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Hamas : 
« Israël et les États-Unis veulent pousser les Palestiniens à s’entretuer »

par Silvia Cattori*



Alors que le conflit intra-palestinien menace de virer à la guerre civile, le Hamas affirme dans un entretien au Réseau Voltaire refuser tout ce qui peut diviser le peuple palestinien. Il expose ses exigences face à l’OLP en général et au Fatah en particulier et souligne qu’elles sont fondées sur le mandat populaire qui lui a été démocratiquement confié par les urnes. Usamah Hamdan, le représentant du Hamas au Liban, répond aux questions de Silvia Cattori. 

Héritiers de la stratégie britannique du « diviser pour régner », les Israéliens espéraient depuis longtemps provoquer une guerre civile palestinienne à la mort de Yasser Arafat. Ce plan, s’il est conduit à son terme par Ehud Olmert, doit aboutir à la division des territoires palestiniens en au moins deux entités politiques distinctes. Dans cette optique, Ariel Sharon fit construire un Mur coupant notamment les communications entre la bande de Gaza et la Cisjordanie. En outre, la disposition des diverses colonies maintenues pourrait permettre le fractionnement de la Cisjordanie en trois ; une technique de morcellement qui n’est pas sans rappeller celle choisie par le régime d’apartheid sud-africain lorsqu’il organisa des bantoustans avec des conseillers israéliens.
Pour créer une division politique et parvenir à leur fin, les Israéliens ont corrompu des responsables du Fatah laïque et favorisé l’émergence du Hamas religieux. Avant même que le président Arafat n’ait succombé à l’empoisonnement du sang dont il fut victime, plusieurs de ses principaux lieutenants et alliés ne cachaient plus leur trahison politique. Une fois le vieux leader inhumé, des hommes aussi divers que Mahmoud Abbas ou Mohammed Dahlan n’hésitèrent pas à afficher un luxe ostentatoire ou à se targuer de leurs profitables investissements à l’étranger. Les électeurs palestiniens ne s’y sont pas trompés qui les ont lourdement sanctionnés -et avec eux les éléments intègres de l’OLP- et porté le Hamas au pouvoir. Conscient d’être choisi pour sa détermination à lutter contre l’occupant et pour son intégrité, le Hamas n’a pas cherché à imposer sa vision religieuse de la société, mais à reconstituer la résistance nationale. Par voie de conséquence, ce sont désormais ses dirigeants et non plus ceux du Fatah qui sont visés principalement par les assassins de Tsahal.
Dans ce contexte, la presse atlantiste défend le point de vue des dirigeants corrompus du Fatah et stigmatise celui du Hamas, qu’elle présente mensongèrement comme un fanatisme. Pour contrebalancer cette vision unilatérale, nous publions aujourd’hui un entretien avec Usamah Hamdan, représentant du Hamas au Liban.
Pour bien le comprendre, il est nécessaire de rappeler que l’imbroglio juridique autour du non-État palestinien nourrit le conflit intra-palestinien. En 1974, l’OLP a adopté la résolution 242 de l’ONU (ce qui impliquait de sa part la reconnaissance de l’État d’Israël). L’OLP –dont le Fatah est une composante- a alors obtenu le statut d’observateur à l’ONU, où il représente toujours l’ensemble du peuple palestinien, expatriés compris. Le Hamas ne s’est créé qu’en 1987 et n’a pas rejoint l’OLP. Il n’a pas adopté la résolution 242 et ne se considère pas comme représenté à l’ONU. En 1993, l’OLP a signé avec Israël les Accords d’Oslo. Ceux-ci prévoyaient que l’OLP crée une Autorité provisoire pour administrer les territoires durant cinq ans. Cependant, les Accords n’ayant pas été respectés par la partie israélienne, l’État palestinien n’a pas vu le jour et l’Autorité provisoire a été prorogée par la force des choses. En 2006, l’Autorité a organisé des élections que les diverses composantes de l’OLP ont perdues au profit du Hamas. L’OLP a refusé d’intégrer le Hamas en son sein. Dès lors, une légitimité historique et une légitimité populaire s’opposent pour le contrôle des diverses institutions.
Or, en l’absence d’État palestinien, de Constitution, de Cour constitutionnelle, il n’est pas de droit possible, pas de régulation juridique du conflit envisageable, juste une épreuve de force dans laquelle s’ingèrent des puissances extérieures.
Notre choix éditorial ne doit pas être interprété comme une adhésion du Réseau Voltaire au programme politique du Hamas, mais comme une volonté d’écouter et de comprendre. Il manifeste aussi notre reconnaissance de la légitimité dont cette formation a été investie par le suffrage universel. Nous nous étonnons d’ailleurs que ce principe démocratique puisse poser un problème.

