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Une interview de Mahmoud Zahar,
Ministre Palestinien des Affaires Etrangères

Stephen Farrell


L’échec de ce gouvernement signifierait la destruction de l’Autorité Palestinienne car notre peuple n’accepterait pas un autre gouvernement. Les gens ont voté pour ce gouvernement car ils avaient un besoin urgent de changement et de réforme.

Q : Quels sont vos projets et vos priorités les plus immédiates face à toutes les pressions financières et militaires exercées sur le Hamas ?

R : L’échec de ce gouvernement signifierait la destruction de l’Autorité Palestinienne car notre peuple n’accepterait pas un autre gouvernement. Les gens ont voté pour ce gouvernement car ils avaient un besoin urgent de changement et de réforme. Certains estiment que le vote en faveur du Hamas était un moyen de punir le Fatah. Ce n’est pas la vérité car il y avait d’autres alternatives, donc les gens ont voté pour le Hamas car ils voulaient un changement.

La pression internationale - non, pas internationale, mais américaine - ne sert pas les intérêts du Peuple Palestinien, et en même temps elle ne sert pas les intérêts des américains dans cette région du monde, que leur présence ici soit officielle ou non officielle.

Il y a beaucoup de pressions, oui. Sur le plan de la sécurité, Israël procède à une escalade dans son agression contre les Palestiniens. Aujourd’hui, ils ont arrêté un de nos ministres. Israël attaque, tue, détruit, et s’en prend même aux locaux de notre président Mahmoud Abbas.

L’Amérique rend notre vie difficile. Israël affame notre peuple pour le pousser à rejeter notre gouvernement. Mais ceci ne se produira jamais.

Oui, nous souffrons beaucoup sur le plan économique aujourd’hui, et la faute n’en incombe pas à notre politique car nous sommes au pouvoir depuis à peine plus d’une semaine. Mais la raison est liée à l’administration qui précède et à la politique suivie vis-à-vis de l’Europe et de l’Amérique, comme elle est liée au manque de confiance existant entre le Peuple Palestinien et les pays arabes donateurs.

Le deuxième point concernant cette situation comprend les accords passés entre les Palestiniens et Israël. L’accord de Paris et l’accord de Rafah. Le non-respect [par les israéliens] de l’accord de Rafah prive notre peuple d’une entrée d’argent importante qui transite par les personnes qui nous visitent. Maintenant il est interdit à quiconque de venir, et concernant les marchandises, si elles transitent par Israël il faut acquitter des taxes aux israéliens.

Maintenant Israël a décidé de priver les Palestiniens de l’argent qui est leur droit, et dans le même temps ils nous empêchent de satisfaire nos besoins les plus essentiels comme construire, reconstruire, manger et trouver du lait et des médicaments.

La solution à tous ces problèmes passe par deux fronts : d’abord s’assurer que les pays arabes tiendront les engagements pris lors du dernier sommet de la Ligue Arabe et qui consistent à verser 55 millions de dollars mensuels à l’Autorité Palestinienne (AP), et faire en sorte qu’ils retrouvent leur confiance dans l’AP. Ceci peut être réalisé lors des prochains voyages, et c’est une grande tournée que je vais faire à partir du 15 avril si Dieu le veut, en Egypte, en Arabie Saoudite, en Syrie et au Liban, dans les états du Golfe, en Oman et au Yémen. Ceci sera notre première contre-offensive.

Puis je reviendrai, avant de repartir en Asie et en Afrique du Nord, et même en Afrique et en Afrique du Sud, comme je visiterai aussi les pays disposés à nous rencontrer, la Russie et d’autres.

Cette campagne sera accompagnée par celles d’autres ministres, ceux de la santé et de l’éducation et encore d’autres. En ce qui concerne l’investissement et l’industrie, nous allons limiter nos pertes sur le plan administratif. Nous allons procéder à beaucoup de restrictions sur les salaires illégaux et les emplois illégaux, et supprimer les dépenses pour des travaux fictifs. Ceci est la principale raison de ma présence ici et de report de notre voyage dans les pays arabes, islamiques et autres.

