Corse
L'actualité du
Mouvement National:
le brouillard se dissipe
Serge Vandepoorte
Mercredi 4 mai 2011
Les
cantonales ont déclenché une vague d’agitations médiatiques, ce
qui est un phénomène assez disproportionné au regard des enjeux
sociaux, culturels et politiques. Encore faut-il pour adopter
cette grille de lecture, se situer fermement dans la perspective
d’une réelle solution politique. Solution politique qui ne peut
en aucun cas faire l’impasse sur une revendication
fondamentale du peuple Corse : celle de la
reconnaissance du droit à l’autodétermination pour et par les
droits et les moyens que ce dernier jugera légitimes.
Cela
reste notre ligne et c’est bien là ce qui nous distingue tous
les jours un peu plus de courants idéologiques qui pensent avoir
le vent en poupe.
Ainsi,
la victoire de Purti Vechju est à considérer pour ce qu’elle est
: l’aboutissement provisoire d’une stratégie basée sur un ni-ni
des plus opportunistes. Ni de droite, ni de gauche.
Nationalistes modérés au point d’en être modérément
nationalistes, Jean-Christophe Angelini et son association,
Purti Vechju Altrimenti ont ratissé très large. De l’électorat
traditionnel de droite aux socialistes locaux. Ils ont bénéficié
de plus du report des voix de Corsica Libera. Encore que pour
ces derniers, il s’agissait plus de virer l’ami de Sarkozy et
Clavier que de donner quitus à la ligne politique du Partitu di
a Nazione Corsa et à la Chjama Naziunale. Le bastion est donc
tombé. Pour autant la cité dite du sel, ne s’est pas livrée
corps et âme à des insurgés. Les électeurs ont fait le choix
d’un candidat jeune et suffisamment consensuel pour ne pas
effrayer ainsi les commerçants et autres entrepreneurs. Le
sortant manquait certes de charisme, mais il avait également un
gros défaut. Il incarnait le conservatisme tribal d’une fraction
de la droite locale, qui plus que de se lancer dans de nouvelles
aventures économiques, entendait simplement gérer le patrimoine
et engranger tranquillement les profits.
A
l’inverse, le nouvel élu et ses soutiens font résolument dans un
prétendu modernisme. L’économie identitaire en bandoulière, ils
s’apprêtent à intégrer les enjeux locaux dans le grand mouvement
libéral qui agite le monde économique. Un vieil adage populaire
dit « que c’est à la fin du bal que l’on paye les musiciens
». Avec un peu de patience, nous verrons bien qui tirera les
bénéfices des changements. Ce dont nous sommes sûrs et certains,
c’est qu’il s’agit de tout sauf d’une amorce de rupture avec le
capitalisme. Pas plus qu’il n’est question de rompre avec la
domination coloniale. Les gagnants n’en n’ont jamais parlé et
leur électorat de base non plus.
Alors
pourquoi toute cette agitation médiatique ? Il est fort probable
que des réseaux d’influence jouent là, comme dans d’autres
domaines, de leur capacité à marteler une propagande qui ne dit
évidemment pas son nom. Cette structure n’a -t-elle pas
d’ailleurs revendiqué haut et fort, à de multiples reprises sa
volonté de rompre avec la logique d’une organisation de
militants pour lui préférer la mise en œuvre d’un parti
d’adhérents constitués en réseaux divers et variés ? Nous ne
faisons à cet égard aucun procès d’intention. Nous constatons
des faits, précis, répétitifs et constants. Il suffit de lire le
quotidien « La Corse-Nice Matin » et son supplément hebdomadaire
pour se rendre compte de la place faite au courant dit du
nationalisme modéré. Ce n’est pas encore « La Pravda » de
l’époque du petit père des peuples. C’est de la communication
digne de l’organe d’un parti pris : celui de la Troisième Voie.
