|
U RIBOMBU
Paul-Félix Benedetti - Rinnovu
Photo U Ribombu
Pour l'ensemble des nationalistes corses ça restera, et vous le
verrez, une journée historique, historique dans sa dimension
politique, parce qu'enfin nous allons trouver les voies de
l'apaisement définitif et une mise en synergie de tous nos
moyens.
Avant de vous exposer la vision du Rinnovu pour un espace
nationaliste refondé, je vais revenir sur le passé contemporain
du nationalisme pour que les jeunes militants, ceux qui ont
aujourd'hui 20 ans comprennent ce qui s'est passé lorsque nous
nous avions 20 ans. Alors le nationalisme contemporain est
héritier de cette logique corse de résistance contre
l'oppression et surtout de l'héritage magnifique légué par
Pascal Paoli qui a fait il y a 2 siècles la première nation
libre du monde; cependant il nous a fallu 2 siècles pour
reprendre conscience de nos véritables valeurs et de nos
véritables droits. Il a fallu attendre dans les années 60, la
première invasion en grande masse, l'invasion des piedsnoirs,
pour qu'il y ait la prise en compte d'une identité nationale et
que germe dans nos esprits la volonté de résister. (...) Au
début, on l'a dit lors des débats préliminaires, ça a été ce que
a appelé u riaquistu culturale tout ce qu'on a voulu, mais a
germé une idée régionaliste : que la Corse pouvait être
elle-même, adossée à la nation française ; et il est né le
courant régionaloautonomiste qui a progressé et qui a développé
le sentiment national jusqu'au milieu des années 70. Ce courant
a, à un moment donné, montré ses limites et il y a eu dès 1976,
dâte historique, la création du FLNC par la volonté de la
jeunesse corse de trouver les voies et moyens de perpétuer le
combat séculaire qui avait été abandonné momentanément. Et le
FLNC s'est imposé sur le plan politique sur le plan militaire,
il a coexisté avec le courant régionaliste de manière
conflictuel au niveau des idées, mais de manière très amicale
pour ce qui concerne les rapports politiques. (...) Pendant très
longtemps le FLNC a imposé la ligne directrice. Le nationalisme
a continué à ce moment là à susciter un intérêt international,
un intérêt local, et une progression permanente jusqu'en 1992 où
il a atteint le maximum de ses scores électoraux (...). A ce
moment là, il y a eu déja les germes de la division, les germes
de la manipulation et de l'affrontement.
(...) Mais malgré tout on était en crise de croissance et le
score électoral a été au rendez vous, il a été sur un
rendez-vous électoral, mais il n'a pas été sur un rendez-vous
politique majeur car dès le lendemain, les divisions ont pris le
dessus, elles ont pris le dessus parce qu'à ce moment là, le
défaut majeur d'avoir une direction politico-militaire, c'est
d'avoir une direction occulte. C'est d'avoir des chefs qui sont
inconnus du grand public mais qui sont connus des cadres
dirigeants politiques et surtout c'est de permettre les
manipulations. Et à ce jeu là l'Etat français est le meilleur du
monde, un des plus aguerri, dans ce qui s'appelle la
manipulation mentale, globale, les manipulations d'opinion et
les retournements d'individus. De l'argent a été donné, et
surtout il y a eu un message clair qui a été donné par l'Etat à
tous les Flnc : soyez le premier nous discuterons avec vous ! Le
message était implicite, à défaut d'être explicite, il suffisait
que l'un ou l'autre des Flnc l'emporte pour qu'il devienne
l'interlocuteur final. (...) Et ça a été le début du déclin, le
début du déclin parce qu'au lieu d'engranger les fruits de 20
années de lutte politique, de conscientisation de la Corse, on
s'est évertuer, à partir de là, à travailler en contre les uns
les autres. Et on est arrivé au pire. On a tué des hommes, des
militants brillants, des militants courageux. Les uns par les
autres, sans savoir pourquoi. Ou du moins en se laissant
volontairement manipulé pour les uns, inconsciemment pour les
