CUBA SOLIDARITY PROJECT
La
démocratie existe-t-elle à Cuba ?
Pascual Serrano
26
octobre 2007
Chronique électorale depuis
La Havane
Aujourd’hui nous sommes le dimanche 21 octobre
(2007) et j’ai voulu passer la journée à aller de-ci de-là,
d’un bureau de vote à un autre, pour voir un peu comment se déroule
cette journée d’élections dans la province de La Havane où
l’on élit les conseillers municipaux. Pour un étranger, la
première difficulté c’est de comprendre le système et, pour
cela, le mieux c’est de se poser la question suivante : par
quel procédé un citoyen normal, disons un citoyen lambda,
peut-il être élu conseiller municipal à Cuba ?
Mais, auparavant, récapitulons quelle est la démarche
équivalente pour notre citoyen lambda dans un pays autre que
Cuba. En Espagne, par exemple. Ce citoyen doit être adhérent
d’un parti politique ; la direction de ce parti politique
doit estimer et décider qu’il convient que ce citoyen lambda
occupe une place sur la liste des candidats qu’elle propose aux
électeurs – et la plupart des partis dans nos pays n’ont pas
de règles électorales internes pour décider de cette position
et répartition sur leurs listes – Le parti politique en
question doit ensuite avoir recours aux moyens habituels de la
publicité électorale, par exemple : l’impression de
brochures, de tracts et d’affiches électorales, le collage de
ces affiches et la distribution de cette publicité, etc. Tout
cela exige des dépenses financières que le citoyen normal et la
plupart des partis politiques n’ont pas. Seuls disposent de ces
ressources les partis déjà co nsacrés, ceux qui ont obtenu un
certain nombre d’élus lors des élections antérieures ce qui
leur a valu de la part de l’Etat un financement proportionnel à
leur représentation antérieure. Son programme peut aussi être
connu grâce aux médias, mais ces derniers informent sur ceux
qu’ils choisissent et qui ont leur préférence, diffusent des
interviews de ceux qu’ils décident d’interroger et
n’acceptent que la publicité de ceux qui peuvent la payer. Par
ailleurs, notre citoyen-candidat devra accepter la discipline, les
directives et le programme du parti politique qui l’a accueilli
sur sa liste dans la mesure où il dépend de ce parti pour être
candidat et qu’il est redevable envers les responsables de ce
parti s’il est accepté comme candidat.
Le jour du vote, l’électeur ne peut pas choisir
le citoyen qu’il désire élire ; il doit voter pour la
liste entière proposée par un parti ce qui fait que, peut être,
cet électeur-là se verra obligé de donner sa voix à
quelqu’un qu’il n’aime pas seulement parce que cette
personne se trouve sur la même liste que celui qu’il souhaite
voir élu.
Si notre citoyen qui voulait être Conseiller
municipal est élu, il se peut que sa nouvelle charge soit rémunérée
et, dans ce cas, il n’est pas impossible que nous arrivions à
la conclusion que ce qu’il avait en tête c’était de décrocher
un revenu ce qui rend plus que douteux son dévouement pour le
bien public. Si, au contraire, il ne perçoit pas de dédommagement
financier en échange de son dévouement, il sera obligé de
travailler à temps plein dans une autre profession pour subvenir
à ses besoins alors que d’autres élus qui, eux, disposent de
revenus suffisants à leurs besoins pourront consacrer à leurs
nouvelles fonctions un temps beaucoup plus long et donc pourront
se présenter devant les électeurs avec un bilan en termes de dévouement
qui paraîtra beaucoup plus flatteur.
Voyons maintenant comment les choses se passent à
Cuba. Ici, la société s’organise en assemblées ou « aires »
qui sont des regroupements d’habitants d’un quartier
d’environ 300 personnes. On peut compter jusqu’à huit
« aires » dans une circonscription électorale qui
devra élire un délégué ou conseiller municipal. Les habitants
de ces assemblées se réunissent pour proposer des candidats qui
représenteront leur communauté. Tout citoyen peut proposer un
nom de son choix ou se proposer lui même et l’assemblée
choisit par un vote secret le citoyen du quartier qui sera son
candidat comme conseiller de la circonscription. Il pourra y
avoir, par conséquent, au final, jusqu’à huit candidats à
l’élection de conseiller de la circonscription, dans le cas où
chaque assemblée élirait une personne différente. Il n’en est
pas ainsi, en général, dans la pratique parce que plusieurs
assemblées peuvent décider de proposer la même personne.
