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Venezuela
Ne dites pas à ma mère que je
suis journaliste,
elle croit que je suis militant pro-bushiste
Maxime Vivas
7 juin 2007
(Revue de presse, c’est-à-dire, analyse des
mensonges)
Rappel des faits : Marcel Granier, richissime
oligarque vénézuélien, s’est servi de sa chaîne de télé
(RCTV) pour initier en 2002 un coup d’Etat militaire. Echec. Le
président revient au pouvoir et ne se venge pas. Mais quand
arrive la date limite d’expiration de la licence d’émettre
par voie hertzienne (mai 2007) elle est attribuée à une nouvelle
télé (TVES), éducative et culturelle (RCTV peut émettre par câble
et satellite).
Cette décision provoque un scandale planétaire.
Entrons dans ce tohu-bohu.
Libération, 28 mai 2007. Certes, convient le
journaliste François Meurisse, RCTV a diffusé en avril 2002 des
appels à marcher sur le palais présidentiel, « une
manifestation qui permettra de déclencher le putsch »,
certes, le putsch étant en train d’échouer, elle a censuré
toute information, certes la directrice de l’information
soutient encore que l’attitude de RCTV a été « correcte »,
d’ailleurs, il n’y a jamais eu de « putsch » mais
un simple « vide du pouvoir », mais il faut néanmoins,
pour Libé, contrebalancer tout cela en donnant la parole à un
ancien journaliste de RCTV selon lequel la nouvelle chaîne, TVES,
souffre d’un handicap : cinq de ses sept membres sont nommés
par le gouvernement.
Incroyable en effet ! Incroyable aussi que
Libé n’ait rien à ajouter pour l’information de ses lecteurs
français. Ces derniers risquent de ne pas apprendre que chez
nous, les directeurs des chaînes publiques sont nommés par le
CSA, dont le président est nommé par décret du président de la
République et les 9 membres comme suit : 3 par le président
de la république, 3 par le président de l’Assemblée
nationale, 3 par le président du Sénat. De sorte que, quand un
parti politique remporte les élections, il a une mainmise
majoritaire ou totale sur la direction des chaînes publiques. A
les écouter, on s’en doutait un peu. Quant aux directions des
chaînes privées, elles n’ont de comptes à rendre à personne,
sauf à l’argent (connu sous le pseudo d’Audimat).
Le Monde du 25 mai 2007, sous la plume de Paul A.
Paranagua, nous trace un portrait dithyrambique d’un présentateur
de RCTV, Miguel Angel Rodriguez. Journaliste admirable en effet
qui met au défi d’apporter la moindre preuve d’appels de sa
chaîne à un putsch. Regrettant en termes à peine voilés que la
chaîne Venevisión, très active lors du putsch de 2002, ait
« mis une sourdine […] à ses attaques contre le
gouvernement » Paranagua laisse le présentateur
s’exprimer librement et vigoureusement : « L’attitude
du gouvernement n’est rien d’autre que du terrorisme d’Etat »
contre les travailleurs de RCTV. Et Paranagua de nous confier que
le présentateur : « verrait bien le chef de l’Etat
comparaître devant les tribunaux ou devant une cour
internationale pour « violation des droits de l’Homme ».
Un jugement ? Pourquoi perdre du temps alors
qu’un putsch (réussi) peut régler ça en vingt-quatre heures
et une balle en une seconde ?
Le Figaro du 26 mai admet que « Pendant des
années, la chaîne a ouvertement conspiré contre le président
en place en relayant les appels à renverser le régime. »
C’est sans doute par distraction que nous n’avons pas
enregistré alors l’indignation planétaire des journalistes
garants de la légalité et soucieux de préserver l’image de
leur noble profession. Et le Figaro de s’inquiéter :
« Or, le Venezuela pourrait basculer d’un extrême à un
autre. Pendant des années, le secteur privé, contrôlé par
l’opposition, a dominé le paysage de la presse écrite et télévisuelle,
avec cinq chaînes - Venevisión, RCTV, Globovisión(1), Televen
and CMT - et neuf des dix principaux quotidiens. À chaque
offensive pour déloger Hugo Chávez, les médias ont perdu de la
crédibilité, alors que le chef de la révolution bolivarienne en
profitait pour concentrer les pouvoirs. »
Bref, l’omnipuissance de la presse
d’opposition n’est soulignée qu’au moment où les mensonges
médiatiques la discrédite et où la attribue au service public
UN spectre hertzien (vous avez bien lu ce qu’écrit le Figaro :
il en reste pour l’opposition).
Pis, alors que le public de RCTV était friand de
« la télénovela Mi Prima Ciela qui fait fureur depuis des
mois », elle risque d’être remplacée par quoi ? Une
autre télénovela ? Oui, mais ici, Le Figaro la baptise
« feuilleton à l’eau-de-rose ». Nuance.
Le Monde du 27 mai affirme que : « A la
suite de la disparition de RCTV des ondes hertziennes, lundi 28
mai, il ne restera plus qu’une chaîne d’opposition, dont le
signal ne dépasse pas Caracas et dont l’audience est négligeable. »
C’est exact si l’on supprime aussi Globovisión,
Televen, Venevisión… (voir plus haut, Le Figaro) et toutes les
chaînes satellitaires dont la hargne anti-chaviste, pour la
plupart d’entre elles, vient d’être démontrée. Et ne disons
rien des radios et de la presse écrite à majorité propriété
de l’opposition. Ni de la presse mondiale. Et attendons que Le
Monde se positionne pour la création d’une chaîne
d’opposition en France.
