|
L'EXPRESSIONDZ.COM
SARKOZY,
L’EUROPE ET L’UNION MÉDITERRANÉENNE
«Le cavalier
seul» du président français
M'hammedi Bouzina
Nicolas Sarkozy - Photo RIA Novosti
15
novembre 2007 «En politique,
il faut donner ce qu’on n’a pas, et promettre ce qu’on ne
peut pas donner.» Louis XI (1423-1483) Apparemment,
l’opacité, la confusion et la démagogie ne sont pas des tares
inhérentes aux seules politiques des pays sous-développés. Car,
comment juger autrement les «initiatives» internationales
du président français Nicolas Sarkozy, lorsqu’il annonce être
décidé à relancer la construction européenne, tout en
s’inscrivant en porte-à-faux des politiques communautaires de
l’Union européenne? De son opposition ferme à l’adhésion de
la Turquie à l’UE, à son désengagement de la politique budgétaire
de l’UE (non-respect des critères de Lisbonne qui fixent, entre
autres, les déficits publics à 3%), en passant par sa politique
de l’immigration et jusqu’à son projet d’Union méditerranéenne,
tout indique que M.Sarkozy, loin de clarifier le débat sur
l’avenir de l’Europe et ses relations avec le reste du monde,
le rend, au contraire, plus illisible, incertain, voire risqué.
Mardi dernier, le président français a réitéré devant le
Parlement européen sa ferme opposition à l’entrée de la
Turquie dans l’UE. Chose connue diriez-vous, puisqu’il
l’avait bien affirmé lors de sa campagne électorale. Oui, sauf
qu’il avait, au lendemain de son élection, laissé apparaître
un fléchissement dans son opposition, en déclarant qu’«il
faut continuer les négociations avec la Turquie sur les chapitres
principaux, et voir comment les choses évolueront d’ici 2012».
Les observateurs en avaient conclu à un retour à la modération
politique avec son accès à la fonction suprême de chef de l’Etat
et au respect des engagements de la plus haute instance européenne,
le Conseil, constitué de ses pairs. Rien de tout cela, M.Sarkozy
s’entête à contredire de nouveau le Conseil européen.
Autre angle «d’attaque» du président français: son
projet d’Union méditerranéenne. Alors que personne ne sait son
contenu, voilà que le président français déclare une chose et
son contraire. Il avait laissé entendre que l’Union méditerranéenne
serait construite sur de véritables institutions de coopération
qui cerneraient les domaines les plus divers entre l’Europe et
le Sud méditerranéen, tout le Sud méditerranéen. Le 8
novembre, après la clôture de la conférence des ministres des
Affaires étrangères de l’Euro-Méditerranée tenue à
Lisbonne, un haut fonctionnaire français en visite à Bruxelles déclarait,
lors d’un débriefing à la presse que «l’Union méditerranéenne
est plus un symbole qu’une réalité...et qu’elle serait
assistée par un secrétariat léger, et que la structure
d’ensemble devrait rester légère, uniquement basée sur des
projets». On est loin de la mise en place d’un «Conseil
Euromed permanent» à l’image du Conseil de l’Europe,
promis par Sarkozy. Si l’on ajoute les appréciations négatives
sur ce projet avancées par la vice-présidente de l’UE, en
charge des relations extérieures et de la PEV, Mme Bénita
Ferrero-Waldner, il est pour le moins légitime pour les pays
Sud-Méditerranée de s’interroger sur le sérieux d’un tel
projet. Sarkozy confond-il, à dessein, discours politique électoraliste
et gestion des affaires de l’Etat? Depuis son accession à la
magistrature suprême de la France, il donne des signes de faire
cavalier seul au sein de l’UE, tant ses premières décisions économiques
au niveau national enfreignent les engagements de la France au
sein de l’UE.
A commencer par le déficit public qui dépasse les 4%, alors que
la France s’était engagée à revenir aux 3% fixés par le
Traité de Lisbonne sur les convergences économiques. La
suppression de l’impôt sur les successions (15 milliards d’euros),
la défiscalisation des heures supplémentaires, la réduction
d’impôts sur les grandes fortunes...Tout indique, mathématiquement
parlant, une aggravation des dettes de l’Etat. Du coup, une
telle politique ouvre la porte à d’autres Etats de l’UE pour
lever les contraintes fiscales et autres récessions sociales sur
leurs populations. Bonjour les dégâts au sein de l’Europe!
Enfin, la politique discriminatoire sur l’immigration de
M.Sarkozy n’est pas pour faire avancer l’Europe vers une
politique commune sur la question.
Il trouvera sur son chemin aussi bien les organisations des droits
de l’homme que les partis politiques de gauche et progressistes.
Au rythme où il conduit les affaires de l’Etat français, et
surtout des décisions prises souvent dans la précipitation,
Sarkozy, au lieu de relancer la construction européenne et de
renforcer la coopération avec les pays du Sud-Méditerranée,
brouillera plus les chemins d’une coopération juste et équilibrée,
et n’aidera en rien les ambitions d’une Méditerranée «Lac
de paix». De notre bureau de Bruxelles, M’hammedi
BOUZINA Droits de
reproduction et de diffusion réservés © L'Expression
Publié le 16 novembre avec l'aimable autorisation de l'Expression
|