L’opposition remporte des victoires déterminantes
L’opposition au processus révolutionnaire remporte les États
du Zulia, de Carabobo, de Nueva Esparta, du Táchira, de
Miranda, ainsi que la mairie de la grande Caracas.
Nueva Esparta et Táchira ont
une importance stratégique. Le premier est un ensemble
d’îles dont l’île Marguerite est la plus importante. C’est
le plus petit État du Venezuela, mais il revêt un caractère
très important pour son insularité et sa proximité avec les
îles des Antilles. Cette position stratégique est renforcée
par la présence de la IV flotte des États-Unis dans la mer
des Caraïbes. Le gouverneur élu (un membre du parti Accion
Democratica) l’a déjà été pendant 10 ans. Il est réélu pour
4 ans.
La perte de l’État du
Táchira pourrait avoir des conséquences désastreuses.
Frontalier avec la Colombie, c’est un des deux États (avec
le Zulia contrôlé aussi par l’opposition) par lequel
transite toute la contrebande venant du pays voisin. Plus
grave encore c’est un État occupé militairement de manière
partielle par la Colombie à travers ses organisations
paramilitaires [1].
Comme d’une part, celles-ci ont réglé le problème de
l’insécurité au moyen de la terreur fasciste et de
couvre-feux imposés à la population et que d’autre part
l’insécurité est l’axe central du nouveau gouverneur (issu
du parti COPEI), on peut légitimement craindre une expansion
de ce problème et une violation croissante de la
souveraineté du territoire vénézuélien par un corps d’armée
étranger. Notons aussi qu’avec le maintien du Zulia dans le
camp de l’opposition, les deux États régionaux qui
entretiennent les relations les plus importantes avec le
voisin colombien maintiendront désormais une proximité
idéologique. L’étau se resserre sur le Venezuela bolivarien.
Les États Nueva Estparta et
Tachira sont des pertes stratégiques mais ne constituent pas
les revers les plus importants pour la Révolution
bolivarienne lors de ces élections régionales et
municipales. Les États du Zulia, de Miranda, et de Carabobo
sont les États les plus peuplés du Venezuela, n’étant
dépassés en nombre que par la mairie de la grande Caracas
également aux mains de l’opposition. Ce sont des États très
riches qui concentrent une bonne partie de l’industrie
vénézuélienne.
Dans le cas du Zulia, on
pense bien sur à l’industrie pétrolière mais aussi aux
tentatives difficiles de réformes agraires bloquées par
Manuel Rosales durant 8 ans, politique que continuera son
dauphin, le gouverneur Pablo Perez.
L’État du Carabobo compte
sur son territoire de très nombreuses industries privées
(nationales et internationales) qui en font le poumon
industriel du pays, et possède le deuxième port de
marchandises du Venezuela (Puerto Cabello).
Quant à l’État du Miranda,
il englobe quatre mairies de Caracas sur cinq, dont la
mairie qui dispose des ressources les plus importantes par
habitant de toute l’Amérique Latine (Chacao – fief de
l’opposition). Si l’on ajoute à cela que les quatre mairies
de Caracas qui dépendent de l’État du Miranda ont toutes été
gagnées par l’opposition, on comprend aisément comment la
grande mairie qui chapeaute les cinq mairies qui constituent
Caracas soit passée elle aussi à l’opposition.
Si nous insistons sur la
richesse de ces États régionaux, c’est pour souligner
l’importance des ressources dont disposeront les gouverneurs
d’opposition à travers les impôts régionaux. De plus, la
Constitution oblige par ses articles 167
et 179, l’État central à financer les États régionaux et les
Municipios à hauteur de 20 % de ses rentrées fiscales. 70 %
de ce montant est réparti en fonction de la population des
États régionaux. Autrement dit, comme les États les plus
peuplés ont été gagnés par l’opposition, le gouvernement
bolivarien va devoir financer les prochaines campagnes que
les partis d’opposition mèneront contre lui. Cette manne
financière (répartition de l’assiette fiscale de l’État pour
les régions de l’opposition et impôts régionaux) ne
manqueront pas d’avoir des répercussions sur les prochaines
campagnes nationales ainsi que sur le renforcement de la
structure des partis d’opposition.
