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Les Palestiniens de l'Intérieur et les élections israéliennes
CIREPAL


Rédaction : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine (CIREPAL)
 
Les Palestiniens de l'Intérieur, ou Palestiniens de 48, ou Palestiniens vivant dans l'Etat d'Israël, sont un atout important dans les élections israéliennes. Ils représentent près de 20% de la population de cet Etat, devenus une minorité depuis 1948, après l'expulsion de près d'un million de Palestiniens et du nettoyage ethnique mené par les forces sionistes depuis cette date. Ils sont également devenus minoritaires dans leur propre pays depuis que les autorités sionistes ont ouvert la voie à l'immigration des Juifs ou prétendus Juifs du monde pour peupler ce pays qu'ils occupent et qu'ils ont considéré dépleuplé et désert.
Avant la fin du mois de mars prochain, soit le 28 mars, les élections législatives israéliennes vont avoir lieu et les membres de la Knesset (organe législatif sioniste) vont être élus. Les Palestiniens de l'intérieur y participent, devenant pour l'occasion des "citoyens israéliens".
Pour ces élections, les Palestiniens de 48 sont partagés, entre la participation en tant qu'électeurs et candidats pour les partis arabes, le boycott des élections et de l'institution de la Knesset ou très minoritaires, comme nous le verrons, le vote pour les partis sionistes.
Nous ne pouvons pas prétendre, dans cette étude, à l'exhaustivité, mais notre recherche s'appuie essentiellement sur les publications en ligne des formations politiques palestiniennes et sur des communiqués reçus. Les chiffres donnés ne sont que des indications, puisqu'ils s'appuient sur des sondages, réalisés pour le compte de l'une ou de l'autre des formations.
 
I - Les partis palestiniens
Trois listes se disputent l'électorat palestinien de l'intérieur :
1 - Le Front démocratique pour la paix et l'égalité qui a fait alliance avec le Mouvement arabe pour le changement, avec pour tête de liste Muhammad Barake, après l'éviction le 14 janvier, de Issam Makhoul, secrétaire général du parti communiste israélien. Des candidats juifs font partie de la liste, en général des responsables du parti communiste israélien, comme Dov Hanine (troisième position) ou Ishay Menuhin (neuvième position).
2 - Le rassemblement national démocratique. Le 21 janvier, la liste présentait 120 candidats, les premiers étant : Azmi Bishara (premier de la liste), Jamal Zahalka (deuxième position), Wasel Taha, (troisième position), Saïd Naffa' (quatrième position), Jumaa Zabarka (cinquième position), Hajj Abdel Karim Faqra (6ème position). Il reçoit au mois de mars le soutien du président de l'Alliance nationale progressiste présidée par un ancien député, Hashim Mahamid, figure nationale ayant joué un rôle dans les précédentes alliances électorales du Front et du Rassemblement.
3 - la liste unifiée, qui rassemble le mouvement islamique (branche sud) et le parti arabe démocratique, avec pour candidats : Talab Sane' (parti arabe démocratique), Sheikh Ibrahim Sarsour (mouvement islamique, branche sud) et récemment, le mouvement arabe pour le changement de Tawfiq Tibi, qui avait d'abord essayé une alliance avec le Front, mais ayant refusé la quatrième position, il alla rejoindre la liste unifiée, pour se retrouver en troisième position.
 
Ces partis peuvent être considérés antisionistes, au sens large, dans la mesure où leurs projets et programmes électoraux visent à défendre la société palestinienne de l'intérieur et à défendre ses droits dans l'Etat d'Israël. Ces listes composées des partis arabes palestiniens refusent toute alliance avec les partis sionistes, de droite ou de gauche, et mènent leur campagne électorale sur les principaux points suivants : défense des droits des citoyens arabes, - revendication de la citoyenneté entière, - contre la judaïsation et la colonisation des terres, - pour les droits des plus pauvres (en majorité les Palestiniens), et tous revendiquent le soutien à la formation d'un Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et affirment leur opposition aux colonies, au Mur, à la guerre menée par l'institution israélienne. Plusieurs candidats, anciens députés ou non, sont d'ailleurs des figures connues pour avoir joué un rôle important dans le soutien aux Palestiniens des territoires occupés en 67, lors de l'Intifada, ou même avant. Plusieurs candidats et députés visitent fréquemment les prisonniers palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Concernant le désengagement de Gaza, seul la liste unifiée avait appuyé le désengagement à la Knesset alors que le Rassemblement et le Front avaient refusé le plan Sharon.
 