Le second point : nous allons demander aux Palestiniens, aux peuples Arabes, à la communauté internationale de nous aider à contourner ces accords entre la Palestine et Israël qui privent notre peuple de droit de libre circulation au moins entre la Bande de Gaza et l’Egypte.

C’est pourqoui nous avons besoin de la Ligue Arabe. Nous avons besoin des pays arabes. Nous avons besoin de l’aide de la Turquie et également d’autres, peut-être de la France et d’autres encore.

Q. Est-ce que vous regardez vers l’Est, en excluant l’Ouest ?

R : Non, je ne fais pas d’exclusion, je vous dis même que je suis prêt à aller en Europe dans les pays qui sont disposés à nous accepter. Si la France est prête à nous recevoir, alors j’y vais dès demain. J’ai des informations selon lesquelles la Norvège pourrait avoir des contacts avec notre nouveau gouvernement. Cela dépend donc des autres. Ce n’est pas nous qui maîtrisons cela.

Q : Avez-vous un espoir quelconque que les Etats-Unis n’isolent pas le Hamas ?

R : Il ne s’agit pas d’un isolement international. L’Amérique veut éviter le Hamas, d’accord. L’Amérique a une atitude que l’on peut qualifier de “anti-Hamas”, d’accord, et “d’anti-islamique”, toujours d’accord. Mais ceci n’implique pas un isolement.

Q : Suite aux résultats des élections israéliennes, est-ce que vous voyez un changement à venir dans l’attitude des israéliens ?

R : Nous lisons les programmes de ces partis. Kadima fait le choix d’une politique unilatérale, par exemple. Le parti travailliste est centré sur les questions sociales, et de plus les gens qui sont retraités ont gagné sept sièges.

Je pense que la politique israélienne va d’un côté être orientée vers les classes défavorisées, et de l’autre vers un redéploiement décidé de façon unilatérale. Donc, que pouvons-nous faire dans ces conditions ?

S’ils s’en vont, nous prendrons alors leur place. C’est aussi simple.

Israël n’est pas disposé à répondre aux vraies questions concernant la cause palestinienne. Ils ne sont pas disposés à définir des frontières. Et s’ils définissent des frontières, ce sera dans des conditions inacceptables car qu’est-ce qu’il adviendra du Mont Golan, des frontières avec le Liban, de Jérusalem ?

La seconde question concerne les cinq millions [de Palestiniens] qui vivent exilés de la société palestinienne. Il y a donc beaucoup de questions, des questions difficiles pour lesquelles il n’y aura pas de réponse. Personne en Israël n’est prêt à y répondre de façon pratique.

Q : En tant que gouvernement, demanderez-vous aux autres groupes de cesser leurs attaques sur Israël ?

R : La question est de savoir si Israël est prêt à cesser de s’attaquer à des cibles palestiniennes. Les gens ici sont en état de légitime défense. Est-ce le travail du gouvernement de défendre les frontières israéliennes alors que les israéliens ne cessent d’attaquer notre peuple ? Ici il y a une nouvelle politique, un nouveau gouvernement, un nouveau programme.

Q : Vous dites être disposés à discuter avec le Quartet, mais ils parlent d’une solution à deux-états ; par conséquent, de quoi êtes-vous prêts à discuter avec eux ?

R : Parlons de la signification de la solution à deux-états. Nous leur demanderons quel est le concept qu’ils mettent derrière cette formule. Quelle est la conception défendue par le Quartet par rapport à la solution à deux-états, et sur quelles bases cela s’appuie.

Nous devons leur poser cette vraie question, et après cela nous dicuterons à l’intérieur du gouvernement. Nous allons aussi discuter avec notre Président. Nous discuterons aussi cette question à l’intérieur du Conseil Législatif et ensuite nous pourrons demander à notre peuple quel est son avis.

Ceci est la terre du peuple, ce n’est pas la terre du gouvernement ; comment pourrions-nous alors convaincre le peuple soit de dénoncer ou renoncer à ces accords, soit de les accepter ? Nous n’avons pas de réponse définitive aujourd’hui. Attendons un peu, discutons et évaluons.

