Que les parents des victimes dansent ! Et,
avec eux, les blessés, les handicapés et les propriétaires
des maisons détruites : les leaders sont toujours vivants et
capables d’insuffler la vie dans les instincts pour une
guerre prochaine, si le régime confessionnel est toujours
intact et intouchable. N’est-ce pas le même état d’esprit
qui règne aussi sur le régime officiel arabe qui avait
transformé la défaite de 1967 en victoire parce que les
régimes sont restés, même si la terre fut occupée ?
***
Revenons à notre sujet. Deux décisions
contre la Résistance furent prises. Des protestations
s’élevèrent. Le gouvernement refusa d’entendre raison quant
à leur application. La guerre éclata. Les regards virèrent
du côté du grand bleu, attendant l’arrivée de USS Cole. Les
oreilles étaient attentives à ce qui se disait à New York,
au Conseil de sécurité, et aussi dans les couloirs de la
Ligue arabe…
Les yeux et les oreilles n’ont rien vu ni
entendu. Cole était occupé à faire du tourisme et Georges
Bush était pris par deux problèmes : l’Irak et la voie
menant à Téhéran. De plus, la route de la Palestine, de Gaza
en particulier, ne passe plus, aujourd’hui, par le Liban. Il
pourra, toutefois, si la situation devenait critique dans ce
pays, pleurer quelques larmes, même si cela ne plairait pas
à l’Arabie saoudite et à son ministre des Affaires
étrangères qui a poussé le gouvernement libanais à prendre
les deux décisions précitées…
Ces deux décisions furent jetées en face du
Hezbollah et de l’opposition dans le but de les mettre
devant un dilemme : ou bien la mort de la Résistance ou bien
son enlisement dans la boue des divisions intérieures
confessionnelles. Il était à prévoir que la Résistance ne
pouvait que choisir le second cas.
Et la guerre éclata. Et tous les
belligérants furent perdants.
Le premier perdant est le gouvernement et
son groupe majoritaire. N’a-t-il pas, à la suite des
centaines de tués et de blessés et après avoir perdu la
bataille sur le terrain, fait marche arrière à propos des
deux décisions. Et là, il importe peu de citer tous les
arguments du monde, d’appeler au secours « le sanguinaire de
Maarab [entendre : Samir Geagea] pour dire que
la Résistance est tombé dans le piège de la politique
intérieure, car la retraite demeure entière. D’ailleurs, qui
plus que Washington et Tel Aviv a intérêt à en finir avec
les armes de la Résistance et à liquider ses principes ?
Et, là, se pose la question concernant le
gouvernement : suffit-il de se rétracter et de dire que
« nous avions mal prévu ce qui allait se passer » pour
échapper à la responsabilité ?... Dans les pays qui se
respectent, l’imprévoyance est synonyme de démission.
Pourrons-nous laisser passer les crimes commis et les pertes
endurées ?
Quant au second perdant, que personne n’a
accusé directement, c’est le régime saoudien dont le
ministre des Affaires étrangères, Saoud Al Fayçal, a poussé
le holà contre la Résistance libanaise, ce que son
gouvernement n’a jamais fait lors de la perte de la
Palestine ou de la guerre israélienne en 1967, ni quand
Israël avait violé le territoire libanais en 1978, 1982 et
2006. En effet, au lieu de conseiller au Libanais de sortir
de la crise par un retour au dialogue national, il envenime
la situation en posant des conditions nouvelles, prenant le
Liban en otage dans sa guerre contre certaines forces
régionales [Il s’agit de la Syrie et de l’Iran]. La
conséquence directe d’une telle position, qui a précédé la
mission de la commission de la Ligue arabe est de changer
les priorités en fonction de ce que veulent ses amis de la
majorité. Il faut dire que la déclaration de Saoud Al Fayçal
contenait un seul point positif, celui de l’éloge de la
démocratie à la libanaise que nous aurions voulu voir dans
certains pays arabes, en Arabie Saoudite notamment.
