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Stop
United
States of
Aggression
Le Liban dans l’impasse ?
Marie Nassif-Debs
17
mars 2007
La crise libanaise tend, de plus en plus, à
« s’internationaliser ».
Elle échappe, de plus en plus, aux protagonistes libanais et, même,
arabes qui essayent de retarder son éclatement de peur qu’elle
n’éclabousse, à la suite de l’Irak, la région
moyen-orientale tout entière.
Dans ce contexte, il est normal de se demander à quoi servent les
réunions qui se poursuivent entre Nabih Berri, président du
Parlement et représentant des forces de « l’opposition »,
et Saad Hariri, leader de la majorité représentée par ce qui
reste du gouvernement présidé par Fouad Sanioura, puisque ces réunions
n’aboutiront, probablement, à rien de consistant, sauf à
retarder le retour à l’impasse…
Les menaces de l’administration Bush et « le chapitre
sept »
Il est vrai que le retour au calme, après les journées
dramatiques du 23-25 janvier et du 14 février, est très
important, voire même primordial, parce qu’il pourra aider à décanter
la situation explosive qui se formait alors : l’escalade de
la violence entre Sunnites et Chiites, exacerbée par des déclarations
enflammées et répétitives, avait atteint un point tel qu’elle
aurait pu provoquer des guerres confessionnelles. Surtout que
toutes les conditions requises (allant des armes distribuées, en
masse, à la population civile, au retour des colis piégés, à Aïn-Alaq,
notamment) étaient déjà présentes et… rappelaient d’autres
images de violence constituant le quotidien du peuple irakien.
C’est, d’ailleurs, cette situation nouvelle qui poussa l’Arabie
saoudite et l’Iran à revenir aux négociations et à persévérer
dans cette voie, malgré toutes les tentatives de
l’administration étasunienne de Georges W. Bush de les mettre
en échec, tantôt à partir de l’arrivée inopinée de
Condoleezza Rice dans la région et des directives qu’elle
prodigua aux représentants des services de sécurité des pays
arabes dits « modérés » (L’Arabie saoudite, l’Egypte,
les Emirats arabes unis et la Jordanie), tantôt à partir des
menaces lancées par différentes personnalités de cette
administration, dont surtout le vice-président Dick Chenney,
contre le Liban, par le Hezbollah interposé. Sans oublier tout ce
qui s’était dit et se dit encore sur la possibilité de
recourir au « chapitre sept » des statuts des Nations
unies afin d’imposer la formule étasunienne du tribunal
international concernant les crimes politiques commis ces deux
dernières années au Liban, bien qu’aucune force politique, y
compris le Hezbollah, ne se soit opposée à sa formation :
tout ce que certains demandaient, c’était le recours à
certains amendements concernant la suppression de tout ce qui
risque de porter atteinte à la souveraineté libanaise.
Une telle analyse conduit à poser une nouvelle question :
pourquoi l’Arabie saoudite, considérée comme l’amie et
l’alliée des Etats-Unis, a-t-elle lancé ces pourparlers sur le
Liban avec l’Iran, l’ennemi juré ? Une sédition vis-à-vis
de Washington se profile-t-elle dans les agissements du roi
Abdallah?
Bien sûr que non.
L’Arabie saoudite est toujours l’alliée fidèle et
inconditionnelle des Etats-Unis… Mais de quels Etats-Unis ?
Et, là, nous devrions rappeler qu’actuellement, il y a deux
« Etats-Unis » : les premiers, représentés par
ceux qui appuient les conclusions du rapport de la « Commission
Baker-Hamilton » ; les autres, ceux des ultra conservateurs,
les « Born again Christians », illustrés par Dick
Chenney et Georges W. Bush.
Les premiers statuent sur la nécessité d’en finir avec la
guerre en Irak et de rechercher des solutions pacifiques aux
autres conflits et problèmes de la région arabe et
moyen-orientale, dont, précisément, ceux de la Palestine et du
Liban, mais aussi le conflit actuel avec l’Iran et la Syrie…
Contrairement aux seconds qui pensent que la seule solution est
dans la poursuite des guerres, même si cela nécessite la présence
de nouveaux contingents (les 21 000 nouveaux soldats américains
prévus par Bush).