L’administration précédente avait reconnu l’état israélien dans les frontières d’avant 1967. Qu’est-ce qui est alors arrivé ? Les environs de Jérusalem ont été confisqués, ils [les israéliens] ont construit ce mur détestable et ont mis en place une politique de discrimination raciale. Ils parlent de redéploiement unilatéral. Ils parlent de confisquer al Ghor [la vallée du Jourdain] ce qui signifie une séparation entre la Cisjordanie et la Jordanie, impliquant la mise en place de trois cantons en Cisjordanie et l’installation de frontières internationales a l’intérieur même de notre terre. Alors quel est le sens de la discussion ? Une foule de questions doivent avoir des réponses venant de l’autre côté. Non seulement de la part du Quartet mais aussi des israéliens et des Etats-Unis.

A présent vous-même, les américains et les européens posez une question imaginaire : accepterez-vous une solution à deux-états ? C’est une sorte de jeu politique. Nous sommes ici assis, dans un endroit avec l’air conditionné et nous discutons de dire oui ou non. Mais quelle est la vraie réalisation de la paix ? Quel est l’élément substantiel amenant la paix dans la solution à deux-états ?

Q : Etes-vous en train de dire que vous ne l’excluez pas mais que vous avez besoin de consultations avec le Conseil Législatif et avec le Peuple Palestinien ?

R : Quelle est la procédure suivie dans votre pays ? Est-ce qu’un pays discute le destin de ses intérêts nationaux sans consulter le peuple qui est le vrai propriétaire de la terre de Palestine ?

Q : Organiseriez-vous un référendum ?

R : D’accord, d’accord, mais de quoi discutons-nous ? Qu’est-ce qui nous est proposé ?

Q : Pour être clair, vous ne dites pas définitivement non, mais vous dites que vous avez besoin de discuter sur ce que signifierait une solution à deux-états ?

R : Avant tout, nous devons comprendre quelle est la nature de cette solution à deux-états. Est-ce qu’il s’agit juste de reconnaître le côté israélien sans rien en retour ? Je vais vous donner un exemple. L’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) a reconnu les frontières qui sont celles de 1948 à 1967 et comprenant 78% de la Palestine. L’autre côté a reconnu l’OLP comme représentant de la société palestinienne mais sans lâcher un seul mètre carré. Est-ce que c’était une reconnaissance bilatérale ? Est-ce que c’est cela la justice ?

Nous ne sommes pas ici en train de parler de 1948 ou 1967, nous sommes en train de parler de ce qu’ils sont prêts à proposer. C’est le premier point.

Le second point est de savoir si Israël est prêt à respecter le droit au retour du Peuple Palestinien. Il y a plusieurs questions concernant le droit au retour. Nous avons plus de cinq millions de Palestiniens vivant en dehors de la Palestine. Quel est l’espoir pour ces personnes ? Vivre à jamais dans d’intolérables conditions dans les camps de réfugiés au Liban, en Syrie, en Jordanie et partout ailleurs ? Ces questions appellent des réponses. C’est dans notre intérêt national.

Si Israël a le droit de faire venir des gens qui n’ont aucun rapport avec la Palestine depuis 3000 ans, je pense que devons penser pouvoir appliquer le même droit, à savoir le droit au retour dans ce qui est notre terre. Nous avons quitté la Palestine seulement en 1948.

Q : Israël doit répondre le premier à cette question ?

R : Posez cette question.

Q : Et ensuite vous discuterez ?

R : Dans le cadre de nos institutions. La décision ne dépend pas de nous.

Q : Pour être absolument clair, vous ne l’excluez pas mais vous devez tout d’abord avoir une réponse à toutes ces questions ?

R : Oui, Oui. Car sans réponses à ces questions toutes les réunions précédentes à Madrid et à Oslo n’ont pas abouti. Si quiconque est réellement intéressé par une véritable compréhension réciproque, alors ils doivent répondre à ces questions.

Q : Soumetteriez-vous cela à référendum ?

R : Il s’agit là d’une question de méthode. Ce sont des points techniques. Nous devons entendre les réponses. Si c’est alors très simple, très clair, et si cela satisfait les demandes des Palestiniens nous pourrons décider. Mais si ce n’est pas le cas, alors nous devons consulter le peuple.