autres mais de manière néfaste dans la globalité. Ça c'est la
triste réalité du nationalisme des années 90.(...) Il a fallu
qu'il y ait un acte politique et militaire majeur, qui peut être
répréhensible sur le fond mais qui dans l'action est né de la
volonté de certains hommes de faire cessez cette guerre. Et cet
acte, ça a été l'assassinat du préfet Erignac. A partir de 1997
sans que les nationalistes en guerre discutent entre eux, ils se
sont naturellement arrêtés, les hostilités ont cessé, sans
qu'aucune trêve ou paix ait été déclarée, et c'est ce qui a
permis à ce moment là des rapprochements, et ce qui a permis
plus tard les accords de Migliaccariu.(...) On a essayé à partir
de 98, pour ce qui concerne le Rinnovu, de porter un message, un
message de refondation, un message de création d'un parti
pluriel à tendances. On a été peut-être à ce moment là trop
naïf, trop idéaliste (...) Il y a un an, nous avons été invités
aux Journées, nous sommes revenus pour la première fois depuis
15 ans pour porter ce message en expliquant qu'on ne faisait pas
de blocage qu'on ne faisait pas un refus, qu'on n'était pas là
pour aller en contre. On était là pour tout donner justement,
mais pour tout donner, il nous manquait encore quelque chose, ce
quelque chose c'est la confiance les uns les autres. Et c'est la
garantie que le projet en construction sera un projet politique
alternatif au service exclusif du peuple corse et qu'il ne soit
pas au service des hommes, des egos, et qu'il soit projetable
dans les générations futures. En clair, on l'a dit, on le
réaffirme ce soir, on était partant pour un mouvement fusionnel,
pour que les organisations issues des fractures du passé fassent
leur autocritique, fassent leur mea culpa et qu'elles soient
prètes à se dissoudre pour se refonder dans un espace populaire
qui soit à la dimension de l'enjeu et du chemin qu'il nous reste
à accomplir. (...) La société corse aujourd'hui c'est une
société qui est en pleine déliquescence et il y a l'Etat, un
Etat omniprésent qui favorise les divisions, qui organise la
Corse avec une suradministration volontaire et qui répartit des
mini-parcelles de pouvoirs à une multitude de relais et de
vassaux locaux. (...) ça c'est la volonté étatique, mais surtout
il y a les Corses compromis, il y a ces Corses compromis qui
font en permanence allégence; là aussi ils le font avec vice,
avec recherche de profit, ou avec naiveté ; mais ils le font
envers et contre tout , ils le font contre leurs intérêts , ils
le font contre les intérêts des Corses, ils le font contre les
intérêts de la nation Corse.(...) Donc il est important
aujourd'hui de savoir ce que l'on veut faire. Donc ne nous
trompons pas d'adversaires.(...) Restons sereins, redevenons
nous-mêmes, redevenons nous-mêmes car les enjeux sont très
importants. Il y a aujourd'hui en Corse une situation qui n'a
jamais été aussi négative.(...) La réalité économique c'est que
les Corses deviennent de plus en plus pauvres en Corse, il
arrive des étrangers riches qui s'accaparent toutes nos
richesses, que les Corses cèdent souvent à la tentation de la
spéculation. (...) Nous sommes dans une situation qui est
dramatique, on est, je pense, la dernière force vive consciente
de son destin et il nous appartient de le gérer avec une
efficacité politique que nous n'avons jamais eu dans le passé.
C'est pour cela qu'il devient obligatoire de constituer une
force politique alternative qui soit une force exemplaire. On ne
peut plus se contenter d'incantations creuses : parler
d'indépendance, parler d'autodétemination, parler d'autonomie,
de souveraineté, de la lutte contre la colonisation.
On doit donner un contenu. Les contenus ça va être
l'organisation du mouvement que l'on va faire, ça va être un
contenu sur deux axes : il va y avoir le message, le discours ;
le programme pour l'indépendance, pour la souveraineté.
