Parti communiste libanais
De
l'huile arabe sur le feu libanais
Marie Nassif-Debs
27 janvier 2008
La
solution de la crise libanaise est renvoyée aux calendes grecques et,
avec elle, les élections présidentielles, ajournées au fil des
jours et dont la treizième séance est prévue pour le 11 février
prochain ou celui de l’an 2009, c’est-à-dire à la suite de
l’investiture du nouveau président des Etats-Unis.
Ce
que nous disons ne relève pas d’une vision pessimiste de la
situation au Liban, mais, plutôt, d’un état de fait qui dit
que les problèmes politiques libanais sont très liés à ceux de
la région (arabe, en premier lieu) et, par suite, aux intérêts
des différents joueurs internationaux et régionaux : les
Etats-Unis, Israël et la Syrie… A cela nous ajoutons que rien
dans les développements internationaux et régionaux, durant ce
premier mois de l’année nouvelle, ne prévoit que ces problèmes
seraient mis rapidement sur la voie des solutions adéquates
mettant fin aux divisions libanaises. Bien au contraire ! Le
statu quo (tacite) entre les deux groupes confessionnaux qui
s’affrontent est de plus en plus branlant. Il risque, même, de
faire exploser le pays, non seulement sous l’impact des voitures
piégées et des heurts sanglants qui deviennent monnaie courante
dans certains quartiers de Beyrouth et de sa banlieue, mais aussi
à cause des « initiatives » qui nous parviennent de
toutes parts et dont la dernière en date est celle de la Ligue
arabe.
La
solution en trois points
Quel
est le contenu de cette initiative ?
Elle
prévoit une solution « sans vainqueur ni vaincu », disait
fièrement Amro Moussa, le secrétaire général de la Ligue
arabe. Une solution en trois points :
1.
Elle commencerait par l’élection d’un nouveau président de la
République, dont le nom est déjà connu de tous, puisqu’il s’agit
de Michel Souleiman, chef de l’armée.
2.
Elle se poursuivrait par la constitution d’un gouvernement dans
lequel le groupe ministériel du nouveau président ferait l’équilibre
entre la majorité (pro étasunienne) et l’opposition (proche de
la Syrie). Cet équilibre fut exprimé par l’équation suivante :
le groupe des ministres du président sera formé de manière à interdire
à la majorité de prendre des décisions sans tenir compte de l’avis
de l’opposition, tout en empêchant l’opposition de parvenir
à la réalisation de sa revendication majeure qui consiste à obtenir
le tiers du nombre des ministres lui permettant de paralyser le pouvoir
exécutif selon ses convenances.
3.
Elle se terminerait par des élections législatives anticipées,
selon une loi électorale basée sur le caza (la petite
circonscription).
Les
explications ambiguës
Cette
solution, qui n’en est pas une en fait, est rapidement tombée sous
les coups de ceux qui devaient la mettre en exécution.
Ainsi,
d’une part, le conflit persistant entre l’Arabie saoudite et la
Syrie a empêché les ministres arabes des Affaires étrangères de
mettre au point une explication unique de leur initiative et, d’autre
part, les « explications » données par Amro Moussa sur
la constitution du gouvernement futur furent considérées comme
« partisanes » par l’opposition, puisqu’elles donnaient
à la majorité 13 ministres contre 10 à l’opposition, tout en
laissant 7 au nouveau président. Tandis que l’explication de
l’opposition, partant du slogan « ni vainqueur ni vaincu »,
divisait le gouvernement en trois parties égales…
A
cela s’ajoutent les déclarations étasuniennes et aussi françaises
sur une possible internationalisation de la solution du conflit libanais ;
déclarations qui ont facilité la tâche de la majorité (poussée
par l’ex ambassadeur étasunien Jeffry Feltman), puisqu’elles
lui ont permis d’adresser à la Ligue arabe, mais aussi au Conseil
de sécurité, des lettres dans lesquelles elle demandait, une fois
de plus, son intervention directe dans les affaires intérieures du
Liban, de la même manière qu’il avait déjà intervenu en 2004
(la résolution 1559) et 2006 (la constitution du tribunal à caractère
international qui doit statuer sur l’assassinat de Rafic
Hariri).
En
attendant, la tension qui caractérise la situation politique libanaise
ira augmentant.
D’abord,
il y a le rapport de la « Commission Vinograd » sur la
dernière guerre israélienne contre le Liban qui laisse présager
le retour au problème des « armes détenues par la Résistance
libanaise », c’est-à-dire par le Hezbollah. Surtout que ce
problème est lié directement à un autre tout aussi important pour
les Etats-Unis et l’Occident : le problème du nucléaire
iranien.
Ensuite,
il y a le Sommet arabe qui devra se tenir à Damas, durant le mois
de mars, et qui aura à son ordre de jour des points
explosifs, dont, en premier lieu, le sort de l’Irak et, surtout,
de la Palestine. Là aussi, la Ligue arabe, dominée par les amis
« modérés » de Georges W. Bush, est et sera incapable
de prendre une décision claire et ferme, allant à l’encontre des
diktats étasuniens (et israéliens), tant à propos des résolutions
de la Conférence d’Annapolis que des déclarations du président
étasunien sur Israël « Patrie des juifs dans le monde ».
Ce qui va mettre en péril « le droit de retour du peuple palestinien »,
dont les 350 000 réfugiés vivant dans les camps libanais.
Donc,
le Liban aura, au moins, quelques mois très difficiles devant
lui.
Arrivera-t-il
à les traverser sans mettre en péril la paix civile reposant sur
le statu quo branlant ?
Marie
NASSIF-DEBS
(Beyrouth,
le 27 janvier 2008)
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