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As-Safîr
Le
Liban entre deux baisers
Talal Salman
Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à leur arrivée
à l'aéroport de Louxor
© Photo AFP
Beyrouth, le 31 / 12 / 07
N’étaient quelques fautes minimes commises hier
par le président français lors de ses déclarations au Caire, il
aurait été du devoir des Libanais de le remercier
chaleureusement, car c’est un homme qui en toutes circonstances
porte le Liban dans son cœur, au point de l’inclure dans son
intimité pendant les vacances qu’il passe avec ses belles
amantes, qui suscitent la jalousie tant de ses ennemis que de ses
amis.
Bien plus, ce président aux sentiments enflammé lui a consacré
et lui consacre encore une part de son temps personnel, voire de
sa vie intime, entre deux étreintes, deux baisers ou deux
soupirs, ce qui prouve que son grand cœur peut aimer aussi le
Liban et les Libanais, quel que soit le nombre de ses amantes et
de ses petites amies.
Hier et lors d’un intermède qui a momentanément interrompu les
tendres soupirs des vacances amoureuses qu’il passe à l’ombre
des Pharaons, entre les temples d’Assouan au sud et la Vallée
des rois à Louxor, en passant par l’escale de Charm al cheikh,
le président amoureux a prouvé qu’il peut combiner l’amour
et le devoir, car il peut enlacer son amour au pied du Sphinx,
l’étreindre au somment de la grande pyramide et partir ensuite
vers le palais présidentiel d’al-Ittihadiyya, passant ainsi du
badinage au sérieux !
«Le sérieux», c’est que le président compte suspendre tout
contact avec la Syrie à propos du Liban tant qu’il n’y aura
pas de preuves suffisantes attestant du désir de ce pays qu’ «un
président libanais consensuel soit élu».
Ce «sérieux»-là est une bonne chose.
Mais dans son élan, le président français est allé trop loin,
et le voilà en train de menacer explicitement la Syrie d’un
tribunal international, pour lequel son pays, affirme-t-il,
fournirait les financements nécessaires à sa formation.
Il est naturel dans ces circonstances que les Libanais répètent
ce qu’a dit un ancien poète arabe : « Ah ! Si tu n’avais pas
commis l’adultère, tu n’aurais pas eu à en payer le prix !
». En langage moderne : il aurait mieux valu que le président
français ne propose pas ses bons offices si c’est pour finir en
agitant des menaces dont les Libanais pourraient bien payer le
prix, sous forme de complications supplémentaires de la grave
crise politique que leur pays traverse et dont la présidence de
la république n’est qu’un élément parmi d’autres !
Il a été légitimement prouvé que Nicolas Sarkozy dans le rôle
de l’amoureux a plus de succès que le président français dans
le rôle du négociateur international.
Il a été également légitimement prouvé que Sarkozy n’est
pas vraiment différent de ces responsables américains pour qui
la seule relation amoureuse qu’ils n’aient jamais eue avec le
Liban est… celle qui tue.
C’était également une occasion exceptionnelle pour Hosni
Moubarak de prouver qu’il était un grand sage, plein d’amour
pour le Liban, ce qu’il a fait en s’adressant à la Syrie en
ces termes : « J’appelle la Syrie à oeuvrer pour trouver une
solution à ce problème, car c’est elle qui exerce le plus
d’influence sur les parties en conflit».
Le président français a tellement dépassé les bornes qu’il
en arrive à être encore plus extravagant que son ami américain
le président Georges Bush. Il va même plus loin que lui quand il
s’agit d’attiser la guerre civile au Liban.
Si les puissants amis du Liban avaient mis une sourdine à leur «amour»
pour le Liban, nous aurions fort probablement trouvé notre voie
personnelle pour sortir de cette terrible impasse où nous sommes
et retrouver cette paix nationale que nous désirons tant.
Et puis, pourquoi le président français vise-t-il le tribunal
international de cette façon si humiliante et si blessante, en
l’utilisant d’entrée de jeu comme un moyen de chantage, en
menaçant du doigt et en se comportant comme s’il avait déjà
rendu son jugement et qu’il était là pour le faire exécuter ?
Peut-être que nous, au Liban, nous devons mille excuses au
ministre ami Bernard Kouchner : il a prouvé qu’il est beaucoup
plus pondéré que son président que l’amour aveugle au point
qu’il ne fait plus la différence entre son rôle d’intermédiaire
et son désir d’être le bourreau chargé d’exécuter la
sentence, et agite le doigt en avertissant, menaces à l’appui,
qu’il ne ressemble en rien à son prédécesseur Jacques Chirac
qui avait – lui aussi – trop aimé le Liban et les Libanais.
Traduction de l'arabe par Aziz HILAL
Crédits photo : AFP
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