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Parti Communiste libanais
FORUM MOYEN
ORIENT
INSTITUT D’ETUDES MARXISTES
(Bruxelles, 23-24 août 2008)
Histoire coloniale du Moyen
Orient
Marie Nassif-Debs
Introduction
Le 29 mai
1458, Constantinople, capitale de l’empire byzantin tomba entre
les mains des Ottomans ; et, après elle, tout le Moyen Orient
bascula, peu à peu, sous le colonialisme turc… Ainsi, en 1515,
le nouveau sultan Salim occupa l’Irak suivi, deux ans plus tard,
par le Liban, la Syrie, la Palestine et, enfin, l’Egypte. La
domination turque s’étendit aussi au Maghreb arabe (toute
l’Afrique du Nord méditerranéenne), sous le couvert de la
religion musulmane.
La
domination de l’empire ottoman dura plus de quatre siècles et
fut très lourde à porter par les peuples arabes.
Cependant,
miné par les divisions intestines et appelé désormais « l’Homme
malade », cet empire dut céder une partie de son empire oriental
aux deux forces colonialistes les plus puissantes, la Grande
Bretagne et la France, qui se partageront l’Egypte, la
Palestine, la Syrie, le Liban et l’Irak jusqu’à la fin des
années cinquante du XX° siècle ; la Grande Bretagne aura surtout
le privilège de rester dans le Golfe arabique jusqu’aux années
soixante-dix du XX° siècle, afin de continuer à exploiter le
pétrole et le gaz découvert durant la première guerre mondiale
et dont l’importance ne cesse de se renforcer dans l’économie
mondiale.
Quel fut le
rôle joué par quatre siècles de « servitude » et de répression
ottomane ?
Quel est le
rôle joué par chacune de deux grandes puissances européennes
antagonistes de l’époque?
Comment la
découverte du pétrole dans le Golfe arabique influença-t-elle la
mainmise par les Britanniques sur cette région et la conception
du premier Empire arabe (par T. E. Lawrence) ?
Quel fut le
rôle britannique (et européen, en général) dans La création de
l’Etat d’Israël en Palestine, la transformation des Palestiniens
en « réfugiés », surtout grâce à l’aide apportée aux sionistes
par le truchement des Accords de Sykes-Picot? Et quels en furent
les enjeux politiques et économiques surtout ?
Comment les
révolutions nationalistes arabes (entre 1952 et 1958) ont-elles
fait obstacle au nouveau colonialisme, étasunien, dans la
région ?
Pourquoi le
projet du « Nouveau Moyen Orient » ? Quelles sont ses origines
(l’Alliance de Bagdad et l’Alliance Turquie-Pakistan supervisées
par les Etats-Unis) ?
Ces
questions sont nécessaires afin de comprendre la situation très
complexe dans la région. Une situation qui risque, à chaque
instant, de tourner en troisième guerre mondiale, vu le
déploiement des forces militaires et des armes les plus
sophistiquées, dans toute la Méditerranée et autour du Golfe
arabique.
I. Historique de deux
colonialismes
I.1.Le colonialisme ottoman et
ses conséquences
Au début du XVI° siècle, le monde arabe
était très divisé sur lui-même, à la suite de guerres sans répit
entre les sectes religieuses (appelées communément « taïfas »)
issues de l’Islâm, notamment celles des Sunnites et des Chiites…
Cette division avait facilité la tâche à tous les conquérants et
à tous ceux qui ambitionnaient le pouvoir.
Ainsi, les
Fatimides, les Ayyubides, les Mamelouks se succédaient en
Egypte ; et, tandis que les Hamdanides cédaient le pas aux
Seldjoukides turcs puis aux Mamelouks en Syrie, les Mongols
s’emparaient de l’Iran et de l’Irak. Quant aux pays du Maghreb
(le Maroc, l’Algérie et la Tunisie), il vivait une situation
tout aussi instable avec les Almohades (mouwahhidines, ou
unionistes) puis les Almoravides (mourabitouns). A cela, il
faudra ajouter les répercussions importantes de la chute des
derniers bastions arabes en Andalousie et l’arrivée progressive
des réfugiés andalous en Afrique du Nord, portant avec eux
toutes leurs divisions et, surtout, une nouvelle vision du
monde…
Les Ottomans ont, donc, profité de ces
divisions et de ces guerres interminables et destructrices pour
étendre peu à peu leur empire sur les deux parties du monde
arabe. Leur slogan était :
l’unification de l’empire musulman par la religion
et sous la loi de la Sunna
(ensemble des paroles et des actions du prophète Mouhammad et de
la tradition qui les rapporte).
