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Entretien du général Michel Aoun sur Al Jazeera


Le général Michel Aoun - Photo Cape France

18 décembre 2007

Comment interprétez vous le retour de Monsieur Welsh à Beyrouth ? Est-ce une intention sérieuse dans la politique américaine ou plutôt une pression pour élire le plus vite possible un Président ?

Cette visite incomplète ne permet pas de trouver une solution. Il est honteux qu'il n'eût pas visité le seul négociateur au nom de l'Opposition ; ainsi, l'objectif d'une telle visite est d'ameuter les positions et d'engendrer des conflits.

Welsh a demandé à Berri de rassembler les députés pour élire un Président ;  il a de même accusé l'Opposition de mettre le Liban en danger.

Le danger est causé par la politique américaine appliquée au Liban et qui appuie le gouvernement Siniora malgré les graves erreurs commises comme la violation de la constitution, la non-représentativité du peuple dans les élections législatives, la suspension du Conseil constitutionnel, le refus de démissionner malgré l'absence de la communauté chiite... La politique américaine commet l'erreur de soutenir un groupe politique contre un autre causant ainsi des conflits internes. Dans mon courrier adressé à Ben Kimoun, j'ai dénoncé le soutien inconditionnel de la politique américaine et européenne envers le gouvernement Siniora faisant de lui ainsi une partie prenante dans le conflit. Dans ce courrier, j'ai prévenu du vide constitutionnel qui engendre un conflit interne, les Américains en sont responsables.

Mais Welsh et la Majorité accusent aussi l'Opposition de mettre le pays en danger en empêchant les élections présidentielles et en prolongeant le vide constitutionnel !!

De façon générale, celui qui veut imposer les règles du jeu est celui qui lance des accusations ou qui distribue les félicitations ! Étant donné que le gouvernement ne réussit pas à imposer son complot planifié à savoir prolonger le pouvoir Siniora, il accuse l'Opposition de créer des conflits. Je rappelle que lorsque le mandat Lahoud arrivait à terme, j'ai proposé une solution consensuelle car on savait que la Majorité ne parviendrait pas à se prononcer clairement et fermement envers les élections législatives. Nous avons demandé un gouvernement de transition dont les compétences seraient bien définies, ils ont refusé préférant mettre le pays dans un vide constitutionnel au lieu de nommer un président consensuel. Ils nous accusent de mettre le pays en danger, mais en réalité ce sont plutôt eux qui le font surtout lorsqu'ils ont refusé, une demi-heure plus tard mon initiative qui répondait aux exigences des Américains. Ils ont par la suite proposé la candidature de Michel Sleimane, nous l'avons acceptée et avons demandé une feuille d'entente, chose qu'ils ont refusé d'établir. Ainsi les Américains et leurs alliés (la Majorité,  Siniora et  le Bloc du Futur) doivent assumer leurs responsabilités envers le danger que le Liban affronte.

Vous avez déjà déclaré que le vide constitutionnel peut engendrer des conflits et maintenant vous accuser le gouvernement de mettre le pays en danger. Que cela signifie t-il ?

J'ignore ce qu'ils sont entrain de planifier. Celui qui a organisé l'assassinat du chef des opérations de l'armée libanaise cherche à créer les conflits. Le gouvernement Siniora est soutenu par les pays occidentaux qui ont les meilleurs équipements pour enquêter sur les crimes. Jusqu'à ce jour, aucun attentat n'a été élucidé malgré la commission d'enquête internationale. Nous commençons à douter des capacités de l'état libanais et des autres états qui, après chaque attentat accusent la Syrie. Si tel est le cas, pourquoi aucun pays ne parvient-il à nous protéger de la Syrie ou à trouver une faille dans le montage des attentats ?!! Aux Etats-unis, malgré son immensité géographique, la liberté de circulation et 300 millions de citoyens, les crimes sont poursuivis et élucidés. Ce n'est pas le cas du Liban qui ne contient que 3,5 millions de citoyens tous classifiés  !!

Vous lancé des accusations graves ! En fait, vous ne considérez pas que le gouvernement est incapable d'élucider les crimes mais qu'une partie de ce gouvernement est complice  !

Lorsqu'un gouvernement n'est pas capable de protéger les citoyens,  il doit démissionner. Comme ce gouvernement refuse de le faire, nous commençons à avoir des doutes.