Nous ne sommes pas propriétaires de la Palestine, nous ne sommes pas propriétaires de la Bande de Gaza, nous ne sommes pas propriétaires de la Cisjordanie. Nous ne sommes pas propriétaires de Jérusalem. Jérusalem, d’un point de vue idéologique, du point de vue islamique n’appartient pas seulement aux Palestiniens, mais à chaque musulman car c’est le troisième lieu saint pour l’Islam.

La Mecque n’appartient pas aux Saoudiens, la Mecque m’appartient [comme elle appartient à chaque musulman], et vous avez constaté ce qui se produit partout lorsque l’on touche à la dignité de notre prophète. Car le prophète n’appartient pas à l’Arabie Saoudite, il n’est pas égyptien mais il est le prophète pour chaque musulman.

Q : Vous avez besoin de 120 à 130 millions de dollars chaque mois pour verser les salaires. Comment allez-vous faire si les sources financières se tarissent ?

Q : Il est difficile de répondre à cette question maintenant. Mais est-ce notre faute ? Nous sommes ici dans ce bâtiment seulement depuis une semaine, juste une semaine, peut-être moins. Nous allons faire de notre mieux mais ce n’est pas de notre faute, ce n’est pas notre crime. C’est un crime commis par la communauté internationale qui affame le Peuple Palestinien. Nous allons faire de notre mieux en rencontrant les pays arabes. Au dernier sommet [de la Ligue Arabe] ils ont décidé de verser aux Palestiniens 55 millions de dollars chaque mois.

Les israéliens nous doivent 60 millions de dollars. Ce qui veut dire que si nous recevons cet argent et immédiatement les donations prévues, nous pouvons résoudre cette question. Mais les frontières doivent être ouvertes et les investissements possibles pour développer ntre économie. Ils sont en train de nous étrangler et vous me demandez ce que nous allons faire ? Si je ne sais pas nager et si vous me jetez à l’eau, comment vais-je faire pour atteindre la côte ?

Q : Mais Israël dit ne pas vouloir reverser les 60 millions de dollars qu’ils vous doivent.

R : S’ils ne reversent pas cet argent, cela veut dire qu’ils prennent la responsabilité de casser les accords d’Oslo et de Paris. Les Etats-Unis en particulier et le Quartet devront alors se prononcer sur le fait que cela signifierait la fin de l’accord de Paris. S’ils le confirment, alors nous aurons le droit de mettre en œuvre de nouveaux canaux.

Q : Vous avez 140 000 employés, et qui sont majoritairement au Fatah. Est-ce que cela vous crée des difficultés ?

R : Avant tout nous ne sommes pas des minitres du Hamas. Je suis le ministre palestinien des affaires étrangères. Que les députés soient majoritairement du Fatah ou du Hamas ne changerait rien à mon attitude. Nous ne jouons pas ici un jeu entre partis politiques. Oui la majorité des employés sont au Fatah, mais c’est une composante de notre peuple, maintenant nous sommes responsables du fait qu’ils puissent se nourrir et répondre à leurs besoins. Nous ne sommes donc pas en train de parler du Fatah, nous sommes en train de parler de notre intérêt national.

Q : Sur des questions comme les postes frontières de Karni et de Rafah, seriez-vous disposer à engager sur un plan technique des discussions avec Israël ?

R : Je vais vous poser une question. Est-ce que le virus de la grippe aviaire connait une frontière ? Si son influence est maintenant présente dans notre région, elle le sera aussi en Egypte et en Jordanie comme partout. Ce qui signifie que nous avons à coopérer avec tout le monde pour stopper cette maladie.

Cela ne signifie pas que nous jouons un jeu politique. C’est par intérêt humanitaire.

Sur d’autres questions touchant aux affaires civiles, nous sommes prêts. Mais sur la question de nous faire renoncer à la réalisation de nos intérêts nationaux, là nous avons une attitude liée à nos principes politiques.

Stephen Farrell
12 avril 2006 : Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
Traduction : Claude Zurbach


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=2506


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