Ce slogan
aida à ce que le colonialisme ottoman ne fut pas, à ses débuts,
considéré comme tel ; bien au contraire, les Arabes colonisés y
voyaient la continuation du Califat abbasside démantelé par la
conquête mongole en 1285, à la suite de la chute de Bagdad… Et
c’est ainsi que les musulmans de tout le monde arabe, les plus
grands architectes, les meilleurs artisans, mais aussi les
philosophes et les penseurs se sont dirigés, par milliers, vers
Constantinople, afin d’aider à la construction de la ville
qu’ils considéraient, alors, comme la capitale de l’Islâm.
Cependant,
très vite, les Arabes durent déchanter.
Parce qu’au
nom de la religion, les Ottomans ont exercé sur tous les pays du
Moyen Orient, arabes en particulier, les pires répressions
militaires, politiques, économiques et, surtout, culturelles.
Les mesures visant à supprimer l’identité arabe se multiplièrent
à travers les quatre siècles de la colonisation ; tout y passa :
de la langue aux traditions… Ceux qui ont le plus pâti furent
les musulmans chiites et, surtout, les non musulmans, parce
qu’en plus de leur appartenance arabe, ils avaient le grand
handicap de ne pas appartenir à la confession religieuse des
occupants.
Cette conception idéologique, dite « tatriq »
(c’est-à-dire rendre turcs les pays colonisés, vu que les
colonialistes se considéraient comme défenseurs de l’Islâm et
que certains sultans avaient pris le titre de « Calife » (ou
chef suprême des musulmans), mais aussi la politique menée pour
l’appliquer ont abouti à la naissance du
mouvement nationaliste arabe,
d’abord parmi les intellectuels dans les minorités chrétiennes,
puis dans toutes les couches et toutes les confessions
religieuses confondues. La deuxième moitié du XIX° siècle a
connu, les journaux y aidant, une floraison dans la littérature
anticolonialiste qui appelait à défendre l’arabité de la région.
Donc, la confrontation avec le
colonialisme a revêtu, dès le début,
l’aspect identitaire arabe
(nationaliste et non religieux), et cela pour plusieurs raisons,
dont la plus importante était, sans aucun doute, le fait que
« l’arabe », en tant que langue et que culture, était antérieur
à l’Islâm ; il était, d’ailleurs le fait de toute la région
allant de la « Jazira »
(presqu’île arabique) à l’Egypte ; ceci, en plus du fait,
disaient les croyants, que le Coran fut donné aux Arabes, et
dans leur propre langue, ajoutant que c’est précisément ce qui a
facilité la propagation de la nouvelle religion en Irak, dans
les « Bilâd ach-Châm »
(la Syrie, le Liban et la Palestine) et en Egypte où la langue
arabe n’était pas une langue étrangère.
Ainsi, le mouvement du nationalisme arabe
s’est appuyé, au XIX° siècle et au début du XX° siècle, sur le
fait que c’est la langue, et non la
religion, qui fut et reste l’élément unitaire dans le monde
arabe, surtout qu’une partie
importante des populations dans cette région avaient gardé leurs
religions premières et n’avaient pas adhéré à l’Islâm mais se
considéraient toujours comme Arabes. Ce même phénomène va se
répéter à la suite de la seconde guerre mondiale, surtout à la
suite de la partition de la Palestine et de la création par les
colonialistes européens de l’Etat d’Israël, et jusqu’au début
des années soixante-dix, date du retrait du colonialisme
britannique du Golfe.
I.2.Le
colonialisme européen
Cette
situation de répression de l’identité arabe ainsi que
l’affaiblissement de l’empire ottoman, considéré comme « l’homme
malade » à partir de la seconde moitié du XIX° siècle, aida les
nouvelles puissances européennes, transformées grâce aux
révolutions politiques, aux idées unionistes et, surtout, au
développement d’une nouvelle classe, la grande bourgeoisie, et
d’un nouveau mode de production capitaliste, à la suite de la
révolution industrielle, à s’introduire dans les pays colonisés
au Proche et Moyen Orient. Elle poussa aussi certains groupes,
tels les Maronites du Liban par exemple, à faire appel aux
services de ces nouvelles puissances afin de les aider,
pensaient-ils, à mettre fin à la présence ottomane ou, du moins,
à en atténuer les effets désastreux… Mais, ils ne savaient pas
ce qui les attendait.
