Les leaders
libanais présenteront-ils leurs excuses au peuple ?
Le député général Michel Aoun :
« Pas un jour j’ai choisi la
guerre… Moi aussi je souffrais »
Nahar
Al-Chabab, 12 avril 2007
Ce n’est pas un dossier sur la guerre mais une invitation à
la « non guerre » après toutes les affres expérimentées
de la ou plutôt des guerres que nous vivons toujours, guerre
chaude ou froide, chaque jour, dans chaque quartier et chaque
ruelle.
Ghassan Tuéni aime l’appeler la guerre des autres sur notre
sol, il en était ainsi pendant la guerre civile, mais plusieurs
facteurs aidant, elle s’est transformée en une guerre
fratricide, et c’est la plus destructrice.
Nous avons essayé dans ce dossier de faire un pas avec un
retard de 17 ans, celui des explications franches et des excuses
aux gens, aux victimes, aux martyres et aux handicapés et leurs
familles, ainsi qu’à tous les libanais, de tous les caïds de
la guerre libanaise pour toutes les souffrances qu’ils leur ont
fait subir directement ou indirectement.
Ce projet a été saboté à plusieurs reprises, principalement
parce que les politiciens n’y ont pas prêté une sérieuse
attention, et parce que les gens n’en ont pas saisi
l’importance et n’ont pas poussé ces politiques à le faire.
Au contraire, ils ont accepté le fait accompli qui sévissait
alors.
Sous la tutelle le dialogue a cessé. Aujourd’hui sans
tutelle, le dialogue n’est toujours pas de mise. Des
interventions ont resurgies, principalement celle du président de
la Chambre Mr. Nabih Berri, mais n’étant pas élaborée sur des
bases solides, elle s’est donc soldée à des apparitions télévisées,
et emportée par le vent.
Aujourd’hui, un groupe de jeunes de Nahar Al Chabab (Annahar
des jeunes) a essayé d’inciter les politiciens de nous présenter
leurs excuses, à notre jeunesse et à nos parents qui ont perdu
la leur. Et si le pas que nous faisons est aujourd’hui médiatique,
nous espérons qu’il sera réalité un jour. Alors, nous nous réconcilierons
avec notre passé et avec les autres, pour qu’ensemble nous bâtissions
le Liban de demain et pour que nous n’ayons plus comme
argument l’autodéfense, comme si on vivait dans le pays des frères
ennemis.
Nous avons trouvé des difficultés avec les uns qui n’ont
pas accepté l’idée sur le champ, d’autres ont tout de suite
répondu à l’appel, certains ont reporté le rendez vous, un
autre groupe n’a pas du tout répondu ou nous n’avons pas pu
obtenir sa réponse. Nous n’allons pas détailler les réponses,
car quelques unes sont très franches tandis que d’autres
pleines d’atermoiements ; nous laissons le jugement aux
lecteurs.
Nous nous suffirons de relater les faits.
Le général Michel Aoun était le premier à répondre à
notre sollicitation. Dr Samir Geagea l’a suivi, puis le président
Amine Gemayel. Et à la fin le député Walid Joumblat ; nous
ne savons pas si c’était un hasard ou pas, que trois des
leaders chrétiens répondent avant les autres.
Le président Berri a préféré consacrer un entretien avec
Nahar Al Chabab, « pour ne pas donner deux interviews »
comme il a précisé.
Nous avons envoyé un courrier au secrétaire général du
Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, à défaut de le rencontrer et
à cause des circonstances sécuritaires, mais son bureau de
presse n’avait pas de réponses de sa part ni n’a fixé de délai
pour nous les transmettre. Pour cette raison nous lui avons laissé
le champ libre, peut-être que la réponse nous parviendra, même
en retard.
D’autres parties ont été choisies, seuls les Mourabitounes
ont reporté à plusieurs reprises, ce qui fait que le dossier ne
les inclut pas. Suite à cela, certains membres du Conseil de la résistance
ont vu que le dossier n’était pas complet, en l’absence de
participation musulmane, comme si un groupe ou une partie devaient
subir seuls la responsabilité de la guerre, surtout que ce
n’est pas la vérité perçue par les gens.
Voici les réponses, un document historique, à relire chaque
instant ; en espérant que leurs auteurs soient décidés et
convaincus de ce qu’ils ont déclaré, pour qu’ils n’aillent
pas vers une autre guerre et afin que nous puissions les juger
d’après leurs paroles et gestes.
