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Pourquoi Israël ne reconnaît-il pas à la Russie 
le droit de rencontrer les leaders du HAMAS?

Par Marianna Belenkaïa et Artour Gabdrakhmanov, 
commentateurs de RIA Novosti.



Alors que l'initiative du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, pour inviter à Moscou les leaders du HAMAS a été approuvée sans réserve dans le monde arabe, les politiciens israéliens ont déversé à cette occasion sur la Russie tout un flot d'accusations. Selon toutes ces accusations, l'initiative russe ouvre la voie à la légitimation de la terreur.

Somme toute, la réaction négative d'Israël a été facile à prévoir. Il est cependant à savoir si cette réaction n'a été provoquée que par la juste indignation et elle seule?

C'est un "coup de couteau dans le dos" d'Israël de la part de la Russie. "Que dirait Poutine si Israël invitait des meneurs tchétchènes?", s'exclame le ministre israélien des Transports, Meir Sheetrit.

Or, il est tout à fait erroné de tirer un parallèle entre les situations en Tchétchénie et en Palestine, et la comparaison y est parfaitement déplacée. La Tchétchénie fait partie de la Russie, et ce fait est reconnu par l'ensemble de la communauté internationale. Pour ce qui est des territoires palestiniens, conformément à des résolutions appropriées du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, ils sont occupés par Israël.

Le ministre israélien ne veut pas, non plus, reconnaître le fait tout à fait évident d'ailleurs que le HAMAS est arrivé au pouvoir par la voie légitime. Le peuple palestinien a voté pour le HAMAS, en l'investissant ainsi du droit de former le gouvernement. Qui plus est, la communauté internationale a indirectement reconnu ce droit, en acceptant les résultats des législatives palestiniennes. D'autre part, Moscou est en règle générale indigné à chaque fois que d'autres Etats accueillent sur leur territoire soit des personnes qui ont été privées du droit de représenter les intérêts du peuple tchétchène soit des individus qui n'ont jamais eu ce droit. Il y a aujourd'hui en République de Tchétchénie un parlement légitime et un président tout aussi légitime, élus tous les deux par le peuple tchétchène. Et seuls le parlement et le président de la Tchétchénie sont habilités à parler au nom du peuple.

A souligner à cette occasion que le président Poutine n'a invité les représentants du HAMAS à Moscou qu'après que ce mouvement palestinien eut remporté les législatives en Palestine et non pas avant. Ce faisant, il ne sape pas la légitimité du gouvernement palestinien ni ne porte atteinte à la stabilité en Palestine, contrairement à tous ceux qui accueillent dans leurs capitales des terroristes tchétchènes.

Toujours est-il que la victoire du HAMAS aux dernières élections au parlement palestinien est une réalité effective. Aussi, n'est-il pas possible de nier cette réalité tout en reconnaissant les résultats des élections.

Sont tout aussi gratuites les accusations des politiciens israéliens à l'endroit de la Russie qui prétendent notamment que les faits et gestes de Moscou contredisent la dernière déclaration du "quartette" de médiateurs internationaux qui, à part la Russie, est composé des Etats-Unis, de l'Union européenne (UE) et de l'Organisation des Nations Unies. Rappelons à l'occasion que cette déclaration a été adoptée à Londres selon les résultats des législatives palestiniennes. A signaler que les Israéliens ne cessent de rappeler ladite déclaration à toute occasion, alors qu'autrefois, ils préféraient le plus souvent ne faire aucun cas de ce genre de documents sans parler déjà des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU si ces documents étaient contraires à leurs propres intérêts. N'oubliions pas, non plus, que tout le plan de règlement au Proche-Orient, élaboré par le "quartette" et connu comme "feuille de route", a été accepté par l'Etat hébreu avec 14 réserves. C'est toujours à leur manière que les Israéliens interprètent aussi la dernière déclaration du "quartette", en prétendant notamment qu'en vertu de ce document, Moscou ne pouvait pas accueillir les leaders du HAMAS.

Quoi qu'il en soit, il n'en est rien. Il convient d'y rappeler que la déclaration adoptée par le "quartette" ne s'assignait guère pour objectif de soumettre le HAMAS au boycott international, rien de tel. Qui plus est, le HAMAS n'a même pas été mentionné dans les documents officiels de la dernière rencontre du "quartette". On lit tout simplement dans la déclaration finale de cet organe de médiation que la future assistance à tout nouveau gouvernement palestinien peut être revue par les donateurs en fonction de son attachement aux principes de la reconnaissance de l'Etat d'Israël, du refus de la violence et du respect des anciens accords et engagements, y compris de la "feuille de route". Signalons qu'une telle révision, si elle est possible, n'est pas nécessaire.