Le premier
objectif de ces nouvelles puissances capitalistes dans les pays
arabes conquis n’était nullement de donner aide et assistance
aux peuples opprimés. Bien au contraire. Ce qu’ils voulaient,
c’était, d’abord, de pourvoir aux besoins des nouvelles
industries créées en leur procurant les matières premières
nécessaires à leur développement. Ainsi, la culture extensive du
coton fut imposée à l’Egypte dans le but d’approvisionner les
fabriques du Lancashire (83% de la production de qu’on appelait
alors « l’or blanc » allaient à l’exportation ; ce qui poussa
les riches familles citadines à se tourner vers cette culture
qui transforma, peu à peu, le paysage politique égyptien). Quant
à l’élevage du vers à soie au Liban, il aidait les fabriques
françaises de la ville de Lyon à aller de l’avant. Il en fut de
même en Syrie, où la culture du coton ne servait plus à
alimenter les ateliers de tissages très importants dans tout le
pays, et en Algérie, où la culture du raisin se faisait dans le
but de pourvoir aux demandes de l’industrie du vin français…
Le second
objectif, lié au premier, fut, bien entendu, l’ouverture de
nouveaux marchés aux produits manufacturés dans les pays
capitalistes. Voilà pourquoi, les colonialistes, Français ou
Britanniques, ont eu recours, dans un premier temps, à la
déstabilisation de l’artisanat et de l’industrie encore
embryonnaire dans les pays mis sous leur coupe, par les
concessions du sultan ottoman, afin de prévenir une concurrence
possible.
Donc, le
second colonialisme prit un aspect économique qui lia les pays
dits « du centre » aux pays moyen-orientaux colonisés par un
double mouvement : à l’aller, c’étaient les matières premières,
agricoles imposées selon les besoin des nouveaux colonisateurs ;
au retour, c’étaient les produits manufacturés, faits à partir
des matières premières acheminées vers les grandes métropoles
européennes…
Ce
processus disloqua en peu de temps la production industrielle
locale, surtout le textile syrien, qui n’a pas pu soutenir les
deux effets de la concurrence des produits importés de l’Europe
et des taxes imposées par les Ottomans : à titre d’exemple,
disons que l’industrie textile syrienne, qui procurait du
travail à plus de 20 000 ouvriers dans les seules villes de
Damas et d’Alep, disparut en vingt ans (entre 1820 et 1840) sous
le poids de la concurrence des cotonnades anglaises qui
envahirent les marchés de ce pays et ceux, proches, du Liban. Il
augmenta la dépendance des pays arabes vis-à-vis des
colonialistes, puisqu’il interdit et empêcha toute possibilité
d’industrialisation de ces pays, leur réservant le seul domaine
de l’agriculture.
L’aspect
économique du colonialisme s’accentua à la suite de la première
guerre, durant la phase dite du colonialisme indirect ou des
« mandats » internationaux, et qui commença avec les Accords de
Sykes-Picot, suivis par la création de la Société des Nations
(SDN) et, surtout, la découverte du pétrole dans la région du
Golfe qui donna, pour un demi-siècle, la suprématie à la Grande
Bretagne.
La Grande
Bretagne avait déjà signé, en 1838, le traité commercial de
Balta-Lima avec le gouvernement ottoman, « la Sublime Porte ».
Il fut suivi, en 1892, par un second lui donnant une emprise
totale sur sept émirats du Golfe arabique (ceux-là même qui
forment, aujourd’hui, les « Emirats arabes unis »). Et, grâce à
l’archéologue Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie,
passionné par les pays du Proche-Orient, les Britanniques
avaient su très tôt ce que la terre arabe recelait comme
richesses. C’est pourquoi ils avaient encouragé le projet
conçu, en 1917, par T. E. Lawrence de créer un « empire » arabe
sous leur influence.
