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A l'intérieur des camps de Nahr al-Bared
et d'Al-Beddaoui
Qui se trouve derrière les combats
au Nord-Liban ?
Franklin Lamb
Un membre du Fatah Al-Islam dans le camp
palestinien de Nahr-Al-Bared
CounterPunch, le 24 mai 2007
article original : "Who's
Behind the Fighting in North Lebanon?"
Tripoli, Liban.
Porter un tee-shirt miteux et fatigué aux
couleurs de l'UNHCR [le Haut Commissariat aux Réfugiés des
Nations-Unies], un vestige de Bint Jbeil et de la guerre Israël-Hezbollah
de juillet dernier, m'a probablement aidé. Tout comme, je le
pense, le jersey de la Croix-Rouge, mon keffieh noir et blanc et
le drapeau palestinien collé sur le revers de ma veste alors que
je rejoignais un groupe de travailleurs humanitaires palestiniens
et que je me glissais dans Nahr al-Bared en essayant de ne pas
avoir l'air trop voyant.
Notre mission consistait à faciliter l'approvisionnement en
nourriture, en couvertures et en matelas, mais la situation
politique excitait aussi ma curiosité. Qui était derrière les
événements qui ont éclaté si rapidement et si violemment, à
la suite d'un prétendu "braquage de banque" ? Un
hold-up qui aurait rapporté aux bandits masqués, selon les
interlocuteurs que vous interrogiez, 150.000, 1.500 ou 150 dollars
!
Il semble que chacun des médias beyrouthins, en fonction de la
confession de son propriétaire, ait une source différente
"d'information de l'intérieur" et "connaisse"
les véritables coupables qui tirent les ficelles.
Pourtant, même nous, qui sommes particulièrement stupides, avons
réalisé ce que feu Rafik Hariri conseillait souvent : "Au
Liban, ne croyez rien de ce que l'on vous dit et seulement la
moitié de ce que vous voyez !"
Mes amis m'ont fait jurer à haute voix de prétendre être
canadien plutôt qu'américain si des types d'al-Qaïda venaient
à nous arrêter à l'intérieur du camp. J'avais l'impression que
ce n'était pas trop ma sécurit qui les inquiétait, mais
plutôt la leur, au cas où ils seraient pris avec moi. Ce
ne serait pas la première fois que je devrais compter sur mes
voisins du nord pour me sortir d'une embrouille potentielle au
Proche-Orient sur ma nationalité. Je me suis donc débarrassé de
ma carte d'identité américaine.
On nous avait prévenus, tandis que nous approchions du fief du
Fatah al-Islam, que nous serions sous les tirs croisés des
snipers de l'armée libanaise, qui sont à l'extérieur du camp,
et de ceux du Fatah al-Islam, à l'intérieur du camp, et que tout
faux mouvement ou malchance pourraient s'avérer fatals.
Après trois jours de pilonnage, plus de cent morts et sans électricité
ni eau, Nahr al-Bared empeste viande brûlée ou en décomposition,
les maisons carbonisées encore fumantes, les eaux usées
pestilentielles et l'odeur acre des mortiers et des obus de chars
explosés. Les chiffres de la presse ne sont pas exacts, ce ne
sont pas 30.000 ou 32.000 qui vivent à Bared, mais 45.000 !
Contrairement à certains reportages, la nourriture et l'eau ne
peuvent toujours pas pénétrer dans le camp.
15 à 70% de certaines zones sont détruites. Ce matin et cet après-midi,
il y a eu quelques tirs à l'arme légère. Mardi, de 4h30 à
10h00 du matin, l'armée a pilonné au rythme de 10 à 18 obus à
la minute. L'armée n'autorisera pas le Croissant Rouge
Palestinien à dégager les civils parce qu'elle ne lui fait pas
confiance. Seule la Croix Rouge libanaise y est autorisée. Il est
possible d'entrer dans Bared par derrière (du côté est). L'armée
prend les appareils photos des journalistes qu'ils attrapent. Le
gouvernement libanais contrôle l'information et ne veut pas que
l'étendue des dommages soit déjà connue. Il y a encore des
cadavres qui n'ont pas été dégagés. 40% de la population du
camp a été évacuée. Les autres ne veulent pas partir de se
faire tuer ou de perdre leurs maisons pour la 5ème fois, voire
plus pour certains.