Concernant les élections actuelles, chaque liste insiste plus particulièrement sur un aspect : la liste unifiée, qui se situe principalement dans le sud du pays, met en avant la défense des terres du Naqab contre la judaïsation et la colonisation et espère que les membres arabes pourront empêcher les projets sionistes. Le Rassemblement et le Front insistent plutôt sur la citoyenneté égale pour tous.
 
Des tentatives d'alliance ont été faites avant la date limite de dépôt des listes, début mars, mais elles n'eurent pas d'effet. D'après les calculs des candidats du Rassemblement, l'unité des partis arabes dans une seule liste aurait été doublement bénéfique : d'une part, elle augmenterait les chances d'envoyer à la Knesset plus de députés Palestiniens (15 députés au lieu de 12, au cas où leurs listes réussissent) et de l'autre, elle encouragerait les Palestiniens de l'intérieur à voter, plus massivement, d'autant plus que ces partis arabes semblent défendre les mêmes positions, ce qui laisse penser que les listes sont principalement constituées pour défendre telle ou telle personnalité. C'est le sentiment d'un nombre important de Palestiniens de l'intérieur qui se plaignent, sur les forums et dans des articles, de ces batailles électorales qui ne servent qu'à camoufler les luttes personnelles et les luttes claniques à l'intérieur de leur société.
 
C'est en ce sens que le Rassemblement national démocratique a proposé la liste unique; il s'agissait pour lui d'"organiser les masses arabes sur le plan politique, de relever le nombre d'électeurs arabes, et de faire face aux partis sionistes, pour renforcer la représentativité arabe à la Knesset" (site arabs48), en lançant son premier mot d'ordre : "la citoyenneté est un droit, le vote est un devoir", afin d'encourager les Palestiniens de l'intérieur à participer aux élections de la Knesset.  Mais, après échec de l'alliance entre les partis, il lance le mot d'ordre : "votez pour les listes arabes", avec pour affiche un chameau courant dans le désert, criant qu'il ne votera pas pour les listes sionistes, et un slogan : "si ta voix est sioniste, qu'es-tu alors ? Vote pour les listes arabes". Cette affiche mit le parti sioniste Meretz hors de lui, criant au scandale et au racisme.
Il faut dire que les partis sionistes essaient, pour leur part, d'attirer l'électorat palestinien, en s'appuyant essentiellement sur leur "légitimité" sioniste, disant : nous pouvons mieux vous représenter que les partis arabes, car nous avons un pouvoir à la Knesset, et en tant que partis juifs, nous sommes plus entendus. Pour les travaillistes, leurs candidats dans les milieux arabes agitent le slogan du confessionnalisme et l'appartenance familiale, comme leur candidat, Shakib Shanan qui appelle à voter pour lui en tant que druze, dans la ville d'Umm al-Fahem. Il s'en est défendu lorsque cela lui a été reproché, dans la revue Kull al-Arab, disant qu'il ne s'agit que d'une tactique, voulant axer sa bataille contre Kadima et les partis ultras.
Le Rassemblement note par ailleurs : "Il y a une campagne organisée des partis sionistes contre les députés arabes, en collaboration avec l'institution, pour mettre en doute la nécessité d'avoir, pour les Arabes, une direction politique. Mais nous ne reculerons pas à ce sujet, nous sommes un parti politique et nous refusons l'idée de nier la relation des Arabes avec la politique. Il y a une relation organique entre la position politique nationale et démocratique et la lutte réelle pour les droits civiques".
Les partis sionistes essaient également de pénétrer dans le milieu arabe en insistant sur leur efficacité, en tant que juifs, majoritaires dans le pays. Leur campagne en direction des Palestiniens de l'intérieur est teintée de racisme colonial et de paternalisme. Les partis sionistes se donnent le droit de noter les partis arabes, ce qui fait réagir Azmi Bishara, disant : "le fait que les membres de la Knesset distribuent des notes aux députés arabes n'est qu'une attitude coloniale de la pire nature. Ni eux ni les orientalistes ne peuvent distribuer des points ni juger nos actions, seul notre public peut le faire."
De plus, des partis comme Meretz essaient de mettre en avant des revendications palestiniennes et sont à ce titre, accusés par les partis palestiniens de démagogie. Dans un communiqué du Rassemblement, celui-ci accuse le Meretz de Yossi Beilin d'adopter "notre programme, parce qu'il n'a aucune possibilité de gagner le milieu arabe. Il parle de l'autonomie culturelle, des droits collectifs, et même de l'autorisation de visites familiales en Syrie, et tout cela, se sont nos idées" (premier mars).
 
