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DOSSIER 
DROIT AU RETOUR

 


Sionisme : transfert et apartheid (4)
par dr. Mahmud Muharib


 
Cette étude vise à suivre et analyser les positions des dirigeants et penseurs du mouvement sioniste, depuis Herzl jusqu'à Sharon, à propos de ce qu'ils nomment "le problème démographique".
 
Le transfert après la guerre de juin 1967
L'euphorie de la victoire et le délire de la société israélienne et de ses divers partis se sont généralisés après la guerre de juin 1967, du fait de la défaite des armées arabes et de l'occupation de larges territoires arabes. Ce qui a contribué à répandre ce délire mêlé à la folie de grandeur est la chute de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, et de régions arabes sous occupation israélienne, que le mouvement sioniste et l'Etat d'Israël ont toujours considérés comme faisant partie de la "terre occidentale d'Israël", ouvrant ainsi les appétits de l'expansion, la judaïsation et l'annexion. Dans ce climat, deux semaines après la fin de la guerre, le gouvernement israélien a tenu une réunion spéciale pour définir sa politique selon les nouvelles données.
Jusqu'à aujourd'hui, rien n'a été découvert, officiellement, de ce qui a été convenu lors de cette séance. Mais le chercheur israélien, Meir Avidan a publié une partie de cette séance du gouvernement, après avoir lu les journaux particuliers de Jacob Hertzog, qui était à l'époque directeur général du premier ministre israélien. Les renseignements indiquent que le gouvernement israélien a discuté, en détail, la "question démographique", ou le "problème" de la présence des Palestiniens dans les territoires occupés, ce qui constituait des entraves à l'annexion par Israël de ces régions. Au cours de la discussion et de l'étude de ce "problème", plusieurs propositions et solutions pour se débarrasser de ce qu'ils ont appelé "le danger démographique" ont été avancées, dans le but de surmonter ces entraves qui empêchent l'annexion des régions palestiniennes occupées.
Pinhas Sapir, soutenu par Abba Eban, et tous les deux sont les colombes à l'intérieur du parti travailliste, ont proposé de chasser les réfugiés palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, et de les "réinstaller" dans les pays arabes, et notamment en Syrie et en Irak. Quant à Menahim Begin, il a réclamé, dans cette séance, de commencer par détruire les camps palestiniens dans les régions occupées, et "transférer" leurs habitants vers le désert du Sinaï.
Des sources israéliennes affirment que l'esprit de la séance était en parfaite harmonie avec les idées du vice premier ministre israélien, Ygal Allon, qui a appelé à transférer les réfugiés palestiniens vers le Sinaï et les Etats arabes.
 
Un organisme spécial pour expulser les Palestiniens
Les sources israéliennes ne mentionnent pas si le gouvernement israélien a informé les Etats Unis et les autres Etats de leur volonté d'expulser les Palestiniens, mais il semble que la crainte des réactions internationales, et arabes, ainsi que les coûts de transport et de réinstallation dans le Sinaï ont empêché l'exécution de ce plan d'expulsion collective des Palestiniens, plan qui a été mis en attente, pour être remplacé par un autre, secret, visant à chasser, progressivement les Palestiniens des régions occupées.
Suite à la guerre de 1967, le gouvernement israélien a mis en place un organisme spécial, avec la participation de plusieurs ministères, chargé d'expulser les Palestiniens des régions occupées vers l'Amérique du Sud et la Libye. Il est présidé par le ministre de la guerre, Moshe Dayan (la participation active de Dayan à ce plan a été dévoilée dans une conférence de Raanan Weiss, au centre International pour la paix au Moyen-Orient, Tel Aviv, 2/6/1985).
 Les sources israéliennes rapportent que cet organisme a acheté des terres au Brésil, au Paraguay et en Lybie au cours des deux années qui ont suivi la guerre, préparant l'expulsion des Palestiniens. Ces sources ajoutent que cet organisme, avec ses multiples moyens, utilisant "la carotte et le bâton", forçant 1000 Palestiniens de la bande de Gaza à se diriger vers le Paraguay, offrant à chaque famille un passeport pour une seule direction, la somme de 4000 dollars et de nombreuses promesses, comme l'obtention de nouveaux passeports et la possibilité de travailler. Mais il semble cet organisme n'ait pas honoré ses promesses aux victimes, ce qui a contraint certains à riposter. En mai 1970, un "inconnu" entre au consulat israélien au Paraguay et réclame une rencontre avec le consul israélien, Moshe Veron.
Lorsque le consul accepte de le rencontrer, cet inconnu tire des coups de feu, et dans des conditions obscures, tue une personne et touche une autre, avant de s'enfuir. Il ne fut pas retrouvé. Des sources israéliennes informent que cet inconnu n'est autre que Talal Dimassi, un des citoyens de Gaza que l'organisme a fait voyager au Paraguay. Elles ajoutent que lorsque Tatal et ses confrères se sont aperçus que l'organisme n'a pas l'intention d'exécuter ses promesses, lui et d'autres collègues ont décidé d'attaquer le consulat, ce qui a mis fin au plan téméraire de l'organisme.
 