Il n'y a pas d'électricité et les batteries des téléphones
cellulaires s'épuisent. Ceux qui ont fui disent aux membres de
leurs familles de rester [à Bared] parce qu'il n'y a pas assez de
matelas au camp de Beddaoui. Là-bas, les évacués de Bared
vivent à 25 par pièce dans les écoles de Beddaoui - il y a
3.000 évacués dans une seule école de Beddaoui ! L'aide des
Nations-Unies commence à y arriver, mais, jusqu'à présent, les
travailleurs humanitaires n'ont pas pu l'apporter à Bared à
cause de l'attaque du convoi humanitaire de mardi dernier.
J'ai rencontré Abdul Rahman Hallab, célèbre pour sa fabrique de
bonbons à Tripoli. Je l'ai aidé à décharger 5.000 repas pour
les évacués de Bared qui se trouvent à Beddaoui. Il est
libanais, pas palestinien.
Toute la population du camp dit que le Fatah al-Islam est arrivé
en septembre-octobre 2006 et que ses combattants n'y ont pas de
famille vivant dans le camp. Ils viennent d'Arabie Saoudite, du
Pakistan, d'Irak, de Tunisie et d'ailleurs. Il n'y a aucun
Palestinien parmi eux, à part quelques parasites. Presque tous
disent qu'ils sont payés par le groupe Hariri.
Les reportages selon lesquels le Fatah al-Islam aiderait les gens
à Bared sont réfutés. "Tout ce qu'ils font est de prier,
m'a dit une femme, et ils font de l'entraînement militaire… Ils
sont beaucoup plus religieux que les Chiites", a-t-elle dit.
La population du camp de Beddaoui était de 15.000 et, depuis ce
matin, elle s'élève à 28.000. Quatre corps sont arrivés ce
matin à Safad, dans le seul hôpital du Croissant Rouge
palestinien au Nord-Liban.
On m'a dit que l'armée devra détruire toutes les maisons de
Bared pour liquider le Fatah al-Islam.
Je m'attends à rester à Bared cette nuit avec des travailleurs
humanitaires. Certains disent que le Fatah al-Islam se battra
jusqu'à la mort, d'autres qu'un accord pourrait être négocié.
J'explorerais peut-être ici cette dernière possibilité avec une
ONG norvégienne. Je ne suis pas sûr que dans le gouvernement
cela intéresse quelqu'un. Il y a une minute, un membre du Fatah
al-Islam est entré dans le cabinet médical que j'utilise à l'hôpital
de Safad et il a dit qu'ils veulent un cessez-le-feu permanent et
ne veulent pas que les gens soient tués ou blessés.
Ils affirment n'avoir aucun problème avec l'armée.
A présent, voici quelques données sur Nahr al-Bared. Comme
les autres camps palestiniens au Liban, Nahr al-Bared est peuplé
de Palestiniens qui ont été chassés de leurs maisons, de leurs
terres et de leurs propriétés personnelles en 1947-48, pour
faire de la place aux Juifs, en provenance d'Europe et d'ailleurs,
avant le 15 mai 1948, date de la fondation d'Israël.
