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Liban

Aoun à El Ousbouh El Arabi

20 avril 2007

La décision de la paix et de la guerre n'est pas entre les mains des Libanais mais celles des Etats Unis et d'Israël.
Le gouvernement a orchestré la guerre contre le Liban et contre les intérêts du pays.
Durant les concertations, ils étaient pour les armes du Hezbollah et non pour la libération des fermes de Chebaa.
Le sit-in continue jusqu'à la résolution de la crise

Le Général a toujours été l'homme intransigeant dans "l'équation libanaise".  Dans le passé, il a refusé de signer les accords de Taëf car ils ne contenaient pas un calendrier précis sur le retrait des troupes syriennes du Liban. Tout le monde l'avait conspué à l’époque. Aujourd'hui,  le Général, à travers les différentes alliances et ententes qu'il a signées, maintient un équilibre sur la scène politique libanaise et de ce fait, se donne avec le CPL, une position exceptionnelle et incontournable dans la composition du paysage politique libanais.

Face au conflit actuel que traverse le Liban à travers des négociations stériles, cet entretien a eu lieu dans la demeure du Général à Rabieh. L’objectif étant d'avoir son avis sur un ensemble de sujets : l’échec des négociations actuels, les démarches faites pour nommer un tribunal international sous le chapitre 7, comment voit-il le profil du prochain Président de la République, où se situent les chrétiens sur la scène politique libanaise .....

Le tribunal international

Que pensez-vous des initiatives internationales qui ont eu lieu au Liban cette semaine ?

L'Organisation des Nations Unis cherche à sonder le milieu libanais. Les démarches faites cette semaine en font partie. Nous espérons qu'ils aboutissent à une solution qui respecte les lois internationales, car nous remarquons actuellement des violations de certains articles de la charte des Nations Unis comme la soumission au tribunal international sous le chapitre 7 qui ne correspond pas à la situation. Nous espérons qu'ils aboutissent à une solution équitable. De toute façon, même si le tribunal international est voté, ceci ne résoudrait pas la crise. Le conflit dépasse la question du tribunal international et  concerne plutôt un groupe politique qui se considère comme majoritaire. Ce groupe que j'appelle "le pouvoir usurpé", en refusant de modifier la loi électorale, et en paralysant le conseil constitutionnel, est parvenu à garder pour lui-même une supériorité numérique qui ne lui appartient pas.

Aujourd'hui, nous ne considérons pas qu'il y a une majorité qui gouverne d'autant plus qu'au sein de ce "pouvoir usurpé", il y a des mésententes. Cependant, cette prétendue majorité se maintient au pouvoir grâce au soutien international qui ne respecte plus les lois, et grâce au travail d'engagement subjectif dont les médias internationaux et plusieurs dirigeants ont fait preuve en appuyant une faction de libanais. Je suis le premier à être banni par ces médias et dirigeants. Je n'ai jamais pris de décision à l'encontre des intérêts du Liban. Même si les dirigeants étrangers n'ont pas la même position que nous, ils doivent respecter notre choix car nous connaissons mieux les enjeux de la scène politique libanaise.

Alexandre Saltanov, vice ministre russe des affaires étrangères a déclaré que son pays émet une réserve au regard du vote du tribunal international sous le chapitre 7. Pensez-vous que les différents membres du conseil de sécurité sont en désaccord ?

Cela est possible pour plusieurs raisons :
- La réserve est importante en politique d'autant plus que le conflit libanais ne sera pas résolu ainsi, mais bien au contraire, la situation risque de devenir encore plus complexe.
- La réserve est importante en juridique. Le conseil de sécurité se doit de voter un tribunal international mais contre qui ? Où sont les accusés ? Au départ, on s'est dirigé vers une enquête internationale. Si un ou plusieurs pays sont impliqués dans l'assassinat du feu Rafic Hariri, alors nous nous dirigerons vers un tribunal international. Dans le cas contraire pourquoi ne pas opter pour un tribunal libanais ? Quel est le conflit international que l'ONU cherche à résoudre ? Contre qui ce tribunal international ? L'ONU va-t-elle opter pour une nouvelle enquête qui va durer des années et qui aura le même sort que celle concernant Milosevitch ? Pourquoi ne pas proposer cette enquête aux institutions constitutionnelles libanaises afin que tous les libanais en supportent la responsabilité ?

Vous savez bien que si cette enquête reste au Liban, les libanais ne vont rien décider. Que se passera t-il alors ?

