IRIN
La pauvreté pousse les enfants à
travailler aux check-points
Subhi raconte qu’il quitte
sa maison au lever du jour. Il se rend d’abord à l’école,
puis va sur le check-point. Quand il rentre à la maison le soir,
il est complètement épuisé.
Six mois d’embargo international paralysant pour
les Territoires occupés palestiniens ont conduit leur économie
pratiquement au point mort. En conséquence, les enfants sont
poussés de plus en plus à rechercher un travail pour aider leur
famille.
« Quand mon père s’est
retrouvé sans travail, j’ai rejoint mes amis qui travaillent au
check-point pour aider ma famille de 11 personnes », dit
Subhi Abdullah, 16 ans, en parlant de son travail en marge au
check-point israélien d’al-Hawawer, à Hébron, en Cisjordanie.
L’embargo fait suite à l’élection démocratique
du Hamas à la tête du gouvernement en février. Le Hamas est déclaré
organisation terroriste par l’Occident et Israël. Avec une
population de 4,2 millions d’habitants, les Territoires occupés
palestiniens comprennent la Cisjordanie, la Bande de Gaza et Jérusalem-Est.
Même si lundi un projet a été annoncé pour un gouvernement
d’unité nationale palestinien qui pourrait créer les
conditions de la levée de l’embargo, les Palestiniens
ordinaires continuent de souffrir. Selon le Bureau central des
Statistiques de la Palestine (PCBS), 40 000 enfants de moins de 18
ans travaillent dans les Territoires, 73 % d’entre eux y sont
obligés pour des raisons financières graves.
Subhi part pour le check-point al-Hawawer chaque
matin, tirant sa charrette à bras en acier derrière lui. Il
rivalise alors avec d’autres garçons pour essayer de gagner 2
ou 3 shekels (45 à 70 cents US - ou 35 à 55 centimes d’euro)
en portant les bagages des voyageurs.
40 % de la Cisjordanie sont sous la compétence
civile limitée du gouvernement palestinien depuis les accords
d’Oslo signés en 1993, alors qu’Israël garde le contrôle de
l’ensemble, d’où les check-points. « Le
poison d’un homme est la viande d’un autre » dit
Subhi, quand on lui demande ce qu’il ressent à vivre sur les
check-points. Israël a installé des centaines de check-points à
travers la Cisjordanie pour des « raisons de sécurité »
d’après son armée. Ces check-points rendent difficile pour les
Palestiniens tout déplacement d’une ville à une autre ;
quelquefois même, d’un village à un autre. Subhi raconte
qu’il quitte sa maison au lever du jour. Il se rend d’abord à
l’école, puis va sur le check-point. Quand il rentre à la
maison le soir, il est complètement épuisé. « Mes
études en ont pris un coup. Il me reste trop peu de temps pour étudier,
je pense que c’est inutile » dit-il.
Abdul Rahman, 14 ans, du village al-Khader, près
de Bethléhem, travaille sur le check-point de son village. Il préfère
le travail à l’école. « J’attends avec
impatience que sonne la cloche de l’école. Et aussitôt, je
prends ma charrette, - je la laisse près de mon école - et je
cours au check-point. Je laisse mon cartable à mon jeune frère
qui l’emmène à la maison. » dit Abdul Rahman. « Je
regarde tout autour avec mes collègues pour que des voyageurs
nous confient leurs bagages et je les emmène de l’autre côté
du check-point. »
Tandis que ces enfants des check-points, ou ces « petits
bagagistes » comme on les appelle parfois, sont
avantageux pour les voyageurs, les ONG et les organismes d’aides
ont à charge de répondre à leurs besoins et aux conséquences
des check-points sur la population palestinienne. Le Fonds des
Nations unies pour l’Enfance (UNICEF) rapporte que le nombre de
check-points et les couvre-feux intermittents d’Israël sont une
entrave pour le système scolaire dans les Territoires. Plus de
225 000 enfants et 9 300 enseignants en Cisjordanie sont confrontés
à un combat quotidien pour se rendre à l’école. Selon
l’agence de l’Enfance, les deux tiers des enfants palestiniens
vivent sous le seuil de pauvreté (2 $ US/jour ou 1,5 €), 38 %
des enfants sont anémiques ; 23 % des élèves et 36 % des
enseignants ne peuvent se rendre à l’école au jour voulu. Un
projet de loi pour l’Enfance palestinienne prévoit
l’interdiction d’employer des enfants de moins de 15 ans. Il
stipule que l’Etat devra prendre toutes les mesures appropriées
pour réinsérer les enfants qui travaillent, physiquement et
psychologiquement.
Tandis que les petits bagagistes continuent de
soulager les voyageurs de leurs fardeaux, personne ne les aide
vraiment pour les soulager du leur.
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