Des 16 camps de réfugiés originaux, établis pour installer les
plus de 100.000 réfugiés qui avaient traversé la frontière
libano-palestinienne lors de la Nakba[1],
il ne reste plus que 12 camps officiels. Le camp de Tal el-Zatar a
subi un nettoyage ethnique par les forces de la Phalange Chrétienne
au début de la Guerre Civile libanaise de 1975-1990 et les camps
de Nabatieh, Dikwaneh et Jisr el-Basha ont été détruits par des
attaques israéliennes et les milices libanaises. Ils n'ont pas été
reconstruits. Les camps restants, qui hébergent actuellement plus
de la moitié des 433.276 réfugiés palestiniens au Liban, sont :
Al-Beddaoui, Bourj al-Barajinah, Dbaiye, Sabra et Chatila, Aïn
el-Houlwah, Nahr al-Bared, Rachidiah, Bourj el-Chemali, al-Bouss,
Wayval, Miye et Mar Elias.
Nahr al-Bared se trouve à 11 km au nord de Tripoli, près de l'époustouflante
côte méditerranéenne et est le foyer de plus de 32.000 réfugiés,
dont un grand nombre a été expulsé de la région palestinienne
du Lac Huleh, y compris de Safed. Comme tous les camps de réfugiés
palestiniens officiels au Liban, plus quelques-uns
"officieux", Nahr al-Bared souffre de graves problèmes,
parmi lesquels aucune infrastructure correcte, le surpeuplement,
la pauvreté et le chômage.
Avec 25%, Nahr al-Bared a le pourcentage le plus élevé de réfugiés
palestiniens vivant dans une pauvreté abjecte et officiellement
enregistrés auprès des Nations-Unies comme des cas de "détresse
particulière".
Ses habitants, comme tous les Palestiniens au Liban, subissent une
discrimination scandaleuse et ne sont même pas recensés
officiellement. On leur refuse la citoyenneté et ils n'ont pas le
droit de travailler dans les 70 meilleurs métiers et commerces
(incluant McDonald's et Kentucky Fried Chicken dans le
centre-ville de Beyrouth). En outre, ils n'ont pas le droit de
posséder des biens immobiliers. Pour l'essentiel, les
Palestiniens au Liban n'ont aucuns droits sociaux ou civiques et
n'ont qu'un accès limité aux équipements éducatifs
gouvernementaux. Ils n'ont aucun accès aux services sociaux
publics. En conséquence, la plupart se reposent entièrement sur
l'UNHCR comme seul fournisseur des besoins de leurs
familles.
Il n'est pas surprenant que dans les 12 camps officiels et les 7
camps officieux il y ait de la sympathie pour al-Qaïda, voire des
affiliations officielles. On y trouve des groupes qui portent les
nom de Fatah al-Islam, Jound al-Chams (les soldats de Damas), Ibn
al-Chahid (les Fils du Martyr), Isbat al-Ansar, qui s'est
transformé en Isbat al-Noor (la Communauté de l'Illumination),
et de nombreux autres.
Vu les débâcles de l'administration Bush en Irak et en
Afghanistan et son encouragement à ce qu'Israël poursuivre sa
destruction du Liban l'été dernier, la situation au Liban reflète,
dans certains aspects, le début des années 80 lorsque des
groupes ont émergés pour résister à l'invasion et à
l'occupation israéliennes auxquelles les Etats-Unis avaient donné
le feu vert. Mais au lieu d'être chiites et pro-Hezbollah, les
groupes d'aujourd'hui sont largement sunnites et anti-Hezbollah.
Ainsi, ils se qualifient pour obtenir l'aide des Etats-Unis,
canalisée par des soutiens financiers sunnites ligués avec
l'administration Bush, qui s'est engagée à financer les groupes
islamistes sunnites dans le but d'affaiblir le Hezbollah.
A la suite de la défaite d'Israël en juillet 2006, ce programme
est devenu l'obsession de la Maison Blanche.
Pour comprendre ce qui se passe avec le Fatah al-Islam à Nahr
al-Bared, il faut avoir quelque connaissance sur cet étrange et
obscure "Welch Club" au Liban.
David Welch a donné son nom au Club. Il en est le parrain.
