Ce qui se passe à l’hôpital Hadassa de
Jérusalem n’empêche pas les factions palestiniennes de
mener tambour battant leur campagne électorale, sous le signe
du passé. Passé récent, il est vrai, mais aussi et surtout
une référence symbolique. Un an après la mort de Arafat et
deux ans après l’assassinat par Israël du cheikh Ahmad
Yassine, fondateur du mouvement Hamas, les deux hommes étaient
fortement présents dans la propagande électorale pour l’élection
du Conseil législatif. La campagne entamée le 3 janvier doit
se terminer le 23 du même mois, soit 48 heures avant
l’ouverture du scrutin qui aura lieu le 25 janvier. De plus,
avec les échos de l’état de santé de Sharon, on ne manque
pas à cet égard de comparer : le bouleversement politique créé
en Israël par l’état critique du premier ministre avec un
processus plus ou moins similaire côté palestinien, avec
l’affaiblissement du chef de l’Autorité palestinienne,
Mahmoud Abbass. Elu il y a un an sur un programme prônant
notamment la restauration de l’ordre public et le respect de
la loi, Abbass est régulièrement défié par ses propres
troupes. De plus, l’image d’un Sharon qui aurait pu être
l’homme du règlement pacifique s’adapte à cette
situation nostalgique qui règne. Cela dit, si cela entraîne
des calculs chez les responsables, le citoyen, lui, ne voit
pas la différence entre un Sharon et un autre politicien israélien.
Dès le premier jour de la campagne, les
candidats du Fatah, la faction la plus importante de l’OLP,
ont choisi la tombe de Yasser Arafat, son fondateur mort en
2004 et qui demeure le symbole de la lutte palestinienne pour
l’indépendance, dans la cour de la Mouqataa, le quartier général
de l’Autorité palestinienne à Ramallah en Cisjordanie.
Dans une brève allocution, le directeur de la campagne du
Fatah, le vice-premier ministre Nabil Chaath, s’est tourné
vers la foule immense de partisans. « De devant la tombe du
commandant et symbole, le fondateur de la révolution
palestinienne, et dans ces conditions exceptionnelles de
l’histoire de notre peuple où les lourdes tâches et les défis
internes et externes se mêlent, j’annonce le lancement de
la campagne ». Cette présence de Arafat ne s’est pas limitée
à Ramallah mais s’est étendue à toutes les villes et
villages palestiniens, notamment à Gaza de telle sorte que le
portrait du dirigeant historique est devenu un dénominateur
commun dans toutes les affiches électorales des partisans du
Fatah et des autres candidats n’appartenant pas aux
mouvements Hamas et le Djihad.
Voire, les hommes du Fatah ne se sont pas
contentés de l’image de Arafat. Ils ont eu recours aussi à
sa voix. Ils ont loué des voitures avec haut-parleurs pour
faire le tour des rues de Gaza diffusant des discours de
Arafat. Il s’agit de donner la preuve du caractère
patriotique des candidats, du fait qu’ils se fondent sur un
grand passé de militantisme, celui d’Abou-Ammar (nom de
guerre de Arafat). C’est l’homme qui a transformé la
cause palestinienne et lui a donné son étiquette de cause
d’indépendance. C’est lui qui a attiré l’attention du
monde à cette affaire qui était jusque-là limitée à une
cause de réfugiés qui cherchent à être réinstallés. Une
campagne donc dont le leitmotiv est : « Avec votre
permission, Abou-Ammar, nous continuerons à brandir le
drapeau du Fatah et le conduirons à la victoire ».
Face au Fatah qui est l’initiateur de la
lutte palestinienne au cours de toutes les étapes et aussi
l’initiateur du processus de paix né à Oslo, le mouvement
islamiste Hamas a également choisi de lancer symboliquement
sa campagne devant la maison de son fondateur Ahmad Yassine,
assassiné en 2004 par Israël. Les portraits du cheikh
Yassine et de son successeur Abdel-Hamid Al-Rantissi sont
venus concurrencer ceux de Arafat donc. Dans un discours à
l’adresse des partisans, cheikh Ismaïl Haniya, cadre du
Hamas, a indiqué que la décision d’annoncer la campagne à
Gaza était destinée à exprimer la fidélité au cheikh
Yassine.
Cheikh Haniya a évoqué un autre aspect de
cette campagne, celui du relèvement du niveau de vie des
Palestiniens. Il a indiqué que la participation au Conseil législatif
Palestinien (CLP) était une étape pour réorganiser les
affaires intérieures des Palestiniens. « Quand le Hamas
entrera au CLP, il aidera à renforcer les services économiques
et sociaux pour le peuple », a-t-il ajouté.
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Autre preuve de cet engouement électoral,
les veillées et les propagandes ne se sont pas limitées
aux congrès publiques, elles ont gagné aussi les foyers
familiaux. Les représentants des candidats ont par ailleurs
défié la police en gribouillant les murs de graffitis,
chose interdite en principe. Une armada d’activistes de
toutes obédiences a ainsi envahi les rues pour en
peinturlurer les murs. A l’angle de l’avenue, sur les façades
du Conseil législatif, d’immenses panneaux du Front Démocratique
pour la Libération de la Palestine (FPLP), groupe aux
lointaines origines marxistes, dégoulinent de colle fraîche.
Sur l’artère parallèle, les Lionceaux du Fatah, nouvelle
émanation du vieux mouvement nationaliste, badigeonnent
avec entrain le mur blanc face au stand du vendeur de
falafels le plus apprécié du quartier.
A Gaza, les élections ont apporté de la
différence. Ce secteur, connu pour être couche-tôt en
raison de l’absence de cinémas, de théâtres et de boîtes
de nuit et aussi parce que les habitants veulent se réveiller
à l’aube pour faire leur prière, est tout d’un coup
devenu très agité le soir. Il n’est pas inhabituel
d’entendre les voitures munies de haut-parleurs faire la
propagande au cœur de la nuit et attirer ainsi les
habitants, les tirant de leur sommeil. Chose que ni les
bombardements israéliens ni les survols nocturnes de la
chasse israélienne n’ont réussi à faire. Il est devenu
familier de croiser des gens à minuit dans les rues. Les
magasins restent ouverts aussi jusqu’à l’aube. Avec
ceci de négatif : de nombreuses bagarres entre des jeunes
appartenant aux différentes factions avec usage des armes
parfois. Un jeune activiste du Hamas a ainsi été tué.
Malgré cette fébrilité, des réconciliations
ont lieu quelques heures plus tard.
Le seul incident qui a fait que les
habitants palestiniens ont retenu leur souffle a été la
mort de deux policiers égyptiens à Rafah. Des membres armés
des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa avaient forcé la
frontière avec l’Egypte, mercredi 4 janvier, près de
Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, pour protester
contre l’arrestation de l’un de leurs dirigeants à la
suite du bref enlèvement de ressortissants britanniques à
la fin du mois de décembre. Ces miliciens, issus du Fatah,
se sont emparés d’un bulldozer avec l’aide duquel ils
ont défoncé une partie du mur de béton installé pour empêcher
les passages illégaux en Egypte. Dans le désordre qui s’esensuivi,
deux policiers égyptiens ont été tués. Une affaire réglée
au niveau diplomatique et qui a été marquée par des défilés
d’habitants de Gaza exprimant leur amour pour l’Egypte.
Rien de plus normal, de nombreux habitants sont d’origine
égyptienne et maintiennent des rapports avec l’Egypte
depuis Mohamad Ali. C’est la seule chose qui a fait
diversion dans cette ambiance d’effervescence électorale .
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