Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Dominique de Villepin.
Dominique de Villepin : Bonjour.
Vous signez dans le journal « Le Monde », daté
d’aujourd’hui, une tribune très violente contre Nicolas Sarkozy.
C’est le discours prononcé par le Président de la République à
Grenoble, le 30 juillet dernier, qui vous en fournit l’occasion
dans ce discours consacré à la lutte contre l’insécurité. Le
Président de la République proposait notamment « de retirer la
nationalité française à toute personne d’origine étrangère qui
aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier ou
d’un gendarme ». Vous évoquez dans votre tribune – la citation
est celle-ci : « Une tache de honte sur le drapeau ». « Il aura
suffi, écrivez-vous, d’un discours à Grenoble pour que tout
bascule dans l’indignité nationale ». Assumez-vous, ce matin,
Dominique de Villepin, au micro d’RTL, votre rupture avec
Nicolas Sarkozy ?
J’assume ma tribune, j’assume mes mots, je laisse la rupture
à Nicolas Sarkozy.
C’est une rupture.
Il y a trois questions.
C’est vous qui la provoquez en qualifiant ainsi le
discours de Nicolas Sarkozy.
La rupture, ce sont les mots de Nicolas Sarkozy, ce ne sont
pas mes mots. Je veux, au contraire, le rassemblement de tous
les Français dans un moment difficile pour notre pays ; et je me
suis posé trois questions avant d’écrire cette tribune.
Première question : est-ce que cette politique qui est menée
de surenchère sécuritaire est digne ? Il suffit d’écouter les
voix au sein du comité de l’ONU, d’écouter les voix de l’Eglise,
du pape lui-même. Il suffit de lire la presse du « Monde »
entier. Est-ce que le « New York Times », le « Los Angeles
Times », la presse britannique, la presse chinoise, la presse
indienne se sont donné le mot pour conspirer contre la France ;
ou est-ce que ces presses-là disent le profond rejet, voire le
dégoût qu’inspire cette politique-là ?
Pour vous, elle est « indigne ».
C’est une politique indigne. Deuxièmement, est-ce que cette
politique est efficace ? Peut-on même qualifier cette politique
de sécurité ou de sécuritaire ? En aucun cas, c’est une
stratégie électorale. Cette politique n’apporte rien à la
sécurité quotidienne des Français ; ce n’est pas d’ailleurs son
objectif, elle n’a pas vocation à être appliquée. Cette
politique, elle a pour but d’activer le clivage entre la Droite
et la Gauche ; et là, je m’insurge parce que la Droite
française, ce n’est pas ça. Moi je suis issu de ce qu’on appelle
la Droite comme gaulliste. Est-ce que les Gaullistes se
retrouvent dans cette politique ? Est-ce que les Démocrates
chrétiens se retrouvent dans cette politique ? Est-ce que les
Catholiques sociaux, les Catholiques de Gauche, se retrouvent
dans cette politique ? Tout ça n’est pas l’esprit de la
politique française. Ce n’est pas l’esprit de la France.
Troisième question : est-ce que cette politique n’est pas
dangereuse ? Alors là, je dis oui. Oui, cette politique est
source de troubles et d’insécurités parce qu’elle divise les
Français. Vous voyez bien que nous sommes là dans une dérive qui
est lourde de conséquences et qui ne concerne en rien la
sécurité parce que si nous voulons, et je suis favorable à une
politique de sécurité renforcée dans notre pays, nous avons vu
combien et beaucoup grâce à Nicolas Sarkozy de 2002 à 2007, nous
avons marqué des points en matière de sécurité. Et depuis 2007,
eh bien les choses sont plus difficiles parce que nous sommes
dans une nouvelle période avec des violences de plus en plus
fortes et de plus en plus jeunes. Ca implique d’utiliser les
bons outils.