Alors que leur campagne électorale est centrée sur "la sécurité de l'Etat", ce qui signifie la guerre contre les Palestiniens, la colonisation et l'effritement de la Cisjordanie, la judaïsation de Jérusalem et l'étouffement de la bande de Gaza, les partis sionistes, soutenus par l'institution israélienne, vont plus loin dans leurs attaques contre les partis palestiniens, accusés tout simplement de ne pas prendre en compte les revendications de la société palestinienne de l'intérieur mais de centrer plutôt leurs revendications sur "la défense des Palestiniens" (dans les termes sionistes, cela signifie la défense des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza).
Muhammad Barake (Front) leur répond : " Nous poursuivrons notre soutien à notre peuple, contre l'israélisation, l'expulsion et la négation des droits. Les dirigeants des partis sionistes poursuivent leurs campagnes démagogiques pour voler les voix arabes après qu'ils aient volé leur pays et leurs terres, qu'ils aient enterré leurs droits civiques et plongé jusqu'au cou dans la répression de notre peuple dans les territoires occupés en 1967".
Mais la campagne la plus virulente des sionistes concerne le député Azmi Bishara, qui a pris une nouvelle tournure après l'interview par le journal israélien en langue arabe, al-Sinnara, jugé proche des travaillistes sionistes, de l'ancien premier ministre syrien, Abdel Halim Khaddam, allié récent ou ancien des Etats-Unis, et résidant à Paris. Dans cet interview, Khaddam accuse Bishara de travailler pour les services de renseignements israéliens et juge que ses visites en Syrie et au Liban sont motivées par la collecte de renseignements. Il est vrai que Haaretz avait déjà sorti le coup, en 2003, affirmant que les visites de Bishara en Syrie représentent un moyen de contact entre dirigeants israéliens et dirigeants syriens, ce qu'avait démenti à l'époque le député palestinien. Mais les paroles de Khaddam vont au-delà, elles accusent le leader national palestinien de collaboration!!!
Ces tentatives sionistes sont claires, il s'agit de démobiliser tout l'électorat palestinien de l'intérieur pour le choix de candidats parmi eux. Vieille tactique coloniale et arrogante envers un peuple colonisé, en lui faisant croire que ses leaders politiques ne sont "que des vendus", et qu'il vaut mieux voter pour "le maître" que pour "le serviteur". Mais les sondages récents, qu'ils soient faits par des instituts palestiniens de l'intérieur ou par des instituts israéliens, expliquent la rage des partis sionistes, car ils montrent que pour ces élections, les partis sionistes auront le moins de voix dans les milieux arabes depuis la création de l'Etat d'Israël. Tout est donc permis, dans cet Etat "démocratique", pour gagner des voix.
La campagne anti-Rassemblement s'est poursuivie avec Ayalon, du parti travailliste, qui déclare ne pas aimer l'appel à voter uniquement pour les partis arabes, lancé par le Rassemblement, et que le parti de Azmi Bishara nie le droit des Juifs à avoir un Etat, ce qui nécessite, d'après lui, son interdiction. L'appel du rassemblement a également suscité la réponse de Peretz, qui accuse le Rassemblement de racisme. Sur le terrain, les affrontements électoraux sont particulièrement virulents : le Rassemblement et d'autres formations empêchent les représentants de partis sionistes de tenir leurs campagnes électorales dans les villages de la Galilée, par exemple, comme cela s'est récemment fait à Jdaide al-Makr.
Le dernier sondage en date, celui de l'université de Haïfa (probablement fait pour le compte du Rassemblement) montre que le Rassemblement pourrait obtenir 4 sièges( (au lieu de trois actuellement) , le Front 3 sièges  (au lieu de deux actuellement) et la liste unifiée avec le mouvement arabe pour le changement, 2 sièges, soit 9 sièges pour les Palestiniens de l'intérieur, alors que tous les partis sionistes ne recueillent que 19%, pourcentage le plus bas depuis la création de l'Etat. Même si d'autres sondages mettent le Front avant le Rassemblement, le pourcentage des votes pour les partis sionistes reste au plus bas.
 