Le tribunal peut avoir lieu selon la loi libanaise. S'ils sont inquiets, ils n'ont qu'à trouver des juges
Consciencieux qui travaillent en fonction des preuves et des faits.

Puisque le problème concerne tous les libanais, pourquoi le Hezbollah émet des réserves sur ce tribunal international ? Pourquoi n'a t-il pas évoqué ses réserves lors des différentes réunions de concertation ?

Les différentes réunions de concertations manquaient de sérieux. Personne n'y cherchait à résoudre les conflits. Des décisions ont été prises, concernant entre autres les armes des Palestiniens, les relations avec la Syrie, la mise en place du tribunal international. Le gouvernement n'en a rien exécuté. Lorsqu'on a accepté de mettre en place la table de concertation et de prendre ensemble certains engagements, il fallait que tous les participants soient présents dans le gouvernement. Mais, les membres du gouvernement ne le désiraient pas. Ils n'ont même pas écouté le Hezbollah qui faisait parti du gouvernement. Pourquoi devrait-il leur soumettre ses remarques alors que ses ministres ont démissionné faute d'écoute? Je ne cherche pas à défendre le Hezbollah mais il faudrait être logique. A l'époque, j'ai demandé à un responsable : "le Hezbollah a besoin de 48 heures. Pourquoi ne pas les lui accorder ?" La réponse était la suivante : " Le Hezbollah cherche à gagner du temps". Alors je réplique : "L'accusé est-il attaché au radiateur ? Faudrait-il  l'incarcérer rapidement?!!!"

Il valait mieux accorder ces 48 heures que de voir le bloc démissionner. Dès le départ le gouvernement voulait en arriver là : ne plus faire participer au gouvernement les représentants d'Amal et du Hezbollah. Car, sachant que le gouvernement  possède les deux tiers des députés, il aurait pu à lui seul adopter le tribunal international.

Aujourd'hui, le même scénario se répète. Le résultat est qu'un gouvernement d'union national ne peut se former tant que le problème du tribunal n'est pas résolu!!!.

"Le pouvoir usurpé "

On a entendu dire que les Présidents de la République et du Parlement sont avec l'opposition,  s'ils acceptent la formule 19 + 11, vous saurez la majorité dans le gouvernement.

En septembre, les élections présidentielles auront lieu. Le gouvernement  ne représente pas  la majorité, leur pouvoir est "usurpé" car 10 députés ont été injustement écartés. Ils ont triché et ont paralysé puis dissout le conseil constitutionnel.

Mais, en pratique, ils ont la supériorité numérique.

En réalité, il n'y a pas de majorité mais des personnes qui sont illégalement députés.

Même s'ils ne sont qu'une minorité, ils doivent obtenir quelque chose, sinon l'opposition possède tous les pouvoirs du pays.

En tant que députés au sein d'un régime parlementaire, nous avons la possibilité de bloquer certaines décisions. Le gouvernement doit dialoguer avec nous. Qu'il arrête de prétendre que le sit-in est responsable du désastre économique du pays et des 45 milliards dollars de dettes. Ce qui paralyse le pays, ce sont les rumeurs émises par le gouvernement qui concernent l'éclatement d'une guerre civile, ou l'armement des milices...

Concrètement, il n'y a aucune entente sur la formation d'un gouvernement d'union nationale et le Hezbollah ne divulguera pas ses réserves quant au tribunal international. La situation restera t-elle bloquée ?

Comme l'a dit le député Mohamad Raad, le conflit ne concerne pas le tribunal mais le gouvernement. Ce n'est pas nous qui bloquons la situation. Malgré nos réticences, ils ont voulu solliciter le conseil de sécurité pour instaurer un tribunal international. Ils n'ont qu'à le faire en fonction des lois constitutionnelles et internationales.

Ils ne peuvent pas outrepasser les prérogatives du Président de la République. Ce gouvernement n'aurait pas pu se former sans son accord. Il en est de même pour les formalités juridiques. Quand il le veut, le gouvernement n'hésite pas à solliciter le Président de la République mais quand ce dernier émet une demande au gouvernement, elle lui est refusée et on l'accuse de vouloir pénaliser la situation. Le gouvernement s'est mis d'accord avec les différents ambassadeurs pour le boycotter. Ceci va à l'encontre de ce qui a été décidé durant les concertations.

Il y a eu un accord pour le tribunal international.

