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Sarkozy courtise le Parti
socialiste et les syndicats
Peter Schwarz

15
mai 2007
Le dirigeant gaulliste,
Nicolas Sarkozy, qui sera investi président de la République
mercredi 16 mai, propose des postes ministériels à d’anciens
ministres du Parti socialiste. Avant même sa prise de fonction
officielle, il a rencontré les dirigeants de toutes les
principales fédérations syndicales de France.
Le nouveau gouvernement ne
sera mis en place qu’après l’installation de Sarkozy à l’Elysée
mais l’on s’attend à ce que le président, nouvellement élu,
nomme jeudi au poste de premier ministre, son proche collaborateur
François Fillon, et qu’il dévoile la composition du
gouvernement lundi prochain au plus tard. Le gouvernement aura un
caractère provisoire et ne prendra sa forme définitive qu’à
l’issue des élections législatives du 17 juin.
Ces derniers jours ont été
dominés par d’intenses consultations et les spéculations sont
allées bon train quant à la composition du futur gouvernement.
Vendredi dernier, Sarkozy a rencontré Hubert Védrine, l’ancien
ministre du gouvernement de la Gauche plurielle (1997-2002)
conduit par l’ancien dirigeant du Parti socialiste Lionel
Jospin. Selon les médias, Sarkozy a proposé à Védrine
d’occuper la fonction de ministre des Affaires étrangères dans
son propre gouvernement.
L’on rapporte que Bernard
Kouchner, qui durant un court laps de temps avait été ministre
de la Santé dans le gouvernement Jospin, se serait, lui aussi, vu
offrir le poste de ministre des Affaires étrangères. La carrière
politique de Kouchner a suivi bien des méandres. Le cofondateur
de Médecins sans frontière (MSF) a occupé un certain nombre de
postes gouvernements importants entre 1988 et 1993 sous plusieurs
premiers ministres socialistes. Entre 1999 et 2001, il avait été
le Représentant spécial des Nations unies au Kosovo. Il avait
ensuite rejoint le gouvernement Jospin et en 2003 il avait soutenu
l’invasion américaine en Irak.
Le troisième ancien membre
du gouvernement Jospin à être pressenti pour un poste ministériel
est Claude Allègre. Camarade d’enfance de Jospin et ministre de
l’Education nationale entre 1997 et 2000, il a refusé de
soutenir la candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal, lors
de la récente élection présidentielle.
Il a déjà été fait
mention dans la presse que Védrine et Allègre ont rejeté
l’offre de Sarkozy – du moins pour le moment. Toutefois, Allègre
a accueilli avoir enthousiasme le nouveau président. « L’homme
m’impressionne, il a du charisme, et en plus il est très
sympathique », a-t-il dit au Figaro.
Kouchner, par contre, se
serait dit intéressé par un poste ministériel. Selon des
sources proches de Sarkozy, Kouchner est « prêt à entrer
dans le gouvernement ».
Il reste à voir si le
nouveau gouvernement comprendra vraiment un membre du Parti
socialiste. Mais le simple fait qu’une telle éventualité soit
sérieusement envisagée a une grande signification politique.
Cela démontre une fois de plus que le succès de Sarkozy est
moins le résultat de sa propre force que celui de la faillite de
la « gauche » française.
Le
World Socialist Web Site avait expliqué dans un précédent
article que la victoire électorale de Sarkozy était en premier
lieu le résultat de la politique droitière et couarde des
organisations qui par tradition se basaient sur le soutien de la
classe ouvrière. (Voir « La
victoire électorale de Sarkozy et la faillite de la
"gauche" française »)
Sarkozy,
est à présent tributaire du soutien de ces mêmes organisations
de « gauche » pour poursuivre son programme
d’attaques contre les travailleurs, une politique néo-libérale
qui est largement rejetée par la population française.
A
court terme, il espère qu’en cherchant à recruter d’anciens
ministres du Parti socialiste, il pourra améliorer les chances de
son parti dans les élections législatives à venir. Il tient à
apaiser les craintes selon lesquelles son style conflictuel
pourrait provoquer un conflit social incontrôlable. Et, comme le
montre la réaction du quotidien Libération, ses efforts
ne sont pas infructueux.
Ce
journal dit de gauche qui avait soutenu Royal lors de la campagne
électorale, écrit à présent que l’on pourrait interpréter
les offres de Sarkozy comme s’agissant « d’un simple débauchage
tactique en vue des législatives. » Il poursuit en disant
que « quelques hirondelles de gauche ne font pas le
printemps d’un gouvernement qui restera essentiellement de
droite. »
Pourtant,
Libération continue en disant, « Il faudrait être
bien sectaire pour ne pas approuver que son gouvernement, si
c’est le cas, soit moins conservateur ou libéral que ce qu’on
craint. Jugeons sur les actes... »
En
fait, Sarkozy n’a fait aucune concession quant à son programme
droitier favorisant le patronat. Il a prévu de placer à tous les
postes clés du gouvernement, économie, finances, emploi, etc.
des hommes de confiance réputés pour leur adhérence opiniâtre
à la politique néolibérale.