Comment en est-on arrivé
là ? Le Peuple aurait-il abandonné Chavez comme s’empressent
à le souligner certains employés des entreprises de
communication transnationales ?
Le discours et les faits
À
regarder les résultats de plus prés [2],
on se rend compte que les résultats des bureaux de vote des
quartiers populaires de tous les États régionaux ou mairies
gagnés par l’opposition (et surtout Caracas) démentent les
affirmations de certains media transnationaux. Le chavisme y
gagne largement, mais avec un faible taux de participation.
En revanche, les quartiers de classe moyenne, où vit une
population moins nombreuse ont fait le plein de vote pour
l’opposition. Exemple type, la mairie de Baruta dans
Caracas, où vit une population de classe moyenne a
enregistré une différence de 94 868 voix en faveur de
l’opposition plaçant le candidat de l’opposition en tête
avec 83.08 %.
Ces chiffres doivent selon
nous s’interpréter de la même manière : selon l’espace entre
le discours et les faits. Faire coller les actes avec les
discours dans le cas de la classe moyenne, et faire coller
les discours aux actes dans le cas des classes populaires.
Dans le cas des classes
moyennes, le gouvernement bolivarien est certainement celui
qui a le plus fait pour protéger le peu de propriétés de
cette classe sociale. Aide aux crédits immobiliers,
suppression de la TVA sur les vente d’automobiles, politique
de crédit pour monter (ou renforcer) leurs commerces. Des
cliniques publiques ont été construites dans leur quartier,
des marchés alimentaires publics à prix réduits se tiennent
dans leurs quartiers, des écoles bolivariennes publiques
accueillent leurs enfants. Les prix des écoles privées ont
été gelés par le gouvernement leur permettant ainsi d’avoir
une alternative aux écoles bolivariennes… etc. Mais surtout,
le gouvernement a assuré une stabilité du système bancaire
qui leur a permis d’épargner en toute tranquillité [3].
Malgré les réalisations faites pour les classes moyennes par
le gouvernement bolivarien, celles-ci se maintiennent dans
une haine antichaviste largement exploitée par les media. Il
ne s’agit pourtant pas d’oligarques ni de propriétaires de
moyen de production. Parfois, la frontière qui sépare la
grande majorité des classes moyennes (basses et moyennes) de
certaines classes populaires est plus liée à des questions
d’espaces urbains qu’à des conditions économiques réellement
différentes. Il conviendrait certainement pour le
gouvernement et le PSUV d’apaiser la rhétorique contre les
classes moyennes, ou tout au moins de la mettre en
adéquation avec la politique avantageuse qu’ils mènent pour
cette classe sociale.
De la même manière, si les
classes populaires ont largement voté pour le PSUV, elles
l’ont faites dans une faible mobilisation. Là aussi, il
convient de faire coller les actes et les réalisations
sociales à la rhétorique socialiste du Pouvoir populaire et
de l’amélioration des conditions de vie. Les défaites du
PSUV s’expliquent par des mauvaises gestions locales et
régionales (pourtant réalisées par des militaires très
proches de Chavez qui avaient même participé aux coups
d’État de 1992). Plus que d’appuyer la loyauté au chef de
l’État, les électeurs ont préféré sanctionner l’incompétence
en matière de gestion publique, notamment pour ce qui traite
de la sécurité, du logement, de la collecte des ordures, des
transports, etc… Problème qui selon de nombreux instituts de
sondages vénézuéliens arrivent en tête des préoccupations
des habitants des grandes villes devant l’emploi !
En bref, le discours
politique devra désormais marcher de pair avec la réalité du
processus pour reconquérir les électeurs perdus des classes
moyennes et populaires.
