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Al-Oufok

La « Dabké » de la mort au Liban
Marie Nassif-Debs


Photo Al-Oufok

Beyrouth, le 24 octobre 2007

Y a-t-il possibilité de parvenir à un consensus entre le rassemblement dit du « 8 mars » et celui dit du « 14 mars » ou bien la situation au Liban se dirige implacablement vers l’escalade et la déflagration ?

Depuis quelque temps, les Libanais effeuillent les marguerites... Une tempérance, même minime, dans les propos émis par les antagonistes en présence leur donne une dose d’espérance qu’ils perdent aussitôt qu’ils écoutent d’autres propos comportant une certaine violence verbale.

Le pire est toujours à craindre, donc. Malgré l’optimisme de Bernard Kouchner, lors de sa dernière visite à Beyrouth, durant laquelle il a dansé la « dabké »(1) avant d’appeler les députés libanais à respecter l’échéance des présidentielles.

Le pire est toujours à craindre. Parce que le Liban a perdu toute autonomie.

Ce ne sont pas ses dirigeants, élus selon une loi faite, à leur mesure, par le tuteur syrien de l’époque, le colonel Ghazi Kanaan (mort, depuis), qui décident ce qu’il faut faire dans leur pays ou de leur pays. Les décideurs sont les grandes puissances internationales ou les puissances régionales qui s’entrecroisent, tantôt, et tantôt s’entretuent.

Ainsi, durant les trois semaines passées, nous avons eu droit à des déclarations successives de George Bush, Dick Chenny, Condoleeza Rice et d’autres encore, lors des visites des leaders politiques libanais de la majorité à Washington, stigmatisant l’immixtion syrienne dans les affaires intérieures de notre pays et oubliant toutes les violations israéliennes contre notre territoire national.

Nous avons eu droit, également, à une visite du représentant du ministère de la défense étasunienne, Eric Edelmann, venu, au nom de son ministre, « poursuivre la mission commencée par le chef des armées, l’amiral Falon » et concernant « la coopération entre les Etats-Unis et le Liban pour une nouvelle stratégie militaire ». De plus, nous reçûmes successivement les trois ministres des affaires étrangères de la France, du Portugal et de l’Italie, en même temps que celui de la Turquie (venu en médiateur entre le Liban et la Syrie). Et, nous attendons, dans les prochains jours, des émissaires haut placés des pays arabes dont, en premier lieu, le ministre égyptien des affaires étrangères.

Tous veulent « aider » le Liban à sortir de l’impasse des élections présidentielles et empêcher une nouvelle guerre fratricide dont l’ombre épaisse enveloppe le Liban et qui se profile dans les milliers de nouveaux jeunes miliciens armés enrôlés par les deux camps opposés.

Caricature que tout cela ? Ce n’est, malheureusement, que la pure vérité.

La situation politique et économique du Liban est, désormais, et plus qu’à aucun autre moment de son histoire moderne, étroitement liée à la volonté de l’administration étasunienne, présidée par George Bush et appuyée par Israël et quelques régimes arabes dits « tempérés » (tels que l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Jordanie), mais aussi, en partie, à celle de la Syrie et de l’Iran.

L’enjeu : la deuxième étape du projet du « Nouveau Moyen Orient » que les Etats-Unis, toutes tendances confondues, ont entrepris en Irak et dont ils veulent poursuivre la réalisation au Liban et en Palestine, et ce afin de mettre la région pétrolière et méditerranéenne arabe sous leur coupe, ce qui leur permettra d’avancer, d’une part, en direction de la Caspienne et de contrôler, ainsi, à eux seuls, les 75% des sources d’énergie dans le monde. Sans oublier, d’autre part, le contrôle des voies de transport et des prix de cette énergie.

En quoi consiste le « Nouveau Moyen Orient » par rapport au Liban ?