Siniora a annoncé aujourd'hui qu'il est pour le partage et pour la justice mais qu'il ne se laisserait pas intimider par la logique du terrorisme et du recours aux armes.

Personne ne l'a menacé par des armes. Il lance de tels propos pour se justifier et se déculpabiliser. Si on retrace les événements depuis la fin de la guerre de 2006, on constate qu'il a refusé toutes les solutions démocratiques que nous avons proposées : un gouvernement d'union nationale, des élections législatives anticipées, un gouvernement à représentativité proportionnelle,  le tiers +1  proposé par Monsieur Hassan Nasrallah (alors que notre force politique dépasse le tiers + 1), le recours au suffrage universel, un gouvernement de sauvetage, un gouvernement de transition ... Qui a menacé Siniora par les armes ?!!  Lorsque Israël nous a lancé une guerre, qui plébiscitait  le pouvoir, eux ou nous-mêmes !!

Pourquoi le général Michel Sleimane n'a toujours pas été élu Président malgré le consensus de tous les partis politiques ?!

Reconsidérez mon dernier discours et vous verrez à quel point je suis cohérent dans mes idées et que je ne change pas mes positions en fonction des occasions politiques ! J'ai toujours dit que nous avons besoin d'un candidat capable de garantir une solution surtout lorsque nous savons tous que le Président de la république n'a pas les prérogatives nécessaires pour proposer une solution mais que dans les meilleurs des cas, il peut organiser des concertations réussies ou non. Notre expérience de négociation avec la Majorité est très négative à cause de leurs retournements de position permanents, et de leur entêtement. Lorsqu'ils se retrouvent dans une position forte, ils refusent de faire des concessions sous prétexte d'être la majorité, et ils votent des projets tout en s'écartant de la constitution.

Ils veulent en premier élire un Président et ensuite aborder les autres sujets.

On m'a demandé de retirer ma candidature et de proposer une initiative. Lorsque je l'ai fait,  ils l'ont refusée. Ensuite, j'ai accepté la candidature de Michel Sleimane mais dans le cadre de mon initiative. De toute ma proposition, ils n'ont voulu entendre que mon acceptation de la candidature de Sleimane. Ils ont écarté mon initiative, ils ne veulent pas négocier ni dialoguer. Je vous rappelle que Hariri a déclaré de Bkérké que la seule chose positive de mon initiative c'est que j'ai retiré ma candidature !! Il s'agit d'un discours blessant et irresponsable ! Une telle personne qui n'a pas l'esprit de partage, souhaite devenir Premier Ministre !! Ils ne peuvent pas continuer à m'accuser d'empêcher les élections alors qu'ils refusent de négocier. J'ai accepté de faire des concessions en ce qui concerne mes droits mais jamais je ne mettrai pas en gage les droits du peuple qui me fait confiance !

Vous êtes le négociateur au nom de l'Opposition. Pouvez-vous nous citer vos exigences ?

Je refuse de négocier à partir d'une émission télévisée autrement ils m'accuseront de vouloir les défier !! Je suis prêt à négocier et à leur soumettre mes propositions à travers une réunion de concertation.

Sans rentrer dans les détails, voulez-vous vous mettre d'accord sur le futur Premier Ministre,  la formation du gouvernement, la représentation de chaque force politique ...?

Bien entendu, un ensemble de points concernent le gouvernement, d'ailleurs ils ont déjà été publiés dans mon initiative faite au non du Bloc du Changement et de la Réforme. Nous avons aussi de nouvelles clauses à propos de la composition du gouvernement, qui cette fois-ci émanent de l'ensemble de l'Opposition dans je suis le porte-parole et le négociateur.

Il paraît qu'il y a eu un accord entre Hariri et Berri en la présence de Bernard Kouchener à propos du gouvernement. Berri serait revenu sur ses décisions suite à votre refus d’Hariri comme Premier Ministre !!

De quel accord parlez-vous ? Personne ne m'a consulté. Lorsque le président Sarkozy m'a appelé, il m'a confirmé que j'aurais les garanties que j'exigeais. Bernard Kouchener ne m'a fait aucune proposition. Cependant, un membre de l'Opposition m'a informé qu'il y a eu accord sur deux clauses, mais je laisserai aux personnes concernées le soin d'en parler.

