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L'Humanité
Le Pays du cèdre
plus que jamais dans l’impasse
Hassane Zerrouky
1er juin 2007
Liban . La résolution onusienne, qui impose un
tribunal international pour juger les assassins de Rafic Hariri,
ne fait pas l’unanimité et risque d’accentuer les fractures
politiques.
En imposant unilatéralement, par 10 voix sur 15 -
Russie, Chine, Afrique du Sud, Qatar et Indonésie s’étant
abstenus -, l’institution du tribunal international chargé
de juger les assassins de l’ancien premier ministre libanais,
Rafik Hariri, le Conseil de sécurité de l’ONU a pris le risque
d’aggraver davantage la fracture politique existante au Liban.
Le moins qu’on puisse dire est que ce texte, qui prévoit
l’entrée en vigueur automatique le 10 juin de la convention
signée en 2006 entre l’ONU et le Liban créant le tribunal
international, ne suscite guère l’unanimité. Et, ce, parce que
cette convention stipulait que la création du tribunal
international devait au préalable être ratifiée par le
Parlement libanais. Faute donc de cette - ratification par les députés
libanais, le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi choisi de
passer en force, en donnant un caractère contraignant à sa résolution.
Qui imposera l’entente ?
Au Liban, la décision onusienne est loin de faire
l’unanimité. Elle « pourrait même inciter ceux qui
seraient visés à recourir aux menaces, à l’intimidation et au
sabotage », avertit Al Nahar, quotidien pourtant favorable
à la création de cette juridiction internationale.« Qui
imposera l’entente entre Libanais », se demande le
quotidien de gauche As Safir !
La joie bruyamment exprimée par les partisans de
Saad Hariri et leurs alliés du « mouvement du 14 mars »
- le parti Kataëb, les Forces libanaises, etc. -, qualifiant
la décision onusienne de « victoire historique », a
été quelque peu tempérée par le premier ministre libanais,
Fouad Siniora, qui s’est empressé de rassurer la Syrie.
« Le tribunal n’est dirigé contre personne, et en
particulier contre la Syrie soeur », a-t-il assuré. Le
premier ministre, dont le gouvernement est qualifié
d’anticonstitutionnel par le général Michel Aoun et ses alliés
du Hezbollah, sait bien qu’il dispose d’une marge de manoeuvre
bien étroite.
En effet, persuadé que l’institution de ce
tribunal va être instrumentalisée par les États-Unis, le
Hezbollah l’a qualifié de « violation de la souveraineté
du Liban », d’« ingérence agressive dans ses
affaires intérieures » et de décision « contraire
aux règles internationales et à la charte de l’ONU ».
Tandis qu’à Damas, si le gouvernement syrien n’a pas encore réagi,
la presse ne s’est pas gênée de faire feu de tout bois contre
la résolution onusienne. « Il semblait clair que, lors des
débats qui ont précédé le vote, l’administration américaine
voulait se venger de ceux qui se sont opposés à ses invasions et
à ses politiques dans la région », écrit le journal
Techrine.
Appréhensions et inquiétudes
Une chose est sûre, la décision onusienne ne va
guère contribuer à dissiper les craintes de la population. Sur
fond d’affrontements entre l’armée libanaise et
l’organisation islamiste radicale Fatah al-Islam à Nahr
al-Bared dans la banlieue de Tripoli, nombreux sont ceux qui appréhendent
avec inquiétude le proche avenir. Les uns restent persuadés,
sans en fournir la moindre preuve, que la Syrie manipule Fatah
al-Islam, pour empêcher la mise en place du tribunal
international, les autres, en revanche, y voient une volonté d’
« irakisation » qui, selon eux, ne déplairait pas à
Israël pour faire oublier son refus de se retirer des territoires
occupés depuis juin 1967. Quoi qu’il en soit, faute de
consensus des parties libanaises autour de la mise en place du
tribunal international, le Liban est plus que jamais dans
l’impasse. Et le pire est peut-être à venir.
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