Le jour de l’élection, tous les électeurs de
la circonscription doivent élire l’un des candidats parmi tous
les candidats retenus (dont le nombre, donc, peut varier de deux
à huit). L’information et la publicité sur la personnalité de
chaque candidat est faite au moyen de simples affiches placardées
aux endroits stratégiques et fréquentés du quartier et qui,
toutes, affichent une photo de chaque candidat et un bref rappel
de sa biographie, de son parcours professionnel et social, un bref
curriculum vitae de chacun des candidats. Un point c’est tout.
Dans la pratique, la grande majorité des électeurs connaissent déjà
les candidats puisqu’ils ont été présélectionnés par eux
dans les assemblées de citoyens et que tous sont issus de leur
communauté. On ne fait aucune autre propagande sur l’affiche
que la photo du candidat et son curriculum et, nous l’avons déjà
dit, tous les candidats sont traités avec une stricte ég alité.
L’inscription sur les listes électorales est
automatique ; les listes sont accessibles au public avant le
jour des élections pour que chaque électeur puisse vérifier
qu’il est effectivement inscrit. Le vote est volontaire et
secret. La journée électorale débute à 7 H du matin et se clôt
à 6 H de l’après-midi. Les urnes sont scellées avant
l’ouverture du scrutin et elles sont gardées par des écoliers ;
il y a un Président de Bureau de vote et des assesseurs qui sont
des habitants du quartier. Chaque bureau de vote dispose
d’isoloirs où le secret du vote est garanti. On dispose aussi
d’une urne portable pour la porter au domicile des électeurs
qui peuvent être dans l’impossibilité physique de se déplacer
jusqu’au bureau de vote. Elle est portée par un représentant
du Bureau accompagné d’un enfant d’âge scolaire. Lorsque le
vote est clos, on fait le décompte des voix qui est public.
Pour être élu il faut avoir obtenu 50 % de voix
plus une ; si ce n’est pas le cas, un deuxième tour est prévu
pour départager les deux candidats arrivés en tête. Il faut
savoir aussi que l’élu ne percevra aucune indemnité en échange
de son travail ; il continuera d’assumer à plein temps
l’emploi qu’il occupait avant les élections et il se
consacrera à ses responsabilités publiques en dehors de ses
heures de travail.
Comme chacun sait, on accuse le système cubain de
ne pas organiser d’élections ou alors de faire en sorte que
celles-ci ne soient pas transparentes ni démocratiques. Mais un
reportage de la BBC d’aujourd’hui-même sur les élections à
Cuba rapporte le cas de cet opposant qui « s’est présenté
dans son quartier comme candidat » et le journaliste dit
textuellement ceci : « Il a obtenu 5 voix sur une
centaine de votants, soit 5 % du total ».
Face à ce panorama décourageant pour
l’opposition, aux dires du reportage de la BBC : “la
plupart des groupes d’opposants ont choisi d’appeler la
population à voter NUL en écrivant un NON sur leur bulletin de
vote de sorte qu’on puisse compter l’influence réelle dont
dispose la « dissidence ». Il semble raisonnable de
penser que pour les citoyens, la façon d’exprimer leur
opposition au système, pourrait être de s’abstenir de voter
puisque le vote n’est pas obligatoire. Ou bien, en supposant
qu’ils ne veuillent pas être identifiés comme
abstentionnistes, d’exprimer leur opposition au moyen du vote
nul, avec le Non que leur demande d’écrire l’opposition
installée à Miami. Sans aucun doute le nombre des
abstentionnistes ou des votes nuls pourrait nous fournir une bonne
indication sur ce que représente le collectif critique envers le
système socialiste cubain.
http://www.rebelion.org/noticia.php ?id=57993
Traduction Manuel Colinas pour CSP
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En complément :
Les Cubains ont voté dimanche aux élections
municipales, première étape d’un long cycle électoral qui
s’achèvera par la désignation de leur président en 2008,
alors que Fidel Castro est éloigné du pouvoir depuis plus d’un
an par la maladie.
Dès l’ouverture des quelque 37.8OO bureaux de
vote, l’attention s’est aussitôt focalisée sur l’école du
quartier du Vedado à La Havane, où est inscrit Fidel Castro
Les autorités n’ont pas précisé comment
allait voter Fidel Castro, convalescent depuis 15 mois à la suite
d’une opération intestinale qui l’a conduit à confier, en
principe provisoirement, le pouvoir à son frère, Raul.
A Cuba, les bulletins et les urnes peuvent être
directement acheminés aux personnes malades.
En déposant son vote, le vice-président Carlos
Lage a affirmé que le leader cubain, âgé de 81 ans, se portait
"très bien" et "se dédie à une tâche
fondamentale, peut-être la plus importante de notre époque,
celle d’incarner une conscience".