Lawrence,
axa son action sur l’ambition de certains chefs de tribus, dont
le hachémite Fayçal (devenu le roi Fayçal premier), afin de
fomenter une révolte des tribus arabes contre les Turcs ; il
s’aida aussi des visées de AbdelAziz Ibn Saoud qui, depuis 1902,
tentait de rallier les autres tribus de la Péninsule arabique
contre la présence des Ottomans. Une fois installés au pouvoir,
les Hachémites vont ouvrir la voie devant les Britanniques pour
la conquête de l’Irak qui fut, en 1920, mis sous leur
protectorat par la SDN, créée en principe afin d’aider à mettre
en pratique la suppression du droit d’occuper par la force les
petits pays…
Le pétrole
commença à devenir de plus en plus rentable, à partir de 1930
et, surtout, à la fin de la seconde guerre mondiale qui va
connaître un nouveau partage de la région entre les pays
capitalistes, dont les Etats-Unis, derniers arrivés sur le
terrain.
II.Les « Accords » : de
Sykes-Picot à la partition de la Palestine
Mais ces
accords économiques et politiques ne furent pas les seuls. Il y
eut, surtout, ceux passés entre les grandes puissances
colonialistes elles-mêmes à propos d’une nouvelle partition de
ce qui restait de l’empire ottoman, déjà en difficulté.
Quels sont
ces accords nouveaux, si souvent cités comme étant le point de
départ des changements négatifs que va connaître toute la région
arabe ?
II.1.Sykes-Picot
Il faut
signaler, d’abord, les Accords de Sykes-Picot (du nom des deux
négociateurs), signés secrètement, le 16 mai 1916, par la Grande
Bretagne, la France et la Russie tsariste. Ils prévoyaient le
partage du Moyen Orient (précisément la région allant de la
Méditerranée à l’Océan indien et aux deux mers Caspienne et
Noire) en cinq zones d’influence :
-La
première, allant à l’administration française, directe ou
indirecte, regroupait le Liban, la Syrie, la Cilicie (Sud de la
Turquie) et une partie de l’Irak (la région de Kirkouk).
-La
seconde, placée sous l’influence britannique, comportait la
majeure partie de la Palestine ainsi que la Jordanie.
-La
troisième, zone d’administration internationale, comprenait Al-Qods
(Jérusalem), Saint Jean d’Acre et Haïfa. Dans cette zone, les
Britanniques avaient le contrôle des ports d’Acre et de Haïfa.
-La
quatrième était sous l’administration directe de la Grande
Bretagne et comprenait la Mésopotamie et le Koweït.
-La
cinquième, en Iran, était divisée entre la Russie et la Grande
Bretagne.
A la suite
de la Révolution d’octobre, le gouvernement bolchevique divulgua
ces accords ; cependant, après un moment de colère, vite passé,
les Arabes ont repris les relations avec les deux puissances
colonisatrices, la France et la Grande Bretagne.
Il y eut,
il est vrai, une certaine opposition de la part de la Syrie à
cet accord nouveau. Mais, généralement, les chefs ou les
gouvernements des différents pays arabes n’ont trouvé rien à
redire quand l’Accord de San Remo, en 1920, entérina l’entente
franco-britannique, donnant le Liban et la Syrie à la France,
tandis que la Grande Bretagne recevait la Jordanie, la Palestine
et tout l’Irak, en plus des protectorats déjà acquis (les sept
émirats, le Koweït et le Bahraïn)… La France lui ayant cédé
Kirkouk en échange d’une participation aux bénéfices pétroliers.
La
promesse de Balfour
Un an après
Sykes-Picot, le 2 novembre 1917, le gouvernement britannique
promettait aux sionistes de leur donner la Palestine.
Le ministre
britannique des Affaires étrangères publiait une lettre où il
indiquait que son gouvernement était disposé à créer en
Palestine « un foyer national juif » ; la lettre était adressée
au baron de Rothschild qui présidait l’antenne anglaise du
mouvement sioniste.
Pourquoi
cette promesse ?
La Grande
Bretagne pensait pouvoir utiliser le mouvement sioniste afin de
faire face à deux éléments perturbateurs qui pouvaient remettre
en question la part qui lui échut selon les Accords de
Sykes-Picot.
Le premier
élément, le plus important, était le refus de la population
palestinienne à accepter le nouveau joug colonialiste et la
résistance qui avait commencé à s’organiser contre lui. Il est
vrai que la Palestine n’était pas un pays « pétrolier », mais il
constituait l’ouverture la plus importante et la moins lucrative
par laquelle les Britanniques, à travers le pipeline reliant le
pétrole irakien au port de Haïfa, pouvaient acheminer l’or noir
vers l’Europe, surtout que le Canal de Suez n’était pas encore
très utilisé dans cette sorte de transport.
