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Opinion
Éditorial
Rédaction du B.I.P.
Vendredi 15 avril 2011
En
France, dès le départ du conflit libyen, la quasi-totalité de la
gauche – partis et organisations de tous genres – ont cru qu’il
était de leur devoir sacré de soutenir les opposants – dits
«démocrates» – de condamner inconditionnellement le régime
Kadhafi – taxé de «dictateur» –, et corolairement, soutenir le
«peuple» libyen épris de «démocratie» et de «liberté».
Sur
le terrain du conflit, en y
regardant de plus près, on s’apercevait que le
peuple libyen épris de «démocratie» et de «liberté» n’était pas
si mal loti. Il bénéficiait même de nombreux avantages non
seulement supérieurs à ceux de nombreux autres peuples
d’Afrique, mais même de celui de France, et qu’il risquait de
les perdre dans l’éventualité d’une «démocratisation à
l’occidentale». En conclusion, une partie significative de la
population avait
tout intérêt à préserver le régime et l’état
actuels. Cette unité d’intérêt d’une partie significative de la
population, de l’état
et des dirigeants s’est traduite dans un premier temps un block
loyaliste ou de défense du régime.
De
l’autre côté un mouvement contestataire s’est développé, qui au
départ donnait l’impression de manifester pacifiquement à
l’instar des mouvements de Tunisie et d’Égypte. Mais celui de la
Libye arborait le drapeau du roi déchu Idris et était accompagné
de slogans théocratiques. Mais tout cela n’a pas empêché
notre gauche bienpensante de
considérer les opposants comme des «démocrates».
Les
rebelles, dotés désormais d’armes ont attaqué et pris des
casernes, des commissariats de police, un dépôt d’armes, libéré
des prisonniers, pourchassé les noirs considérés comme des
mercenaires de Kadhafi. Puis les manifestants devenus maintenant
rebelles, se sont dotés d’une direction, un comité composé des
anciens ministres de l’Intérieur et de la Justice du
gouvernement, alors que plusieurs hauts fonctionnaires,
diplomates et ambassadeurs du régime retournaient leur veste en
faveur des «démocrates». Dès lors cette étrange insurrection
prenait une allure de révolution de palais, royaliste et
théocratique, dont l’étendue du suivi populaire restait à
démontrer. Mais ces considérations n’ont guère perturbé
notre gauche bienveillante dans
son attitude à considérer les opposants comme des «démocrates».
Clairement dès lors, deux camps s’opposaient: le camp loyaliste
et le camp de la «démocratie et de la liberté», chacun avec une
population, un état
ou un état en
devenir, et une direction politique, autrement dit: une guerre
civile.
Prises par surprise les forces gouvernementales ont perdu du
terrain, puis l’ont repris. Les forces rebelles n’étaient pas de
taille. Néanmoins, ils proclamaient haut et fort refuser
l’intervention des forces occidentales. Tout le monde savait
qu’ils étaient approvisionnés en armes par l’étranger et petit à
petit des instructeurs occidentaux – français, anglais et
étasuniens, par centaines, leur ont été envoyés pour de les
entrainer. La zone d’exclusion aérienne a été établie, puis le
Congrès étasunien a autorisé la
CIA à intervenir….
Graduellement l’insurrection qui se présentait comme une guerre
civile est devenue, avec l’introduction d’instructeurs, d’agents
de tout genre et d’armes occidentales, une guerre d’intervention
et de conquête, entre autre, celle du pétrole. Une guerre
coloniale tout ce qu’il y a de plus classique. Dans le bloc des
opposants au régime, les voix de ceux qui refusaient
l’intervention étrangère s’entendaient de moins en moins.
Pendant ce temps, dans le camp des rebelles, s’introduisaient de
plus en plus d’instructeurs occidentaux, de troupes et d’amis
d’Al-Qaïda, d’anciens «talibans» libérés de Guantanamo et
relâchés en Libye, de membres de l’AQMI, du
Groupe combattant islamiste libyen (GCIL) contrôlé
par la CIA…. et
bien sûr avec le soutien militaire, matériel et «humain», des
royaumes d’Arabie saoudite, du Qatar, de Suède, d’Espagne, de
Grande Bretagne et de France. Mais cela n’a guère gêné
notre gauche républicaine de
considérer les opposants comme des «démocrates».
Les
bombardements par les «alliés de l’OTAN», avec des munitions à
uranium appauvri se sont succédés sous l’égide de la résolution
du Conseil de sécurité l’ONU votée pour sauver le peuple libyen.
De tels bombardements, auxquels les forces armées françaises
participent tuent les populations quel que soit leur camp et
empoisonnent l’environnement pour des longues années, voire des
siècles. Après tout s’ils bombardent c’est à la demande des
rebelles pour sauver la population et par conséquent ce n’est
pas trop cher payer, ce qui n’arrête pas
notre gauche éprise de moralité de considérer les opposants
comme des «démocrates».
Désormais force est de constater qu’un camp se conforme au droit
du peuple libyen à se déterminer lui-même, tout en défendant sa
souveraineté nationale et son intégrité territoriale, alors que
l’autre s’allie et se subordonne à des puissances étrangères.
Défendre le droit des nations à disposer d’elles mêmes, sert
finalement à défendre le droit à notre nation de disposer
d’elle-même. C’est surtout aux moments critiques des conflits
qu’il est primordial d’intervenir sans hésitation ni ambiguïté
pour défendre la cause que nous soutenons. Ce n’est alors pas le
moment de se poser en juge, ni d’adopter une position de
neutralité. C’est ce qu’a
très bien compris notre gauche, gauchisante, communisante,
sensible et morale… en défendant le camp de la réaction.
Situés dans un pays agresseur, le moins que l’on puisse faire
est d’élever notre voix, protester, condamner et décrédibiliser
l’adversaire, dans l’opinion publique. L’impact d’une
déclaration dépend de l’importance de l’auteur, de la pertinence
du message, de l’étendue de sa diffusion et de la mobilisation
de son audience. Nos moyens sont très limités, ceux de
l’adversaire immenses, mais cela ne nous arrêtera pas parce que
nous défendons des principes humains, face à la réalité de
l’impérialisme qui dévoile de plus en plus sa nature hideuse, et
par là même nous donne raison.
Il
n’y a pas de camp de droite ou de gauche, mais des camps pour ou
contre l’impérialisme. Si ce dernier existe il faut le
renforcer, sinon il faut le créer.
La
Rédaction
Le dossier Libye
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