Hariri propose que le Président de la République possède le tiers bloquant et qu'il ait un rôle d'arbitre.

Ce discours est parfait, je suis 100% d'accord avec lui. Mais il faudrait le consacrer par écrit sous forme de texte constitutionnel pour qu'il ne reste pas soumis à son humeur  changeante.

Général, vous venez de me dire que vous acceptez la proposition d'Hariri de donner au Président de la République un rôle d'arbitre à travers le tiers de blocage. Pouvez-vous me le redire de façon claire.  

Je le redis, j'accepte cette solution si le texte constitutionnel est amendé et changé de façon stable non occasionnelle pour former ce gouvernement et d'autres aussi. Je veux que le Président de la République puisse obtenir le tiers bloquant en tant que prérogative qui lui revient de droit. L'Opposition ne demandera plus le tiers payant si un texte constitutionnel clair, précis est rédigé en faveur du Président de la République qui puisse nommer un certain nombre de ministres de manière à jouer un rôle d’arbitre dans l’action du gouvernement.

Dans cette logique, Hariri propose la solution suivante : un gouvernement de 30 ministres, 14 pour la Majorité, n'ayant pas ainsi les deux tiers, 10 pour l'Opposition, n'ayant pas ainsi le tiers de blocage, et 6 pour le Président de la République, lui donnant ainsi un rôle d'arbitre.  Si cela est consacré par un texte constitutionnel, accepteriez-vous ? 

Je l'accepte et je ferai en sorte que l'Opposition accepte une telle proposition.

Quel serait le recours de l'Opposition si cette proposition n'est pas consacrée par un texte constitutionnel ? Le tiers de blocage ?

Nous réclamerons une représentativité proportionnelle à notre poids, tout en laissant une proportion au Président de la République. Ainsi, nous aurons le tiers bloquant qui représente une garantie  pour le pays.  Personnellement, je ne l'appelle pas tiers bloquant, ou tiers garant mais tiers" participatif" qui te permet de te faire entendre.

L'opposition n'acceptera pas d'amender la constitution et d'élire un nouveau Président en l'absence d'une entente politique préalable ?

La Majorité devrait déléguer une personne pour négocier avec moi. Bien entendu, sans entente et sans consensus préalables, l'Opposition dans sa totalité ne participera pas aux élections.

Que demandez -vous maintenant ?

Je déclare que nous sommes prêts. L'Opposition m'a chargée de négocier en son nom. Ils ont riposté qu'ils ne souhaitent pas négocier avec le Général Michel Aoun. Celui qui refuse de négocier avec moi, et donc avec l'Opposition empêche le dialogue national. On ne peut commencer un nouveau mandat sans concertation entre les différents partis politiques surtout après ces trois dernières années durant lesquelles il y a  violation de la constitution et des résolutions internationales et durant lesquelles le Président était isolé par le gouvernement et par les ambassadeurs étrangers qui se sont ingérés dans les affaires purement libanaises comme l'amendement de la constitution libanaise. Ils décident de ce qui est légal ou non comme cela leur convient.

Ne craignez pas que le vide constitutionnel dure longtemps ?

Depuis deux ans et demi nous vivons sous la pression américaine et sous la pression de la guerre israélienne. On nous a accusé à tort,  y compris d'être des pro-syriens et des pro-iraniens. Aujourd'hui, les mêmes accusations utilisées contre nous deviennent naturelles et normales quand ce sont eux qui le décident, je pense en particulier aux armes du Hezbollah ou à l'entente avec la Syrie. Les USA ont pris des positions négatives à mon égard, ils veulent m'écarter et m'obliger à élire un Président qu'ils ont choisi eux-mêmes et selon leurs conditions !! Autrement, ils m'accusent de mettre le pays en danger !! Celui qui met le pays en danger est celui qui nous impose des solutions inadaptées, non clairement définies et qui n'assurent pas la stabilité du pays. Dans le nouveau projet du Moyen-Orient, ils ne veulent pas que le Liban soit stable et souverain. Nous luttons contre un tel complot. En tant que Libanais, nous sommes capables de trouver des solutions, encore faudrait-il qu'ils ne sous empêchent pas de le faire.

Que se passera t-il  si la Majorité ou le gouvernement désigne une personne autre que Hariri pour négocier avec vous, par exemple Geagea en tant que chrétien ?