2 - Boycott des élections
La participation aux élections législatives israéliennes ne fait pas l'unanimité parmi les Palestiniens de l'intérieur. Au cours des élections précédentes, deux formations politiques avaient revendiqué le boycott des élections : Abnaa al-Balad, dont le secrétaire général Muhammad Kana'ina est en prison, et le mouvement islamique (branche nord) présidé par Sheikh Raed Salah. Les raisons invoquées par les deux formations étaient : d'une part, la participation aux élections de la Knesset est une reconnaissance du caractère juif et sioniste de l'Etat et d'autre part, la présence de quelques députés arabes dans une institution sioniste ne pouvait pas changer la situation des Palestiniens de l'intérieur, la preuve étant qu'aucune bataille des masses arabes n'a eu des échos dans la Knesset. Même si les députés arabes participaient aux luttes, cela n'avait aucun écho mais au contraire, et les exemples sont nombreux, ils sont plutôt malmenés, battus, leur immunité parlementaire non reconnue.
Pour les élections actuelles, malgré la virulence de la bataille, un comité populaire pour le boycott des élections a vu le jour, rassemblant des membres des partis cités et surtout des indépendants. Si le mouvement islamique (branche nord), n'appelle pas officiellement au boycott, à la différence de Abnaa al-Balad, son organe officiel, Sawt al-Haqq wal Hurryia se contente de mener la guerre contre la présence des partis sionistes et leurs programmes. Cependant, le maire d'Umm el-Fahem, du parti islamique, Sheikh Abdel Rahmane, affirme que lui ira voter, mais le mouvement ne donnera aucune consigne de vote ou de participation. Il commente cependant les élections, disant qu'un échec des partis arabes aux élections n'est pas réellement une catastrophe, car la bataille des masses arabes n'est pas un bataille électorale. Il prône cependant l'unité des partis.
Selon Abnaa al-Balad, la moitié de la population arabe ne participera pas aux élections. Le 15 mars, des élections fictives ont eu lieu à la faculté Mar Elias à Ibillin, en Galilée, montrant que 56% des jeunes étudiants boycottent les élections, 300 étudiants ayant voté sur les 700 présents. Et selon ces élections, le Front est vainqueur avec 59,5% de voix. Mais le commentateur ajoute qu'il est difficile d'extrapoler à partir de ces résultats.
Pour les membres du comité, il s'agit d'offrir une alternative aux élections, "pour organiser notre société", le boycott vise "à ne pas prendre un rôle actif dans le soutien aux institutions israéliennes, et notamment la Knesset". D'ailleurs, ajoute-t-il, "les députés arabes n'ont pas la capacité d'influer par l'action parlementaire, les représentants des partis arabes sont des opposants permanents, ils ne participent jamais à la prise de décision". Pour le comité, "les partis arabes sont des otages, ils ont besoin de rester sur la scène, grâce à la Knesset, mais ils présentent des concessions en contrepartie", la Knesset n'étant qu'une "source de législation raciste contre nos masses".
 
