14 novembre 2008
Le Séminaire international
“Audit de la dette en Amérique latine” a été réalisé du 12 au 14
novembre 2008 à Brasilia. Pendant le séjour des invités
étrangers, le Président de la Chambre des Députés a reçu en
audience une délégation équatorienne qui a expliqué l’importance
de l’audit en Equateur et sa signification pour l’Amérique
latine. La délégation a exprimé le souhait que le Brésil se
prête à une procédure similaire, en respect de la Constitution
fédérale de 1988 qui prescrit la réalisation d’un audit.
Vous trouverez ci-dessous le communiqué approuvé en fin de
séminaire par les personnes présentes.
Le communiqué est également disponible en portugais sur
Internet :
http://www.divida-auditoriacidada.org.br/
Des
représentants d’entités d’Equateur, du Brésil, d’Argentine, du
Paraguay, du Pérou, de Bolivie, de Belgique et de réseaux
internationaux tels que le CLAI (Conseil latino-américain
d’Eglises), Latindadd (Réseau latino-américain sur la Dette, de
Développement et le Droit), Jubilé Sud Amériques et le CADTM
(Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) se sont
réunis du 12 au 14 novembre 2008 au Séminaire International
“Audit de la dette en Amérique latine” pour informer de l’audit
officiel effectué par le gouvernement équatorien, ainsi que
d’autres initiatives qui sont en train d’éclore. Ils félicitent
tous les gouvernements et mouvements sociaux d’Amérique latine
qui s’unissent dans cet effort.
L’Amérique latine vit une époque
d’avancées sur le chemin de la libération de ses peuples.
Soulignons particulièrement la réalisation, de la part du
gouvernement équatorien, de l’Audit intégral de la dette externe
et externe (CAIC) dont le rapport final sera présenté
publiquement à Quito par le Président Rafael Correa, le 20
novembre 2008. Cet audit traduit la volonté politique souveraine
des peuples d’Equateur de connaître la vérité sur la dette afin
d’être en mesure de décider de ce qu’il faut faire par rapport à
ce processus [de remboursement de la dette] qui génère le
sacrifice des droits de la majeure partie de la population.
Signification politique des audits de la dette
La crise du système capitaliste,
mise en évidence par la crise financière, économique,
environnementale, alimentaire et sociale est subie en premier
lieu, une fois de plus, par les plus pauvres. Pour cette raison,
cette crise représente un moment opportun pour montrer à la
société les interférences et la domination des institutions
financières sur les pays qui se sont endettés.
L’audit est un instrument qui
révèle la vérité sur le processus d’endettement, et qui aide à
démontrer la “fausseté” [spéculation, mensonges ...] du système
capitaliste et la corruption qui le caractérisent. Cet
instrument démontre la violation de la souveraineté, les
impositions et clauses abusives, révélant la manière dont tous
les processus de renégociation et de recyclage de la dette ont
été des instruments de vol qui ont impliqué l’augmentation de la
dette. Contrairement à ce que disent le gouvernement et les
médias, la dette publique n’est pas une histoire terminée ; elle
continue à constituer chaque jour davantage le centre des
problèmes nationaux et elle représente le socle des réformes
néolibérales.
La signification politique de
l’audit est de rendre publique la co-responsabilité dans
l’endettement à la fois des pays prêteurs et des gouvernements
du Sud, en montrant que cette dette a déjà été remboursée et
qu’en réalité, nous en sommes les créanciers. L’audit révèle les
asymétries entre les pays, approfondies par les relations
d’endettement ; mais il peut également faire en sorte que ces
asymétries ne se reproduisent plus, et aider à développer un
processus éducatif qui permet de certifier aux peuples que la
dette est frauduleuse et illégitime.
L’audit de la dette est un des
instruments qui permettent de reconquérir la souveraineté. En
devenant officiel, avec la participation de la société civile,
comme dans le cas de l’Equateur, il signifie la victoire des
organisations sociales. La lutte ne s’arrête pas à l’audit mais
il est une arme importante pour affronter la dette et contrer la
réforme libérale de l’Etat, et il doit être associé aux luttes
plus larges en faveur des droits humains et des transformations
structurelles de la société. Sur base des audits, les
gouvernements peuvent décréter de façon souveraine l’annulation
de la dette illégitime.
Stratégies
d’action
Face à cette situation, les
débats tenus lors du séminaire ont mené aux propositions
suivantes :
Diffuser
largement, dans tous les pays d’Amérique latine, l’audit
officiel réalisé en Equateur (CAIC) afin de susciter
l’enthousiasme autour de ce processus ; diffuser également les
conquêtes sociales présentes dans la Constitution équatorienne
et lutter pour que soient ajoutées aux Constitutions des autres
pays, des règles qui interdisent l’endettement illégal et
illégitime.
