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RPL France
Hariri, l'extrémisme
en costume-cravate
Bernard Mikael
Saad Hariri
Mardi 8 septembre 2009
Depuis sa création dans les années qui ont suivi la guerre
incivile au Liban, le Courant Hariri, appelé plus tard Courant
du Futur, se veut et se vend comme l’alternative à l’extrémisme
Sunnite croissant dans les camps palestiniens et au Liban Nord.
À l’époque de la tutelle syrienne, l’armée occupante a toujours
utilisé la stratégie du bâton et de la carotte avec les
extrémistes. Elle se présentait comme une garantie à leur
non-développement.
D’autant plus que cet extrémisme, écrasé par le régime Assad en
1982 dans les villes de Hama et d’Alep, est tout à fait
dangereux vis-à-vis du pouvoir Baasiste. Il a fallu donc le
contrôler et le maîtriser avec beaucoup de précaution.
Avec le changement de stratégie américaine au Moyen-Orient et le
retrait de l’armée syrienne en 2005, ces groupes ont commencé à
échapper à tout contrôle. Depuis, ils sont financés et armés par
l’Arabie Saoudite (du moins quelques émirs) à travers le Courant
du Futur et Hariri fils, qui les a intégrés à son Courant.
Dans le projet multidimensionnel en application, guerre contre
les chiites pour l’Arabie Saoudite et implantation des
palestiniens pour les israéliens et américains, ces groupes sont
utilisés pour contrebalancer idéologiquement et militairement le
Hezbollah chiite.
Dans les calculs de Hariri, l’intérêt est double. D’une part, il
a besoin de l’électorat sunnite pour garder le monopole du
pouvoir au Liban et donc exécuter le projet saoudien de la
région. D’autre part, le pouvoir au Liban lui permet d’assurer
le fonctionnement de ses entreprises installées sur tout le
territoire libanais et qui lui génèrent des milliards
(Solidaire, Ogéro, Sukleen…).
Au niveau politique, les sunnites constituent la troisième plus
grande communauté libanaise après les chrétiens 42% (toutes
communautés confondues), les chiites 30% et les sunnites 28%.
Évidemment ces chiffes sont approximatifs puisque les derniers
statistiques officiels datent de 1930. La conquête de cette
communauté est le seul moyen pour accéder au pouvoir.
D’où la volonté de Hariri père et puis fils à s’imposer comme
leader sunnite pour ainsi garantir son maintien au pouvoir
exécutif. Il a fallu donc écarter les chefs sunnites
beyrouthins, tripolitains et, en 2009, la famille Saad à Saïda,
et puis se rapprocher des groupes extrémistes à Menié, Hermel,
Akkar…
Pour ainsi faire, il a fallu adopter leur discours, mais
seulement à travers les représentants locaux du Courant du
Futur. Et puis garder un discours laïque, ouvert et positif au
niveau national et pour les médias étrangers. Depuis, la base
sunnite ne fait que se rigidifier et se refermer. Et
l’extrémisme ne fait que monter dans les rangs du Courant.
À plusieurs occasions, le Courant Hariri a utilisé indirectement
ces groupes pour faire passer des messages politiques, soit pour
s’imposer comme alternative à l’extrémisme, soit pour montrer
ses muscles face au Hezbollah. Mais à chaque fois, le bilan
était lourd et le jeu a failli mettre le feu sur la poudre.
Le 5 février 2006, et pour protester contre les caricatures d’un
quotidien Danois, le Courant du Futur mobilise ses partisans
extrémistes pour manifester dans le cartier chrétien d’Achrafieh
brulant les voitures, saccageant les boutiques et, au passage,
l’église maronite Saint-Maroun.
En 2007, les groupes extrémistes installés dans le camp
palestinien de Nahr el Bared, et manipulés par les milices du
Courant du Futur, ont combattu l’Armée Libanaise pour plus de
100 jours, faisant plus de 165 victimes dans les rangs de
l’Armée.
De 2005 jusqu’à fin 2008, ces groupes ont perpétré plusieurs
attentats contre des minibus près de Bekfaya (message politique
à son allié Gemayel ??) puis 2 attentats contre les bus
transportant les militaires de l’Armée Libanaise, faisant
plusieurs victimes… sans oublier le meurtre du jeune ministre
Pierre Gemayel, aussi attribué à ces mêmes groupes.
Et puis le 7 mai 2008, durant les 4 jours du conflit armé entre
ses milices et le Hezbollah, le Courant du Futur a fait
intervenir plus de 1000 combattants du Liban Nord pour affronter
le Hezbollah dans les rues de Beyrouth.
Si le Courant du Futur fait la guerre indirectement à travers
ses milices, ce n’est pas le cas dans son discours politique
utilisé par ses députés et mêmes ses Cheikh. Si la majorité des
libanais rejette catégoriquement la guerre civile, l’impact des
discours communautaires est fatal et provocateur, mais
heureusement ne trouvant pas d’écho dans les rangs du CPL et du
Hezbollah. Les exemples ne manquent pas, mêmes s’ils ne sont pas
toujours relayés par les médias du Futur (rappelez-vous le
double jeu interne/externe) :
• Le Mufti de la République, Cheikh Mohammad Kabalan
tient un discours très sunnite anti-chrétien et anti-chiite
• Le Mufti du Mont-Liban, Cheikh Mohammad el Jouzo,
doit, dans un état de droit, être traduit devant les tribunaux
pour son discours raciste et communautaire. Cette personnalité
controversée, tantôt pro-syrienne, tantôt anti-syrienne, tantôt
autre… présente une menace réelle à la paix intercommunautaire
au Liban. Heureusement, vu le niveau de la personne et de son
discours, aucune réplique sérieuse n’est faite de la part des
partis concernés (CPL souvent et le Hezbollah parfois), écartant
ainsi tout risque de transformation du conflit politique en
conflit armé. A titre d’exemple, dans son dernier discours en
date du 6 septembre 2009, le Mufti el Jouzo a menacé de retour à
la guerre civile si les chrétiens continuent à réclamer la
renforcement des prérogatives du Président de la république,
qualifiant les maronites, notamment les kesreouanites (fief
maronite) d’ « esprit tordu » et « qu’ils constituent le pire
danger pour le Liban ».
• Mohammad Kabbara, député Tripolitain, a qualifié d’ «
atteinte aux sunnites » et la « nation sunnite » les demandes du
Général Aoun sur la séparation des institutions de contrôle du
pouvoir exécutif !!!
Les exemples ne manquent pas dans ce domaine de polarisation
continue de la communauté sunnite à des fins électorales. Notons
également que les élections législatives au Liban a été conduite
sur une base de discours communautaire extrême contre les
chiites et les chrétiens.
Dans une société qui n’a pas encore fermé ses blessures de la
guerre civile, où aucune entente réelle n’a été entreprise, et
dans un contexte régional où la guerre entre sunnite et chiite
est un objectif en soi pour les américains et les israéliens
(l’exemple irakien), le double jeu du Courant du Futur est
dangereux et va finir par provoquer et donc par radicaliser les
autres communautés.
On ne peut pas continuer à jouer sur les instincts
communautaires pour des fins politiques, et continuer à
effleurer la guerre, comptant sur la retenue des partis
adverses.
Si le Courant du Futur n’arrête pas le double jeu et ne fait pas
taire ce ridicule de Mufti Jouzo et ses semblables, ce jeu va
échapper un jour à son contrôle et le retour arrière sera
difficile.
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