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Le député général Michel Aoun :
« Pas un jour j’ai choisi la
guerre et moi aussi je souffrais »
Q : Vous ne voyez pas que toutes les guerres sont
un crime contre les hommes ?
R : « Toutes les guerres sont un crime, une étape
de rupture avec la civilisation, de sauvagerie et de barbarie.
Elles ne visent pas uniquement l’être humain, mais aussi la
nature et les animaux, mais nous ressentons plus son impact sur
les gens puisque nous faisons partie de cette grande « famille
humaine » ce qui centre nos soucis sur ce qui nous concerne
en particulier.
La guerre entre les hommes est le fruit d’une ou plusieurs
parties, un cas social répétitif, qui semble être une fatalité
naturelle, prenant naissance dans les conflits d’intérêts et
dans l’instinct de domination entre les sociétés. C’est
possible que ses justifications soient illimitées, on la justifie
par de nombreuses idéologies, mais qui se résument toutes par
l’extrémisme ; comme par exemple l’extrémisme ethnique
(l’imposition de l’esclavage sur la race noire, la suprématie
de la race arienne dans l’Allemagne hitlérienne) et l’extrémisme
politique, c'est-à-dire les régimes de la pensée unique
totalitaires ou dictatoriaux. Entre autre aussi l’extrémisme
religieux, ou l’utilisation de Dieu, et il est visible que
celle-ci est la pire. Ajoutons à cela tout prétexte qui rejette
le droit à la différence et qui est utilisé pour faire la
guerre.
Q : Les guerres auxquelles vous avez participé
directement ou indirectement ne méritent-elles pas que vous présentiez
des excuses aux gens, surtout les martyres, les handicapés
et leurs familles ? (Sa réponse est aussi manuscrite).
R : Tout acte que l’homme entreprend volontairement,
avec préméditation et dans le but de nuire, mérite plus que des
excuses, c'est-à-dire un jugement et l’application de la
justice.
La responsabilité des guerres est prise par son instigateur,
et aussi la responsabilité de toute personne ayant subi des dégâts,
de la mort à l’handicap, à la perte de biens ou de droits ou
l’immigration. D’autant plus qu’il y a une responsabilité
supplémentaire sur toutes les parties au cas elles transgressent
les lois et conventions internationales dictant les actions
militaires et qu’il est interdit de surpasser.
Tandis que le tort involontaire est celui que la personne fait
par inconscience ou ignorance et cela mérite aussi des excuses.
Pour cela, il reste à appliquer les principes judiciaires qui
déterminent la responsabilité.
Q : Avez-vous des points particuliers et
personnels que vous regrettez et que vous jugez nécessitant des
excuses de votre part ?
R : Dans toutes les batailles je me suis retrouvé dans
une position d’autodéfense ou dans celle de la défense
d’autrui, comme me le demandait ma mission militaire, et je
n’ai à aucun moment choisi la guerre.
En tant que Chef militaire, j’ai fait mon devoir et je n’ai
pas dépassé les limites des usages autorisés ou des lois, bien
au contraire, j’ai dépassé les limites dans l’autre sens, et
les politiciens se rappellent de beaucoup de faits qui assurent
que j’ai dépassé ces limites dans le sens contraire.
Toutes les batailles ont leur lot de victimes et cette douleur
qui s’abat sur soi et sur les autres. Moi aussi j’ai souffert,
devant la situation nous nous valons tous ; toutefois malgré
la souffrance il est impossible de regretter un devoir accompli.
Q : Est-ce que vous serez prêt à entrer de
nouveau dans une guerre pour défendre vos convictions ? Est
ce que vous pensez aux victimes, aux pertes et à son impact négatif
sur le peuple et le pays ?
R : Nous avons opté pour la démocratie comme régime
politique qui nous permettra de défendre nos convictions dans les
urnes et de nous orienter vers un discours politique direct,
patriotique et futuriste clair. Nous sommes ceux qui appellent au
retour à la boîte des votes et pas à celle des munitions.
C’est cela notre histoire et la discipline qui nous rend fiers.
Jusqu’à maintenant, nous avons contenu beaucoup de tentatives
visant à rallumer le feu du conflit, et tout cela à notre
compte. Nous n’avons pas répondu avec ce qui était notre droit
légitime, mais le dépassement continu dans ce domaine soumet la
société à d’énormes dangers.
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