Diffuser
d’autres initiatives d’audit (Paraguay, Argentine, Pérou) et
l’Audit Citoyen de la Dette.
Faire
connaître la position de la Norvège qui a reconnu sa
co-responsabilité dans des prêts illégitimes à cinq pays –
Equateur, Egypte, Pérou et Sierra Leone – et a annulé
unilatéralement la dette.
Créer
davantage de possibilités d’études et de débats sur la dette
dans tous les secteurs et organisations sociales, les syndicats,
les églises, les universités, afin de provoquer des
mobilisations, des actions, des alliances ; chercher des
sympatisants.
Développer
des stratégies pour intégrer les médias et créer des réseaux
d’information alternatifs, via Internet et des publications
populaires.
Faire en
sorte que chaque groupe fasse le lien entre ses luttes
spécifiques et la problématique de la dette.
Réaliser une
activité qui permette à ceux qui le désirent d’acquérir les
capacités nécessaires à un travail d’audit, via la
“socialisation” de la méthodologie utilisée pour l’audit de la
dette équatorienne.
Systématiser
les expériences d’audit de la dette et, avec pour base
l’expérience équatorienne, construire une méthodologie d’audit
intégral de la dette, comprenant des exemples de cas concrets
d’audit et classant les différentes pénalités encourues par les
cas de prêts illégitimes en cours.
Créer un
manuel permettant de guider l’obtention de prêts, basé sur les
découvertes de la CAIC et d’autres audits, et qui puisse être
utilisé par les mouvements sociaux dans le cadre d’un contrôle
social de tout le processus d’endettement.
Marcher dans
la direction de la constitution d’un forum constitué des
mouvements sociaux qui réclament la réalisation d’audits de la
dette ; établir un programme pour ce forum, prévoyant les
ressources nécessaires.
Effectuer une
pression citoyenne sur les parlements en faveur d’audits
officiels, via des comités provinciaux [correspond aux
différents Etats du Brésil], régionaux et nationaux.
Faire une
évaluation des luttes et approfondir le débat sur la dette en
Amérique latine au prochain Forum Social Mondial de Belém,
Brésil.
Construire un
ensemble d’indicateurs sociaux, en établissant un lien entre la
dette et les droits humains, l’exclusion sociale et d’autres
aspects sociaux affectés par l’endettement public.
Travailler à
convaincre le gouvernement équatorien de proposer que les
gouvernements des autres pays réalisent des audits pour
construire les arguments en faveur du non-paiement de la dette
illégitime.
Demander aux
membres du CAIC que, lorsque leur rapport sera publié, ils
fassent en sorte de placer leur expérience à la disposition des
autres pays, créant des possibilités de rencontres entre les
personnes des différents mouvements sociaux et gouvernements de
la région.
Exiger de la
part des autorités qui ont pour fonction d’accompagner le
processus d’endettement, qu’elles assument leurs
responsabilités.
Avancer dans
le processus de judiciarisation de la dette.
Consolider la
solidarité avec l’Equateur et le Paraguay dans leurs
réclamations contre des contrats abusifs conclus avec des
entreprises brésiliennes, telles que Odebrecht et Electrobrás
(le cas Itaipu) ; entreprendre des audits sur ces cas et exiger
des sanctions, des solutions justes et des réparations.
Relier la
lutte pour les audits avec la construction d’un nouvel ordre
financier régional et international.
Approfondir
les études et travaux en lien avec la crise actuelle, en
dénonçant l’usage de moyens publics pour sauver les grandes
banques spéculatrices qui provoquent l’augmentation de la
pauvreté et de l’exclusion de nos populations
Exiger que
les institutions et pays prêteurs remboursent leurs dettes
également aux pays du Sud.
Rechercher
une plus grande implication des réseaux et institutions.
Réaliser un
événement de planification d’actions communes.
S’étant fixé ces tâches et
objectifs, les mouvements sociaux, promoteurs et participants de
ce Séminaire International, souhaitent et espèrent pouvoir
compter sur l’adhésion de davantage de forces politiques des
peuples latino-américains, afin de mettre en place des audits
des dettes externes et internes permettant d’accélérer la
libération de ces peuples contre la domination et la
paupérisation qu’elles représentent.
Brasília,
14 novembre 2008
Traduit par Alice Minette