L’échec de ce gouvernement signifierait la destruction de
l’Autorité Palestinienne car notre peuple n’accepterait pas
un autre gouvernement. Les gens ont voté pour ce gouvernement car
ils avaient un besoin urgent de changement et de réforme.
Q : Quels sont vos projets et
vos priorités les plus immédiates face à toutes les pressions
financières et militaires exercées sur le Hamas ?
R : L’échec de ce
gouvernement signifierait la destruction de l’Autorité
Palestinienne car notre peuple n’accepterait pas un autre
gouvernement. Les gens ont voté pour ce gouvernement car ils
avaient un besoin urgent de changement et de réforme. Certains
estiment que le vote en faveur du Hamas était un moyen de punir
le Fatah. Ce n’est pas la vérité car il y avait d’autres
alternatives, donc les gens ont voté pour le Hamas car ils
voulaient un changement.
La pression internationale - non, pas
internationale, mais américaine - ne sert pas les intérêts du
Peuple Palestinien, et en même temps elle ne sert pas les intérêts
des américains dans cette région du monde, que leur présence
ici soit officielle ou non officielle.
Il y a beaucoup de pressions, oui. Sur le plan de
la sécurité, Israël procède à une escalade dans son agression
contre les Palestiniens. Aujourd’hui, ils ont arrêté un de nos
ministres. Israël attaque, tue, détruit, et s’en prend même
aux locaux de notre président Mahmoud Abbas.
L’Amérique rend notre vie difficile. Israël
affame notre peuple pour le pousser à rejeter notre gouvernement.
Mais ceci ne se produira jamais.
Oui, nous souffrons beaucoup sur le plan économique
aujourd’hui, et la faute n’en incombe pas à notre politique
car nous sommes au pouvoir depuis à peine plus d’une semaine.
Mais la raison est liée à l’administration qui précède et à
la politique suivie vis-à-vis de l’Europe et de l’Amérique,
comme elle est liée au manque de confiance existant entre le
Peuple Palestinien et les pays arabes donateurs.
Le deuxième point concernant cette situation
comprend les accords passés entre les Palestiniens et Israël.
L’accord de Paris et l’accord de Rafah. Le non-respect [par
les israéliens] de l’accord de Rafah prive notre peuple d’une
entrée d’argent importante qui transite par les personnes qui
nous visitent. Maintenant il est interdit à quiconque de venir,
et concernant les marchandises, si elles transitent par Israël il
faut acquitter des taxes aux israéliens.
Maintenant Israël a décidé de priver les
Palestiniens de l’argent qui est leur droit, et dans le même
temps ils nous empêchent de satisfaire nos besoins les plus
essentiels comme construire, reconstruire, manger et trouver du
lait et des médicaments.
La solution à tous ces problèmes passe par deux
fronts : d’abord s’assurer que les pays arabes tiendront
les engagements pris lors du dernier sommet de la Ligue Arabe et
qui consistent à verser 55 millions de dollars mensuels à l’Autorité
Palestinienne (AP), et faire en sorte qu’ils retrouvent leur
confiance dans l’AP. Ceci peut être réalisé lors des
prochains voyages, et c’est une grande tournée que je vais
faire à partir du 15 avril si Dieu le veut,
en Egypte, en Arabie Saoudite, en Syrie et au Liban, dans les états
du Golfe, en Oman et au Yémen. Ceci sera notre première
contre-offensive.
Puis je reviendrai, avant de repartir en Asie et
en Afrique du Nord, et même en Afrique et en Afrique du Sud,
comme je visiterai aussi les pays disposés à nous rencontrer, la
Russie et d’autres.
Cette campagne sera accompagnée par celles
d’autres ministres, ceux de la santé et de l’éducation et
encore d’autres. En ce qui concerne l’investissement et
l’industrie, nous allons limiter nos pertes sur le plan
administratif. Nous allons procéder à beaucoup de restrictions
sur les salaires illégaux et les emplois illégaux, et supprimer
les dépenses pour des travaux fictifs. Ceci est la principale
raison de ma présence ici et de report de notre voyage dans les
pays arabes, islamiques et autres.