Le second
élément était l’entrée en guerre des Etats-Unis (avril 1917) et
les visées étasuniennes sur un nouveau partage de la région. Ces
visées devinrent plus claires, à la suite du « flot de pétrole »
qui donna la victoire aux Alliés en 1918 ; et la concurrence
devint plus âpre, à la suite du discours du président étasunien
Woodrow Wilson, qui développa sa théorie sur le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes, suivi de pourparlers secrets
avec les chefs politiques de l’opposition palestinienne du
moment.
Ainsi, la « promesse de Balfour » et ce
qui en suivit permirent à la Grande Bretagne d’asseoir son
emprise sur le pétrole et les routes de transport de cette
denrée. Ils aidèrent les colons juifs à s’installer en
Palestine. Et ils considérèrent avec bienveillance les
déclarations des leaders sionistes du moments, David Ben Gourion
en particulier qui, à partir d’octobre 1936 commença à plaider
ouvertement pour une politique de
transfert des Palestiniens vers la Jordanie :
« Nous devons, [disait-il dans ses mémoires] expulser les Arabes
et prendre leur place », ajoutant : « Et, si nous devons
utiliser la force, ce n’est pas pour déposséder les Arabes du
Néguev et de la Transjordanie, mais pour garantir notre droit à
nous installer dans ces lieux » ?!
Quarante
ans plus tard, le 15 mai 1948, la Grande Bretagne tint
pratiquement ses promesses, déjà explicitée en 1939 dans le
« Livre blanc » où elle promettait de faciliter l’émigration en
masse des sionistes (75000 par an, pendant cinq ans), même si
elle se reprenait sur le projet de partition de la Palestine.
A partir de
1946, La Palestine est livrée aux hordes des sionistes qui
perpétrèrent des massacres, dont le plus connu est celui de Deir
Yacine, avant d’être partagée selon les résolutions des Nations
Unies et de disparaître de la carte de la région et avant que la
résistance formée par son peuple, mais aussi par tous les
peuples arabes, ne l’y redessine, à partir de la seconde moitié
des années soixante du siècle dernier.
Et, depuis
1948, les responsables du mouvement sioniste ne se contentent
pas d’imposer la présence d’Israël grâce à des guerres
d’agression, mais ils tentent de redessiner la géopolitique de
la région en occupant des territoires arabes, suivant le projet
mis en place par David Ben Gourion selon lequel il est
nécessaire d’asseoir l’idée d’une « nation juive » et de
transformer Israël en « patrie des juifs du monde » ; pour ce
faire, il faut élargir les frontières de cette « patrie », d’une
part, et, d’autre part, utiliser les éléments confessionnels
(entre les minorités chrétiennes et les musulmans ou entre les
musulmans eux-mêmes divisés en sunnites et chiites)…
II.3.Les
conséquences du colonialisme
C’est dans
le giron de l’échec de la « lutte » des régimes arabes, pro
français et pro britanniques, pour récupérer la Palestine que
des révolutions nationalistes ont eu lieu en Egypte, en Irak et
en Syrie (entre le début des années cinquante et celui des
années soixante). Une nouvelle phase de lutte pour la libération
nationale va commencer, durant laquelle des partis appartenant à
la petite bourgeoisie (le Baas et le Nassérisme) et dirigés par
des officiers nationalistes, vont prendre la relève en
remplissant le vide laissé par les partis marxistes et
communistes, discrédités par leur position alignée sur celle de
l’Union soviétique et acceptant, comme le prônait Staline, la
partition de la Palestine en deux Etats. Une exception : le
Parti Communiste libanais, dont le secrétaire général fut
résilié de ses fonctions, à la suite de la publication d’une
déclaration à ce propos. Cette déclaration, « la lettre de
Salem », ne revit le jour que vingt ans plus tard, à la suite du
Second congrès du PCL qui vint quatre ans après la séparation
avec le Parti Communiste syrien dirigé par Khaled Bakdache.
Ces partis,
qui gouvernèrent l’Egypte, l’Irak et la Syrie, avaient mis au
point un programme politique et économique « socialiste »,
dont : la liquidation des positions coloniales et du régime
féodal mis en place, l’unité des peuples arabes (leurs slogans à
tous était : l’unité et le socialisme), le développement de
l’agriculture et de l’industrie, la propagation de la
démocratie…etc.