Silvia Cattori : Malgré le fait que votre mouvement a gagné les élections en Palestine, vous demeurez isolés sur le plan international. Le président Mahmoud Abbas refuse de collaborer avec le Hamas. Hier, M. Abbas Zaki, le nouveau représentant de l’OLP, a rouvert ici à Beyrouth le bureau fermé depuis 1982. Pourquoi votre parti, entre autres, n’a-t-il pas assisté à son inauguration ?

Usamah Hamdan : Nous pensons que l’ouverture du bureau de représentation de l’OLP divise les Palestiniens plus qu’elle ne les rassemble. Tous les groupes palestiniens ici au Liban aspirent à former une délégation unifiée. Or, M. Zaki, le dirigeant du Fatah qui vient d’être nommé par Mahmoud Abbas, ne représente que la partie qui a perdu les élections. Nous avions proposé la formation d’un comité de coordination représentant toutes les forces politiques palestiniennes unifiées pour entamer le dialogue avec le gouvernement libanais. Voilà pourquoi nous refusons de participer à des initiatives qui peuvent diviser le peuple palestinien et ne facilitent pas le règlement des dossiers en suspens depuis plus de dix ans, pour améliorer les conditions des réfugiés palestiniens.

Permettez-moi de vous dire qu’après les élections, qui se sont tenues dans les territoires palestiniens, les gens du Fatah n’ont pas accepté le résultat. Néanmoins, ils n’ont pas pu empêcher cette réalité, ils n’ont pas pu nier le processus démocratique tel qu’il s’est présenté de façon franche et claire. C’est pourquoi ils ont commencé à miner ce processus, à miner le gouvernement élu, et cherché à construire un gouvernement parallèle, avec l’aide des États-Unis et d’Israël. Voici comment les choses se sont passées exactement : ils ont pris la direction des forces de sécurité et des représentations diplomatiques à l’extérieur des territoires palestiniens ; ils sont en train maintenant de prendre le contrôle du passage entre Gaza et l’Egypte ainsi que l’argent destiné au peuple. Ils continuent de dire aux donateurs, qu’ils ne doivent donner aucun argent au Ministre des finances du Hamas, mais à eux-mêmes.

Nous pensons que l’ouverture des bureaux de l’OLP à Beyrouth, le 15 mai, fait partie de cette même attitude de division. Ils ont précipité les choses de façon à ouvrir ce bureau avant la signature du protocole entre eux et le gouvernement libanais ; protocole censé identifier les responsabilités de l’autorité en charge de la représentation de l’OLP ici à Beyrouth. Ils ont fait tout leur possible pour ouvrir ce bureau et pouvoir dire, à l’occasion de cette inauguration, qu’ils continuent d’être les représentants du peuple palestinien. Donc de nier la réalité des élections.

Il faut savoir que les divers groupes palestiniens ont conclu un accord au Caire, en mars 2005. Parmi les divers points de l’accord il y avait un point important : la réforme de l’OLP. Cet accord confirmait que dans sa structure actuelle l’OLP ne représentait pas le peuple palestinien en son entier, par conséquent l’OLP ne pouvait plus accomplir son rôle. Nous devions revoir toute cette question.

Tous les Palestiniens le savent qu’il y a de la corruption à l’intérieur de l’OLP, qu’il n’y a plus de cadre établi ni aucun processus démocratique. Jusqu’ici, la seule partie qui s’oppose à la réalisation de la réforme est le Fatah. Nous n’allons pas accepter d’aller de l’avant sans réformer l’OLP. C’est pourquoi nous pensons que le bureau qui vient de s’ouvrir à Beyrouth ne représente pas le peuple palestinien, mais illustre l’état de corruption dans lequel l’OLP est plongée depuis longtemps, et rien d’autre. Voilà pourquoi nous ne tenons pas à nous impliquer là-dedans.

