Nouvelles d'Irak
La Syrie, prochaine cible de l'OTAN ?
Gilles Munier
Gilles Munier
Lundi 4 avril 2011
Comme les
autres pays arabes, la Syrie est secouée par des manifestations
d’opposants. A la différence de ce qui s’est passé en Tunisie et
en Egypte, dont les révolutions ont renversé des despotes
pro-occidentaux, on ne peut parler dans son cas de soulèvement
spontané, mais d’une opération de déstabilisation conçue aux
Etats-Unis et en Israël.
Le 30 mars,
dans son discours devant les parlementaires syriens, le
Président Bachar al-Assad a dénoncé une « conspiration qui
vient de l’étranger, mais aussi de l’intérieur du pays. Les
personnes derrière cette tentative de déstabilisation mélangent
trois éléments : les conflits religieux, les réformes et les
besoins quotidiens du peuple », et il a accusé une
« minorité » de semer le chaos.
Selon l’agence
de presse indépendante Champress (1), les techniques
d’agitation employées pour soulever la population à Deraa, près
de la frontière jordanienne, ont pour origine un plan ourdi en
2008 par le prince Bandar bin Sultan, ancien ambassadeur
saoudien aux Etats-Unis, et Jeffrey Feltman, ancien ambassadeur
américain au Liban (2004-2008). Objectif avoué :
renverser le Président Bachar al-Assad et diviser la Syrie. Coût
de l’opération : 2 milliards de dollars.
Tentative de coup d’Etat en Arabie
A Washington,
Bandar bin Sultan était surnommé Bandar-Bush en raison
de ses liens avec l’ancien président étatsunien qui l’avait mis
dans le secret du projet d’invasion de l’Irak avant le
secrétaire d’État américain Colin Powell. Il est marié avec la
princesse Iffat, fille du roi Fayçal, connue pour avoir versé
des sommes importantes à une fondation caritative, retrouvées
ensuite sur le compte bancaire d’un des pirates de l’air
saoudien du 11 septembre.
Fin 2008,
Bandar bin Sultan aurait tenté de s’emparer du pouvoir en
Arabie, avec le soutien des néo-conservateurs américains. Le
coup d’Etat, prévu pendant l’agression israélienne de Gaza,
devait se dérouler au cours de la période de transition du
pouvoir entre George W. Bush et Barack Obama (2).
Alerté par les services secrets russes, le roi d’Arabie aurait
fait emprisonner Bandar bin Sultan, ainsi que quatre officiers
supérieurs (3), puis l’aurait éloigné du pays pour
« raisons de santé ». Il est rentré en grâce en 2010.
Son acolyte,
Jeffrey Feltman, a été chef de la section politique de
l'ambassade des États-Unis en Tunisie de 1998 à 2000. Début
2004, il a représenté la coalition à Erbil, au Kurdistan
irakien. Nommé ensuite au Liban, il aurait participé à la
création et au financement de l’organisation palestinienne
Fatah al-islam, sponsorisée par l’ancien Premier ministre
libanais Rafic Hariri, puis il a été de ceux qui ont désigné la
Syrie responsable de l’assassinat de ce dernier.
Instrumentalisation des mécontentements
Jusque dans
les détails, les opposants syriens appliquent les directives du
plan de 2008, ce qui n’a rien d’étonnant puisque Jeffrey Feltman
est aujourd’hui sous-secrétaire d'État américain pour les
Affaires du Proche-Orient. Les réseaux de mécontents dont la
création était préconisée, via Internet, sont opérationnels. De
petits rassemblements, organisés autour d’agitateurs, sont
filmés avec des téléphones portables. Quant ils ne sont pas
dispersés par la police, les badeaux sont attaqués par des
voyous simulant « des forces de sécurité habillées en
civil ». Les vidéos, généralement courtes, sont ensuite
envoyées à la chaîne qatarie Al-Jazeera et aux médias
internationaux.
A noter que
parmi les opposants syriens participant à la conspiration, le
Parti de la Réforme de Syrie, basé aux Etats-Unis, est
le plus actif, médiatiquement parlant. Proche du lobby
pro-israélien américain AIPAC, il se veut l’équivalent syrien du
CNI (Congrès national irakien) d’Ahmed Chalabi formé en
1992 par la CIA pour renverser Saddam Hussein. L’homme
d’affaires Farid al-Ghabri qui le dirige s’est fait remarquer en
manifestant devant l’ambassade de Syrie à Washington avec des
militants de l’American Jewish Committee, puis en
intervenant en 2007 à la Knesset à l’invitation du Likoud où les
parlementaires arabes l’ont traité de mercenaire (4).
Les phases
ultimes du plan Bandar-Feltman comprennent l’organisation de
troubles ethniques et religieux, de dissensions dans l’armée, et
la constitution d’un conseil politique destiné à être reconnu
par les Occidentaux et leurs obligés arabes. Si, ce qu’à Dieu ne
plaise, les conspirateurs parviennent à leurs fins, il ne
manquera plus alors qu’un Sarkozy de service et des bombardiers
de l’OTAN pour venir en aide aux rebelles…
Comme l’a
déclaré Bachar al-Assad au Parlement, la Syrie traverse « un
moment exceptionnel qui apparaît comme un test de son unité ».
(1)
Media sources reveal details of a
conspiracy by Bandar Bin Sultan and
Feltman to “destroy” Syria
http://www.champress.net/index.php?q=en/Article/view/86507
(2)
L’Arabie saoudite face au double défi Part 2/2
http://www.renenaba.com/l%E2%80%99arabie-saoudite-face-au-double-defi-part-22
(3) Where is Saudi Prince Bandar bin Sultan ?
http://thegulfblog.com/2010/01/20/where-is-saudi-prince-bandar-bin-sultan
(4) Arab
MKs attack visiting exiled Syrian leader
http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3411213,00.html
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 4 avril 2011 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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