Voie
recherchée depuis des lustres par tous les réformistes
régionalistes qui se sont succédés, des historiques de l’ARC aux
modérés plus contemporains. L’heure est donc au cynisme de
l’auberge espagnole : il s’agit de vendre au peuple une vague
solution sur fond d’autonomie interne. Il n’y a pas lieu, non
plus de s’inquiéter du côté de l’Etat. Les classes laborieuses
en revanche n’ont rien à attendre de ce fatras idéologique. Le
Tout Tourisme s’impose déjà comme un horizon indépassable pour
les « décideurs » de la Troisième Voie qui n’est en définitive
qu’une vaste escroquerie politique. Méli-mélo où l’expression
d’un humanisme bêlant sert de cache sexe à des libéraux
badigeonnés aux couleurs du capitalisme.
En
termes de premier enseignement, nous pouvons en déduire que le
Mouvement National sort peu à peu du brouillard savamment
entretenu par les régionalistes. Dans le même temps, des
patriotes de gauche viennent de fonder leur propre mouvement.
Scelta
Para, c’est son nom, s’affirme comme une organisation
patriotique de gauche, clairement indépendantiste et socialiste.
Puisque la question nous est régulièrement posée concernant nos
liens avec celle-ci ou nos différences, il nous appartient de
donner notre avis. En tout premier lieu, c’est une très bonne
chose à chaque fois que des patriotes et en particulier ceux de
gauche, s’organisent et se donnent les moyens politiques afin de
contribuer à l’émancipation de la Nation. C’est à ce titre que
nous saluons fraternellement les fondateurs et l’ensemble des
militants de Scelta Para. D’autant que nous en connaissons parmi
eux qui sont, depuis les origines, actifs au sein du Mouvement
National, co-fondateurs de notre mouvement ou issus d’autres
structures patriotiques. Nos routes se sont déjà croisées, elles
se croiseront encore.
Ce dont
nous sommes certains, c’est que chaque fois qu’il sera
nécessaire de travailler, de se mobiliser et de débattre avec
ces militants, nous répondrons présents. D’autant que nous
sommes sûrs qu’ils sont animés par la volonté d’élargir la
sphère d’influence du camp patriotique de gauche. A la question
pourquoi A Manca et Scelta Para ne constituent-ils pas un seul
mouvement (question de plusieurs militants ou sympathisants de
la gauche nationale), nous répondons que notre mouvement existe
depuis plus de dix années et que ses statuts permettent la
présence en son sein de toutes les tendances patriotiques de
gauche. Il est donc clair que les fondateurs de Scelta Para ont
souhaité créer leur propre espace à partir de constats
multiples. Ceux qui concernent des aspects théoriques sont
connus. Des éléments d’aspects organisationnels existent
également. Leur positionnement par rapport à notre organisation
n’a pas encore été rendu public. Cela ne saurait tarder. Gageons
que des différences sensibles peuvent s’exprimer. S’il faut en
débattre publiquement nous y sommes tout à fait prêts.
Mais
que l’on ne compte pas sur nous, que ce soit du côté du pouvoir
colonial ou de la part de la droite nationaliste, pour tenter de
minimiser l’importance d’un autre mouvement patriotique de
gauche.
C’est
ainsi que va la vie de la Nation, à l’autre bout du champ
patriotique, certains s’en vont, au pas du renoncement, vers
d’autres horizons. Galvanisés par un demi-succès lors des
élections régionales de 2010, littéralement euphoriques après
l’élection cantonale de Porti-vecchju, les tenants du PNC et de
la Chjama Naziunale font leur coming-out. Enfin débarrassé d’une
sorte de complexe des origines (celles du Mouvement National) le
courant dit modéré peut s’adonner à ses penchants régionalistes
et libéraux, loin de toute ambigüité longtemps cultivée. Par
ailleurs, des patriotes de gauche s’organisent. D’autres
mouvements comme Corsica Libera sont eux aussi traversés par des
contradictions.
Le
brouillard idéologique se dissipe et c’est tant mieux, il en va
de la survie de notre pays.
Vandepoorte Serge, Militant
Manca
http://www.a-manca.org/
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