RIA Novosti
Ce qui se cache derrière les événements
au Liban
Marianna Belenkaïa
Photo RIA Novosti
25 mai 2007
La situation au Liban suscite plus de questions que de réponses.
L'une des questions est de savoir si la nouvelle aggravation de la
situation dans le pays est provoquée par la soumission au Conseil
de sécurité de l'ONU d'un projet de résolution instituant, sans
le feu vert du parlement libanais, un tribunal chargé d'élucider
le meurtre de l'ex-premier ministre Rafic Hariri. La réponse à
cette question revêt une importance de principe aussi bien pour
Beyrouth que pour Damas.
Le lien entre les derniers événements au Liban et le projet
de résolution susmentionné est on ne peut plus évident. Le 17
mai dernier, les auteurs du texte (Etats-Unis, Grande-Bretagne et
France) le diffusent parmi les membres du Conseil de sécurité.
Le 20 mai, une confrontation sans précédent se déchaîne dans
le nord du Liban entre l'armée libanaise et un groupe du Fatah
al-Islam retranché dans le camp de réfugiés palestinien de Nahr
al-Bared. Le même jour, une bombe explose dans un quartier chrétien
de Beyrouth. Le 21 mai, une explosion se produit dans un quartier
à majorité musulmane de la capitale. S'agit-il d'une coïncidence
ou de visées intentionnelles?
Rappelons que la Russie avait plus d'une fois averti que la
mise en place d'un tribunal dans la hâte, voire sans consensus au
sein de la société libanaise, aggraverait la situation dans le
pays. Tout en constatant avec les autres membres du Conseil de sécurité
de l'ONU la nécessité du tribunal, elle avait proposé
d'attendre jusqu'à ce que l'opposition libanaise et la coalition
du 14 mars au pouvoir parviennent à un compromis. Six mois plus
tard, las d'attendre, le gouvernement libanais a demandé à l'ONU
de créer un tribunal sans l'approbation parlementaire, ce qui a
provoqué le mécontentement de l'opposition.
En redoutant que les choses n'empirent, la Russie préfère
prendre du temps. D'autant plus que la mise en place du tribunal
n'a en soi rien d'urgent. Menée par la commission internationale
sous la présidence de Serge Brammertz, l'enquête sur le meurtre
de Rafic Hariri suit son cours. Le mandat de cette commission a été
prolongé jusqu'à l'été 2008. Qui est-ce que jugera le
tribunal, si l'enquête se poursuit? Enfin, il est peu probable
qu'un tribunal puisse intimider ceux qui sont réellement derrière
les attentats du Liban et prévenir de nouvelles tragédies.
L'effervescence autour du tribunal relève plutôt du jeu
politique et n'a rien à voir avec la recherche des véritables
assassins de Rafic Hariri. Toujours est-il que la situation qui
s'est créée devient un facteur explosif pour le Liban, et non
seulement.
Ainsi, les responsables de la coalition du 14 mars au pouvoir
ont traditionnellement accusé la Syrie d'implication dans les
explosions de Beyrouth et les événements de Nahr al-Bared. Ils
affirmaient que le Fatah al-Islam serait lié aux services secrets
syriens et s'en servirait pour déstabiliser la situation au Liban
en vue d'empêcher la création d'un tribunal international pour
traduire en justice les assassins de Rafic Hariri. On sait que des
représentants de l'administration syrienne sont soupçonnés
d'avoir organisé le meurtre. Damas dément, comme il réfute tout
lien avec le Fatah al-Islam. Du moins, aucune preuve ne l'atteste
pour l'instant, hormis quelques témoignages selon lesquels des
commandos du groupe (qui réunit des ressortissants de nombreux
pays musulmans) seraient arrivés au Liban en provenance de Syrie.
En effet, cela est insuffisant pour démontrer le lien entre le
tribunal, Damas et les événements au Liban.
La pratique montre que toute nouvelle aggravation de la
situation au Liban pousse à l'action les partisans de la mise en
place rapide du tribunal. Les appels de Moscou à prendre du temps
ont peu de chances d'aboutir. Tout porte à croire, d'ailleurs,
que Moscou ne s'opposera pas à la résolution. "Nous ne
pouvons pas nier la nécessité du tribunal. La seule chose à
laquelle nous nous opposons est que le tribunal soit
instrumentalisé dans les règlements de comptes", a indiqué
à RIA Novosti une source informée sous le couvert de l'anonymat.
Si la résolution finit par être adoptée, a poursuivi la source,
la Russie fera de son mieux pour "éviter l'instrumentalisation"
du tribunal. Pour l'instant, la situation ne vaut pas la peine
d'attiser les tensions avec qui que ce soit.
Il se trouve ainsi que la Syrie n'y gagne rien et que la
situation autour d'elle ne cesse de s'aggraver.
La Syrie est depuis longtemps accusée de transférer des
terroristes en Irak. Désormais, il en va de même du Liban. Si
l'on n'oublie pas que le Fatah al-Islam serait lié non seulement
aux services secrets syriens, mais aussi à Al-Qaida et à sa représentation
irakienne Jaysh al-Islam, les accusations contre Damas sont plutôt
sérieuses. Mais y a-t-il des preuves réelles établissant un
lien entre le régime syrien et Al-Qaida?
Or, les terroristes pourraient en effet se servir de la Syrie
en tant que pays de transit. Mais quel est le degré d'implication
de l'Etat? Ainsi, des terroristes s'infiltrent aussi en Irak en
provenance d'Arabie saoudite, mais l'Occident et, en particulier,
les Etats-Unis ne sont pas pressés d'accuser les autorités
saoudiennes de soutenir le terrorisme. Du moins, aujourd'hui. La
situation est contraire dans le cas de Damas.
On ne sait toujours pourquoi les preuves établissant un lien
entre le régime de Bachar al-Assad et les terroristes
internationaux en Irak et désormais au Liban, si elles existent,
n'ont pas été soumises au Conseil de sécurité de l'ONU.
D'ailleurs, Damas a plus d'une fois appelé l'administration de
l'Irak et des Etats-Unis à présenter les données sur les intrus
provenant du territoire syrien. Pas de réponse. Qu'est-ce qui est
donc plus important pour Washington: la coopération
antiterroriste réelle ou le renversement du régime syrien? Une
autre question qui se pose est de savoir si le président syrien
Bachar al-Assad contrôle réellement la situation dans le pays
pour empêcher d'intrusion de terroristes vers des pays voisins.
Cette question est réellement très importante pour la communauté
internationale qui veut savoir qui est responsable de quoi en
Syrie, et qui le sera à l'avenir. Pourvu que soit évitée
l'erreur irakienne, quand le renversement du régime de Bagdad a
fait de l'Irak une nouvelle base d'Al-Qaida.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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