Silvia Cattori : Vous voulez dire que quand les représentants de l’OLP affirment être les représentants légitimes du peuple palestinien, ils usurpent cette représentation ?

Usamah Hamdan : Tout à fait. Ces représentants de l’OLP devraient prendre garde à cela. Je pense qu’ils ne sont pas préoccupés de répondre aux attentes et aux aspirations du peuple palestinien. S’ils avaient fait cela avant, ils auraient gagné les élections. En Palestine, les gens vous parlent de leur corruption, ils vous parlent de la corruption des ambassades à l’extérieur, de la corruption des services de sécurité et de la faillite de l’Autorité palestinienne qui les a mis en place. Autorité qui a mal fonctionné hier. Et personne ne s’attend à ce qu’elle fasse mieux aujourd’hui.

Silvia Cattori : Si l’on songe combien souffrent les Palestiniens, ici à Sabra et Chatila, et là-bas en Cisjordanie et à Gaza, ces manquements ne peuvent que rendre plus déprimant leur vécu !

Usamah Hamdan : Oui, cela est vrai. C’est pourquoi nous avons proposé de former un comité qui réunisse toutes les forces politiques, Fatah, Hamas, FPLP, Front démocratique, etc. Nous avons ici au Liban 16 organisations palestiniennes. Le Fatah ne veut pas accepter huit d’entre elles. Nous avons proposé de former un haut comité palestinien réunissant toutes ces forces. Ce comité représenterait tous les Palestiniens, pas seulement le Fatah ou le Hamas. Ce comité représenterait tous les Palestiniens ; ce qui permettrait d’entamer de nouvelles relations stables et sereines entre les Palestiniens et les Libanais. Jusqu’à maintenant, la partie qui a empêché que cela ne se réalise est surtout le Fatah.

Silvia Cattori : Ce qui veut dire que, jusqu’à ce jour, ces représentations de l’OLP, au-dehors, se conduisent à votre égard comme si les élections qui vous ont portés au pouvoir n’avaient pas existé ?

Usamah Hamdan : Ils continuent d’ignorer la réalité telle qu’elle est issue du scrutin. C’est leur problème. Ils n’ont pas le soutien des Palestiniens sur le terrain et au-dehors ; ils ont le soutien d’Israël et des États-Unis.

Silvia Cattori : Mais cette division pénalise le peuple palestinien !

Usamah Hamdan : Ceci est le problème. Je crois qu’ils ne sont pas en train d’agir en faveur du peuple palestinien, qui souffre et est en attente urgente d’un financement extérieur, mais uniquement soucieux de défendre leurs propres intérêts. C’est clair que le peuple palestinien, qui souffre déjà atrocement de l’occupation, souffre encore davantage à cause de ces manquements. Je crois que cela montre clairement que ces personnages qui refusent le dialogue avec le Hamas ne sont pas en train de travailler pour le bien-ëtre du peuple palestinien.

Notre engagement est d’aider notre peuple, de trouver de l’argent pour financer ses besoins. C’est à cela que nous travaillons et, même si nous devons affronter certains obstacles, nous faisons de notre mieux pour les résoudre. Nous pensons que notre peuple va découvrir bientôt qui sont ceux qui cherchent à les aider, qui cherchent à trouver des solutions, qui défendent leurs intérêts. Si au-dehors les gens peuvent être induits en erreur par toutes sortes de fausses informations, les Palestiniens de l’intérieur savent parfaitement ce qui se passe.

Silvia Cattori : Vos adversaires, dans le parti du Fatah, réussiront-ils à vous faire chuter ?

Usamah Hamdan : Je crois fermement qu’ils ne réussiront pas dans leur action destructive et que, en agissant de la sorte, ils perdront la confiance du peuple palestinien qui veut, lui, que ce gouvernement puisse gouverner. Je ne pense pas que tous les sympathisants du Fatah approuvent cette politique hostile.

Silvia Cattori : Votre priorité est donc bien d’unifier toutes les tendances en un seul front, pour mieux relever les défis liés à l’occupation. Or en ce moment, à Gaza, Mahmoud Abbas attribue au Hamas la responsabilité des désordres. Pensez-vous pouvoir récuser ces imputations ?