Une victoire de la démocratie ?
Les
porte-parole des partis politiques, du Centre National
Électoral, les élus et observateurs se sont tous accordés
pour dire que la grande gagnante de ces élections, au delà
des résultats, fut la Démocratie. Est-ce si sûr ?
Nous pensons qu’il s’agit
surtout d’une victoire quant à l’acceptation du système
électoral par les Vénézuéliens. Mais qu’en est-il alors de
la fameuse démocratie participative et protagonique ?
N’est-elle plus digne de définir elle aussi le contenu de la
Démocratie vénézuélienne ?
De plus, si l’on s’attarde
sur la journée électorale, en effet, on ne trouve plus les
fraudes régulières qui étaient commises avant l’arrivée de
Chavez au pouvoir mais certains aspects d’un système
démocratique représentatif parfait tiennent de l’absurde. La
loi électorale vénézuélienne stipule que les bureaux de vote
ne peuvent fermer tant qu’il y a un électeur dans la file
d’attente. Les résultats serrés vers la fin de la journée
électorale ont échauffé les esprits. Pour ne citer que deux
exemples, on a pu voir ainsi des militants de Manuel Rosales
dans le Zulia vider les hôpitaux dans les dernières minutes
pour emmener voter des personnes en fauteuils roulant ou
carrément sur des brancards.
Ces pratiques électoralistes
ont pu être vu aussi dans le camp chaviste. À Caracas, les
militants du PSUV se chargèrent de faire descendre des
collines ceux qui n’avaient pas encore voté dans les
derniers instants. Du coup, au lieu de fermer à 16 h,
beaucoup de bureaux de vote fermèrent avec le dernier
électeur aux alentours de 21 h. Rien à dire sur les méthodes
(après tout, chaque parti pouvait ou vider les hôpitaux ou
faire une campagne basée sur le remords), il s’agit de
militantisme. Mais pour ce qui est de la démocratie en tant
que telle, cela ressemble plus à un cirque qu’à des
décisions prises par des citoyens rationnels. Le système
représentatif ne peut à lui seul être garant de la
démocratie. De plus, là où l’opposition n’a pas gagné mais
n’a pas non plus été écrasé, on a vu se dérouler des
manifestations violentes pour contester les résultats comme
ce fut le cas dans l’État du Barinas ou dans la ville de
Maracay. Autrement dit, lorsque le résultat ne les favorise
pas, les militants de l’opposition n’acceptent toujours pas
le système de démocratie représentative vénézuélien.
D’autre part, les États-Unis
ont investi dans cette campagne électorale plus de 4.7
millions de dollars pour l’année 2008 [4].
Depuis maintenant dix ans, en toute illégalité l’agence du
département d’État (USAID) [5]et
la Fondation Nationale pour la Démocratie (NED) [6]
ont déversé plus de 50 millions de dollars aux partis
politiques d’opposition, chaînes de télévision commerciales,
ONGs d’opposition, associations, etc… Ces deux dernières
années, l’accent a été mis sur les étudiants et les
personnes des classes populaires notamment avec la création
de dizaines d’associations à Petare, le grand quartier
populaire de l’Est de Caracas…. Le travail a bien
fonctionné. Peut-on alors parler de Démocratie lorsque un
État étranger investit des dizaines de millions de dollars
pour corrompre les électeurs vénézuéliens afin qu’ils
choisissent des candidats favorables à leurs intérêts ? Pour
parler de réussite démocratique, il faudrait d’abord
respecter les règlements préalables aux conditions qui
assurent le bon déroulement de la démocratie. Le
gouvernement bolivarien est ici le seul coupable de cette
ingérence pour ne pas avoir encore expulsé les agences
états-uniennes, qui depuis plus de 6 ans, sont basées à
Caracas pour financer l’opposition, les étudiants de droite,
des mouvements ultralibéraux dans les barrios, etc. Les
exemples chilien ou nicaraguayen, yougoslave ou ukrainien
montrent bien que ces politiques sont souvent couronnées de
succès.
