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Liban
L'impasse
Marie Nassif-Debs
9
avril 2007
Les nouveaux scénarios et
leurs visées
Le Liban se trouve toujours dans l’impasse et il
n’est pas près de s’en sortir. Certains vont, même, jusqu’à
prédire que la crise politique, créée par la résolution 1559
du Conseil de sécurité des Nations Unies (votée en 2004) et
exacerbée, à la suite de l’assassinat de l’ex Premier
ministre Rafic Hariri, par l’agression israélienne de l’été
2006, ne pourra voir le début de la fin avant les élections présidentielles
étasuniennes en 2008... Et ils n’ont pas tort ou, plutôt, ils
ont toutes les raisons plausibles (et convaincantes) pour étayer
ce point de vue.
En effet, la dernière phase de cette crise, située
trois mois plus tôt, connaît une nouvelle escalade durant les
deux semaines qui viennent de faire suite à la tenue du Sommet
arabe, le 28 mars, à Riad.
Cette escalade a soulevé de nouveaux points de
litige et divulgué le secret de nouveaux scénarios mis, de part
et d’autre, dans le but de réaliser une « victoire »
totale et écrasante sur le vis-à-vis, sans que les parties en présence
prennent, pour autant, en considération la situation du pays et
sans qu’aucun souci ne vienne les effleurer quant aux risques
qu’ils font encourir à tous en se faisant les porte-parole de
projets radicaux, internationaux et régionaux, qui continuent à
utiliser la « carte libanaise » comme un atout
essentiel sur la voie de leur réalisation.
Le nouveau scénario et la pétition
parlementaire
Le premier scénario se base sur le dernier projet
mis au point, au début de l’an 2006, par le vice président étasunien,
Dick Chenney. Ce projet, comme nous le savons maintenant, prévoyait
une intégration totale du Liban au « Grand Moyen Orient »,
qui aurait dû faire suite à une agression israélienne de grande
envergure ayant pour but de balayer, en plus du Hezbollah, toutes
les résistances intérieures afin de continuer son chemin pour
rejoindre Bagdad, après être passée par Damas.
Et bien que cette nouvelle formule du projet étasunien
ait été mise en échec, grâce à la résistance du peuple
libanais, et bien que les conséquences politiques de cet échec
continuent à avoir des répercussions très négatives en Israël,
on continue à penser, tant à Washington qu’à Tel Aviv,
qu’il est nécessaire de récidiver dans les plus proches délais
(des dates ont été émises entre juin et juillet 2007), soutenus
en cela par certaines formations politiques libanaises qui pensent
pouvoir, ainsi, finir avec le Hezbollah et faire main basse sur le
pouvoir politique libanais.
Sur la base de ce scénario, certaines parties du
« Rassemblement du 14 mars » ont exigé l’arrêt des
pourparlers entre Saad Hariri (dirigeant de la majorité
parlementaire) et Nabih Berri (président du parlement). Elles ont
fait de la création du tribunal international leur slogan de
base, afin de pouvoir demander au Conseil de sécurité de
s’immiscer, plus encore, dans les affaires intérieures du pays
et d’aller au-delà de la résolution 1701, préparée par John
Bolton et votée à la suite de l’échec des objectifs de
l’agression israélienne de juillet-août 2006. C’est ainsi
qu’elles ont envoyé récemment aux Nations unies une pétition
signée par 70 députés et demandant l’intervention du Conseil
de sécurité dans la formation, sous le chapitre 7, du tribunal
international sur les crimes commis au Liban depuis février 2005 ;
la même pétition accusait Nabih Berri d’avoir kidnappé le
parlement.
Le Conseil des évêques
maronites
En plus de la pétition, et dans les mêmes
objectifs, le « Conseil des évêques maronites » du
Liban a déclaré, il y a trois jours, qu’il appuie le point de
vue de la majorité stipulant qu’en cas de désaccord entre
cette dernière et l’opposition sur les élections présidentielles
(prévues en novembre), il est possible de passer outre la clause
concernant le quorum nécessaire (85 députés). A cela, nous
devrions ajouter d’autres positions et déclarations concernant
la possibilité de remplacer bientôt les ministres chiites démissionnaires,
l’ingérence de l’Iran dans les affaires libanaises à travers
le Hezbollah, la nécessité d’avoir des soldats de la FINUL sur
les frontières avec la Syrie, afin de mettre fin à « la
contrebande d’armes »...etc.