Mettons en place une véritable politique de proximité tirant
les leçons de l’échec de la Gauche dans ce domaine avec les
unités territoriales de quartier ; faisons en sorte d’activer
des outils comme les groupements d’intervention régionaux ou
départementaux, menons une vraie politique éducative avec un
Corps d’enseignants spécialisés dans les zones sensibles. Il y a
des outils, ces outils, encore faut-il désirer vraiment les
mettre en œuvre.
En tout cas, les mots que vous employez ce matin sur
RTL sont clairs, Dominique de Villepin : politique inefficace,
dangereuse, indigne. Plus aucun accord n’est possible, selon
vous, avec le Président Nicolas Sarkozy.
Mais je ne suis pas un homme d’extrêmes. Que cette politique
fasse le jeu de l’extrême droite, je le regrette fortement.
Cette politique n’est pas la politique de la Droite et ce n’est
pas l’intérêt de notre pays. Rappelons-nous, monsieur Aphatie,
parce que c’est important ; rappelons-nous : nous sommes en 2010
dans une rentrée très difficile. Il y a 600.000 Jeunes qui
rentrent ces jours-ci sur le marché du travail et qui pour
beaucoup ne vont pas trouver d’emploi ; nous avons un déficit
colossal ; nous sommes à la recherche de plusieurs milliards
d’euros.
Nous devrions être tous ensemble en train de nous atteler aux
vrais problèmes y compris ceux de la sécurité ; et que
faisons-nous ? Eh bien, nous recherchons des bouc-émissaires,
nous dénonçons des populations, là où il faudrait – au contraire
– être mobilisés avec tous les outils. Je me mets à la place des
policiers, des gendarmes. Je me mets à la place des préfets, des
ambassadeurs. Je peux vous dire que leur malaise est très
profond. Ils ne croient pas à l’efficacité de cette politique,
pas plus d’ailleurs que la plupart des ministres du
gouvernement.
Souhaitez-vous que l’action de Nicolas Sarkozy à la
tête de l’Etat cesse en 2012 ?
Je souhaite que l’action de Nicolas Sarkozy redevienne
sereine, qu’elle redevienne une action au service des Français
de l’intérêt général et je souhaite que les Français en
conscience, fassent le choix qui est le leur pour 2012…
Pourriez-vous soutenir…
… En ce qui me concerne, je ne pourrai certainement pas
soutenir la poursuite d’une politique que j’ai qualifiée dans ce
domaine précis d’indigne, d’inefficace et de dangereuse. Mais
enfin, vous savez, il arrive que la grâce puisse survenir de la
même façon que je souhaite que le ministre de l’intérieur en
rencontrant André XXIII puisse comprendre que cette politique
n’en est pas une, c’est une politique électorale, c’est une
stratégie électorale, ce n’est pas une politique de sécurité.
On ne peut pas dire à la fois, Dominique de Villepin,
que la politique est indigne et puis, imaginez que la grâce
puisse revenir ; quand on dit que la politique est indigne, on
coupe les ponts. Vous le savez comme nous ?
Au cœur de toute foi, il y a l’espérance, monsieur Aphatie.
Mais quand on parle d’indignité, tout de même ! Celui
qui reçoit le mot doit se dire que…
Tout le monde peut être relevé ; il n’y a pas de fatalité à
ce que la France soit abaissée comme elle l’est aujourd’hui.
Vous évoquez dans le journal « Le Monde », donc dans
la tribune que vous avez signée hier, un devoir de préparation
de l’alternative politique qui s’impose...
Républicaine.
Oui, je ne sais pas…
Je parle d’alternative républicaine.
Incarnez-vous, aujourd’hui, cette alternative
républicaine, Dominique de Villepin ?
Tous ceux qui ont une conscience, tous les responsables
politiques qui prennent leurs responsabilités ont vocation à la
préparer mais j’estime puisque nous parlons de politique de
sécurité que vouloir enfourcher une politique qui n’a pas
l’objectif, qui n’a pas le but, qui ne se donne pas les moyens
d’améliorer la sécurité des Français, eh bien c’est aller dans
le sens d’une impasse. Donc je suis pour que l’on revienne à la
réalité. Le déni de réalité dans lequel s’est installé
malheureusement, à bien des égards, ce gouvernement, fait que
les Français souffrent aujourd’hui des faillites, des échecs de
cette politique.