Consécration de la
démocratie vénézuélienne, nous dis-t-on. Qui a donc été
élu ?
Dans le Zulia, Manuel
Rosales, qui au nom de tous les gouverneurs du Venezuela,
avait ratifié le coup d’État d’avril 2002 a été élu à
Maracaibo et a réussi à placer un pantin à ses ordres comme
gouverneur de l’État.
Dans l’État du Miranda a été
élu Capriles Radonski. Celui-là même qui main dans la main
avec les terroristes tortionnaires d’extrême droite,
Salvador Romani et Henry Lopez Sisco, avaient donné l’assaut
à l’ambassade de Cuba, le 12 avril 2002. Le monde du
fascisme est assez petit puisque Lopez Sisco était un ancien
collègue des terroristes Posada Cariles [7]et
Orlando Bosh ; et ancien responsable de la sécurité de
l’État du Zulia dirigé par…Manuel Rosales. Comme si ses
relations amicales ne suffisaient pas, lorsqu’il était à la
tête de la mairie de Baruta, Capriles Radonski a signé des
accords de coopération entre sa police municipale et le FBI
états-unien. Entre le FBI et les pires fascistes du
continent, on peut deviner les lignes de sa nouvelle
politique sécuritaire.
Antonio Ledezma, nouveau
maire de la grande mairie de Caracas, est un grand
démocrate…
En 2002, il participe au
coup d’État et au sabotage économique qui le suivi. En 2004,
il fait parti des groupuscules fascistes qui contestent la
légitimité du résultat au referendum révocatoire. Il est
membre fondateur du Commando national de la Résistance,
collectif d’extrême droite prônant la violence et la
non-reconnaissance du gouvernement bolivarien. En 2005, il
est l’un des promoteurs du boycott des élections
législatives. En 2007, il fut le promoteur de la « marche
sans retour », qui initiait une série de manifestations une
semaine avant le référendum sur la proposition de réforme
partielle de la Constitution. La
consigne donnée aux manifestants était de « faire des
provisions et de se préparer » parce qu’ils n’accepteraient
jamais la dictature. Il fallait évidemment comprendre une
possible victoire du « Oui » au référendum.
Dans l’État du Carabobo, le
gouverneur élu, Henrique Salas Feo est le fils de Henrique
Salas Römer. Le papa est un patriarche de la région,
multimillionaire, et ancien candidat contre Chavez aux
élections de 1998. Le 7 mai 2008, il affirmait dans les
colonnes du journal El Universal, que
l’autonomie est une alternative au gouvernement de Chavez et
déclarait : « Ainsi, les revenus pétroliers ne passeront
plus par le pouvoir central et iront directement aux
régions. » [8]
Sans commentaires.
En bon chef de seigneurie
féodale, il a légué sa succession à son fils non sans donner
le ton de la politique à suivre.
Voila donc le visage de
quelques uns des nouveaux "démocrates" qui dirigeront
certains des États les plus importants du Venezuela. Le
fascisme étant comme la toux, difficile d’occulter, dés le
mardi 25 novembre des actes d’intimidations et de violences
contre les institutions nationales étaient perpétrées par
les militants d’opposition. Principale cible : les missions
d’éducations, Barrio Adentro et les médecins cubains, les
sièges des Conseils Communaux, les Universités crées par le
gouvernement bolivarien… Leur but est d’interdire l’accès
des différentes initiatives impulsés par le Peuple et le
gouvernement aux installations dépendant des régions ou des
mairies qu’ils contrôlent [9].
Toutes ces actions se sont déroulées…. à peine 36 heures
après la victoire de ces membres de l’opposition.
Ils leur restent 35 040
heures de gestion avant la prochaine élection.
« On vit tranquille aussi
dans les cachots, en-est ce assez pour s’y trouver bien »
répondait Rousseau à Hobbes…