Sarkozy
lui-même entretient avec les milieux d’affaires bien en vue des
relations bien plus étroites que ne l’avait fait aucun autre président
avant lui. Les témoins de mariage de Sarkozy avaient été deux
industriels bien en vue. Après son élection du 6 mai, il avait
passé quelques jours de vacances à bord d’un yacht luxueux prêté
par un ami milliardaire et son frère Guillaume avait été
vice-président de l’organisation patronale Medef jusqu’il y a
deux ans.
Le
nouveau président n’est pas prêt non plus à dévier d’un
iota de sa ligne dure à l’encontre des jeunes délinquants et
des immigrés.
L’on
s’attend à ce que l’application de son programme entraîne
une résistance féroce. Le magazine allemand Der Spiegel
met en garde en disant : « Jusque-là, presque toute
tentative de réforme de la part d’un gouvernement français a
abouti à des barricades en feu. » Il cite ensuite un proche
influent de l’ancien chancelier allemand, Gerhard Schröder, qui
remarquait : « Sarkozy doit d’abord passer le test
des barricades ».
C’est
la raison pour laquelle Sarkozy tend à présent la main à
d’anciens ministres socialistes. Il sait qu’ils n’ont aucune
différence politique de principe avec lui et qu’ils sont prêts
à l’assister pour supprimer toute opposition à sa politique.
Il en va de même des syndicats.
Lundi
et mardi, Sarkozy a reçu, les uns après les autres, les
dirigeants des principales fédérations syndicales. C’est une
première. Normalement, de telles rencontres n’ont lieu qu’après
la prise de fonction officielle du nouveau président.
Le
secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly
a exprimé sa satisfaction d’avoir été invité. « C’est
une première, » a-t-il dit dans une interview accordée à Libération.
« Nous allons écouter ce qu’il a à nous dire. Pour notre
part, nous souhaitons discuter du fond et de la méthode. »
Mailly
a exprimé son empressement à coopérer avec Sarkozy. Il a déclaré,
« Soit le gouvernement nommé voudra aller très vite et
imposer un certain nombre de mesures, soit il fera preuve de
pragmatisme et ouvrira, selon les thèmes abordés, une
consultation, une concertation ou une négociation. C’est évidemment
pour cette seconde méthode que nous allons plaider. Une question
comme l’assurance-chômage, par exemple, nécessite une négociation. »
D’autres
dirigeants syndicaux ont avancé une position identique. Tous ont
déclaré leur disposition à collaborer avec le gouvernement dans
l’application des « réformes » (synonyme de coupes
dans les acquis sociaux) à condition d’être acceptés comme
partenaires.
François
Chérèque de la CFDT a dit : « Les réponses aux
questions économiques et sociales qui ont occupé une place
centrale dans le débat public devront se construire avec la
participation active des partenaires sociaux... La méthode que
choisira le chef de l’Etat pour impulser les réformes sera déterminante. »
Bernard Thibault de la CGT a souligné son accord de principe avec
cette position : « Les syndicats ne sont ni une force
d’opposition a priori ni une force d’accompagnement a priori »,
dit-il.
Le
journal conservateur Le Figaro a fait connaître sa
satisfaction : « Non que les syndicats mettent en doute le résultat
de l’élection. Au contraire, tous ont unanimement salué le réveil
démocratique et la légitimité que son score confère à Nicolas
Sarkozy. »
Alors
que certains anciens ministres socialistes sont en train de préparer
leur éventuelle entrée dans le gouvernement dirigé par Fillon,
le Parti socialiste dans son ensemble est en train de préparer un
virage à droite plus marqué. Dimanche, le premier secrétaire du
Parti socialiste a annoncé de nouveaux projets pour créer
« un grand parti de la gauche » après les élections
législatives. Il devrait, a-t-il dit, couvrir « tout
l’espace qui va de la gauche, sans aller jusqu’à l’extrême
gauche, jusqu’au centre gauche ou au centre. »
« Centre »
est le terme officiel employé dans la politique française pour décrire
l’UDF, le parti bourgeois de droite de François Bayrou. La
dernière déclaration en date de Hollande doit donc être vue
comme une tentative pour resserrer
les
rangs avec Bayrou. Même le terme de « social-démocrate »
qui a traditionnellement une connotation de droite au sein du
Parti socialiste français, est trop à « gauche »
pour Hollande. La social-démocratie est « un modèle
vieillissant, c’est un vocabulaire qu’on utilisait dans les
années 1970 ou 1980 », a-t-il dit.
(Article original paru le 15 mai 2007)
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