Celui-ci sera clair, on va annoncer un but final, une
souveraineté pleine et entière, on va donner un axe à la lutte.
Surtout on va expliquer à nos partenaires potentiels du courant
“modéré” que nous sommes le progès et qu'ils sont eux dans
l'archaïsme. Car aujourd'hui réclamer un régionalisme avancé ou
une autonomie, c'est de la déraison. La lucidité aujourd'hui
c'est de comprendre que l'Europe de demain sera une Europe
fédérale. Des pays entiers sont en train de se démembrer,
l'Espagne, l'Angleterre, (...) Il ne va plus rester que la
France, et la France ne pourra rester dans l'Europe de demain
une entité souveraine de 70 millions d'habitants face à des
régions fédérales dont la plus grande ne dépassera pas 15
millions d'habitants. Dans ce contexte, il est évident que
l'Europe sera fédérale et qu'à ce titre la Corse a toute sa
place : car elle a le droit historique, elle a des frontières,
elle a un peuple, elle a une histoire, et elle a un destin à
accomplir. La Corse a autant de droit que Malte, autant de droit
que Chypre, autant de droit que le Kosovo, ou que la Macédoine.
(...) Dans ce contexte, on ne doit avoir aucun complexe, je
pense qu'on est l'incarnation d'un peuple vaillant, d'un peuple
dynamique, d'un peuple combattant qui se projette dans l'avenir.
Se projeter c'est être persuadé que la Corse de demain, du jour
au lendemain, sera plus riche que la Corse avec la France.
La France n'a rien fait d'autre que nous anéantir, de nous
oppresser, les institutions françaises en Corse sont le poids
économique qui nous empêche le développement.(...) Dans ces
conditions là, il faut se dire que l'heure elle est à lutte,
elle n'est pas à la figuration, elle n'est pas à des discours
soft, elle n'est pas à l'asservissement, elle n'est pas à la
complaisance. Notre objectif c'est de créer une force politique
qui soit non seulement une force alternative au système en
place, mais ça doit être une force qui sera une force de
gouvernement, le prochain mouvement doit avoir une ossature
politique qui permette à la fois aux Corses et à nos
interlocuteurs internationaux de comprendre que nous avons les
capacités humaines, politiques, physiques d'imposer un rapport
de force et de faire comprendre à notre propre peuple qu'il fera
mieux vivre à nos cotés avec nos propositions qu'avec la France
, avec son système colonial, et avec la déchéance à laquelle
elle nous conduit chaque jour.(...) Dans ce contexte, il ne
faudra pas qu'on se trompe, il ne faudra pas penser que les
militants dans une assemblée comme aujourd'hui pourront déléguer
à un exécutif, fut-il collégial et pluriel. Non. Il faudra une
pratique au quotidien, démocratique, une expression des
minorités, un croisement des idées, des discussions pour qu'on
trouve les voies d'un consensus global, a minima, sur le projet
politique.
Photo U Ribombu
(...) Dans ce contexte, il n' y aura pas de place au doute,
chaque militant devra comprendre qu'il devra retrouver une place
active, il ne pourra plus être un spectateur, on aura besoin de
tout le monde. On ne pourra pas se contenter d'une délégation et
de critiquer derrière. Il faudra redevenir des militants de
sections, des militants de région. On aura besoin d'une masse
énorme, car le chantier d'un projet de gouvernement a besoin de
tout le monde. A tous les étages, dans toutes les compétences,
dans toutes les classes sociales, toutes les couches de la
société, tous les horizons: ça c'est un projet que
malheureusement on fait peut-être avec 10 ans de retard, mais on
sera obligé de le faire sans rien oublier et en ne sacrifiant
aucun principe. Tout ceci pourquoi ? Parce qu'on est dans une
lutte révolutionnaire et qu'aujourd'hui il y a 70 prisonniers,
il y a plusieurs personnes qui sont condamnés à de longues
peines et si l'on se projette sur la situation unique
d'aujourd'hui, ils sont condamnés à mourir en prison car ne
sommes en Corse sur une dynamique de victoire. Pour ces
militants, pour tous ceux qui font le sacrifice suprême, nous
sommes condamnés à avoir une solution politique qui soit
efficace qui fasse fi de toutes les erreurs, qui oblige les
militants qui ont commis ces fautes à prendre leur responsabilité
et à ne pas hypothéqué la lutte de demain. Ça c'est un gage, ça
ne sera écrit nulle part, mais ça sera dans la conscience de
chacun : on ne doit plus faire les erreurs d'hier. (...) Il faut
que chacun ait la conscience de ce qu'il a fait de bien, de ce
qu'il a fait de mal et surtout de ce qu'il lui reste à faire.