Tout cela rend encore plus réelles les menaces
proférées, dernièrement, par l’administration de Georges W.
Bush contre le Hezbollah et ses deux appuis, l’Iran et la Syrie,
et éclaire d’un jour nouveau le « pessimisme »
exprimé par le secrétaire général de la Ligue arabe, Amro
Moussa, mais, surtout, le retrait de la médiation de l’Arabie
Saoudite dans la crise libanaise, puisque son ambassadeur à
Beyrouth vient de déclarer que son pays ne recevra les Libanais
que s’ils se mettent d’accord entre eux sur toutes les
questions litigieuses, de manière à ce que leur présence à
Riad ait pour seul but de permettre à l’Arabie saoudite de
superviser un accord déjà conclu.
Que veut « l’opposition » ?
Face à ce scénario visant à remettre en marche
le projet de l’administration des Etats-Unis pour la région, et
nonobstant les échecs que ce projet connaît de puis quatre ans,
en Irak notamment, il n’y a, de la part de l’opposition, ni un
projet unique ni une vision nouvelle qui rassemblerait les
opposants sur des bases de libération nationale et de changements
radicaux et démocratiques dans la manière de gérer les affaires
de la région et les richesses qu’elle recèle, à commencer par
l’or noir mis, actuellement et dans sa presque totalité, sous
la coupe des compagnies pétrolières étasuniennes. La situation
n’est pas différente par rapport à l’opposition libanaise,
puisque cette dernière ne sait pas ce qu’elle veut.
N’a-t-elle pas commencé par demander à ce
qu’elle soit mieux intégrée au régime, en revendiquant une
« participation » plus efficace au gouvernement
qu’elle avait taxé d’être à la solde des Etats-Unis... pour
aboutir, aujourd’hui, à trois ou quatre alternatives ou scénarios,
dont : soit la démission de ses 58 députés, soit des élections
législatives anticipées sur la base du retour à la petite
circonscription (afin d’attirer les bonnes grâces du patriarche
maronite) ou bien la poursuite de la même politique actuelle
(boycotter le gouvernement) pendant les deux années qui restent
du mandat du parlement.
Il n’y a, donc, pas d’ouverture, même minime,
dans l’horizon de la crise. Bien au contraire !
L’attentisme est roi. Jusqu’aux présidentielles étasuniennes.
Surtout que les Etats-Unis connaissent des nuances dans les
positions entre « Républicains » et « Démocrates »
sur les questions essentielles de la région et ne sont pas près
de formuler une solution prochaine à ces problèmes. Quant à
l’Union européenne, elle continue à adopter une politique très
dépendante de celle préconisée par Bush. Ainsi nous comprenons
les propos émis à Beyrouth par Angela Merckel, à la suite de
ceux de Nancy Pelosi. N’a-t-elle pas déclaré un appui
inconditionnel à Fouad Sanioura et son gouvernement (ou ce qui en
reste) qui n’a pas l’aval de la moitié de la population
libanaise ? Et, n’a-t-elle pas proclamé une adhésion
européenne totale au point de vue israélien quant aux « violations »
syriennes de la résolution 1701 à propos des armes « envoyés »
au Hezbollah...
Cependant, pas un mot sur les violations israéliennes
de la souveraineté du Liban et des autres clauses de cette résolution
onusienne concernant les fermes de Chebaa et les prisonniers
libanais toujours détenus en Israël. Pas un mot, non plus, sur
les armes qui arrivent de son pays aux milices de certains partis
de la majorité ni des entraînements que ces milices font en
territoire allemand.
L'écrivain et journaliste Marie Nassif-Debs est active
la Conférence pour l'Élimination des Discriminations à
l'encontre des Femmes. Elle est un membre actif de l'Union des
Enseignants Libanais et est membre du Bureau Politique du Parti
Communiste Libanais.
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