"le problème démographique"
Depuis son occupation du reste de la terre palestinienne, en 1967, Israël fait face à un problème essentiel qu'il n'a pu résoudre, ou surmonter, jusqu'à présent. Le gouvernement israélien et le mouvement sioniste, avec tous ses partis, considèrent que la Cisjordanie et la bande de Gaza font partie de "la terre occidentale d'Israël" et de ce fait, la doctrine sioniste revendique l'annexion de toutes les régions à l'Etat d'Israël.
Le problème rencontré, et qui continue à faire face, est le fait qu'Israël, s'il annexe ces régions, à partir et en harmonie avec les principes et les bases sionistes, fonde un Etat binational, où les Arabes palestiniens représentent la moitié de la population, ce qui met fin au projet sioniste visant à fonder un Etat uni-national. D'autre part, le retrait d'Israël des territoires occupés en 1967 représente une contradiction avec les bases sionistes considérant que ces terres font partie de "la terre occidentale d'Israël". Le problème devient plus aïgu avec la croissance naturelle des Palestiniens, qui est trois fois supérieure aux Juifs israéliens.
Sur la base de ce problème, appelé "problème démographique", deux courants israéliens principaux se dégagent pour essayer de résoudre la "question démographique" et lui trouver une solution correspondant aux buts sionistes. Le premier courant est représentant par le parti travailliste israélien et ses alliés, les petits partis sionistes de gauche, et le courant représentant par le Likoud et ses alliés, de la droite sioniste religion ou de la droite sioniste extrémiste.
 
Comme dans toutes les situations, lorsque les difficultés s'amoncellent, le parti travailliste, dans sa recherche d'une solution à ce problème, a eu recours au régime jordanien que le parti travailliste considère comme son allié historique, avec lequel il partage des intérêts communs et fixes, représentés par leur refus de reconnaître les droits nationaux du peuple palestinien, et notamment le droit à l'autodétermination et à la création d'un Etat palestinien indépendant. En juillet 1967, Ygal Allon propose un projet pour tenter de sauver Israël du danger démographique. Ce projet fut modifié en juin et décembre 1968, puis en décembre 1969 et septembre 1970. Le plan Allon propose de parvenir à un accord régional entre Israël et la Jordanie, Israël annexant les zones relativement peu peuplées en Cisjordanie et la bande de Gaza, et le roi de Jordanie installant de nouveau sa domination sur les régions palestiniennes peuplées, et les annexant à son royaume. Le plan Allon, appelé parfois l'alternative jordanienne, qui constitua, en fait, pour plusieurs décennies, la base du programme du parti travailliste, est une tentative de parvenir à une solution moyenne entre l'orientation de l'extension et l'appétit de l'annexion, d'une part et se débarrasser du problème démographique, de l'autre. Pour ce faire, le gouvernement israélien, dominé pendant cette période, jusqu'en 1977, par le parti travailliste, a évité de manière générale à installer des colonies sionistes dans les régions très peuplées tout en les installant plutôt dans les régions relativement peu peuplées, qu'il envisageait d'annexer.
 