Le second point : nous allons demander aux
Palestiniens, aux peuples Arabes, à la communauté internationale
de nous aider à contourner ces accords entre la Palestine et Israël
qui privent notre peuple de droit de libre circulation au moins
entre la Bande de Gaza et l’Egypte.
C’est pourqoui nous avons besoin de la Ligue
Arabe. Nous avons besoin des pays arabes. Nous avons besoin de
l’aide de la Turquie et également d’autres, peut-être de la
France et d’autres encore.
Q. Est-ce que vous regardez vers
l’Est, en excluant l’Ouest ?
R : Non, je ne fais pas
d’exclusion, je vous dis même que je suis prêt à aller en
Europe dans les pays qui sont disposés à nous accepter. Si la
France est prête à nous recevoir, alors j’y vais dès demain.
J’ai des informations selon lesquelles la Norvège pourrait
avoir des contacts avec notre nouveau gouvernement. Cela dépend
donc des autres. Ce n’est pas nous qui maîtrisons cela.
Q : Avez-vous un espoir
quelconque que les Etats-Unis n’isolent pas le Hamas ?
R : Il ne s’agit pas
d’un isolement international. L’Amérique veut éviter le
Hamas, d’accord. L’Amérique a une atitude que l’on peut
qualifier de “anti-Hamas”, d’accord, et
“d’anti-islamique”, toujours d’accord. Mais ceci
n’implique pas un isolement.
Q : Suite aux résultats des
élections israéliennes, est-ce que vous voyez un changement à
venir dans l’attitude des israéliens ?
R : Nous lisons les
programmes de ces partis. Kadima fait le choix d’une politique
unilatérale, par exemple. Le parti travailliste est centré sur
les questions sociales, et de plus les gens qui sont retraités
ont gagné sept sièges.
Je pense que la politique israélienne va d’un côté
être orientée vers les classes défavorisées, et de l’autre
vers un redéploiement décidé de façon unilatérale. Donc, que
pouvons-nous faire dans ces conditions ?
S’ils s’en vont, nous prendrons alors leur
place. C’est aussi simple.
Israël n’est pas disposé à répondre aux
vraies questions concernant la cause palestinienne. Ils ne sont
pas disposés à définir des frontières. Et s’ils définissent
des frontières, ce sera dans des conditions inacceptables car
qu’est-ce qu’il adviendra du Mont Golan, des frontières avec
le Liban, de Jérusalem ?
La seconde question concerne les cinq millions [de
Palestiniens] qui vivent exilés de la société palestinienne. Il
y a donc beaucoup de questions, des questions difficiles pour
lesquelles il n’y aura pas de réponse. Personne en Israël
n’est prêt à y répondre de façon pratique.
Q : En tant que gouvernement,
demanderez-vous aux autres groupes de cesser leurs attaques sur
Israël ?
R : La question est de
savoir si Israël est prêt à cesser de s’attaquer à des
cibles palestiniennes. Les gens ici sont en état de légitime défense.
Est-ce le travail du gouvernement de défendre les frontières
israéliennes alors que les israéliens ne cessent d’attaquer
notre peuple ? Ici il y a une nouvelle politique, un nouveau
gouvernement, un nouveau programme.
Q : Vous dites être disposés
à discuter avec le Quartet, mais ils parlent d’une solution à
deux-états ; par conséquent, de quoi êtes-vous prêts à
discuter avec eux ?
R : Parlons de la
signification de la solution à deux-états. Nous leur demanderons
quel est le concept qu’ils mettent derrière cette formule.
Quelle est la conception défendue par le Quartet par rapport à
la solution à deux-états, et sur quelles bases cela s’appuie.
Nous devons leur poser cette vraie question, et
après cela nous dicuterons à l’intérieur du gouvernement.
Nous allons aussi discuter avec notre Président. Nous discuterons
aussi cette question à l’intérieur du Conseil Législatif et
ensuite nous pourrons demander à notre peuple quel est son avis.
Ceci est la terre du peuple, ce n’est pas la
terre du gouvernement ; comment pourrions-nous alors
convaincre le peuple soit de dénoncer ou renoncer à ces accords,
soit de les accepter ? Nous n’avons pas de réponse définitive
aujourd’hui. Attendons un peu, discutons et évaluons.