Usamah Hamdan : La déstabilisation en cours se déroule selon les plans conçus par les États-Unis. Israël interfère dans tout cela. C’est une façon de créer un genre de conflit entre Palestiniens. Cette déstabilisation a été préparée de longue date. C’est cela qu’Israël et les États-Unis ont programmé avec l’appui de ces Palestiniens qui collaborent avec eux et qui sont d’autant plus agressifs qu’ils n’ont pas accepté que le pouvoir leur échappe. Là vous voyez clairement, avec ce qui se passe à Gaza, qu’ils veulent fomenter une guerre civile pour que l’on se batte entre nous, comme cela se passe en Irak, par exemple.

Israël et les États-Unis veulent pousser les Palestiniens à s’entretuer. Ils ont versé à Mahmoud Abbas 55 millions de dollars pour la garde présidentielle. A quoi peut servir cette garde ? Les Palestiniens n’ont pas besoin d’une garde présidentielle. Ils ont besoin d’une force qui les protège des agressions d’Israël. Les États-Unis devraient demander à Israël d’arrêter de s’attaquer au peuple palestinien. Les États-Unis donnent de l’argent à Mahmoud Abbas pour renforcer le service de sécurité sous son autorité et se servent de certains membres du Fatah, connus pour leur corruption et soif de pouvoir, pour aider les forces israéliennes à affaiblir et attaquer la direction du Hamas.

Notre devoir est d’engager toutes nos énergies pour éviter que des divisions entre Palestiniens se produisent. Plus encore, nous avons le devoir, vis-à-vis du peuple palestinien, de faire de notre mieux pour unifier toutes les forces politiques, sans que cela implique que nous soyons d’accord sur tout. Mais, au minimum, d’arriver à avoir une entente sur la nécessité de préserver l’unité nationale. Dans l’immédiat, c’est cela notre objectif. Je crois que les personnes qui travaillent contre cette unité n’arriveront pas à nous en dissuader. Cela nous prendra plus de temps mais nous y arriverons.

Silvia Cattori : Cette déstabilisation n’est-elle pas d’autant plus dramatique que l’Union européenne vous refuse, elle aussi, le dialogue ? Pourquoi ne pas avertir les États-Unis et l’Europe que l’argent donné à Mahmoud Abbas ne sera pas forcément bien placé ?

Usamah Hamdan : Je pense que nous ne pouvons pas convaincre les États-Unis. Au sujet de la corruption, ils en savent plus que nous. Par le passé, ils ont, eux-mêmes, dénoncé cette corruption. Mais, quand cela les arrange, ils participent eux aussi de cette corruption. Il ne s’agit donc pas ici de convaincre les États-Unis. Je crois que la partie qu’il faut convaincre ce sont les citoyens de l’Europe. Car ce sont eux qui depuis si longtemps et par leurs impôts, ont le plus contribué à aider financièrement l’ancienne autorité. Je pense qu’ils ont été choqués de découvrir que cet argent a alimenté la corruption, il n’a pas été correctement distribué. Nous pensons qu’ils devraient faire pression sur leurs États, afin qu’ils ne suivent pas la politique que dictent les États-Unis. L’Europe doit soutenir le peuple palestinien ; cela lui donnera un rôle important dans la région. Elle ne doit pas suivre les États-Unis car elle devra alors faire face à la haine que ce pays affronte maintenant.

Silvia Cattori : Pensez-vous que les chancelleries sont au courant de la gravité des violations commises par Israël ?

Usamah Hamdan : Je suis persuadé que tous les diplomates, toutes les ambassades, savent parfaitement ce que l’armée israélienne commet de violations contre le peuple palestinien. Les gouvernements sont donc informés ; mais leurs autorités se gardent bien de prendre position et d’informer leurs citoyens sur la gravité de la situation imposée aux Palestiniens par l’occupation. Dans des pays démocratiques, comme en Europe, si les gens savaient ce qui se passait en vrai, ils se sentiraient davantage concernés par les souffrances des Palestiniens. Ils se mobiliseraient de manière plus soutenue pour défendre les droits des Palestiniens et faire cesser toute collaboration avec Israël. C’est le point d’où nous devons partir. Les démocrates dans le monde doivent informer clairement sur ce qui se passe en vérité sur le terrain. C’est pourquoi nous les invitons à aller voir en Palestine ce que les Palestiniens subissent d’assassinats, d’humiliations et de destructions.