Le Monde, du 28 mai, décidément en verve grâce
à Paul A. Paranagua, son envoyé spécial au Venezuela, adepte de
cette neutralité qui fit du quotidien du soir un « journal
de référence », nous apprend aussi, sous le titre
mensonger : « Hugo Chávez fait taire la principale chaîne
de télévision vénézuélienne » que lorsque Chávez
« parle en public, deux ou trois fois par semaine, toutes
les chaînes de télévision et stations de radio doivent
interrompre leur programmation et transmettre intégralement, en
direct, les paroles du chef de l’Etat. Entre 1999 et 2006, les médias
ont dû relayer ainsi cette "chaîne présidentielle" à
1 339 reprises, selon un décompte du quotidien El Nacional
(opposition). » La précision « selon El Nacional »
ne doit pas être négligée. En effet, elle indique que Paranagua
n’en sait rien mais qu’on le lui a dit et que, de toute évidence,
ça l’arrange de le rapporter. Elle apprend aussi au lecteur
averti qu’il convient de poubelliser illico le bobard. En effet,
El Nacional, journal qui approuva le putsch (qu’il qualifia de
« démocratie retrouvée ») est d’un anti-chavisme délirant.
Aussi crédible que le serait Le Pen nous racontant la tournée
postale de Besancenot.
Enfin, Chávez a-t-il vraiment exigé 200 fois par
an en moyenne l’interruption de tous les programmes pour une déclaration
solennelle prévue par la loi dans tous les pays (En France, le
cahier des charges d’Antenne 2 lui fait obligation de laisser la
parole au président de la République, chaque fois qu’il la
demande, sans limitation de durée, et gratuitement) (2) ?
De toute évidence, le chiffre, à supposer
qu’il ne soit pas purement bidonné (comme l’information d’El
Nacional annonçant naguère la démission de Chávez) correspond
plutôt au total des apparitions de Chávez à la télévision en
sept ans, sous des formes diverses et dans des circonstances précises
(parfois assez chaudes. Pas vrai, les golpistes ?). Pour être
juste, la fréquence de ses interventions surprend un Français découvrant
le Venezuela. Il ne s’agit pas ici, comme chez nous, d’émissions
espacées d’un président pour ses vœux, pour son allocution du
14 juillet, ou annonçant la dissolution de l’Assemblée
nationale ou le refus d’aller faire la guerre en Irak, ou un
changement de gouvernement, ou la modification de la Constitution,
ou un référendum, ou sa décision de ne plus être candidat.
Ici, dans un contexte médiatique hostile et violent au possible,
le président intervient en effet souvent, se substituant aux médias
défaillants, à ces journalistes porte-parole de la droite
(ratatinée par les votes du peuple) qui musèlent volontiers le
gouvernement.
Le Monde du 5 juin 2007 nous chante l’air de
« Y avait pas un chat » :
J’étais le 2 juin dans la gigantesque
manifestation de Caracas ou des centaines de milliers de
manifestants sont venus appuyer leur président dans son bras de
fer contre RCTV et le reste du monde.
Paranagua écrit : « DES MILLIERS de
partisans du président vénézuélien Hugo Chávez on manifesté
dans les rues de Caracas samedi… ».
Et pourquoi pas des centaines ? Ou deux
douzaines ?
****
Ceux qui croient que toute cette affaire à un
lien quelconque avec la liberté d’expression se trompent. Il
s’agit, via les plumitifs des puissances d’argent, de punir un
pays qui échappe au FMI, à la banque mondiale, à CNN et qui
veut rendre la parole au peuple et à la vérité.
Faisons maintenant le pari qu’après la
diabolisation de Cuba et du Venezuela, viendra celle de la Bolivie
et de l’Equateur.
Maxime Vivas
A lire absolument, l’article « Les rues du
Sud » par Thierry Deronne Vice-président de ViVe, télévision
vénézuélienne éducative, culturelle et d’information : http://www.vive-fr.org/blog/index.php ?2007/06/07/31-la-republique-du-sud
(1) Zappé par notre presse : Le 31 mai au
soir à Caracas, alors qu’ils regagnaient leur domicile, Dayana
Carolina Azueje et son compagnon Gabriel Tovar, deux dirigeants de
la Coordination Simón Bolívar, ont été assassinés, mitraillés
dans leur voiture. La fille de Dyana et un neveu qui les
accompagnaient sont indemnes. Les deux victimes avaient participé
quelques jours avant, à une manifestation devant Globovisión
pour protester pacifiquement contre la démesure de cette chaîne
dans l’anti-chavisme. Globovisión avait filmé et plusieurs
fois offert à son public le visage de ces deux militants.
(2) En France, d’après le « Top 5 »
des personnalités politiques les plus présentes dans les
journaux télévisés, Nicolas Sarkozy, alors simplement ministre,
était bien placé avec 325 passages en 2006. Même s’il ne
s’agissait pas de « cadenas » (passages sur toutes
les chaînes à la fois comme pour un Président), c’est
beaucoup.
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