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Elections françaises

Olivier Besancenot : « Je n’ai jamais été trotskyste »
Peter Schwarz



Olivier Besancenot à Amiens - Photo WSWS

16 mars 2007

Mardi soir, 13 mars, Olivier Besancenot, le candidat présidentiel de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) s’est adressé à quelque 200 de ses partisans à Amiens.

Besancenot s’est exprimé en parlant extrêmement vite, en détachant les mots et en se passant de manuscrit. Il a adopté un ton familier et épicé ses remarques de blagues et de questions rhétoriques, le tout accompagné de gestes exagérés de ses mains et de tout son corps. Son discours représenta plus d’une heure d’agitation incessante sans qu’il reprenne son souffle et sans prendre le temps de réfléchir.

La réflexion était précisément ce qu’il voulait empêcher. Besancenot n’est pas venu pour penser et analyser, il est venu pour agiter. Son but n’est pas d’informer et d’éduquer, mais bien plutôt de créer une certaine ambiance. Il n’a rien à dire sur l’expérience amère que la classe ouvrière française a vécue ces dernières années, sans parler des développements et de l’expérience internationale. Pour Besancenot, il n’existe pas de monde en dehors de la France, à l’exception de quelques commentaires élogieux à l’adresse d’une poignée de politiciens tels Hugo Chavez et Evo Morales ainsi que d’autres politiciens bourgeois qui sont en ce moment à la mode dans les milieux radicaux.

Un autre sujet tabou est la politique de sa propre organisation. Besancenot a adopté le principe du chancelier conservateur allemand Konrad Adenauer, qui a dit une fois : « Peu m’importe mon discours d’hier. »

Besancenot débuta son discours en consacrant quelques pensées au président Jacques Chirac qui avait confirmé la veille qu’il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle. La droite a été en mesure de dominer la politique française ces cinq dernières années et elle continuera de le faire, s’est plaint Besancenot.

Il s’est bien gardé de mentionner qu’il avait lui-même appelé à voter Chirac il y a cinq ans lors des élections présidentielles et qu’il porte donc une part de responsabilité pour la politique appliquée par ce gouvernement. En 2002, lorsque Chirac fut opposé au second tour au candidat de l’extrême droite du Front national, Jean-Marie Le Pen, la LCR exagéra le danger de l’arrivée au pouvoir de Le Pen pour louer les valeurs de Chirac comme garant des valeurs républicaines et défenseur de la démocratie.

Mais passons l’éponge ! Pour Besancenot, l’expérience des élections de 2002 ne valait pas un traître mot.

Il s’est aussi abstenu de mentionner le Parti communiste français (PCF) que la LCR avait fortement courtisé en vain pendant des années. Après le rejet de la constitution européenne par les électeurs français au printemps 2005, la LCR a poursuivi le but de mettre sur pied « une nouvelle force anti-capitaliste » à partir des partisans du « non », une gauche à cent pour cent à gauche. Le PCF et la LCR devant constituer le centre de cette nouvelle formation.

Comme il fallait s’y attendre, le PCF continua à jouer son rôle de soutien fiable à l’ordre bourgeois en restant fidèle à son alliance avec le « Parti socialiste ». A la fin de l’année dernière, le projet pour une « gauche anti-capitaliste » implosa lamentablement.

Une fois de plus, Besancenot passa sous silence le PCF pour passer au sujet suivant. Après tout, l’on n’empoisonne pas l’eau que l’on boit et l’on ne mine pas le terrain sur lequel se construisent les futures alliances opportunistes entre les deux organisations.

Besancenot ne souffla mot ou n’effleura que de justesse les questions politiques tels la guerre en Iraq ou les préparatifs de guerre américains contre l’Iran. Visiblement, il est d’avis que la politique étrangère française est entre bonnes mains.

Au lieu de cela, Besancenot se limita à condamner les maux de la société capitaliste et divers politiciens bourgeois, y compris Chirac, le candidat libéral Bayrou et la candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal.

Il dénonça les spéculateurs et les privatisations des entreprises publiques. D’un trait, il cita des figures du mouvement des droits civiques, l’activiste Malcolm X, et le pape Bénédicte XVI qui avait jadis comparé le capitalisme à des vampires. Il désapprouva le gouvernement pour diviser la population. Il condamna le système de partenariat social de la France et dénonça la mondialisation comme étant la source de tous les maux. Il glorifia les manifestations de masse de l’année dernière et exposa sa vision d’une société meilleure.

Son discours trouva une résonance auprès de son auditoire, en grande partie des jeunes, qui se trouvent pour la plupart au commencement de leur développement politique et qui sont offusqués et préoccupés par l’état de la société.

La lutte pour une société socialiste requiert, cependant, plus que de la rage et de l’indignation. Elle présuppose une compréhension des forces sociales et politiques. Elle requiert la connaissance des expériences historiques du mouvement ouvrier et les leçons qu’il faut en tirer. Bref, elle requiert une perspective reposant sur des fondements scientifiques qui permettent à la classe ouvrière d’intervenir dans les développements politiques indépendamment de la classe dirigeante et de ses partisans.

C’est tout cela qui constitue la signification du marxisme et du mouvement trotskyste qui défendit le marxisme contre les attaques des réformistes, des staliniens et du radicalisme petit-bourgeois dans le but de tirer les leçons des principales expériences du vingtième siècle.

