|
Caracas
Chavez, Nasser et Lumumba ensemble
Thierry Deronne
Septembre 2007
Août 2007. Le Sommet
Social de Caracas accueille les fils de Gamal Abdel Nasser et de
Patrice Lumumba. Abdul Hakim Nasser rappelle les conditions
difficiles dans lesquelles son père lança la révolution égyptienne
dans les années 60 et l´effort tout particulier placé dans la
gratuité de l´éducation, comme aujourd´hui au Vénézuela.
Roland Lumumba dénonce “le monopole privé des médias, ce mur
de Berlin entre les peuples du Sud”. Lors de leur rencontre avec
le président vénézuélien, les africains l´associent d´emblée
aux luttes pour l´indépendance de leurs pères. Nasser le
remercie pour son clair appui au peuple libanais lors de l´agression
d´Israël : “Vous êtes perçu aujourd´hui comme un héros
dans tous les pays arabes”. “Nous savons ce que ressent,
profondément, le peuple arabe”, leur répond Hugo Chávez,
”il faut que renaisse avec force la thèse du socialisme arabe développée
par Gamal Nasser”.
Les
affiches qui réunissent Nasser et Chávez dans les rues de
Beyrouth., rappellent les nombreux points communs entre les deux
hommes. Passion pour la révolution française. Refus de la misère
et de la dépendance pour leur peuple. Probité personnelle. Tous
deux ont initié sans bain de sang, sans terreur, des réformes
agraires, de vastes campagnes d´éducation, les nationalisations
de banques, d´industries, de ressources pétrolières. Certes
Nasser limita les activités des partis politiques. Pas Chavez, légitimé
par une dizaine de scrutins validés par les observateurs
internationaux. En politique étrangère on voit la continuité
entre
la Conférence
de Bandoeng (1955) qui convertit Nasser en un des leaders des non
alignés, et la politique multipolaire des venezueliens - PetroSur,
TeleSur, Banque du Sud. L´Union des républiques latino-américaines
chère á Chávez fait écho á
la République Arabe
Unie de Nasser.
La
ressemblance ne s´arrête pas lá. Les deux processus subissent
la même propagande occidentale. Un récent article du Monde
Diplomatique (1) rappelle que lorsqu´Israel occupe le Sinaï en
1967, c´est Nasser et le monde arabe que les journalistes français
accusent d’agression. Isolé, le général de Gaulle aura beau
expliquer qu´”Israël organise, sur les territoires qu’il
a pris, l’occupation qui ne peut aller sans oppression, répression,
expulsions ; et il s’y manifeste contre lui une résistance
qu’à son tour il qualifie de terrorisme ». Les médias
français, du Nouvel Observateur au Figaro, font d´Israël la
victime de Nasser et jettent des milliers de manifestants dans la
rue pour appuyer la guerre.
Une
campagne identique, efficace, prétend faire de la révolution démocratique
de Chavez une “menace totalitaire”. Le 7 janvier 2007 Lamia
Oualalou du Figaro déplore le fait que l´opposition vénézuélienne
“ait de moins en moins d´espace pour s´exprimer”. Le 8
janvier les Échos dénoncent “l´autoritarisme croissant de
Chavez”. Le 9 janvier, le Monde attaque sur les “pouvoirs spéciaux
de Chavez”. Or qu´en est-il sept mois plus tard ?
Non seulement la “dernière télévision indépendante fermée
par Chavez” émet toujours mais les 70 % du spectre radio-électrique
sont aux mains de l´opposition, comme la majorité des radios et
de la presse écrite vénézuéliennes. Certains de ces médias
ont l´appui financier des Etats-Unis (via
la Ned
, société-écran de
la CIA
). Reuters, AP, CNN ou Fox les relaient partout sur la planète,
ce qui explique que 95 % des “informations” transmises sur le
Venezuela reflètent, en France, les vues de la droite vénézuélienne.
Quant aux “pouvoirs spéciaux” accordés au président par le
parlement, et présentés par ces médias comme une “dérive
autoritaire”, ils ont simplement permis d´accélérer les
nationalisations du téléphone, de l´électricité, de bassins pétroliers
afin de stimuler le développement national. Au Venezuela, en
septembre 2007, les rues bruissent a nouveau de discussions, d´assemblées
populaires, sur le thème de la nouvelle constitution, qui, si
elle est approuvée par référendum populaire en décembre 2007,
instaurera le pouvoir communal comme pilier de l´État et la réduction
du temps de travail. Le Figaro, le Monde, Libération et
Charlie-Hebdo ont déjà leur version de cette fête démocratique
et vont la marteler d´ici décembre 2007 : “Chavez-président-á-vie”.
Un des articles soumis au vote populaire instaurerait un droit
dont jouissent déjà les populations du Royaume-Uni, de France, d´Espagne,
d´Allemagne, d´Autriche, d´Irlande, d´Italie ou du Portugal :
celui de réélire le président ou le premier ministre de leur
choix autant de fois qu´elles en ont l´envie.
La
démocratisation du spectre radio-électrique, la gestion
participative des municipalités et des politiques publiques, le
boom économique et la baisse de la pauvreté, la reconstruction
des services publics au Venezuela, n´intéressent pas la majorité
des journalistes européens. Edward Saïd note que dès les années
50 les études occidentales sur la modernité refusaient de
prendre en compte les nationalismes arabes, l´Egypte de Gamal
Abdel Nasser, l´Indonésie de Sukarno, les nationalistes
palestiniens, etc...(2) La gauche qui regarde le vingt heures préfère
le social-libéralisme de Lula et de Bachelet, voire le
“contre-pouvoir” zapatiste. Oubliant d´analyser l´abandon de
la réforme agraire au Brésil, le creusement des inégalités au
Chili, la perte d´influence de Marcos au Mexique. Alors que le
mouvement nassérien libanais s´intéresse de près au modèle
venezuelien et au renforcement de l´État comme régulateur du
marché, cette gauche postmoderne s´enferme dans une vision
parcellaire et dans la récupération multiculturelle (mes
travailleurs, mes femmes, mes indigènes..). Incapable de voir
le phénomène comme un tout historique, porteur d´avenir pour l´Humanité.
Elle va même jusqu´á donner des leçons de démocratie (déguisées
en critique de gauche) á un “militaire ex-putschiste” qui en
huit ans a fait plus pour l´égalité politique et les libertés
sociales, économiques que n´importe quel autre homme d´État.
Elle a oublié que son propre avenir passait par l´alliance avec
ces républiques sociales, ces nationalismes démocratiques et ces
États nouveaux pétris d´idées socialistes qui naissent sous
les espèces du bolivarisme et du nassérisme (3).
Thierry
Deronne, Caracas, septembre 2007.
- “Même
de Gaulle était isolé”, par Alexis Berg et Dominique Vidal,
le Monde diplomatique, août 2007, http://www.monde-diplomatique.fr/2007/06/BERG/14839
- “Covering
Islam”, Edward G. Saïd, Random House Mondadori, 2006, p.
128.
- Un
islamisme ouvert sur sa gauche : l´émergence d´un nouveau
tiers-mondisme arabe ? Par Nicolas Dot Pouillard. http://www.mouvements.asso.fr/spip.php?article127
Thierry
Deronne
Vicepresidencia de Producción
BLOG : http://www.vive-fr.org/blog/
Cel
00584164198614
www.vive.gov.ve
|