Vous avez dit au passage, Dominique de Villepin, que
la plupart des ministres ne croyaient pas à l’action engagée par
Nicolas Sarkozy en matière de sécurité.
Beaucoup, beaucoup.
Qu’est-ce qui vous permet de le dire ?
Eh bien écoutez, d’abord, vous-même, les uns et les autres….
Il suffit…
Non, non, non…
… Il suffit d’écouter les radios ce matin…
Si vous le dites au micro de RTL, c’est que vous
devez bénéficier d’autres sources…
… Et puis j’ai un certain nombre de contacts, je rencontre un
certain nombre de ministres qui sont malheureux et mal à l’aise.
Des ministres qui sont aujourd’hui au gouvernement
partagent le constat que vous faites de l’indignité de la
politique suivie ?
Oui, dans l’ombre ; malheureusement, ils ne le disent pas
ouvertement, ne pourraient pas le dire ouvertement ; mais ils
sont malheureux et mal à l’aise avec la politique qui est menée.
Certains journalistes s’étonnent, ce matin, du
silence du Premier ministre. Vous avez des indices qui vous
permettent de penser que le Premier ministre fait partie de ces
gens qui n’approuvent pas le discours du Président de la
République en la matière ?
Je pense que François Fillon, qui est un homme de qualité, ne
peut pas être très à l’aise avec cette politique-là ; je pense
que la Garde des Sceaux, qu’on n’a pas beaucoup entendue, ne
peut pas être très à l’aise avec cette politique-là. Je crois
que d’une manière générale, cette politique n’est pas celle de
la France et n’est pas l’intérêt du gouvernement.
On essaie de comprendre votre démarche politique,
Dominique de Villepin…
Elle est assez simple et assez claire, monsieur Aphatie.
Vous employez des mots très durs, vous en tirerez
sans doute des conséquences. Assez curieusement, vous avez fait
savoir à la fin juillet que vous aviez renouvelé votre adhésion
à l’UMP…
Il n’y a rien de curieux.
Alors là, on a du mal à comprendre ?
Pas du tout, mais c’est très simple. J’ai dit ce matin que la
Droite française ne pouvait pas se retrouver dans la politique
qui est menée. J’ai toujours pensé que ma famille politique
d’origine qui est l’UMP n’avait pas vocation à être tirée vers
l’extrême droite comme elle l’est aujourd’hui ; et le combat,
j’entends le mener et au sein…
Vous en tirez des conclusions ?
J’en tire les conclusions. C’est que le combat, il faut le
mener encore plus fortement. Je le dis dans ma tribune :
préparer une alternative républicaine, c’est vrai ; au sein de
la Majorité c’est vrai, en dehors de la Majorité. Vous savez, je
suis un homme qui ne se divise pas. Je mène le combat à
l’intérieur, et je mène le combat à l’extérieur.
Mais vous restez membre de l’UMP ?
Et je suis toujours membre de l’UMP, monsieur Aphatie, et
serein.
Vous convenez que tout ça n’est pas facile à
comprendre ?
Tout ça ! Mettez-vous à la place des électeurs de l’UMP, vous
pensez vraiment qu’ils se retrouvent dans la politique à mener.
Vous pensez qu’Alain Juppé, que Jean-Pierre Raffarin est à
l’aise avec cette politique, Jacques Chirac membre de l’UMP.
Vous pensez qu’ils se retrouvent dans cette politique-là ? Non,
monsieur Aphatie. Le combat, il faut le mener partout et c’est
ce que je demande aux Français. Il faut que les consciences se
mobilisent.
Et vous serez candidat en 2012 !
Ca, c’est vous qui le dites, monsieur Aphatie.
C’est moi qui l’ai dit. Dominique de Villepin était
l’invité de RTL ce matin.
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