A l'époque, il est l'assistant de la Secrétaire d'Etat Condoleeza
Rice. Il est l'homme lige de l'administration Bush. C'est Eliott
Abrams qui téléguide le Club.[2]
Parmi les membres-clés libanais du Welch Club (alias : Le 'Club')
on retrouve :
- Walid Joumblatt, chef du Parti Druze (le Parti
Socialiste Progressiste ou PSP) et vétéran de la guerre civile
libanaise. Il est un chef de guerre féodal et lunatique.
- Samir Geagea, chef du parti extrémiste de la Phalange
et des Forces Libanaises (FL) et aussi vétéran de la guerre
civile, chef de guerre et terroriste. Il a purgé 11 années de
prison, entre autres, pour les massacres de compagnons chrétiens.
C'est son groupe qui a perpétré les massacres de Sabra et
Chatila, organisés par Israël. (Bien que ce fût son ancien
mentor, Elie Hobeika, qui les a menés, Geagea n'a pas participé
aux massacres de septembre 1982, qui ont fait 1.700 victimes
palestiniennes et libanaises).
- Le Cheikh saoudien milliardaire Saad Hariri est le président
du Club et il dirige le Mouvement du Futur (MF), sunnite.
Il y a plus d'un an, le Mouvement du Futur
d'Hariri a commencé à établir des cellules terroristes
islamistes sunnites. De leur côté, le PSP et le FL avaient déjà
leurs propres milices depuis la guerre civile. Malgré les Accords
de Taëf, requérant que les milices soient désarmées, ils se
sont aujourd'hui réarmés. Passer à l'action les démangent et
ils essayent très fort de provoquer le Hezbollah. Les cellules
"terroristes" islamistes sunnites créées par le MF
devaient servir de couverture aux projets (anti-Hezbollah) du
Welch Club. Ce plan consistait à ce que les actions de ces
cellules, dont le Fatah al-Islam fait partie, puissent être
attribuées à al-Qaïda ou à la Syrie ou à quiconque d'autre,
mais pas au Club.
Pour le recrutement de ces nouvelles milices, le MF a ramassé
dans les camps de réfugiés palestiniens ce qui reste d'anciens
extrémistes. Ceux-là même qui avaient été matés, affaiblis
et marginalisés durant l'occupation syrienne du Liban. Chaque
combattant recevait 700 dollars par mois, pas mal dans le Liban
d'aujourd'hui !
La première milice financée par le Welch Club et installée par
le MF est connue localement sous le nom de Jound Al-Cham (les
soldats du Cham, où "Cham" en arabe désigne la réunion
de la Syrie, du Liban, de la Palestine et de la Jordanie). Elle a
été créée au camp de réfugiés palestiniens d'Aïn el-Houlwah,
près de Sidon. Dans les Camps, on appelle aussi ce groupe Jound
el-Sitt (les soldats du Sitt, où "Sitt", à Sidon, Aïn
el-Houlwah et les environs, se rapporte à Bahia Hariri, la sœur
de Rafik Hariri, tante de Saad et membre du parlement).
La deuxième milice, le Fatah al-Islam (ce nom a été habilement
composé en associant Fatah - pour palestinien - et Islam - pour
al-Qaïda), a été créée pour l'équilibre géographique. C'est
au camp de réfugiés de Nahr al-Bared, au nord de Tripoli, que le
MF a monté cette cellule du Club.
Il y a trois jours, le Fatah al-Islam rassemblait encore près de
400 combattants bien payés. Aujourd'hui, ils pourraient être
plus ou moins nombreux et avoir reçu des volontaires. Les chefs
de ce groupe se sont vus attribuer des appartements luxueux à
Tripoli, avec vue sur la mer, où ils entreposaient des armes et décompressaient
quand ils n'étaient pas à Nahr al-Bared. Devinez qui est le
propriétaire de ces appartements ?
Selon des membres du Fatah al-Islam et du Jound al-Cham, leurs
groupes agissaient sur les directives du président du Club, Saad
Harari.