Cependant,
rien de tel ne fut fait ; et ces pays, nouvellement libérés,
sont bientôt repris en main économiquement. La réforme agraire,
mise en place, n’a pas donné les résultats escomptés et le
secteur public, créé pour aider l’Etat à mieux gérer les
affaires du pays, fut vite envahi par les « partisans ». Une
nouvelle classe politique est née : celle des officiers et des
gens de l’armée qui vont prendre tous les droits et avoir tous
les privilèges, tandis que les libertés démocratiques vont
rester très limitées.
D’autre
part, et dans d’autres pays comme le Liban ou la Jordanie, le
colonialisme sortant avait érigé des systèmes politiques très
précaires et porteurs de nombreux détonateurs qui pourraient, le
cas échéant, permettre un retour « par la fenêtre » aux
impérialistes obligés de quitter ces pays.
Ainsi, la
période postcoloniale au Moyen Orient et dans le Maghreb arabe
s’est traduite par une instabilité politique très remarquée :
coups d’états, tentatives de coups d’états. Mais, peu de
résultats sur le plan socio-économique. Même les systèmes de
sécurité sociale et d’enseignement public prévus n’ont vu le
jour que grâce à des luttes âpres menées par le mouvement
ouvrier (encore embryonnaire).
III.Le néocolonialisme : le rôle
des Etats-Unis
Entre
temps, il faudra signaler la création de l’empire pétrolier
étasunien dans la région du Golfe, d’abord à partir de l’Iran,
puis de la récupération des anciennes colonies britanniques dans
le Golfe arabique.
Washington,
tout comme Londres, avait vu le parti que l’on pouvait tirer de
la division intestine arabe, surtout à partir du problème
palestinien et du conflit israélo-arabe. Dans leur grand
objectif de contrecarrer l’extension de l’influence soviétique,
ils avaient mis au point, à partir de 1947, un plan de « Pax
Americana » pour la région dont le point caché
était l’élimination des anciens colonisateurs, français et
britanniques, afin de mettre la main sur le pétrole et le gaz,
mais aussi la création d’une nouvelle zone d’influence politique
étasunienne dans la région dont l’objectif était d’encercler
l’Union soviétique par le Sud.
III.1.Les pactes et les alliances
Dans ce
but, ils œuvrèrent, tantôt seuls et tantôt avec la Grande
Bretagne ou les groupes sionistes en Palestine, à mettre en
pratique les solutions pouvant aider à la réalisation de leur
projet que le quotidien londonien « Herald Tribune »
définissait, en 1947, comme suit : « la solution « équitable »
prônée par les Etats-Unis [au Proche Orient] consiste à
regrouper la majeure partie de la Palestine avec la royaume de
la Jordanie de l’Est, la reconnaissance du roi Abdallah comme
gouverneur de ce nouveau royaume auquel on pourrait ajouter la
Syrie. Dans ce qui reste de la Palestine, un gouvernement juif
sera formé, tandis que la région d’Al Qods sera
internationalisée ».
Quelques
mois plus tard, les sociétés pétrolières étasuniennes tentaient
d’éliminer la présence britannique en Arabie Saoudite, tandis
que le journal « Baltimore Sun » attirait l’attention sur
l’importance de la Grèce, la Turquie et l’Iran dans la mainmise
sur les sources de pétrole dans la région et que la diplomatie
étasunienne promettait aide et assistance au roi égyptien
Farouk, s’il acceptait de faire face à la présence britannique
dans son pays…
Mais cette
lutte, tacite ou ouverte, contre Londres n’a pas empêché, au
début de 1951, la tenue d’une conférence militaire
américano-britannique à Malte, laquelle fut suivie par une autre
à Ankara, avec la participation du gouvernement turc. Le plan
adopté avait pour titre : « l’organisation du groupe des pays de
la Méditerranée » et la nécessité de combler la brèche laissée
dans le mur du « monde libre » par le retrait des forces
colonialistes du Liban et de la Syrie.
Les
Etats-Unis créèrent, à cet effet, ce qu’on avait appelait
l’état-major des troupes alliées au Moyen Orient, dont le but
était de mettre, en plus des bases militaires présentes en
Méditerranée, des troupes (étasuniennes, britanniques,
françaises et turques) en Egypte et dans d’autres pays de la
région dont le commandement sera directement lié à l’OTAN.