L’administration précédente avait reconnu l’état
israélien dans les frontières d’avant 1967. Qu’est-ce qui
est alors arrivé ? Les environs de Jérusalem ont été
confisqués, ils [les israéliens] ont construit ce mur détestable
et ont mis en place une politique de discrimination raciale. Ils
parlent de redéploiement unilatéral. Ils parlent de confisquer al
Ghor [la vallée du Jourdain] ce qui signifie une séparation
entre la Cisjordanie et la Jordanie, impliquant la mise en place
de trois cantons en Cisjordanie et l’installation de frontières
internationales a l’intérieur même de notre terre. Alors quel
est le sens de la discussion ? Une foule de questions doivent
avoir des réponses venant de l’autre côté. Non seulement de
la part du Quartet mais aussi des israéliens et des Etats-Unis.
A présent vous-même, les américains et les
européens posez une question imaginaire : accepterez-vous
une solution à deux-états ? C’est une sorte de jeu
politique. Nous sommes ici assis, dans un endroit avec l’air
conditionné et nous discutons de dire oui ou non. Mais quelle est
la vraie réalisation de la paix ? Quel est l’élément
substantiel amenant la paix dans la solution à deux-états ?
Q : Etes-vous en train de
dire que vous ne l’excluez pas mais que vous avez besoin de
consultations avec le Conseil Législatif et avec le Peuple
Palestinien ?
R : Quelle est la procédure
suivie dans votre pays ? Est-ce qu’un pays discute le
destin de ses intérêts nationaux sans consulter le peuple qui
est le vrai propriétaire de la terre de Palestine ?
Q : Organiseriez-vous un référendum ?
R : D’accord,
d’accord, mais de quoi discutons-nous ? Qu’est-ce qui
nous est proposé ?
Q : Pour être clair, vous ne
dites pas définitivement non, mais vous dites que vous avez
besoin de discuter sur ce que signifierait une solution à deux-états ?
R : Avant tout, nous
devons comprendre quelle est la nature de cette solution à deux-états.
Est-ce qu’il s’agit juste de reconnaître le côté israélien
sans rien en retour ? Je vais vous donner un exemple. L’OLP
(Organisation de Libération de la Palestine) a reconnu les frontières
qui sont celles de 1948 à 1967 et comprenant 78% de la Palestine.
L’autre côté a reconnu l’OLP comme représentant de la société
palestinienne mais sans lâcher un seul mètre carré. Est-ce que
c’était une reconnaissance bilatérale ? Est-ce que
c’est cela la justice ?
Nous ne sommes pas ici en train de parler de 1948
ou 1967, nous sommes en train de parler de ce qu’ils sont prêts
à proposer. C’est le premier point.
Le second point est de savoir si Israël est prêt
à respecter le droit au retour du Peuple Palestinien. Il y a
plusieurs questions concernant le droit au retour. Nous avons plus
de cinq millions de Palestiniens vivant en dehors de la Palestine.
Quel est l’espoir pour ces personnes ? Vivre à jamais dans
d’intolérables conditions dans les camps de réfugiés au
Liban, en Syrie, en Jordanie et partout ailleurs ? Ces
questions appellent des réponses. C’est dans notre intérêt
national.
Si Israël a le droit de faire venir des gens qui
n’ont aucun rapport avec la Palestine depuis 3000 ans, je pense
que devons penser pouvoir appliquer le même droit, à savoir le
droit au retour dans ce qui est notre terre. Nous avons quitté la
Palestine seulement en 1948.
Q : Israël doit répondre le
premier à cette question ?
R : Posez cette question.
Q : Et ensuite vous
discuterez ?
R : Dans le cadre de nos
institutions. La décision ne dépend pas de nous.
Q : Pour être absolument
clair, vous ne l’excluez pas mais vous devez tout d’abord
avoir une réponse à toutes ces questions ?
R : Oui, Oui. Car sans réponses
à ces questions toutes les réunions précédentes à Madrid et
à Oslo n’ont pas abouti. Si quiconque est réellement intéressé
par une véritable compréhension réciproque, alors ils doivent répondre
à ces questions.
Q : Soumetteriez-vous cela à
référendum ?