Alors, qu'est-ce qui a mal tourné ? "Pourquoi ce braquage de
banque" et le massacre de Nahr al-Bared ?
Selon des éléments du Fatah al-Islam, l'administration Bush a eu
les jetons avec des gens comme Seymour Hersh qui fouinaient et
avec la discipline [du secret] en chute libre à la Maison Blanche
après la guerre d'Irak. De plus, les services de renseignements
du Hezbollah savaient tout des activités du Club et étaient en
position de faire tomber ces deux groupes qui étaient supposés démarrer
une guerre civile entre les sunnites et les chiites, que le
Hezbollah avait juré d'empêcher.
La semaine dernière, les choses se sont mises très vite à aller
de travers pour le Club.
Le MF a "bloqué" les versements sur le compte du Fatah
al-Islam, dans la banque que possède la famille Hariri.
Le Fatah al-Islam a essayé de négocier au moins des
"indemnités de licenciement", sans obtenir de résultat,
et ils se sont sentis trahis. (Rappelez-vous qu'un grand nombre de
combattants sont des adolescents au sang chaud et dont la paye
fait vivre leurs familles). Les membres de la milice ont braqué
la banque émettrice de leurs chèques qui n'avaient plus de
valeur. Ils étaient doublement irrités lorsqu'ils apprirent que
le MF déclarait aux médias avoir subi une perte beaucoup plus
importante que ce qu'ils ont réellement dérobé et que le Club
s'apprête à arnaquer la compagnie d'assurance et faire vraiment
un profit énorme.
Les Forces de Sécurités Intérieures du Liban (fraîchement
recrutées pour exécuter les ordres du Club et du Mouvement du
Futur) ont pris d'assaut les appartements du Fatah al-Islam à
Tripoli. Elles n'ont pas eu beaucoup de succès et furent obligées
d'appeler l'armée libanaise à la rescousse.
En l'espace d'une heure, le Fatah al-Islam a lancé des représailles
contre les positions et les barrages de l'armée libanaise, ainsi
que contre des soldats libanais qui n'étaient pas en service,
sans armes et en tenue civile. Ils auraient commis des meurtres
innommables, dont quatre décapitations.
Jusque là, le Fatah al-Islam ne s'en est pas pris aux Forces de Sécurité
Intérieure à Tripoli parce que les FSI sont pro-Hariri et que
certains parmi eux sont leurs amis. D'autre part, le Fatah
al-Islam espérait toujours se faire payer par Hariri. A la place,
le Fatah al-Islam s'en est pris à l'armée.
Le gouvernement de Siniora s'est réuni et a demandé à l'Armée
Libanaise d'investir le camp de réfugiés et de réduire au
silence (plutôt deux fois qu'une) le Fatah al-Islam. Etant donné
qu'il lui est interdit, par un accord signé avec la ligue arabe
en 1969, de pénétrer dans les Camps et après avoir réalisé l'étendue
de la conspiration fomentée contre elle par le Welch Club, l'armée
a refusé. Les militaires savent qu'en entrant de force dans un
camp de réfugiés cela ouvrirait un front contre l'armée dans
les douze camps de réfugiés palestiniens et que cela la
conduirait à l'éclatement, le long des divisions sectaires.
L'armée se sent piégée par les FSI du Welch Club qui ne se sont
pas coordonnées avec elle, ainsi que la loi libanaise le
requiert, et qui n'ont même pas fait en sorte de lui faire
prendre conscience de "l'opération inter-familiale" que
les FSI ont entreprise contre les refuges du Fatah al-Islam à
Tripoli.
Aujourd'hui, les tensions sont grandes entre l'armée libanaise et
le Welch Club. Certains mentionnent le terme de "coup d'Etat
militaire". Le Club essaye de diriger le Parlement et est prêt
à faire tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas
"perdre" le Liban. Il détient toujours 70 sièges à
l'assemblée nationale tandis que l'opposition conduite par le
Hezbollah en détient 58. Il dispose, en la personne de Fouad
Siniora, d'un Premier ministre dévoué.