Silvia Cattori : A l’extérieur, les représentants du Fatah et de l’OLP répètent qu’il faut reprendre les négociations avec Israël. Que leur répondez-vous ?

Usamah Hamdan : Parlons de ces négociations ! Elles ont commencé en 1990. Il y a eu ce que l’on a appelé les accords d’Oslo. Accords signés en grande pompe à la Maison Blanche qui étaient supposés conduire à la création d’un Etat palestinien en 1997. Dix années se sont écoulées. Rien ne s’est passé. Yasser Arafat, qui a signé ces accords, a été humilié, méprisé, maintenu en état de siège durant trois années par l’armée israélienne. Cela montre qu’il n’y a pas de négociations effectives ! Que cela n’a jamais été qu’une mascarade. Quand on vous parle de négociations, c’est de la part d’Israël, une façon de vous donner des ordres auxquels vous devez obéir, une façon de vous faire capituler. Et cela n’est pas acceptable. Même à ceux qui ont signé ces accords les Israéliens n’ont rien concédé. Je parle ici de Yasser Arafat. Ce qui veut dire que, chaque fois que l’on s’engage dans une négociation, l’objet de la négociation est la sécurité d’Israël. Or, nous devons commencer par parler des droits des Palestiniens. Car, dans les faits, il n’y a jamais eu de reconnaissance de nos droits de la part de la partie israélienne. Cette dernière ne considère pas les Palestiniens comme une nation, elle continue de parler comme s’il s’agissait d’une question interne.

Commençons par parler du droit des Palestiniens, des engagements internationaux à leur égard et, ensuite, nous pouvons parler du processus politique. Yasser Arafat a fait de son mieux ; finalement il n’a rien obtenu. Mahmoud Abbas, durant l’année et demie où il a gouverné, n’a rien obtenu. Israël ne lui a pas parlé, ne lui a rien concédé. Il faut que cela soit clair : il n’y a jamais rien eu à négocier. Dans toutes les négociations avec la partie israélienne, il a toujours été question de faire passer leurs propres projets qui ne prenaient jamais en compte nos droits. Projets qui ont toujours reçu l’appui des États-Unis, même s’ils n’étaient pas conformes aux lois. Je crois que les Européens se rendent compte, aujourd’hui, des effets négatifs causés par ce que l’on a appelé « processus de paix ». Un processus qui a servi les intérêts des Israéliens et a augmenté les souffrances des Palestiniens. Tous ces gens qui nous ont parlé de négociations et de « processus de paix », durant des années, devraient nous donner des réponses.

Silvia Cattori : Il ne s’agissait pas d’un processus de paix ?

Usamah Hamdan : Je pense que c’était un plan de guerre contre les Palestiniens.

Silvia Cattori : Que veut obtenir alors Mahmoud Abbas quand il insiste pour négocier ? Préparer son retour ?

Usamah Hamdan : Je ne pense pas qu’il puisse revenir de si tôt. Parce que nous n’allons pas échouer. J’en suis sûr. Nous n’allons pas échouer. Ils savent très bien que, depuis les élections, nous avons un soutien accru parmi les Palestiniens. Ceux qui nous soutiennent ont augmenté de 4, 5 %, alors que le Fatah a perdu 6 %. Ils savent fort bien que, même s’ils s’emploient à nous créer des obstacles, le soutien au Hamas est en augmentation. Ils savent qu’ils n’ont aucune chance de nous abattre.

Mahmoud Abbas a le choix : soit de respecter le processus démocratique, soit de devenir un dictateur protégé par les États-Unis, comme nous en connaissons dans la région. Or, les Palestiniens, qui vivent déjà sous l’occupation des Israéliens, ne voudront jamais accepter d’être, au surplus, gouvernés par un dictateur, par un chef qui exécute les désidératas des Israéliens et des États-Unis. Ils n’accepteront jamais de dépendre d’un homme qui n’est pas capable de travailler dur et de se sacrifier pour défendre leurs aspirations. C’est pourquoi je dis à Mahmoud Abbas : reviens auprès de ton peuple, demande-lui de t’aider, et ton peuple t’aidera et te défendra de manière loyale.