R : Il s’agit là
d’une question de méthode. Ce sont des points techniques. Nous
devons entendre les réponses. Si c’est alors très simple, très
clair, et si cela satisfait les demandes des Palestiniens nous
pourrons décider. Mais si ce n’est pas le cas, alors nous
devons consulter le peuple.
Nous ne sommes pas propriétaires de la Palestine,
nous ne sommes pas propriétaires de la Bande de Gaza, nous ne
sommes pas propriétaires de la Cisjordanie. Nous ne sommes pas
propriétaires de Jérusalem. Jérusalem, d’un point de vue idéologique,
du point de vue islamique n’appartient pas seulement aux
Palestiniens, mais à chaque musulman car c’est le troisième
lieu saint pour l’Islam.
La Mecque n’appartient pas aux Saoudiens, la
Mecque m’appartient [comme elle appartient à chaque musulman],
et vous avez constaté ce qui se produit partout lorsque l’on
touche à la dignité de notre prophète. Car le prophète
n’appartient pas à l’Arabie Saoudite, il n’est pas égyptien
mais il est le prophète pour chaque musulman.
Q : Vous avez besoin de 120
à 130 millions de dollars chaque mois pour verser les salaires.
Comment allez-vous faire si les sources financières se tarissent ?
Q : Il est difficile de répondre
à cette question maintenant. Mais est-ce notre faute ? Nous
sommes ici dans ce bâtiment seulement depuis une semaine, juste
une semaine, peut-être moins. Nous allons faire de notre mieux
mais ce n’est pas de notre faute, ce n’est pas notre crime.
C’est un crime commis par la communauté internationale qui
affame le Peuple Palestinien. Nous allons faire de notre mieux en
rencontrant les pays arabes. Au dernier sommet [de la Ligue Arabe]
ils ont décidé de verser aux Palestiniens 55 millions de dollars
chaque mois.
Les israéliens nous doivent 60 millions de
dollars. Ce qui veut dire que si nous recevons cet argent et immédiatement
les donations prévues, nous pouvons résoudre cette question.
Mais les frontières doivent être ouvertes et les investissements
possibles pour développer ntre économie. Ils sont en train de
nous étrangler et vous me demandez ce que nous allons faire ?
Si je ne sais pas nager et si vous me jetez à l’eau, comment
vais-je faire pour atteindre la côte ?
Q : Mais Israël dit ne pas
vouloir reverser les 60 millions de dollars qu’ils vous doivent.
R : S’ils ne reversent
pas cet argent, cela veut dire qu’ils prennent la responsabilité
de casser les accords d’Oslo et de Paris. Les Etats-Unis en
particulier et le Quartet devront alors se prononcer sur le fait
que cela signifierait la fin de l’accord de Paris. S’ils le
confirment, alors nous aurons le droit de mettre en œuvre de
nouveaux canaux.
Q : Vous avez 140 000 employés,
et qui sont majoritairement au Fatah. Est-ce que cela vous crée
des difficultés ?
R : Avant tout nous ne
sommes pas des minitres du Hamas. Je suis le ministre palestinien
des affaires étrangères. Que les députés soient
majoritairement du Fatah ou du Hamas ne changerait rien à mon
attitude. Nous ne jouons pas ici un jeu entre partis politiques.
Oui la majorité des employés sont au Fatah, mais c’est une
composante de notre peuple, maintenant nous sommes responsables du
fait qu’ils puissent se nourrir et répondre à leurs besoins.
Nous ne sommes donc pas en train de parler du Fatah, nous sommes
en train de parler de notre intérêt national.
Q : Sur des questions comme
les postes frontières de Karni et de Rafah, seriez-vous disposer
à engager sur un plan technique des discussions avec Israël ?
R : Je vais vous poser
une question. Est-ce que le virus de la grippe aviaire connait une
frontière ? Si son influence est maintenant présente dans
notre région, elle le sera aussi en Egypte et en Jordanie comme
partout. Ce qui signifie que nous avons à coopérer avec tout le
monde pour stopper cette maladie.
Cela ne signifie pas que nous jouons un jeu
politique. C’est par intérêt humanitaire.
Sur d’autres questions touchant aux affaires
civiles, nous sommes prêts. Mais sur la question de nous faire
renoncer à la réalisation de nos intérêts nationaux, là nous
avons une attitude liée à nos principes politiques.
Stephen Farrell