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François Bayrou
La politique internationale de la France,
l'Iran, l'Irak et le nucléaire
François Bayrou évoque le soutien dont il a fait preuve
envers le Gouvernement, au cours de la crise irakienne, lorsque la
France avait fait le choix de s'opposer à la politique du Président
Bush. Il confirme que le choix de ce soutien envers la politique
internationale française était relatif à une "position
juste de défense des principes". "Donc, je suis pour
que la France défende des principes intangibles en matière de
politique internationale", affirme-t-il. Sur la question du
nucléaire militaire, François Bayrou prône un respect du
T.N.P., en attendant que "les grands pays nucléaires de la
planète se mettent autour de la table pour réfléchir à une
stratégie crédible qui irait vers une réduction du risque nucléaire
pour la planète", et aboutir à terme à sa disparition
comme arme de destruction massive.
"J’ai soutenu la politique de la France et la politique
de Jacques Chirac au moment de la crise en Irak. Je trouve que
c’est un moment très fort de ces dernières années et que,
dans ce moment très fort, dans cet immense défi, la France a
bien agi. Je le dis d’autant plus que l’on entend des attaques
croisées venant de l’Ump ou venant du Ps. J’ai lu cet
adjectif sous la signature aussi bien de Nicolas Sarkozy que de
Dominique Strauss-Kahn disant que la France avait été arrogante
avec cette période. Notamment en évoquant la possibilité du
droit de véto. Moi, je pense qu’elle a été juste. Et que
c’est cette force internationale de la France qui a justifiée
les principes qui sont les nôtres en matière de politique étrangère.
A l’époque, j’ai fait le choix de soutenir cette politique.
Vous imaginez bien que les pressions ont été très fortes de la
part de beaucoup de forces très influentes qui venaient et qui me
disaient : vous qui avez décidé d’être indépendant,
vous avez là l’occasion de montrer une ligne différente. En
plus, vous êtes un parti qui, traditionnellement, au cours de
l’Histoire, a toujours maintenu des liens forts avec les
Etats-Unis. Vous avez là une occasion rêvée pour adopter une
attitude qui serait différente et davantage sur la ligne des
grands chefs d’Etat européens.
J’ai choisi au contraire de soutenir Jacques Chirac parce que
la position qu’il exprimait et que Dominique de Villepin a
exprimée, était la position juste de défense des principes. Je
ne voyais que des raisons de penser que l’attitude que les
Etats-Unis avaient choisie allait être pour la suite, le déchaînement
de démons qu’on a beaucoup de mal à réduire. Et hélas, la
suite des opérations a montré que cette attitude, ce choix,
cette décision des Etats-Unis de déclencher la guerre en Irak
avaient été extrêmement dangereux pour la région et pour le
monde.
Donc, je suis pour que la France défende des principes
intangibles en matière de politique internationale. Raison pour
laquelle je considère en effet qu’il faut être intransigeant
sur l’affaire du nucléaire iranien. Nous avons un traité
international. Ce traité international, celui de non-prolifération
nucléaire (T.N.P.), est un traité qui garantit à l’Humanité
qu’on ne va pas voir les bombes atomiques se multiplier et se
retrouver entre les mains de gens suffisamment fous ou
suffisamment sans scrupules pour s’en servir.
Que dit le traité de non-prolifération ? Il dit que les
pays signataires, je crois que ce sont tous les pays de la planète
sauf deux ou trois, les pays signataires s’engagent à ne pas
rechercher l’arme nucléaire, à écarter la multiplication des
armes nucléaires et en échange de recevoir une aide et un
soutien s’ils veulent accéder au nucléaire civil. Je trouve
que cette position de juste milieu est la bonne. C’est celle
qu’il faut respecter. Il faut une solidarité des démocraties,
quoiqu’en Corée du Nord et plus près de nous, en Iran, on voit
des dictateurs avec des propos qui sont absolument inacceptables
sur, par exemple, la disparition d’Israël, se mettre en route
pour obtenir la maîtrise de l’arme nucléaire. Je pense qu’il
faut continuellement avoir à l’esprit que l’Humanité a déjà
eu des problèmes de cet ordre au moment de Münich. C’est cela
la référence historique que nous ne devons pas perdre de vue si
nous voulons que notre démocratie ait quelque chose à dire dans
l’avenir. Qu’elle puisse imposer le respect de principes qui
permettront aux hommes de vivre ensemble. Ces démocraties seront
d’autant plus fortes que les pays détenteurs de l’arme nucléaire
se mettront en marche pour obtenir à terme, avec le temps, une dénucléarisation
de la planète. Les armes nucléaires sont pour l’Humanité, une
menace dont on a vu ce qu’elle représentait.
Nos démocraties seront d’autant plus fortes pour défendre
ces principes que nous réfléchirons, les cinq puissances nucléaires
de la planète, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine, Etats-Unis,
et évidemment le nombre de têtes nucléaires n’est pas le même
et la puissance n’est pas la même entre ces cinq pays, que nous
réfléchirons ensemble, avec l’Union européenne, à la marche
à suivre pour aller vers une diminution du risque nucléaire sur
la planète. Ce qui veut dire que, à terme, admettons d’années
ou de décennies, il faut que nous réfléchissions à une défense
qui aurait décidé de rayer de la carte les armes nucléaires.
Je sais que cela ne pourra se faire que pas à pas. Je sais que
cela présente de la part des grands pays que je viens de nommer,
un effort, une abnégation. Mais c’est nécessaire parce que,
autrement, on se retrouvera devant une question que tout le monde
posera : pourquoi vous et pas nous ? Pourquoi vous,
France, et pas nous, Iran ? Nous sommes un aussi grand pays
que vous. Nous avons des capacités scientifiques comme les vôtres.
Nous sommes plus nombreux que vous. Pour quelles raisons
faudrait-il que vous ayez des droits internationaux que nous
n’aurions pas ?
Je pense que cette question est terriblement dangereuse. Et
que donc, il est très important pour l’équilibre de l’Univers
que nous ayons deux priorités à l’esprit. La première :
respect du T.N.P., donc interdiction d’aller vers le nucléaire
militaire et aide pour aller vers le nucléaire civil. Et dans le
même temps et symétriquement, que les grands pays nucléaires de
la planète se mettent autour de la table pour réfléchir à une
stratégie crédible qui irait vers une réduction du risque nucléaire
pour la planète."
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