Je veux traiter avec celui qui a bafoué les droits des Chrétiens et non avec celui qui est privé de ses droits. Je suis sûr que Geagea acceptera tout ce que je demanderai pour les Chrétiens, mais aurait-il le droit de signer ? Serait-il en mesure de prendre des décisions  comme cela est mon cas au sein de l'Opposition ? J'accepte de négocier avec toute personne habilitée à signer.

Comment considérer vous le discours calme de Jomblatt, même après l'assassinant du général Hajj ?

Il a pris conscience que la politique américaine n'est pas compatible avec les intérêts du Liban. Son nouveau discours peut aider à la formation de l'union nationale.

L'armée, dans son dernier rapport, a demandé de ne pas la soumettre à des intérêts politiques et de ne pas qualifier ses commandants d'appartenir à tel ou tel bloc politique. Qu'en pensez-vous ?

L'armée s'est forcée de publier ce rapport - avertissement  pour empêcher qu'on donne à ses généraux des identités politiques tel que appartenir aux Forces Libanaises ou au Courant Patriotiques Libre. En réalité, les généraux n'ont pas d'identité politique, ils sont formés par l'armée pour être aux services de tous les citoyens, ce dont je suis fier. L'armée est une institution qui défend le pays et les citoyens, l'armée ne soutient pas un régime par la force et ne le renverse pas non plus par la force. Il est le garant du jeu démocratique qui doit gérer les affaires politiques. Vu la situation exceptionnelle que connaît le Liban, comme les violations de la constitution et le déséquilibre politique, une sorte de conscience politique s'éveille chez les soldats et les généraux. L'armée se trouve ainsi dans une situation délicate, que j'ai voulu pendant longtemps lui épargner. La persistance du gouvernement actuel et des forces extérieures à commettre des délits peut provoquer l'armée, surtout après le terrible assassinat du général Hajj. L'armée a besoin de reprendre ses esprits.

Vous avez déclaré "si nous ne parvenons pas à nous entendre maintenant, nous n'y arriverons pas non plus dans quelques mois. Je doute qu'Hariri veuille un nouveau Président". Maintenez-vous de tels propos ?

Je maintiens ces propos de façon très précise d'autant plus qu'il change souvent de positions.

Entre temps, que compte l'Opposition faire ?

Le sit-in est maintenu car nous refusons fermement le gouvernement de Siniora. Je reste le négociateur de l'Opposition.

Certains vous accusent d'être le pion utilisé par l'axe syro-iranien.

Les délégations occidentales qui ont été en Iran et en Syrie savent que je n'accepte aucune pression étrangère. Ceux qui peuvent prouver le contraire qu'ils le fassent. Comme je l'ai déjà dit, la politique occidentale a commis plein d'erreurs en soutenant le gouvernement Siniora. Ceci me donne le droit de refuser toute solution qui ne sert pas les intérêts du pays même si tous les pays étrangers veulent l'imposer,  au risque de toutes les accusations qu'on peut me lancer. Je n'accepte pas non plus la pression orientale, ni la pression syrienne. Je refuse que les représentants américains, viennent me "punir" et me donner des leçons. Je fais allusion à Welsh et à Rice qui donnent leurs consignes à un groupe de libanais.

Le général Abou Gamera a déclaré que votre candidature serait peut-être à nouveau proposée s'il n'y a pas d'élection.

Il a dit peut être. Il donne un avis personnel. Pour l'instant nous soutenons la candidature du général Sleimane.  Cependant, si cette candidature échoue, que fera t-on ? Je suis une personne présente, qui a son poids politique et mon soutien au Général Sleimane ne veut pas dire que je m'incline de la scène politique, ni avant les élections, ni après. J'ai gagné moi-même ma force politique grâce à l'appui du peuple libanais.

Si une sorte d'entente s'impose, craignez-vous que Le Hezbollah vous laisse tomber.

S'il décide de me quitter et de participer à une entente imposée, il le fera à ses frais, car moi-même je ne changerai pas de position.

Etes-vous toujours en entente avec Le Hezbollah ?

Bien entendu, je le représente et je représente l'Opposition.

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Entretien par Ghassan Ben Jedhou
Traduction : Equipe de presse RPL Rhône-Alpes

 

© 2006 RPL
Publié le 22 décembre 2007 avec l'aimable autorisation du RPL
Crédit photo : CAPE France



Source : RPL
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