Les développements des deux derniers mois et les objectifs du
sommet arabe
C’est, donc, à partir des conclusions du rapport de la « Commission
Baker-Hamilton » qu’il nous faut voir les développements
politiques des deux derniers mois dans le Monde arabe et, par conséquent,
au Liban.
D’abord, il y a la course de vitesse entre le renforcement de la
présence militaire étasunienne en Irak et les appels au retrait
des troupes avant la fin de l’an 2008, surtout à la suite de
deux échecs notoires : la « bataille » pour
assainir Bagdad et la « Conférence de Bagdad » qui
devait poursuivre l’œuvre militaire par un programme politique.
Ensuite, il y a les menaces proférées contre l’Iran (et la
Syrie aussi) par Georges Bush et Dick Chenney et les préparatifs
d’une attaque-éclair (que des journaux russes prévoient pour
le 6 avril) à laquelle participeraient les ultra militaristes
israéliens, dont la ministre actuelle des Affaires étrangères,
Tsippi Levni, malgré la situation critique vécue par le
gouvernement israélien et, aussi, par les formations politiques
en Israël à la suite de l’échec de l’agression perpétrée
contre la Résistance libanaise, le Hezbollah en particulier, en
juillet - août 2006. Ces menaces qui se contredisent avec
l’arrivée d’émissaires américains (et européens) en Syrie
et leur recherche d’un possible terrain d’entente avec ce pays
et aussi avec l’Iran.
Puis, il y a le retour au calme en Palestine, sous l’égide du même
roi saoudien, et la formation, à la suite des « Accords de
la Mecque », d’un gouvernement d’unité nationale qui a
mis en veilleuse les tentatives israéliennes de pousser les
Palestiniens à la guerre civile…
Enfin, il y a la situation du Liban où la menace d’un conflit
sunnite-chiite atteindrait de ses feux la région du Golfe
arabique tout entière. C’est, d’ailleurs, cette menace qui a
poussé les Saoudiens et les Iraniens à unir leurs efforts, malgré
tout ce qui les sépare, et à demander aux belligérants (chiites
et sunnites libanais), dont ils sont les amis et les alliés, de
cesser toute escalade et de se rencontrer afin de parvenir, à
travers la discussion, à une solution, même partielle, aux deux
problèmes du gouvernement et du tribunal international… Et ce,
afin de permettre, d’une part, à l’Iran de se concentrer sur
ses problèmes spécifiques, et, d’autre part, au nouveau Sommet
arabe, qui devra se réunir le 28 mars à Riad, d’entériner les
accords supervisés par le roi Abdallah afin d’asseoir son
leadership sur le monde arabe, en général, et de relancer
l’initiative qu’il avait préconisée, il y a quelques années,
lors du Sommet de Beyrouth, dans le but de « trouver une
solution au conflit israélo-arabe ».
Cependant, ce plan politique saoudien visant à résoudre le
conflit libano-libanais n’est pas bien solide, même s’il a
l’aval de l’Iran, son ancien ennemi, et d’une partie de ceux
qui détiennent le pouvoir aux Etats-Unis.
Les raisons en sont nombreuses. Il y a, d’abord, celles relevant
de l’administration américaine dirigée par Georges Bush et son
équipe. Il y a, aussi, le rôle des deux forces régionales
voisines du Liban, Israël notamment. Il y a, enfin, les positions
de certaines forces intérieures (les « Forces libanaises »
de Samir Geagea, en particulier) qui ont mis tous leurs espoirs
dans l’administration américaine actuelle après les avoir placés
en Israël au moment de la guerre civile (1975-1989).