D'autant plus que le gouvernement palestinien n'est pas encore formé et n'a pas pu, par conséquent, faire quoi que ce soit. Aussi, ne peut-on émettre aucun jugement. Et accuser la Russie d'avoir trahi le quartette serait tout à fait déplacé. Par ailleurs, après la publication de l'initiative de Vladimir Poutine, les diplomates russes ont plus d'une fois précisé que les futures négociations avec le HAMAS à Moscou se dérouleraient strictement dans le cadre des décisions adoptées par le "quartette" et auraient aussi pour objectif de garantir la sécurité de l'Etat hébreu.

Par conséquent, rien d'autre que des raisons politiques intérieures ne peut expliquer l'actuelle hystérie israélienne à l'égard de la Russie. Dans ce contexte, on ne comprend pas, non plus, pourquoi tous ceux qui condamnent l'initiative russe ne disent rien à propos des négociations de l'Egypte avec le HAMAS ou de l'initiative de la Turquie qui se propose comme intermédiaire entre ce mouvement palestinien et l'Etat hébreu. Mieux, le ministre de la Défense d'Israël, Shaoul Mofaz, s'est rendu spécialement en Egypte pour discuter avec le président égyptien, Hosni Moubarak, de l'actuelle situation dans la région et transmettre par l'intermédiaire du Caire les revendications israéliennes au HAMAS. Mais pourquoi Moscou ne peut-il donc pas intervenir en tant qu'intermédiaire?

N'est-ce pas parce ce que les résultats des futures négociations moscovites permettraient au "quartette", y compris aux Etats-Unis et à l'Europe, de juger des perspectives des négociations avec les Palestiniens? Si effectivement les diplomates russes réussissent à persuader leurs collègues américains et européens qu'un tel dialogue est possible, il sera beaucoup plus difficile à Israël de renoncer à ses engagements face aux Palestiniens.

Par ailleurs, les Israéliens préfèrent aussi ne pas mentionner qu'à sa dernière rencontre, le "quartette" a mis en garde les parties contre toute démarche unilatérale. Cela se rapporte justement en premier lieu à Israël qui, tout en prétextant l'absence de partenaire aux négociations, côté palestinien, s'apprête manifestement à pratiquer une politique unilatéraliste, en annexant tels ou tels territoires litigieux. Néanmoins, l'aval tacite de la communauté internationale ne sera possible que si elle admet qu'il est effectivement impossible de dialoguer avec les Palestiniens.

Et encore une question se pose. Pourquoi le gouvernement israélien juge-t-il possibles des négociations entre la communauté internationale et le FATAH qui a tenu le haut du pavé dans les territoires palestiniens avant les dernières législatives, tout en excluant une telle possibilité à l'égard du HAMAS? Et ce, bien que l'aile armée du FATAH se montre même beaucoup plus active que les formations paramilitaires du HAMAS qui observent un cessez-le-feu provisoire.

Il va sans dire que cela ne signifie pas du tout que la communauté internationale doit passer l'éponge sur tous les attentats perpétrés par le HAMAS par le passé ou fermer les yeux sur les devises idéologiques de ce mouvement. Pas du tout. Nul n'ignore que la Russie ne fait pas le distinguo entre le terrorisme, que ce soit à Moscou, à Tel-Aviv, à Londres, à New York ou ailleurs. Le Kremlin n'a jamais approuvé de telles méthodes de lutte contre l'occupation. Mais s'il y a une chance de faire en sorte que le HAMAS renonce finalement au terrorisme, pourquoi ne pas la tenter? N'oublions pas, non plus, qu'il y a à peine une vingtaine d'années, on ne pouvait même pas imaginer que les Israéliens se mettraient un jour à la table des négociations avec l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont le FATAH est d'ailleurs la composante essentielle. Pourtant, cela s'est bel et bien produit. Or, les craintes d'Israël devant le HAMAS sont faciles à expliquer, et Moscou les comprend tout à fait.

Toutefois, on doit bien comprendre que l'isolement du HAMAS peut contribuer à radicaliser encore plus ce mouvement. Si l'assistance de l'Occident lui est refusée, il pourra sans doute trouver d'autres sponsors qui lui donneront de l'argent, à des fins non plus d'édification, mais d'exercice de la terreur. Pour le moment, la communauté internationale a encore une chance d'influer sur la future politique du HAMAS. Il n'est pas du tout évident que des changements se produisent très rapidement, mais cela ne signifie pas que l'on doit rater cette chance. Et la Russie fait justement tout pour ne pas la rater, en essayant de désamorcer la crise au Proche-Orient et de sortir le règlement palestino-israélien de l'impasse.

© 2005 RIA Novosti


 Source : RIA Novosti
 http://fr.rian.ru/analysis/20060220/43661777.html


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