Le drapeau vert du mouvement radical Hamas flotte
sur la maison d’Oum Tuba, un village palestinien appartenant à
la municipalité de Jérusalem. Le poster de campagne prônant le
« changement et la réforme » est affiché sur la
porte. Keffieh à carreaux noirs et blancs noué sur la tête,
portant une épaisse barbe rousse, Mohammed Abou Teir, le numéro
deux sur la liste nationale du Hamas et candidat dans la Ville
sainte, ne se cache pas. Il balaie d’un sourire l’interdiction
israélienne de faire campagne à Jérusalem, imposée aux
candidats du Hamas, pour les élections législatives
palestiniennes du 28 mars.
« Cela ne nous empêchera
pas de gagner à Jérusalem », assure Mohammed Abou Teir.
D’après les derniers sondages, le Hamas, réputé pour sa bonne
gestion à la tête des villes conquises lors des récentes
municipales, remportera un tiers des suffrages dans les
Territoires palestiniens, pour sa première participation à des
élections législatives. Le Hamas s’imposerait ainsi comme la
deuxième force politique palestinienne derrière le Fatah, le
parti réputé corrompu du modéré Mahmoud Abbas. Les analystes
estiment que le Hamas est en position de force à Jérusalem, où
il dispose d’importants relais claniques et où les Palestiniens
espèrent établir la capitale de leur futur Etat dans sa partie
orientale.
Porte-à-porte
Israël, qui a annexé Jérusalem-Est en 1967, se
dit opposé à toute négociation sur une division de la ville
qu’elle considère comme « la capitale réunifiée et éternelle
d’Israël ». Le gouvernement israélien serait néanmoins
prêt à tolérer une « entorse » à sa souveraineté
en laissant les Yerosolomitains participer au scrutin. Mais l’Etat
Hébreu considère le Hamas, qui a revendiqué plusieurs dizaines
d’attentats suicides en Israël depuis le début de la seconde
intifada, comme un mouvement terroriste et n’a pas l’intention
d’accepter que des « terroristes » battent campagne
dans la Ville sainte. Le Hamas a donc renoncé aux tracts, aux
affiches et aux meetings à Jérusalem et y mènera une campagne
plus discrète. « Peu importe, affirme
Mohammed Abou Teir. Nous ferons du porte-à-porte. Nous visiterons
chaque maison. Nous parlerons aux chefs de famille. »
Les grands meetings électoraux du mouvement
islamiste, avec leur floraison de drapeaux verts, seront organisés
de l’autre côté des check points israéliens filtrant l’accès
à Jérusalem. Malgré les menaces d’arrestation israéliennes,
Mohammed Abou Teir a l’intention d’y participer. « J’ai
déjà passé 25 ans dans les prisons israéliennes, pour
appartenance au Hamas, explique-t-il. Comme l’ont montré les élections
municipales, l’arrestation de nos candidats ne les empêche pas
d’être élus. » Plusieurs candidats du Hamas, incarcérés
en Israël, avaient été élus lors des élections municipales,
au cours desquelles le mouvement avait effectué une percée.
Un nouveau succès du mouvement lors des législatives
placerait le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud
Abbas, dans une position difficile. Le premier ministre israélien
par intérim, Ehoud Olmert, a prévenu lors d’un entretien téléphonique
avec le président américain George W. Bush que l’entrée du
groupe radical Hamas au gouvernement palestinien entraverait tout
progrès dans le processus de paix. Jusqu’à présent, Mahmoud
Abbas s’est refusé à désarmer le Hamas, par crainte de
provoquer une guerre civile.
Le « droit de résister »
Il a choisi d’intégrer le mouvement dans le
système politique, espérant qu’il déposerait les armes dans
une seconde phase. Et il pourrait ainsi conditionner sa
participation au gouvernement à son renoncement à la lutte armée
et à la destruction d’Israël.
Le Hamas a fait un premier pas en supprimant de
son programme l’appel à la destruction de l’Etat hébreu, qui
figure toujours dans la charte du mouvement rédigée en 1988.
Mohammed Abou Teir juge qu’il est trop tôt pour parler d’une
reconnaissance de l’Etat d’Israël par le Hamas, accordée
selon lui « prématurément par l’OLP » en 1993 peu
avant les accords d’autonomie d’Oslo. « Nous
reconnaissons le droit du peuple juif de vivre et souhaitons
cohabiter un jour en paix avec lui dans cette région,
explique-t-il. Mais il est hors de question de déposer les armes
tant que l’occupation israélienne se poursuivra. Nous avons le
droit de résister. »
Le Hamas, qui revendique l’évacuation israélienne
de la bande de Gaza, comme une « victoire de la résistance »,
estime que la lutte armée est le seul moyen de « libérer »
la Cisjordanie et Jérusalem-Est de la présence israélienne.
Mais le mouvement se dit prêt aussi à accepter une trêve de
longue durée, laissant aux générations futures la responsabilité
de reprendre ou non la lutte armée, en échange de la création
d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967.