De plus,
ils encouragèrent, sans y participer directement, la
création par la Grande Bretagne d’un pacte entre l’Irak, l’Iran,
la Turquie et le Pakistan contre une extension possible de
l’URSS. Ce pacte prit en 1955 le nom de « Pacte de Bagdad » ;
mais il fut très vite discrédité à cause de l’opposition de
l’Egypte, gouvernée par Nasser, et de la Syrie ainsi que des
masses populaires arabes. Cette opposition fut, d’ailleurs, une
des causes directes de l’agression tripartite contre l’Egypte,
en 1956, survenue à la suite de la nationalisation du Canal de
Suez (29 octobre) et perpétrée après des préparatifs de trois
mois qui débutèrent par une réunion tripartite (Grande Bretagne,
Etats-Unis et France) au 10 Downing street et se poursuivirent
par le Protocole de Sèvres qui consacra Israël comme partenaire
à part égale.
III.2.Les nouveaux projets pour le Moyen Orient
Il faut
dire que la volonté de mettre la main sur la région (et les
richesses qu’elle contient) fut, pour Washington, plus forte que
tous les échecs essuyés depuis quelques années ; c’est pourquoi,
il appela à une nouvelle alliance, traduite par un nouveau
pacte dit de « Turquie-Pakistan ».
Ce pacte
élargissait au-delà des pays pétroliers le « bouclier »
étasunien et resserrait l’étau autour de l’Union soviétique.
Tous ces
projets rappellent, à quelques détails près, d’autres projets
plus proches de nous, dont le projet du « Grand Moyen Orient »,
lancé en 1992, ou celui du « Nouveau Moyen Orient », né en 2006.
Le premier englobant Israël et la Turquie, en plus des pays
arabes du Moyen Orient et du Golfe ; le second, allant au-delà,
vers l’Iran et le Pakistan, à l’Est, le Maghreb arabe, au
Sud-Ouest. Ce qui rappelle, en quelque sorte, l’empire ottoman…
Le point
commun entre tous ces projets, c’est la suppression de
l’identité arabe qui avait, depuis 1948, rassemblé les peuples
de la région face au sionisme et aux résolutions internationales
qui avaient permis la liquidation de la Palestine. Les
Etats-Unis pensaient et pensent toujours qu’il est plus aisé
d’imposer sa volonté à un monde régi par des tensions
religieuses, confessionnelles (Sunnites contre Chiites) et
ethniques, dans lequel Israël peut s’insérer facilement, qu’à un
monde mû par des tendances unionistes ayant pour base une langue
et une histoire communes, mais aussi des idéaux nationaux.
D’ailleurs, la nouvelle forme prise par le projet étasunien est
très claire à ce sujet, surtout à la suite de l’occupation de
l’Irak : ne parle-t-on pas, aujourd’hui, d’un retour aux deux
« califats », ou aux deux « croissants » sunnite et chiite, qui
avaient divisé le monde arabe pendant des siècles ? La guerre
contre l’occupation étasunienne de l’Irak n’a-t-elle pas
dégénéré, en quelque sorte, en guerre meurtrière
sunnite-chiite ?
La présence
étasunienne (et israélienne) dans la région ne peut être perçue
que comme un nouveau colonialisme qui rappelle les deux
précédents : le turc, par sa volonté de liquider l’arabité de la
région ; l’européen, par les projets politiques et, surtout,
économiques, qui pointent : les centaines de milliers de soldats
munis d’armes sophistiquées (et nucléaires) sont les gardiens
des sources d’énergie dont le monde dit occidental a besoin pour
faire avancer son économie et rester le maître de la Planète…
Le 23 août
2008
Bibliographie
-MARX, Karl et ENGELS, Friedrich,
Textes sur le colonialisme,
Editions en langues étrangères, Moscou.
-BRUKELMAN, Karl, Histoire des
peuples islamiques, traduction
arabe de N. Farès et M. Baalbaki, Dar Al-ilm lil malayyine,
1981.
-CHEVALIER, Dominique, Lyon et la
Syrie en 1919, Revue historique,
1964.
-SALIBI, Kamal, Histoire du Liban
moderne, Dar Annahar, 2008 (1967),
dixième édition.
-NASSIF-DEBS, Marie, Articles en français et en arabe, depuis
1993.
-Publications du Parti Communiste libanais, notamment le rapport
de 1968 titré « Vingt-cinq ans de lutte », ainsi que les
documents des différents congrès, surtout le II° congrès (1968).
-Articles sur le
monde arabe et le mouvement sioniste publiés dans « Le Monde
diplomatique » et d’autres périodiques arabes et internationaux.
© Lebanese Communist Party - 2006
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