Comme en Irak, où le Parti démocratique étasunien a pris la décision (non obligatoire) de diviser le pays en trois Etats(2), il est prévu (dit-on) que le Liban sera divisé en trois cantons : un canton druze et maronite (correspondant aux limites du « Petit Liban », créé en 1920 par les Français), un autre, chiite, dans la Békaa et un troisième, sunnite, au Nord du pays. La partie frontalière sud sera un prolongement du premier canton qui fera une petite place aux 350 000 Palestiniens dont Israël refuse le droit au retour(3), mais loin des frontières...

Un rôle de propagandiste échut à la Suisse qui, par le truchement de son ambassade à Beyrouth, est sortie de sa neutralité coutumière et a invité, il y a une quinzaine de jours, un groupe d’intellectuels libanais afin de leur expliquer les avantages du système fédéral appliqué chez elle, comme si le Liban était formé d’ethnies et de nationalités différentes qui ne parlent pas la même langue et n’avaient pas, au départ, une histoire commune...

Et, tandis que les élections présidentielles sont reportées au lundi 12 novembre (en principe), à cause du sommet Bush-Sarkozy sur le Liban, mais aussi de la conférence (arabe) sur l’Irak, la valse des rencontres entre des leaders de « la majorité » et de « l’opposition » vient de commencer, afin de faire en sorte que l’échéance des présidentielles puisse se dérouler dans le calme. Cependant, les appréhensions restent très fortes, surtout que certains voient dans les accusations lancées par Walid Joumblatt contre le Hezbollah(4) (et qui ont, à nouveau, envenimé le climat politique) une tentative de la part de Washington d’acculer la Syrie au pied du mur, non au Liban mais en ce qui concerne la situation explosive en Irak.

En d’autres termes : ni Washington ni Damas ne sont pressés de faciliter la recherche d’une solution avant d’avoir résolu les quelques grands points qui les opposent l’un à l’autre. D’où le Liban restera ballotté par les vents contraires jusqu’aux dix derniers jours de l’échéance présidentielle, c’est-à-dire jusqu’au 24 novembre. Parce que le problème de choisir un président de la République n’est pas le seul point inextricable ; il y a aussi la phase politique ultérieure : Qu’en sera-t-il de la composition du gouvernement et qui en sera le chef ?

Fouad Sanioura (candidat étasunien par excellence) restera-t-il à son poste ou bien il y aura, là aussi, un candidat de consensus ? Qu’adviendra-t-il de la résolution 1559 concernant les armes du Hezbollah ? Quelle sera l’attitude de l’ONU à propos du refus d’Israël d’admettre que les fermes de Chebaa sont terres libanaises et quelle position prendront les troupes de la FINUL vis-à-vis des violations israéliennes de la résolution 1701 ?

Beaucoup de questions difficiles que se posent les citoyens d’un pays qui a perdu les derniers aspects de souveraineté qui lui restaient.

Seule une conférence des partis et forces politiques à l’échelle nationale pourra, peut-être le sauver (momentanément). Une conférence qui aura pour ordre du jour de stabiliser la paix civile et de discuter des réformes politiques nécessaires à court terme pour remettre le Liban sur pied.

Les Etats-Unis et leurs alliés (dont la France) laisseront-ils faire ou bien les enjeux pétroliers primeront et on subira, une fois de plus, les conséquences sanglantes d’une politique aveugle dont le seul mot d’ordre est : la fuite en avant pour sortir de l’impasse.

Notes

1 La « Dabké » est la danse folklorique du Liban.

2 Les trois Etats sont déjà des Etats de fait : l’Etat « chiite » au Sud, le « Kurde » au Nord et, au centre, les « Sunnites ».

3 Cf. Les propos de Tsippi Livni, ministre des Affaires étrangères israéliennes qui déclara, il y a dix jours, que les Arabes en général « ne doivent pas être plus Palestiniens que les Palestiniens eux-mêmes qui ont accepté de limiter le droit au retour de leurs concitoyens ».

4 Dans son interview du lundi 22 octobre sur la CNN, Joumblatt a taxé le Hezbollah d’avoir participé aux meurtres des députés libanais ...



Source : Al-Oufok  
http://www.aloufok.net/...


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