Besancenot et la LCR rejettent une telle approche. Ils cherchent délibérément à isoler la classe ouvrière du marxisme et de sa propre histoire. Ils n’attirent les jeunes radicalisés que pour les mener dans une impasse qui n’aboutira que dans des défaites, des déceptions et de la frustration.

Tandis que l’agitation de Besancenot a pu paraître rafraîchissante au début, au bout d’une demi-heure elle devenait tout simplement rebutante. Ce père de famille de 33 ans, titulaire d’une licence d’histoire, doit se donner beaucoup de mal pour garder son image de facteur jeune et frais. Le fait d’ânonner des slogans ne suffit pas à remplacer une analyse sérieuse. Il a tout simplement décidé de fermer les yeux devant les problèmes pressants auxquels est confrontée la classe ouvrière en France et de par le monde.

Les élections présidentielles à venir sont liées à un évident virage politique à droite. Les principaux candidats sont, une soi-disant socialiste pour qui Tony Blair, le premier ministre britannique, est une référence et un gaulliste qui affiche ouvertement ses sympathies pour le Front national. La population penche vers la gauche, mais ne trouve pas d’expression politique car les organisations ouvrières traditionnelles, y compris les syndicats, ont fait leur propre virage prononcé à droite.

Besancenot ferme les yeux sur toutes ces questions et essaie de mobiliser et d’agiter ses partisans en évoquant les grandes manifestations de ces dernières années, le référendum contre la constitution européenne ou les manifestations de masse contre le Contrat première embauche (CPE).

Mais ces mouvements étaient en premier lieu des expériences politiques. Ils n’étaient pas en mesure d’empêcher le virage droitier de la politique officielle mais ils ont révélé la faillite des vieilles organisations ouvrières, y compris des syndicats qui sabordèrent les mouvements populaires.

Mais Besancenot garde le silence sur toutes ces questions. Sa présentation de la situation politique est un mélange de désinvolture politique et de duperie délibérée. Il représente l’aile gauche de la politique bourgeoise en lui servant de garant. Sa prestation exagérée ne sert qu’à cacher son propre virage à droite. En Italie et au Brésil, les organisations soeurs de la LCR ont déjà franchi un pas supplémentaire en occupant des postes dans des gouvernements de coalition bourgeois.

La LCR toutefois, est arrivée au stade où elle commence à perdre de l’influence. En 2002, à sa propre surprise, Besancenot remporta 1,2 million de votes ou 4,25 pour cent lors du premier tour des élections présidentielles. A présent, les sondages lui créditent tout au plus 3 pour cent.

La cote des autres partis de la soi-disant gauche et extrême gauche a également fortement baissé dans les sondages. Tous ensemble, ces partis sont à leur niveau le plus bas dans les sondages depuis bien années. Les analystes des instituts de sondage pensent que l’élection pourra vraisemblablement être gagnée ou perdue sur la base d’un vote au sein du camp conservateur, à savoir entre les partisans du candidat gaulliste Nicolas Sarkozy et le candidat libéral François Bayrou. Voici le résultat d’une déception largement répandue suite à une politique « de gauche » qui n’a rien d’autre à offrir que des stéréotypes.

Besancenot est très conscient de sa dénégation du marxisme. Ceci apparut clairement lorsqu’il dut répondre à une question émanant de l’auditoire, à savoir pourquoi il s’était publiquement dissocié du trotskysme. Il garda la réponse à cette question jusqu’à la fin de la réunion et l’aborda alors avec beaucoup de véhémence.

« Je ne me suis jamais défini comme activiste trotskyste », répondit-il. Il est membre d’une organisation trotskyste et il a beaucoup de respect pour Trotsky, affirma-t-il, mais il a également beaucoup de respect « pour d’autres courants, tels le libertaire et le syndicalisme. » Il critique la Révolution russe parce qu’elle n’était pas démocratique. Il se fonde aussi sur d’autres révolutions telles la révolution espagnole et la révolution cubaine.

Il déclara que toute concentration sur le trotskysme correspondait à du « sectarisme. » Il est et reste un « révolutionnaire, » déclara Besancenot, mais son but est d’unir toutes les organisations qui se trouvent à gauche de la « gauche plurielle », à savoir celles qui ne sont pas directement associées au le Parti socialiste.

Ce n’est pas seulement une question d’étiquettes. Le trotskysme, rejeté et dénoncé par Besancenot comme étant du sectarisme, est en fait l’insistance du marxisme à tirer les leçons des expériences historiques de la classe ouvrière. Trotsky était opiniâtre à ce sujet. Si la classe ouvrière est incapable de tirer les leçons de ses victoires et de ses défaites passées, alors elle sera condamnée à endurer les mêmes expériences amères encore et toujours.

Trotsky tira tout spécialement une leçon décisive de la Révolution espagnole où une organisation, le POUM, tout comme la LCR aujourd’hui, éleva l’unité de la gauche au-dessus de la lutte pour les principes marxistes. Au plus fort de la révolution, le POUM trahissait la classe ouvrière en rejoignant le gouvernement de front populaire et en scellant la défaite du soulèvement ouvrier. Aujourd’hui, cependant, la LCR se trouve bien plus à droite que ne l’était le POUM dans les années 1930 et n’est qu’une ombre pâle de la politique française officielle.

(Article original paru le 16 mars 2007)

 

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Source : WSWS
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