Les membres du comité populaire pour le boycott avancent des arguments politiques et se défendent de jouer le jeu des sionistes, ce dont les accusent les partis arabes, et surtout le Rassemblement. Ce dernier est d'ailleurs la cible de plusieurs articles écrits par des membres du comité, qui critiquent ses slogans et son programme politique, l'accusant de vouloir israéliser la société palestinienne. Alors que le Rassemblement cherche à mobiliser les masses arabes, en les incitant à voter, par le slogan : "la citoyenneté est un droit, le vote est un devoir", Muhammad Zaydan, président du comité arabe des droits de l'homme, dont le siège est à Nazareth (arabhra.org), écrit :
"Dès le début de la campagne électorale, le Rassemblement national démocratique a adopté le slogan "la citoyenneté est un droit, le vote est un devoir" non seulement ce slogan exprime une conception erronée de la citoyenneté, mais il est en contradiction avec la pensée du Rassemblement... parce que les droits ne sont pas liés aux devoirs, dans l'Etat démocratique. La citoyenneté est un droit, le vote aussi. le droit est issu de la citoyenneté et ne peut absolument pas être le prix de la citoyenneté. Lancer un tel slogan signifie poser le droit face au devoir, et cela peut légitimer la façon israélienne de concevoir la situation des Palestiniens, quand cet Etat dit que l'absence d'égalité pour les Arabes au niveau des droits est due à l'absence d'égalité au niveau des devoirs" (note : les partis sionistes, et notamment le parti de Sharon, avaient demandé que pour avoir les droits égaux, les Palestiniens devaient faire leur service civil (au lieu de militaire). Tous les partis arabes ont rejeté ce projet, même sous la forme d'un projet de service civil).
Dans un autre article, Shukri Huzayyel explique pourquoi l'Etat sioniste veut faire participer les Palestiniens de l'intérieur aux élections, en leur accordant le droit de vote, disant "c'est le seul droit qu'ils ont car tous les autres ont été annulés, avec la pratique systématique de l'institution israélienne de nier les droits palestiniens. Les Palestiniens votent, mais sans aucun autre droit, leurs voix comptent mais pas eux... La participation des Palestiniens aux élections n'améliore pas leur situation. Elle permet aux partis sionistes d'entrer dans la société palestinienne".
L'auteur explique qu'il y a une contradiction juridique dans la situation des palestiniens. D'une part, ils sont considérés comme des gens ayant un droit de séjour dans leur pays, leur citoyenneté n'étant reconnue qu'au moment du vote, avant de développer que "les lois israéliennes limitent les droits des Arabes, avec la judaïsation, la confiscation des terres, le système scolaire, le manque de financement des villes et villages, la pauvreté qui touche la société arabe, en premier lieu, etc.."
Donc, la question n'est pas la participation ou non des Palestiniens de 48 aux élections, le problème est plus profond : l'Etat sioniste utilise le droit de vote comme propagande à l'extérieur alors que la relation réelle entre l'Etat et les "arabes de 48" est une relation d'un colonisateur raciste à un colonisé dépouillé de tout", et surtout : "Les Palestiniens n'auront aucune possibilité de faire pencher les choses à l'intérieur de la Knesset".
Il critique ensuite la position des partis arabes participant aux élections, car dit-il, ces partis reconnaissent que leur citoyenneté, en tant que Palestiniens, n'est pas entière. Ils la revendiquent. En réalité, ils ne font que servir l'image d'Israël à l'étranger, montrant que cet Etat est "démocratique" puisqu'ils participent également aux élections. "Les partis arabes pensent qu'ils peuvent agir pour les droits des Palestiniens de l'intérieur de la Knesset, mais la réalité historique montre que les membres arabes de la Knesset n'ont pu empêcher la judaïsation, ni les pratiques de l'apartheid".
De plus, rappelle Saleh Mahamid Manasra, qui fait partie du comité, "dans le règlement des élections de la Knesset, l'article 17 affirme que tout candidat à la knesset doit reconnaître Israël en tant qu'Etat du peuple juif, et dans l'article 3, tout candidat doit agir pour préserver le caractère démocratique de l'Etat, ce qui signifie que le droit d'être candidat et de participer aux élections ne sont pas seulement un outil pour légitimer la Nakba palestinienne en 1948 mais également pour légaliser à l'avance tout ce que fait l'Etat d'Israël pour préserver son caractère juif, soit maintenir la majorité juive dans un système qui se prétend démocratique".
 
Répondant aux tentatives des partis arabes de "criminaliser les appels au boycott et de les rendre responsables du transfert politique des Palestiniens", il critique les affirmations des députés arabes disant que la présence arabe dans la Knesset protège les droits des arabes, comme si la Knesset existait pour protéger les droits des masses arabes. Au contraire, cette institution légifère des lois racistes et fascistes, qu'aucun Arabe ne peut empêcher. Seule la mobilisation des masses arabes peut protéger les droits des masses arabes, comme cela a eu lieu à Shefa 'Amr, à Sakhine, et ailleurs".
Manasra se réfère également à l'attitude de l'Agence Juive et plusieurs organes sionistes libéraux qui réclament la participation des Arabes aux élections de la Knesset, afin de pouvoir montrer le visage "éclairé" de cet Etat, "légitimant ainsi les crimes commis tous les jours contre nous".
 
