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François
Bayrou annonce la création du Parti démocrate
Photo Bayrou.fr
Mercredi 25 avril 2007
François Bayrou n’a pas donné de
consigne de vote pour le deuxième tour lors d’une conférence
de presse. Il considère que "Nicolas Sarkozy va aggraver les
problèmes de la démocratie et la fracture du tissu social".
Il estime également que "Ségolène Royal va aggraver
durablement les problèmes de l’économie et l’un comme
l’autre vont déséquilibrer le déficit et la dette". François
Bayrou a annoncé la création du Parti démocrate "pour
changer définitivement la politique française" : Les Français
"trouveront pour les représenter une force de
contre-pouvoir, libre, capable de dire oui si l’action va dans
le bon sens et non si elle va dans le mauvais sens. Capable,
autrement dit, de faire sortir la politique des réflexes du
toujours pour et du toujours contre, pour défendre l’intérêt
général".
(Seul le prononcé fait foi)
Mesdames, Messieurs,
Je n’ai à cet instant que deux sujets à l’esprit. Le premier
sujet, c’est la France, que j’ai scrutée pendant ces mois de
campagne électorale, que j’ai rencontrée en milliers de
visages différents, la France qui s’inquiète, qui souffre, qui
est déchirée, bien plus qu’elle ne l’a jamais été, et en même
temps, la France riche de potentiel, riche de promesses, la France
qui voudrait y croire.
Et j’ai à l’esprit aussi, et plus que tout, les quelque sept
millions de Français qui m’ont donné leur confiance, qui ont
mis leur espoir dans cette démarche nouvelle, faisant surgir
d’un coup la troisième force politique française, la seule
force nouvelle de notre pays. Les sept millions de Français et
tous ceux qui ont eu à un moment ou à un autre l’envie de se
joindre à eux, et parfois qui le regrettent. Cela fait un immense
espoir.
Il y a désormais dans notre pays trois forces politiques, une à
droite, une à gauche, et une au centre. Et c’est le centre qui
est la force nouvelle.
Je veux vous parler de l’avenir.
La France a trois problèmes : nous sommes un pays à la démocratie
malade ; nous sommes un pays au tissu social déchiré ; nous
sommes un pays en manque de croissance.
Notre démocratie est malade de la confiscation du pouvoir, de
l’incapacité à faire vivre le pluralisme, des difficultés de
la presse, de l’absence de séparation des pouvoirs, y compris
du pouvoir économique, de la connivence entre les mondes des
affaires, médiatique et politique, de la crise de la justice. Le
citoyen n’a pas l’impression d’y trouver sa place. La société
civile y est méprisée.
Nous avons à reconstruire, depuis les fondations, notre démocratie.
Le tissu social est déchiré. Partout on croise de lourdes misères,
personnes âgées aux ressources très faibles, travailleurs
pauvres, difficultés de logement, partout la couleur de la peau,
la consonance du nom, la religion, dressent les Français les uns
contre les autres, partout le quartier où l’on vit, l’adresse
postale, forment ghetto. Entre les policiers et les jeunes, entre
les différents quartiers, entre personnes au travail et personnes
au chômage ou aux minima sociaux, on se regarde du coin de l’œil,
on s’épie, et on est prêts à s’affronter. L’école elle-même,
le lieu même de l’égalité des chances, est en situation de
doute et d’échec.
Nous avons à retisser notre société.
Nous sommes en panne de croissance. À ce sujet, on prend souvent
l’effet pour la cause. Nombre de nos compatriotes par exemple
considèrent que le chômage et la faiblesse du pouvoir d’achat
sont des maux de notre pays. Ces maux sont des symptômes. Le mal
c’est l’absence de croissance. Si nous avions de la
croissance, nous aurions des emplois (beaucoup sont à libérer)
et nous aurions du pouvoir d’achat à répartir. Beaucoup de nos
compatriotes considèrent que l’immigration est la cause de nos
maux. La situation de l’immigration est une conséquence. Un
pays qui va bien sait intégrer, faire vivre ensemble. C’est
l’emploi qui intègre. J’ai rencontré des milliers de jeunes
Français d’ascendance immigrée. Ils m’ont tous dit une seule
chose : donnez nous du travail et tout le reste s’arrangera !
Donnez nous du taf !
Ma conviction est celle-là : les trois maux de la France, ils
doivent être soignés et réparés ensemble !
Or, parlons franchement : Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal,
dans le face à face sempiternel de la droite sempiternelle et de
la gauche sempiternelle, vont non pas réparer mais aggraver
l’un ou l’autre de ces maux.
Nicolas Sarkozy, par sa proximité avec les milieux d’affaires
et les puissances médiatiques, par son goût de l’intimidation
et de la menace, va concentrer les pouvoirs comme jamais ils ne
l’ont été. Par son tempérament, et les thèmes qu’il a
choisis d’attiser, il risque d’aggraver les déchirures du
tissu social, notamment en conduisant une politique d’avantage
au plus riche.
Ségolène Royal paraît mieux intentionnée en matière de démocratie,
encore que le parti socialiste n’ait rien fait quand il était
au pouvoir pour corriger ces maux, plus attentive à l’égard du
tissu social, mais son programme, multipliant les interventions de
l’État, perpétuant l’illusion que c’est à l’État de
s’occuper de tout, et qu’il peut s’occuper de tout, créant
je ne sais combien de services publics, va exactement à
l’encontre, en sens contraire, des orientations nécessaires
pour rendre à notre pays et à son économie leur créativité et
leur équilibre.
Les deux candidats ont de surcroît promis une augmentation
absolument délirante des dépenses publiques, de l’ordre de 60
milliards d’euros chacun, dans un pays endetté comme le nôtre,
l’un des deux ajoutant une baisse totalement improbable des prélèvements
obligatoires dans une proportion que ni Reagan ni Mme Thatcher
n’ont jamais approchée même en rêve.
Notre pays a un problème de démocratie, un problème de fracture
sociale, un problème d’économie, un problème de dette.
Nicolas Sarkozy va aggraver les problèmes de la démocratie et la
fracture du tissu social, Ségolène Royal, par son programme, va
aggraver durablement les problèmes de l’économie et l’un
comme l’autre vont déséquilibrer le déficit et la dette.
De surcroît, par leur choix de l’affrontement camp contre camp,
ils affaiblissent durablement la France.
Dans les deux cas, sauf correction forte que je n’aperçois pas,
et dont je tiendrai compte si elles intervenaient, ce qui se prépare,
après les belles promesses, c’est une nouvelle déception du
pays, une impuissance, une paralysie.
Dans cette situation, je ne donnerai pas de consigne de vote.
J’estime que les Français qui ont voté pour moi sont en
conscience des citoyens libres de leur choix.
Je ne reviendrai pas en arrière sur notre chemin de liberté. Je
ne cherche ni n’accepterai aucune soumission ou ralliement à
l’un des deux camps.
Je veux au contraire garantir aux Français que quel que soit le
vainqueur, ils trouveront pour les représenter une force de
contre-pouvoir, libre, capable de dire oui si l’action va dans
le bon sens et non si elle va dans le mauvais sens. Capable,
autrement dit, de faire sortir la politique des réflexes du
toujours pour et du toujours contre, pour défendre l’intérêt
général.
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