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Opinion
Dans Jogging International,
Dominique de Villepin évoque sa passion pour la course à pied
Photo: Jogging International -
Vincent Lyky
Dimanche 19 septembre 2010
Dans le numéro d’octobre du mensuel Jogging International,
Dominique de Villepin évoque, dans une longue interview, sa
passion pour la course à pied. Extraits…
Vous courez combien de fois par semaine?
« J’essaie de courir tous les jours, même s’il y a des jours
où c’est plus difficile que d’autres. En moyenne, je cours six
fois par semaine et même, quand je peux, sept jours sur sept.
Sachant que je m’octroie une sortie plus relâchée par semaine,
histoire de ne pas trop user la carcasse ! Je cours une heure
par jour en moyenne et j’aime bien, le samedi et le dimanche,
faire un peu plus long, jusqu’à 1h30. » (…)
Quand avez-vous attrapé le virus de la course à pied?
Adolescent, « j’habitais tout près d’un club de sport à
Caracas, au Venezuela. Notre maison jouxtait le club de tennis
Alta Mira. Ma découverte de la course a finalement deux
origines: la première avec mon père et la deuxième grâce à un
jeune sportif vénézuélien qui avait été qualifié pour les Jeux
Olympiques de Mexico en 1968. Il s’entraînait dans les collines
de Caracas. Je le voyais passer tous les jours devant chez moi.
J’étais frappé par cette ténacité, cette volonté, cette énergie.
Il n’avais aucune chance de faire un bon temps. Mais il avait
cette espèce d’ascèse. Je le voyais s’entraîner sur les côtes,
faire des accélérations. Tout ça m’avait beaucoup impressionné.
Là où beaucoup d’enfants s’entraînaient pour faire le 100
mètres, moi, j’aimais courir longtemps. Je le faisais à ma
façon, avec un petit transistor. On captait les discours de
Fidel Castro; c’était des discours qui duraient et duraient, qui
n’en finissaient pas de durer. Aujourd’hui encore, j’ai dans
l’oreille la voix de Fidel Castro hurlant ses discours aux
« camarades cubains ». (…)
Vous courez seul ou accompagné?
« J’ai couru seul, mais je préfère de loin courir en groupe.
Chaque fois que je peux, je cours avec des amis ou à plusieurs.
J’ai fait des milliers et des milliers de kilomètres avec des
amis qui me sont resté très proches. (…) En alternant mes
courses le matin ou le soir, plus tardivement, vers 21 heures,
j’avais d’autres partenaires, tout aussi fidèles dans leur
rendez-vous. Il y avait un patron de bistrot à Saint-Denis, un
commercial qui faisait 25 bornes tous les soirs dans Paris.
C’étaient presque tout le temps les même gens. Ce sont des gars
que j’ai retrouvés après, vingt ans plus tard. Toujours au bois
de Boulogne. Ce qui m’a toujours fasciné dans ce milieu, c’est
le brassage social. Aucune différence entre le PDG et le gars
qui est magasinier, et ça, c’est formidable. Cela a beaucoup
contribué à mon éducation sportive. Comme le fait de se caler au
plaisir de la course. Courir pour échanger en somme…
J’ai toujours veillé à courir à des rythmes qui permettaient
de parler. J’adore courir et parler. Je trouve qu’on est
beaucoup plus intelligent quand on court. On a plein d’idées. Il
y a une espèce de libération de l’intellect. On est alerte, on
est créatif, on est imaginatif. Beaucoup de mes idées sont
venues en courant, bonnes ou mauvaises d’ailleurs… Voyez, dans
les mois qui ont précédé le procès Clearstream en janvier 2010,
la course à pied m’a été indispensable. Sans la course, je
n’aurais jamais pu traverser tout cela avec cette sérénité et
cette décontraction. » (…)
Vous êtes parvenu à courir tous les jours dans ces
conditions?
« Plus c’est difficile, plus j’éprouve le besoin de courir.
Plus les journées sont longues, plus je cours. La course n’est
pas la variable d’ajustement dans une journée, mais bien le
contraire. La course est encore plus indispensable lorsque la
charge de travail est lourde. » (…)
Qu’est-ce que la course à pied représente pour vous?