Begin se moque du parti travailliste
Quant au Likoud et ses alliés, qui furent nombreux après l'occupation de la Cisjordanie et la bande de Gaza, à intégrer les partis religieux dont les positions se rapprochaient progressivement de ceux du parti Likoud, et qui faisaient même de la surenchère à ce dernier, alors qu'ils étaient historiquement proches du parti travailliste, ils n'ont pas porté une grande attention à la question démographique, s'attachant à la doctrine sioniste appelant à imposer la souveraineté israélienne sur "la terre occidentale d'Israël" et réclamant l'annexion des régions palestiniennes occupées.
Ce qui a aidé le camp du Likoud à gagner plusieurs points, et notamment au cours des premières années de l'occupation (67), lors des discussions sur la question démographique, fut que le courant de l'annexion et de l'extension dans le parti travailliste prit le dessus sur celui qui essayait de se débarrasser de la question démographique.
Répondant en 1968 aux prétentions du parti travailliste, affirmant que son programme apportait une solution à la question démographique, Begin se moque des travaillistes qui "nous disent que plus d'un million d'Arabes vont s'ajouter aux 320.000 Arabes et druzes, qui se trouvent dans Israël divisée, si nous refusons de partager la terre occidentale d'Israël... Mais lorsqu'on parle de la bande de Gaza, dont la population s'élève à 340.000 Arabes, ils nous disent tous aujourd'hui : C'était à nous et il nous fut pris, mais nous y resterons à tout jamais... Lorsque nous parlons du Golan, ils nous disent : il sera à nous, et nous ne le lâcherons pas. Lorsque nous parlons de Jérusalem unifiée, où vivent 70.000 Arabes, ils disent, tous, elle a été unifiée et ne sera plus jamais divisée. Lorsque nous parlons d'al-Khalil, du mont al-Khalil et de ses habitants, qui sont supérieurs à 80.000 Arabes, ils disent, il est à nous. Quand nous parlons de Qalqylia et ses 9000 habitants arabes, ils nous disent : c'est à nous. Tel Aviv a été bombardé à partir de cette ville". Ensuite, Begin exécute un calcul très simple, pour conclure que la carte du parti travailliste comprend près d'un million d'Arabes, mais exclut seulement 440.000 Arabes qui "à cause d'eux, ils nous font craindre le danger démographique". Il ajoute "Si cette supposition est juste, celle de dire qu'avec le chiffre d'un million, nous aurons une égalité entre le nombre d'Arabes et de Juifs, après 20 ans, sans les 440.000, nous y arriverons, disons, dans 27 ans. Est-ce cela, le problème démographique ? Un peuple qui vit sur 7 ans ?" (6 décembre 1968)
 
A partir des bases et principes du sionisme qui considère les régions palestiniennes et syriennes occupées comme faisant partie de "la terre occidentale d'Israël", et refusant d'accorder une grande place à la question démographique, le Likoud et ses alliés, constitués des petits partis, a appelé à "réaliser le droit historique, en imposant la souveraineté juive sur toutes les régions occupées pour les annexer à l'Etat des Juifs".
Il semble clair que les tentatives du Likoud de minimiser l'importance du problème démographique, pour faire croire qu'il n'a aucune influence sur sa politique envers les terres palestiniennes occupées, n'étaient pas justifiées sur le terrain.
Depuis son arrivée au pouvoir en 1977, le Likoud n'a pas appliqué la loi ni la souveraineté israéliennes dans les territoires occupés palestiniens, comme il avait appelé à le faire, et n'a pas osé les annexer à Israël, non pas par crainte des armées, des dirigeants ou des rois des Etats arabes, mais parce qu'il savait qu'un tel pas va le mener, tôt ou tard, à briser le projet sioniste et à mettre un terme à Israël, en tant qu'Etat Juif, pour le transformer en Etat arabo-juif. Sous la direction du Likoud, le gouvernement israélien a annexé le Golan syrien en 1981, sans tenir compte des ripostes syrienne et arabe, non par parce qu'il considère qu'il a des droits historiques sur le Golan syrien occupé, plus que sur les terres palestiniennes occupées, mais fondamentalement, parce qu'il n'y a pas de forte densité de population dans le Golan, ce qui n'est pas le cas des régions palestiniennes occupées en 1967.
(à suivre...)
 
Traduction : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine

 


 Source : Cirepal


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