La presse officielle a appelé dimanche la
population à se rendre aux urnes. "En votant, nous
accomplissons le devoir patriotique, démontrant que notre nation
forgée par plus de cent ans de lutte n’admet ni maître ni
contrainte. Vive Cuba libre ! Vivent Fidel et Raul !",
écrit le quotidien Juventud Rebelde.
Les urnes sont toutes placées sous la vigilance
des "pionniers", nom donné à Cuba aux étudiants du
primaire et du secondaire, qui célèbrent d’un salut militaire
l’accomplissement de chaque vote.
"J’ai vu voter Fidel à d’autres périodes.
Il venait normalement, comme moi qui suis arrivé tôt. A présent
il est malade (...) mais il est possible qu’il vienne, on ne
sait jamais avec lui", a déclaré à l’AFP Felix Rodriguez,
77 ans, qui vit en face de la petite école du Vedado.
Au total, plus de 8,3 millions d’électeurs, âgés
de plus de 16 ans, sont appelés à choisir, au scrutin direct et
à bulletin secret, près de 15.000 délégués aux 169 Assemblées
municipales du pays.
Le scrutin, prévu sur deux tours les 21 et 28
octobre, sera suivi en avril 2008 par l’élection des délégués
provinciaux et des députés qui désigneront les membres du
Conseil d’Etat, présidé depuis son instauration par Fidel
Castro.
Le processus électoral, dit du "pouvoir
populaire", a été mis en place en 1976 par le Parti
communiste cubain (PCC, parti unique) qui ne présente
officiellement aucun candidat.
La veille du scrutin, le vieux dirigeant cubain a
vanté ce système comme l’"antithèse" des élections
américaines, entachées selon lui par "la fraude, les
manipulations, la discrimination ethnique et même la
violence".
"Nos élections sont l’antithèse de celles
qui se déroulent aux Etats-Unis (...). Là-bas, le plus
important, c’est d’être riche ou de compter sur l’aide de
fonds importants", a affirmé Fidel Castro dans la presse.
Association Cuba Linda 9 rue Pablo Picasso 24750
BOULAZAC www.cuba-linda.com
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95,4% des électeurs ont voté
8 174 350 citoyens se sont rendus aux urnes pour
élire les délégués du Pouvoir populaire, selon des chiffres
provisoires
PLUS de 8 174 350 cubains ont exercé leur droit
de vote dimanche 21 pour élire les délégués aux Assemblées
municipales du Pouvoir populaire, un chiffre qui représente
95,44% des électeurs.
Lors d’une conférence de presse à la clôture
de cette édition, Maria Esther Reus, présidente de la Commission
électorale, a déclaré que ces chiffres provisoires pouvaient
encore augmenter. Elle a ajouté qu’il y aura dimanche un deuxième
tour dans 2 971 circonscriptions dans lesquelles aucun candidat
n’a atteint les 50%.
Elle a ajouté que 12 265 délégués avaient déjà
été élus, dont 3 288 sont des femmes, a-t-elle déclaré, soit
26,81% ; 2 053 sont des jeunes, soit 16,74%, tandis que 5 776
ont été réélus, soit 47,09% des actuels représentants des
citoyens dans les organismes locaux de gouvernement.
Celle qui est aussi ministre de la Justice a
qualifié les élections à Cuba de grand succès populaire, étant
donné la participation active, enthousiaste et disciplinée de la
population ; elle a aussi souligné le niveau de préparation
et le bon déroulement de tout le processus électoral.
Y compris dans les provinces orientales, a-t-elle
indiqué, où des pluies intenses ont récemment endommagé les
communications et les voies d’accès, les élections se sont déroulées
avec fluidité et qualité grâce à la recherche de solutions de
rechange devant ces difficultés.
Reus a expliqué que les résultats définitifs de
ce premier tour seront bientôt fournis, car on vérifie
actuellement s’ils concordent avec les listes électorales
officielle, publique et informatisée des électeurs.
Au nom de la Commission électorale nationale elle
a remercié toute la population ; les 190 000 personnes désignées
comme autorités électorales et ceux qui ont travaillé comme
personnel auxiliaire dans toutes les instances et dont les efforts
ont permis de garantir une fois encore la transparence et la démocratie
des élections à Cuba.
En réponse à des questions à des journalistes
étrangers, Maria Esther Reus a rappelé qu’un tiers des
candidats comme délégués n’étaient pas membres du Parti
communiste de Cuba, car ce n’est pas une condition exigée pour
être nommé candidat.
De même, a-t-elle expliqué, tout leader
religieux peut se présenter, car tout cubain ou cubaine sans
distinction de croyance peut être élu délégué du Pouvoir
populaire.
Elle a indiqué, en outre, que la date pour les élections
des délégués aux Assemblées provinciales de gouvernement et
des députés au parlement sera fixée au moment opportun.
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