« Le dépouillement, c’est ce que je trouve extraordinaire
dans la course à pied. Pour moi, ce n’est pas simplement une
activité physique, mais une ascèse du quotidien. C’est le goût
du sport qui dépasse le sport, qui devient une hygiène de vie,
une morale personnelle. Quand vous faites un marathon, vous ne
pouvez pas tricher. Il y a des valeurs que l’on partage avec
tous ceux qui sont là. Chacun part avec ses atouts et ses
handicaps. Il y a une simplicité que j’aime dans ce sport. Le
marathon vous oblige à beaucoup d’humilité. Une fois de plus, il
n’y a pas de différence sociale, pas de différence culturelle.
Chacun se donne du mal avec ses acquis. C’est ce qui était très
touchant quand le marathon de Paris s’est ouvert aux handicapés:
il y avait cette solidarité qui rassemble tous les coureurs,
valides ou non. J’aime cette morale. On se bat surtout contre
soi-même, on se bat pour se dépasser, mais aussi pour
partager. » (…)
A quel moment avez-vous eu le plus de mal à courir?
« Sur le plan physique, certainement lorsque j’étais ministre
des Affaires étrangères. Je vivais tout le temps en décalage
horaire. (…) La découverte, c’est ce qui est magique avec la
course à pied. N’importe où dans le monde, avec une parie de
chaussures et un short, vous partez visiter à trente kilomètres
à la ronde. Vous arrivez à Hong Kong, à Singapour ou en Corée,
vos prenez votre short et vos godasses, vous mettez un pied
devant l’autre. C’est magique.
J’essaie de courir dans tous les pays du monde, avec
quelquefois des expérience traumatisantes. Il y a quelque temps
à Venise, par exemple. Je suis chez des amis. On me passe les
clefs de la maison. Je trottine: je me dis, tiens, première rue
à droite, deuxième à gauche, troisième… Ici? Là? Oui? Non? Je me
suis retrouvé complètement paumé au bout d’une heure. Je n’ai
même jamais retrouvé la maison. Par chance, je savais que mon
ami déjeunait dans un restaurant connu. Je me suis pointé au
restaurant en short. Se perdre, ça aussi fait partie de la
découverte… » (…)
Votre pire souvenir?
« J’ai un horrible souvenir sur le marathon de New York, en
1986. A l’époque, le cabinet de François Léotard, alors ministre
de la Défense, me téléphone quinze jours avant le marathon de
New York pour me demander de l’accompagner. Je dirigeais alors
le service de presse de l’ambassade de France aux Etats-Unis: on
mangeait, déjeunait, dînait en permanence. J’avais cinq à six
kilos de trop. J’arrive à l’hôtel de Léotard et là, première
déconvenue, Léotard me toise: « Vous êtes gentil, mais je
cours avec mes amis de Fréjus » , on m’avait réservé la
possibilité d’un départ avec les champions, une heure plus tard.
Je n’étais pas entraîné, mais je me suis dit que j’allais le
faire quand même. Une fois à l’intérieur du bus élite, j’ai eu
la honte de ma vie. Tout le monde déclinait des temps
incroyables entre 2h10 et 2h12. Quand mon tour est venu, j’ai
marmonné un truc le plus doucement possible. Je me suis retrouvé
au premier rang, au milieu, en bas du pont, en première ligne du
marathon. Le départ est donné. Quand vous avez derrière vous
quelques dizaines de milliers de gaillards tous prêts à partir
comme des dératés, c’est assez impressionnant. J’ai essayé de
sprinter sur les premiers cent mètres. Je voyais passer les
types à la vitesse du vent. J’ai réussi à terminer, mais c’était
lamentable. » (…)
Avec le lancement de votre parti politique République
Solidaire, vous vous êtes engagé dans un marathon d’un autre
genre. Est-ce que vous voyez des analogies entre la course à
pied et la politique?
« Il faut être très patient. Il y a aussi l’idée d’apprendre
à ménager sa monture. C’est psychologiquement très important.
C’est pour cela que je me suis astreint à ne jamais m’engager
dans une course sans pouvoir la terminer. Psychologiquement, si
j’avais commencé un marathon sans le terminer, ça m’aurait
perturbé. J’ai toujours terminé les courses auxquelles je
prenais part, malgré les tendinites ou les blessures. » (…)
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