Le Club a essayé de prendre le contrôle de la présidence et
lorsqu'il a échoué, il l'a marginalisée. L'année dernière, il
a tenté de prendre le contrôle de la Commission
Constitutionnelle Parlementaire, qui valide les décisions du
gouvernement et les lois et qui surveille leurs actions. Après
avoir échoué à prendre le contrôle de la Commission
Constitutionnelle, le Club l'a tout simplement abolie. Cette
commission clé n'existe plus dans le gouvernement libanais.
L'erreur principale du Welch Club a été de tenter d'influencer
l'Armée Libanaise pour qu'elle désarme la Résistance Libanaise
dirigée par le Hezbollah. Lorsque l'armée a sagement refusé, le
Club s'est coordonné avec l'Administration Bush pour pousser Israël
à intensifier radicalement les représailles contre le Hezbollah,
suite à leur capture des deux soldats, et à "violer les règles"
des ripostes historiquement plus limitées en essayant de détruire
le Hezbollah, durant la guerre de juillet 2006.
Le Welch Club considère à présent l'Armée Libanaise comme un
problème sérieux. L'Administration Bush essaye de la subvertir
et de la marginaliser pour éliminer l'un des deux obstacles à la
mise en place de l'agenda israélien au Liban.
Affaiblie, l'armée ne pourra plus protéger les 70% des Chrétiens
libanais qui soutiennent le Rassemblement Pour le Liban du Général
Aoun. Le RPL est principalement constitué de civils libanais bien
éduqués de la classe-moyenne, sans armes. La seule protection
dont ils disposent est l'Armée Libanaise qui aide à maintenir
leur présence sur la scène politique. Les autres Chrétiens du
Liban forment la minorité chrétienne, environ 15%, associée aux
Forces Libanaises de Geagea qui sont purement une milice. Si le
Club peut affaiblir l'Armée encore plus qu'elle ne l'est, alors
cette minorité Phalangiste sera la seule force relativement forte
sur la scène chrétienne et deviendra "l'armée" du
Club.
Une autre raison pour laquelle le Club veut affaiblir l'Armée
Libanaise est que cette armée est nationaliste et qu'elle est une
soupape de sécurité pour le Liban qui peut garantir le droit au
retour des Palestiniens en Palestine, le statut national du Liban
et la culture de résistance menée par le Hezbollah, avec lequel
elle entretient d'excellentes relations.
Pour sa part, le Welch Club veut garder quelques Palestiniens au
Liban comme main d'œuvre bon marché, transférer les autres vers
des pays qui accepteraient de les accueillir (et être grassement
payés pour le faire par les contribuables américains) et
permettre tout au plus à quelques milliers d'entre eux de
retourner en Palestine pour régler la question du "droit au
retour", tout en signant en même temps un traité avec Israël
du type du 17 mai 1983, qui enrichit les membres du Club et offre
à Israël l'eau du Liban et une grande partie de sa souveraineté.
En résumé, le Fatah al-Islam doit être réduit au silence coûte
que coûte. Leur histoire, si elle est racontée, est un poison
pour le Club et ses sponsors. Nous allons probablement voir cette
tentative de les détruire dans les jours qui viennent.
Le Hezbollah observe et soutient l'armée libanaise.
Franklin Lamb est diplômé de la Boston University et de la
London School of Economics. Il a été Assistant à l’International
Law et Conseiller Assistant à la commission parlementaire de la
justice du Congrès américain. Il a publié plusieurs ouvrages
sur le Liban et il prépare un livre sur le Hezbollah.
Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]
Note :
______________
[1] Al-Nakba : "La
Catastrophe Palestinienne, Hier et Aujourd'hui", par
Sandy Tolan.
[2] Voir : "Eliot
Abrams chasse les monstres au Proche-Orient", par Tom
Barry
et "Du
Thé et des Missiles", par Robert Fisk.
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