’aggravation de la
crise financière, lui valu du soutien. Mais Hamon a également
laissé entendre qu’il pourrait s’accommoder d’une alliance avec
Ségolène Royal au nom de la modernisation du parti. Sa seule
condition étant que Royal renonce à ses projets d’alliance avec
le MoDem.
Au congrès de Reims les tractations entre les différentes
factions, groupes et cliques du parti, se multiplieront quant à
qui soutiendra qui et à quel prix. Les débats officiels et les
votes du parti sur les projets de programmes et les amendements
ne sont que les ratifications formelles d’accords d’ores et déjà
passés en coulisse.
Les problèmes sociaux et politiques qui marquent la vie des
gens au quotidien, le chômage, la perte de pouvoir d’achat, la
récession, les attaques du gouvernement droitier, ne seront
nullement le sujet des débats du congrès. Le Parti socialiste
s’est déjà détaché irréversiblement des craintes et des intérêts
des travailleurs. A la veille du congrès, les luttes internes
sont l’expression de son incapacité à s’identifier politiquement
avec l’indignation sociale qui se manifeste inlassablement dans
les vagues de protestations et de grèves.
Le Parti socialiste avait atteint son zénith en 1981 avec
l’élection de François Mitterrand à la présidence de la
République sur la base d’un programme réformiste. Il fut soutenu
par le Parti communiste. Toutefois, les illusions du « programme
commun » ne durèrent qu’un an, après quoi Mitterrand entreprit
un revirement radical de 180 degrés sous la pression des marchés
financiers internationaux pour suivre un cours droitier
bénéfique au patronat. A la fin de ses 14 années de présidence,
les socialistes étaient discrédités à tel point que les
gaullistes sous Jacques Chirac remportèrent à la fois la
présidence et la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Mais Chirac avait ignoré la classe ouvrière. En 1995, la
grève des cheminots avait paralysé le pays pendant des semaines
et Chirac fut obligé de dissoudre l’Assemblée nationale et
d’organiser de nouvelles élections législatives. Les socialistes
remportèrent les élections et le secrétaire du Parti socialiste,
Lionel Jospin, cohabita pendant cinq ans en tant que premier
ministre avec Chirac, le président gaulliste, en soutenant la
politique droitière de ce dernier. En 2002, la facture fut
acquittée. Jospin était devenu impopulaire au point de réaliser
au premier tour des élections présidentielles un score inférieur
à celui du candidat de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen. Les
socialistes ne se sont jamais remis de ce coup dur.
Au sein de l’élite politique du pays, les craintes se
multiplient selon lesquelles l’opposition sociale pourrait
emprunter une voie radicale si le Parti socialiste continue à
perdre de l’influence. Ceci est d’autant plus le cas que le
Parti communiste, autrefois le plus important appui de gauche
des gouvernements menés par les socialistes, n’est que l’ombre
de lui-même et a scissionné en de multiple factions. D’où les
efforts pour créer une nouvelle soupape de sécurité politique à
la gauche du Parti socialiste.
C’est dans ce contexte que doit être vue la décision prise
par un groupe de quitter le Parti socialiste et de créer un
nouveau mouvement d’après le modèle du Parti La Gauche (Die
Linke) allemand. Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez ont déclaré
après le vote du 6 novembre qu’il était impossible de contenir
le tournant droitier du Parti socialiste en promettant de fonder
un nouveau parti « sans concession face à la droite. »
Les origines politiques de Mélenchon, né en 1951, remontent à
l’Organisation communiste internationaliste (OCI) dirigée par
Pierre Lambert. Il avait rejoint le Parti socialiste vers le
milieu des années 1970 et fut ministre délégué à l’Enseignement
professionnel de 2000 à 2002 sous le gouvernement Jospin. Pour
le moment, il représente le Parti socialiste au Sénat.
Mélenchon et Dolez ont appelé le Parti communiste et le
Nouveau Parti anticapitaliste, NPA, d’Olivier Besancenot à « la
constitution d’un front de forces de gauche pour les élections
européennes, » de juin 2009. Les deux porte-parole du NPA,
Olivier Besancenot et Alain Krivine ont répondu de façon
prudente mais non désintéressée.
Besancenot a dit que le NPA est pour « un rassemblement des
forces anticapitalistes européennes », mais qu’il ne veut pas
suivre le modèle du Parti La Gauche allemand que soutient
Mélenchon. « Nous ne voulons pas faire Die Linke en France, nous
voulons une gauche anticapitaliste qui ne s’inscrit pas dans le
jeu d’alliance avec le PS, » a-t-il dit.
Alain Krivine s’est également montré intéressé par l’offre de
Mélenchon. Le NPA est « ouvert à une discussion » sur les
élections européennes, a-t-il dit. Ceci devra se faire « sur des
bases claires. » Il faudrait clarifier « les revendications
[communes] et [la question d’] une participation à une coalition
gouvernementale avec les sociaux-démocrates. »
Ce dernier point est rejeté par le NPA.
Le NPA sera officiellement fondé en janvier 2009. Il
remplacera la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), section
française du Secrétariat unifié pabliste de la Quatrième
Internationale. Krivine et Besancenot veulent une organisation
qui recueille les restes des appareils bureaucratiques de
« gauche » tout en attirant les jeunes politiquement
inexpérimentés. Compte tenu du cap droitier du Parti socialiste,
ils trouvent qu’une coalition avec les socialistes n’est, du
moins pour le moment, pas recommandable. Toutefois, la réponse
des dirigeants du NPA aux avances de Mélenchon, membre influent
du Parti socialiste depuis trente ans et ancien ministre, montre
que la position adoptée est de nature purement tactique.
(Article original paru le 12 novembre 2008)
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Publié le 15 novembre 2008 avec l'aimable autorisation du WSWS
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