On était d'accord sur le principe de former un tribunal international. Quant aux modalités, certains partis avaient des réserves. Comment se fait-il que le gouvernement discute sur les modalités du tribunal international avec des juges étrangers alors qu'il refuse de le soumettre aux ministres libanais? Lorsque les ministres chiites ont démissionné à cause du tribunal international, le gouvernement aurait dû les inviter à des discussions afin de les réintégrer. Ce gouvernement n'est plus légal, il n'a pas le droit de décider ni du tribunal ni d'autre chose. Ce gouvernement n'a pas de ministres qui représentent les chrétiens, et les chiites.

Chrétiens / sunnite / chittes

On a entendu dire qu'il y a un chrétien sunnite et un chrétien chiite.

Ceci n'est pas vrai. Il n'y a que le chrétien libanais. Nous sommes les seuls à avoir notre indépendance. Personne ne peut nous influencer, ni en Occident ni en Orient. Ceci nous renforce sur la scène politique interne mais en même temps nous affaiblit sur la scène politique étrangère car nous ne soutenons pas les dominations politiques étrangères.

Que pensez-vous des divisions interchrétiennes ?

Il n'y a pas de divisions interchrétiennes. Aux dernières élections, celles des syndicats et celles des bureaux des étudiants, nous avons eu 65% des votes. Ainsi, nous persistons à représenter ceux qui nous ont déjà élus. Chez les sunnites et les chiites, il y a une majorité reconnue et une minorité dans l'opposition. Pourquoi ceci ne s'appliquerait-il pas aux chrétiens ?

Est-il vrai que vous avez promis au Patriarche Sfeir de ne plus manifester particulièrement après les événements du 23 janvier?

Je n'ai rien promis à personne. Je tiens à utiliser mes droits reconnus par la constitution. Celui qui a utilisé les armes devrait promettre au patriarche de ne plus le faire et qu'il manifeste aussi longtemps qu'il le veuille. Dans tous les pays du monde, on utilise les manifestations pour exprimer un mécontentement. Pourquoi ceci serait-il différent au Liban.

Le sit-in

Pensez-vous avoir une bonne initiative et suspendre le sit-in ?

C'est au gouvernement d'avoir une bonne initiative. Le sit-in paralyse le pays ? Mais la dette financière et la non confiance dans l'économie du pays qu'est ce que vous en faites? Je tiens à signaler que nous allons indemniser environ 50 commerces qui souffrent à cause du sit-in.

Quel est la perspective de ce sit-in ?

Il s'agit d'une contestation contre le gouvernement qui s'est adressé au peuple en disant : restez dans la rue autant que vous le voudrez. C'est ce que nous faisons. Avez-vous déjà connu un  premier ministre qui réagit ainsi face à une manifestation de plus de 30 % du peuple ? On condamne les manifestants, victimes de la situation du pays au lieu de condamner le gouvernement qui a complètement affaibli le pays et qui est  incapable de résoudre les conflits et en même temps ne veut pas démissionner.

Avez-vous atteint vos objectifs ?

Le gouvernement voulait isoler le Hezbollah, nous l'avons empêché à travers la feuille d'entente. Nous l'avons aussi empêché de renverser le Président de la République. Par la suite, ils ont tenté d'éliminer la résistance par la force. Enfin, nous avons subi un enchaînement d'actions tel que la menace d'une guerre civile, et un ensemble d'attentats à Kaskas, Aakar, l'assassinat de Pierre Gemayel et enfin le recours aux armes dans les manifestations pacifiques. Nous avons réussi à empêcher les débordements de situations et le sit-in a eu lieu malgré tous les défis. Ce sit-in persistera tant que les conflits ne sont pas résolus et tant que le gouvernement persiste à régner d'une manière illégale.

Le choix entre la paix et la guerre devrait-il dépendre d'une seule faction?

La décision de la paix et de la guerre n'est pas entre les mains des Libanais mais celles des Etats Unis et d'Israël.. Le fait que le Hezbollah kidnappe 2 soldats israéliens ne donne pas à Israël le droit de lancer une offensive démesurée. Dans la même perspective, le gouvernement a orchestré la guerre contre le Liban et contre les intérêts du pays surtout durant les négociations internationales sur l'arrêt de la guerre.

Les Etats Unis / La France

Comment s'est passé l'entretien avec l'ambassadeur américain Feltman ?