Le troisième perdant est la Résistance. Oui,
la Résistance qui, malgré le retrait du gouvernement, n’a pu
enregistrer qu’une victoire à la Pyrrhus, puisque l’équipe
gouvernementale l’a poussée à commettre une faute grave,
celle de s’opposer à l’opinion publique et aux médias
qu’elle a investie, montrant son incompatibilité à traiter
avec « l’autre ». De plus, cette Résistance ainsi que toute
l’opposition traditionnelle ont démontré, une fois de plus,
qu’elles n’ont, à l’exception de la lutte contre les
agressions israéliennes, aucun plan pour l’avenir… ajoutons,
même, que les lignes de leur programme concernant les
réformes intérieures prêtent à équivoque ; parce que les
pratiques vont, quelquefois, dans le sens des instincts
confessionnels qui ne manqueraient pas, un jour, de
s’opposer à la Résistance… C’est pourquoi, il devient très
pressant, aujourd’hui, d’œuvrer dans le sens de tirer cette
Résistance du marécage dans lequel l’ont poussée les
décisions du gouvernement. Tout le monde doit aider dans ce
sens, et non seulement la force militaire. Et, là, nous
disons, une fois de plus, que les principes de la Résistance
et l’expérience qu’elle a acquise nous rassurent sur sa
capacité à s’élever au-dessus de la logique de la vendetta ;
ce qui veut dire qu’elle peut poursuivre la lutte sur les
plans politiques et asseoir son plan sur des relations
saines avec les citoyens, c’est-à-dire revoir le plan de
« rébellion » de manière à ce qu’il soit dirigé, non contre
la population, mais contre le seul gouvernement…
Enfin, le dernier perdant est le projet de
reconstruction de la patrie que « la formule
confessionnelle » est incapable de remettre sur pied, tant à
cause de la logique des quotas confessionnels que par suite
de la tutelle étrangère. Cette formule est la première
responsable de la crise qui se perpétue et qui va dans le
sens de la mort de la patrie.
***
Et, afin de ne pas faire partie de ceux qui
pleurent et se contentent de recenser les pertes, nous
allons essayer de proposer une solution afin de sauver notre
pays de la destruction qui l’attend… Il nous faut, d’abord,
dire que nous sommes contre « les coupeurs de têtes » et
nous refusons de dire « ce qui est fait est fait », parce
que le mensonge dans les relations politiques est ce qui
peut conduire le pays vers une nouvelle mésaventure dont
pâtiraient les Libanais et qui aurait la plus mauvaise
influence sur le futur.
La crise est le fait de deux facteurs : « la
formule confessionnelle » qui a la priorité dans l’esprit
des responsables et leur volonté de lier le problème
libanais à des tutelles extérieures…
Voilà pourquoi nous proposons une solution
qui se baserait sur la conviction de la nécessité de
reformer le pays dans le sens qui minimiserait l’influence
extérieure et dépasserait le confessionnalisme. Ce qui
mettrait le Liban sur la voie de la création d’un Etat
moderne, démocratique, laïque et préserverait son arabité.
La solution a, donc, pour point de départ le
refus des deux solutions : couper les têtes ou accepter les
erreurs sans jugement. C’est pourquoi, il est, d’abord,
nécessaire que le gouvernement, qui a pris les deux
décisions, démissionne. Cette décision faciliterait le
dialogue qui devra s’asseoir sur deux points communs :
l’élection de Michel Souleiman à la présidence de la
République et la formation d’un gouvernement transitoire
dont la première tâche est la promulgation d’une loi
électorale qui dépasserait la logique des quotas
confessionnels vers la proportionnelle en dehors du
confessionnalisme et en considérant tout le Liban comme une
seule circonscription. Sur ces bases, il y aura possibilité
d’avoir une véritable majorité et une opposition
démocratique qui lui ferait face.
La patrie est plus importante que toutes les
formules. Donnons la priorité au citoyen et à ses intérêts
nationaux et sociaux, non aux leaders des confessions.
Beyrouth, le 14 mai 2008-05-16
Éditorial du bimensuel An-Nidaa