Mais c'est l'article d'une militante, Raja' Zoobi Umari, de Haïfa, qui dénonce le plus virulemment les projets d'israélisation des partis arabes, par leur participation aux élections législatives de la Knesset. Dans son article  "La citoyenneté entière : poursuite du projet incomplet de l'israélisation" Rajaa affirme que le "boycott s'oppose à l'israélisation et appelle à proposer une alternative"
Partant du constat de la situation amère des masses arabes palestiniennes de l'intérieur, l'auteur se demande : " pourquoi après 57 de domination du parti communiste israélien, 31 ans de domination du Front, 30 ans de domination du mouvement islamique, et finalement 10 ans de domination du Rassemblement, notre situation empire ? Ceux qui diffusent l'information selon laquelle notre enfer peut être transformé en "paradis de tous les citoyens" sont en train de tromper les gens, ceux qui prétendent que le boycott signifie éloigner les masses arabes de la politique, trompent les gens. Le projet de boycott est de couper court au projet d'israélisation, qui poursuit notre destruction et notre effritement. Nous affirmons que là git le secret des nombreuses crises traversées par notre société. Nous affirmons qu'une alternative est nécessaire, et ce n'est pas la Knesset. Qu'avez-vous fait jusque là ? Quels services avez-vous rendu à la société ?
Du côté israélien, les questions posées sont essentiellement celles de la sécurité nationale d'Israël. Les autres questions sont ignorées. Du côté arabe, c'est la citoyenneté entière.
Le thème de la citoyenneté entière s'appuie sur deux défaites : celle du palestinien et celle de l'arabe : défaite du projet national palestinien et défaite du projet national arabe. Nous ne pouvons proposer un programme sur la base de deux défaites et ensuite parler des ambitions des masses arabes palestiniennes. L'aternative pour vous serait d'israéliser ce palestinien ayant subi une défaite, d'en faire ce qu'on appelle "arabe israélien", soit un israélien parlant l'arabe.
La citoyenneté entière est une négation du droit national palestinien. Que signifie "l'autodétermination" pour la "minorité arabe" dans l'Etat des citoyens ? c'est uniquement une minorité culturelle, c'est uniquement un droit issu des droits de l'homme et non un droit issu des droits des peuples à l'autodétermination. Ce droit à l'autodétermination des peuples s'appliquerait uniquement aux Palestiniens des territoires, alors que nous, "minorité arabe" dans l'Etat national (qui est Israël) nous avons le droit de protéger notre mode de vie, notre culture, notre langue et nos religions, selon les droits garantis par les traités internationaux. "
 
Constatant également le recul des revendications des partis arabes qui limitent le droit des Arabes à la langue arabe, qui parlent de la terre, non plus en tant que terre arabe, mais terre pour tous les citoyens, qui prennent pour plafond les accords américano-sionistes d'Oslo, où l'Etat d'Israël est reconnu en tant qu'Etat des Juifs, Rajaa explique la signification de l'appel au boycott, disant : "le boycott consiste à faire face à l'israélisation de la société palestinienne. Notre souci demeure l'avenir de nos masses arabes palestiniennes, et non pas les élections de la Knesset ou des alternatives à la knesset. L'alternative est de mettre en place "un projet de salut national populaire où la knesset est derrière nous, et l'avenir de nos enfants, devant nous".
"Pourquoi participer aux élections est-il contradictoire avec ce projet de salut national ? Parce que le projet ne peut être conçu qu'en centrant sur notre identité nationale, arabo-palestinienne, et notre identité en tant que couches populaires opprimées. Cela est impossible dans le parlement sioniste capitaliste. Il ne peut y avoir un discours national véritable, un discours de classe véritable, pour des partis qui ne s'opposent pas aux buts du parlement sioniste capitaliste. Nous ne pouvons accepter le projet d'israélisation, car tous les maux dont nous souffrons viennent du fait que nous sommes en train de devenir les arabes d'Israël : des pauvres sans identité de classe, des colonisés sans identité nationale.
Trois attitudes politiques pendant ces élections traduisent notre identité, soit en tant que palestiniens, soit en tant qu'israéliens arabes soit le néant :
1 - Ne pas voter, par rejet du politique ou par le boycott populaire des élections auquel nous appelons, qui consite précisément à politiser le boycott en le proposant comme base pour un projet de salut national populaire.
2 - israélisation en participant et votant aux partis arabes, en adoptant le projet de la citoyenneté entière, ce que proposent tous les partis arabes
3 - le néant total, en votant pour les partis sionistes."
 
D'après ces textes expliquant la démarche du boycott, les auteurs précisent bien d'une part leur volonté de poursuivre leur lutte nationale, leur refus de se voir considérer comme "arabes israéliens", ce que proposent d'après eux, les partis arabes participant aux élections, et leur projet de mobiliser politiquement les masses arabes sur les revendications nationales, en tant que Palestiniens. Face à une situation grave, où les Palestiniens perdent tous les jours un peu plus de leur terre, un peu plus de leurs droits dans leur propre pays, il ne s'agit pas pour eux de rabaisser leurs revendications pour assurer leur entrée dans les institutions sionistes, mais plutôt d'organiser les masses palestiniennes et les mobiliser pour les luttes à venir.
 
Centre d'Information sur la Résistance en Palestine


 Source : Cirepal


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