Durant cette rencontre, nous avons parlé de la situation globale du pays. Je reste discret quant aux réunions que j'effectue avec les ambassadeurs. Par contre, les gens connaissent ma position à travers les discours que je donne. Je veux une solution pacifique aux armes du Hezbollah comme par exemple leur restitution à l'armée libanaise. Chose qui ne se ferait pas si Israël ne se retire pas des fermes de Chebaa et si les prisonniers de guerre des deux camps ne sont pas libérés.

Toute résistance a deux choix : gouverner de façon légitime ou s'imposer. En intégrant le gouvernement, elle serait amenée à réclamer le partage. Or le gouvernement ne veut pas que le Hezbollah participe et veut le désarmer. Tout ce qu'on demande, c'est de participer équitablement au gouvernement.

La Présidence de la République

Le Hezbollah n'a confiance qu'en vous pour remettre ses armes, Vous êtes ainsi le mieux placé pour être élu Président.

Ceci n'est pas la seule raison. Je représente une garantie contre la violation de la constitution et une garantie pour l'indépendance et la stabilité du pays. Je suis capable d'amener les libanais à s'entendre sur différents sujets : les prisonniers en Syrie, les libanais réfugiés en  Israël, le retour des déplacés de la montagne...  Je veux combattre la corruption financière de l'argent public, et établir un budget équilibré.

Jusqu'à quelle limite le Président de la République serait-il en mesure de réaliser toutes ces promesses alors que ses pouvoirs ont été réduits ?

Le rôle du Président de la République est de veiller sur la patrie et de rappeler à son Premier Ministre ses devoirs et ses responsabilités face à la moindre faille et d’empêcher la violation de la constitution.

La constitution n'est pas claire sur la modalité de dissolution du parlement et dans quelles conditions. Dans certaines situations, il y a nécessité de dissoudre le parlement. Il faut ainsi amender la constitution et non les accords de Taëf car elle n'est pas complète ; à titre d'exemple, nous ne connaissons pas quelles sont les conséquences de l'article 95 sur le gouvernement lorsque ce dernier perd sa légitimité ?

Quels sont vos objectifs à travers votre visite en France ?

Je passerai en France une semaine très importante, durant laquelle j'expliquerai à travers les média la situation du Liban. Je pense qu'après l'époque Chirac, les relations avec la France seraient meilleures et plus objectives.

Monsieur Joumblat a rappelé à la concertation. Y a t-il le moindre espoir ?

C'est une perte de temps. Dès la première réunion de concertation j'avais annoncé ma participation pour qu'on ne m'accuse pas de la boycotter. J'avais toujours eu l'impression de tourner en rond et de perdre mon temps. Chose que je ne supporte pas. Durant ces réunions, une partie des participants n'était pas sérieuse et voulait s'accaparer le pouvoir sans partage.

Considérez-vous que toutes les tentatives de sortir le Liban de cette impasse ont échoué ?

Lorsque les tentatives sont d'emblée subjectives et partisanes, elles échoueront. Ils n'ont pas tenu à résoudre la crise libanaise mais plutôt à renforcer le pouvoir d'un parti politique. On ne me reproche pas simplement mon entente avec le hezbollah mais aussi d'être une entrave à toutes leurs tentatives qui nuiraient aux  intérêts du Liban.

Craignez-vous les attentats et les assassinats ?

Ceci est probable même si j'écarte la possibilité d'une guerre civile. Les attentas sont possibles avec la présence d’un gouvernement qui  ne veille pas à la sécurité de son peuple. Ce gouvernement ne rassure pas les gens, bien au contraire, on doute de son innocence surtout que sur les 16 crimes commis aucun n'a été élucidé à ce jour.

Une perspective de paix peut-elle être envisagée entre La Syrie et Israël ?

Tant que les deux pays acceptent le principe de l'entente et de la paix. Nous voulons tous la paix.  D'ailleurs, le Liban a déjà entamé des démarches de paix avec Israël qui n'ont pas abouti. Nous voulons tous la paix mais surtout une paix juste et équitable. En 2002, tous les arabes ont accepté lors du sommet de Beyrouth la proposition du roi Abdallah, qui, par ailleurs a été reprise  lors du sommet de Ryad. Dans les négociations de paix, chaque partie cherche sa propre paix. Lorsque deux partie cherchent à établir entre elle la paix, elles doivent trouver un terrain d'entente équitable pour les deux,  la paix de l'une est forcement la paix de l'autre.

May Abboud - El Ouusbouh El Arabi
Traduction par l'équipe de presse de RPL Rhône-Alpes

 

© 2006 RPL
Publié avec l'aimable autorisation du RPL



Source : RPL
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