Silvia Cattori : Restes que Mahmoud Abbas et l’OLP sont considérés, par l’Occident, comme les représentants légaux ?

Usamah Hamdan : Pourtant, ils n’ont plus de légitimité. Comment le monde peut-il ignorer qu’ils ont perdu les élections, qu’il y a eu changement de direction ? Les gens liés au Fatah, qui veulent représenter le peuple palestinien ont leur place. Mais ils doivent respecter les directives du nouveau gouvernement. Sinon ils doivent être remplacés. Ceci prendra du temps, mais le changement viendra conformément aux vœux des Palestiniens et aux règles démocratiques. Ils ne pourront pas empêcher leurs nouvelles autorités de réussir. Ils ont le choix entre faire partie du processus démocratique, en cours, ou perdre leur place.

Silvia Cattori : Quelle stratégie comptez-vous suivre pour unifier votre peuple séparé physiquement ? Les Palestiniens de Gaza, de Cisjordanie, les Palestiniens qui vivent en Israël, les Palestiniens exilés qui croupissent dans des camps de réfugiés dans divers pays arabes ? N’est-ce pas là le nœud du problème ?

Usamah Hamdan : Il y a trois points majeurs pour unifier les Palestiniens : la question politique, la réorganisation de l’OLP, les relations avec l’ennemi.

En ce qui concerne la question politique, nous devons considérer la question palestinienne comme un tout unifié. Nous ne voulons pas de séparation politique qui se fonde sur l’idée que les Palestiniens, à l’intérieur des territoires, ont « leurs problèmes spécifiques avec Israël » et qu’on les sépare de la question des réfugiés. Même si ceux-ci ont leurs propres problèmes en Syrie, au Liban, en Jordanie. Nous voulons parler des Palestiniens dans leur ensemble comme d’une nation, de façon à en finir avec l’occupation et obtenir la libération de leur terre, et à pouvoir revenir vivre sur cette terre, comme toute nation y a droit.

En ce qui concerne la réorganisation du mouvement national : la création de l’OLP avait pour but d’unifier les Palestiniens, séparés par l’occupation ou l’exil, en une unique organisation. Aujourd’hui, après toutes les erreurs de parcours, il y a nécessité à ce qu’elle soit réformée de manière à ce qu’elle puisse représenter toutes les forces politiques. Cela permettrait au peuple palestinien tout entier de se sentir appartenir à cette organisation, de partager les grandes lignes, de participer aux décisions. Je veux parler de la nécessité d’élire un nouveau Conseil national représentant les réfugiés palestiniens à l’intérieur des territoires occupés et à l’extérieur.

Quant au troisième point, qui touche aux relations avec l’ennemi, il est aussi très important. Quand on parle de la question palestinienne, il faut en parler sur une base claire : il faut parler du droit des réfugiés à revenir sur leur terre. Ceci nous rappelle, par exemple, que nous avons à Gaza 800 000 réfugiés. Ils sont réfugiés même s’ils vivent actuellement à Gaza. Nous avons en Cisjordanie 400 000 réfugiés. Ce sont des réfugiés des territoires occupés en 1948, ils doivent pouvoir retourner chez eux.

Si nous travaillons de concert sur ces trois points clés, je crois que nous pouvons obtenir une nation stable et unifiée entre tous les Palestiniens. Finalement, si on veut parler de l’OLP, nous devons revenir au deuxième point évoqué plus tôt. Donc, construire une organisation qui accepte de réunir tous les groupes en son sein, donc capable d’unifier le peuple palestinien. Et ceci est notre programme pour les années à venir.

Silvia Cattori : Comment pensez-vous obtenir le droit de retour des réfugiés alors même que ceux qui dans le camp progressiste prétendent vous soutenir, ne l’ont jamais inscrit, noir sur blanc, dans leur agenda ?

Usamah Hamdan : C’est leur position. Si nous ne pouvons pas obtenir ce droit de retour des Palestiniens sur leur terre, droit internationalement acquis, les Palestiniens ne lâcheront pas. Ils feront tout leur possible pour revenir par la force.