Pour notre part on prend l'engagement solennel de se mettre
exclusivement au service de la refondation et de faire fi de
notre personne, d'être prêt à tous les sacrifices, à une
condition qu'on soit tous les uns derrière les autres qu'il n'y
ait pas d'un coté ceux qui regardent et de l'autre coté ceux qui
font. Alors aujourd'hui je crois que notre route est tracée, ce
sera une route sans aucune compromission, avec des objectifs
clairs. La première étape qu'on doit annoncer dans une feuille
de route de reconquête de l'indépendance, ça va être dans
l'immédiat des mesures protectionnistes pour que cesse la
spéculation en Corse. (...)
Pour cela il faudra très rapidement, une avancée
institutionnelle qui définisse une citoyenneté territoriale qui
débouchera rapidement sur une nationalité.
La France l'a déjà fait pour la Nouvelle Calédonie, il n'y a pas
de raisons qu'elle ne le fasse pas pour la Corse, ça sera la
seule solution, il faut règlementer les échanges en Corse, nous
n'avons pas les moyens de lutter contre le grand capital. Nos
seuls moyens, ce sont ceux qui choisi la voie du sacrifice, ce
sont des moyens qui sont difficiles, on salue le courage de ces
militants qui essayent, par ce que l'on appelle la voire de la
violence, de s'opposer à ces dérives. Mais seuls ils n'y
arriveront pas. Parce qu'ils seront, s'ils restent seuls, dans
la voie de la marginalisation, ils seront arrêtés, châtiés,
punis, déportés. Lorsque vous regardez l'amplitude des peines de
prison sur ces militants sincères et dévoués, lorsque vous
regardez les peine de 15 pour des attentats symboliques, vous
prenez la mesure de la séparation qu'il y a entre les
incantations verbeuses d'un nationalisme soft et la réalité du
sacrifice des combattants nationalistes.
Dans ce contexte, je vous renvoie la balle à vous les militants,
je vous demande de vous investir, de prendre la chemin de la
militance, de revenir. Il est certain qu'il y a du scepticisme.
Les nationalistes, le nationalisme a commis tellement de fautes
à vos yeux, aux yeux de l'opinion, qu'on peut-être sceptique.
Mais le nationalisme a permis tellement d'avancées, qui sont
tellement fortes par rapport à ces dérives qu'il faut redonner
une chance. Une chance pour qu'il y ait l'organisation d'un
espace politique qui soit à la hauteur de l'enjeu. Il faut
obliger ceux qui prendront le mauvais chemin à revenir, il
faudra leur laisser toute la latitude pour qu'il prennent
conscience qu'il n'y a qu'une voie.
C'est la voie de la lutte, la voie de la sincérité, la voie de
l'honnêteté. C'est probablement la voie du sacrifice, mais à une
condition, c'est qu'il y ait une finalité : la souveraineté
pleine et entière d'une Corse qui reprenne toute sa place.
EVIVA A LOTTA ! EVIVA A RESISTENZA !
© U Ribombu
Internaziunale — 2008
Publié le 1er octobre 2008 avec l'aimable autorisation d'U
Ribombu
|