En effet, Georges Bush et son équipe, qui se sont vus perdants
dans les élections partielles de novembre 2006, croient pouvoir récupérer,
une fois de plus, une partie de leur popularité perdue en
« prouvant » aux citoyens de leur pays qu’ils sont
les seuls capables de les protéger contre de nouveaux
terroristes, présumés (le Hezbollah) ou réels (les « Fath
Al Islam » et autres consorts qu’ils ont financés, aux
dires de certains de leurs concitoyens, dont des journalistes éminents
et bien renseignés comme l’est Seymour Hersch). Au même
moment, les Taliban refont surface en Afghanistan et Oussama Ben
Laden et sa « Qaïda » sont presque oubliés.
Un nouveau Liban
Un nouveau Moyen-Orient
La guerre de la « démocratie » bushienne en Irak et
dans toute la région arabe se poursuit, donc. Et cela afin de
permettre la naissance prochaine du « Nouveau Moyen-Orient »
(agrandi ou élargi) annoncé par Condoleezza Rice durant l’été
2006.
Et, dans quel pays autre que le Liban cette naissance peut-elle
avoir lieu ?
Surtout que ce petit pays est, actuellement, une presque « chasse
gardée » étasunienne, puisque la politique de son
gouvernement est tracée par l’ambassadeur Jeffry Fieltman, que
les dirigeants militaires étasuniens ont décidé d’y créer
une base navale et une cité pour les familles de leurs officiers
œuvrant en Irak. Lucky us ! Nous avons beaucoup de chance !
Pendant ce temps, et tandis que les bombardiers israéliens
continuent à survoler notre pays sans être vus par les troupes
onusiennes venues dans le but d’appliquer la résolution 1701,
les forces pro américaines ont relancé la campagne du « fédéralisme
confessionnel », c’est-à-dire du partage du Liban en mini
Etats confessionnels, à l’exemple de l’Irak. Et, chaque fois
que les possibilités d’une ouverture se font sentir,
l’escalade, verbale ou non, tente de leur faire obstacle et de
les repousser aux calendes grecques.
Nous ne nions pas, bien entendu, la responsabilité des forces
dites « de l’opposition » dans cette situation de
crise, parce qu’elles ont pour seul mot d’ordre le partage du
gâteau de l’Etat confessionnel, à partir de la revendication
du tiers du gouvernement, et qu’elles jouent, pour cela, un rôle
passif et attentiste, bloquant, sans trop d’efficacité, le
centre-ville de Beyrouth et aidant, sans le savoir peut-être, le
gouvernement de Fouad Sanioura dans sa vision économique dont la
troisième « Conférence de Paris », tenue le 25
janvier passé, n’est que les prémices de ce qui se prépare
sur le plan de la vente des biens publics et, par suite, de
l’augmentation de la dette publique à partir de projets non
productifs et n’ayant aucun lien avec les réformes sociales et
politiques nécessaires.
Donc, la paix civile et sociale est menacée au Liban ; et la
menace vient du fait du projet de mainmise des Etats-Unis sur les
richesses de la région, mais aussi de son refus d’aider à
trouver une solution durable au conflit israélo-palestinien, qui
ne peut se résoudre que par le droit au retour des Palestiniens,
et israélo-arabe, qui se traduit chez nous par le retrait des
fermes de Chebaa et des hauteurs de Kfarchouba, le respect de la
souveraineté de notre territoire et la libération des détenus
libanais.
Cette menace de dégradation ne doit-elle pas pousser les peuples
européens à réfléchir et à agir.
A réfléchir sur le pourquoi de la position « suiviste »
actuelle de leurs gouvernements qui, au moment de la guerre étasunienne
contre l’Irak, avaient su faire face et souligner leur indépendance
et leur maturité.
Et, surtout, à agir afin de refaire de la Méditerranée une région
de paix et de prospérité, où n’existerait plus aucune trace
des bases militaires étasuniens et des « chambres noires »
de leur CIA ?
Marie Nassif-Debs
Beyrouth, le 17 mars 2007
Publié avec l'aimable autorisation de
Stop USA
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