Silvia Cattori : Mais comment revenir ? L’armée israélienne ne vous laissera jamais entrer ?

Usamah Hamdan : Nous savons, nous savons. Mais si conformément au droit international, on ne leur permet pas de revenir, je vous assure, les Palestiniens reviendront chez eux par la force. Ils vont utiliser leur droit, leur force, ils vont lutter pour revenir. Je ne sais pas si vous avez visité les camps de réfugiés ici au Liban ?

Silvia Cattori : Oui, et j’en suis sortie absolument horrifiée !

Usamah Hamdan : La troisième génération est née là, dans ces camps surpeuplés et insalubres ; elle vit entassée là, loin de la Palestine. Mais elle connaît l’histoire de son village ; les anciens leur parlent inlassablement de tout ce qui appartenait à leur univers, leur terre, leurs maisons, leurs fermes, leurs oliveraies. Ils continuent de parler de revenir chez eux. Ils sont prêts à se battre pour retourner chez eux. Comment les Israéliens peuvent-ils ignorer cela ?

Silvia Cattori : Vous parlez de retour. Cela fait 58 années que vous attendez. Pendant ce temps l’armée israélienne n’a jamais cessé de poursuivre l’épuration ethnique et le vol de votre terre et de votre eau. Il ne vous reste plus que 8 % de la Palestine. Ne devriez-vous pas vous attacher à expliquer au monde ce qu’il n’a pas compris : que votre peuple est toujours victime d’une déportation forcée ?

Usamah Hamdan : C’est clair, pour nous Palestiniens, que le monde ne connaît pas la gravité des exactions commises par Israël. Aussi, tout ce débat sur le processus de paix, auquel les autorités du Fatah se sont prêtées, a masqué la réalité des faits. Nul n’osait critiquer Israël car cela aurait, de leur point de vue, compromis les négociations. En ce qui nous concerne, nous allons pouvoir parler, sans fard ni lâcheté, de ce que notre peuple subit sous occupation de destructions, de massacres, d’humiliations aux check points, de désespoir ; et aussi des souffrances des Palestiniens refugiés à l’extérieur.

Silvia Cattori : Vous avez parlé de réformer l’OLP. N’a-t-elle pas perdu de sa substance dès 1988, moment où elle a reconnu l’existence d’Israël sans parvenir à obtenir la réciproque ?

Usamah Hamdan : C’est exact. C’est dès 1988 qu’elle a bradé les intérêts du peuple palestinien. Et c’est pour cette raison que nous disons très clairement que nous ne voulons pas être associés à ce gâchis. Nous ne voulons pas rallier, telle qu’elle est, une organisation dont les erreurs ont déjà tant fait souffrir le peuple palestinien. Pour cela nous voulons reconstruire l’OLP. Ils ont compromis ce mouvement. Il est important de le rendre à nouveau fonctionnel. Nous devons le reconstruire, sur une base politique. Il y a eu une sorte d’abolition de ses fondements en 1998 ; il n’y a plus de définition pour la terre palestinienne, il n’y a plus de définition pour le peuple palestinien. Nous devons redéfinir toutes ces questions cruciales et, finalement, nous devons suivre le processus démocratique permettant de repartir sur des bases solides et de désigner des personnes capables de se soumettre à la démocratie.

Silvia Cattori : Pensez-vous vraiment que les autorités issues du Hamas vont réussir là où les autorités sortantes ont échoué ?

Usamah Hamdan : Il y a deux forces qui s’opposent : celle qui est issue des élections et entend défendre sincèrement les intérêts du peuple palestinien ; et celle qui a perdu l’estime du peuple et cherche à servir ses propres intérêts. Nous voulons œuvrer pour aller dans le sens de l’unité de notre peuple. Certes, cette situation n’est pas sans dommages et souffrances accrues pour le peuple palestinien. Je crois que ceux qui servent leurs propres intérêts ne vont pas gagner la confiance de leur peuple. Le peuple palestinien se battra pour que sa volonté soit respectée.

Silvia Cattori
Journaliste suisse.


 Source : Réseau Voltaire
 http://www.voltairenet.org/article139569.html


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