Cuba
Réflexions sur de dures mais
évidentes réalités
Fidel Castro
Photo CSP
4 août 2007
Je donne la priorité à cette question, compte
tenu de son importance, bien qu’il y en ait d’autres.
Je ne nierai pas que les prérogatives du pouvoir,
qu’il soit réel, relatif ou fictif, exercent de l’influence
sur les êtres humains, parce qu’ils ont tous été éduqués
ainsi depuis des temps immémoriaux.
Je ne suis pas arrivé en un instant à mes idées
actuelles sur le pouvoir, mais j’estime avoir été conséquent.
J’attribue le modeste apport de notre Révolution au fait que
nos réponses aux questions n’ont jamais régressé malgré le réalisme
cru que nous a imposé le blocus brutal de l’Empire.
Je parlais dans mes réflexions du 31 juillet de
ce que représentait pour moi la possibilité d’avoir disposé
d’une année pour réunir des informations et réfléchir à
fond à des problèmes vitaux qui menacent plus que jamais notre
espèce.
Le 24 juillet dernier, l’agence de presse russe
Ria Novosti a publié l’information suivante :
« Le général Leonid
Ivachov, expert de la défense, a signalé que le principal
instrument de la politique étasunienne sont les diktats économiques,
financiers, politiques et militaires.
« En les imposant, les Etats-Unis
s’efforcent de s’assurer l’hégémonie mondiale. Leur stratégie
de sécurité nationale indique explicitement qu’il leur faut
garantir un accès soutenu, autrement dit contrôlé, aux régions
clefs de la planète, aux communications stratégiques et aux
ressources mondiales. Il s’agit d’une stratégie entérinée
par une loi, ce qui nous conduit à la conclusion que des conflits
encore plus redoutables avec la Russie, la Chine et l’Inde
attendent les Etats-Unis à l’avenir.
« Washington s’obstine à mettre en place
un système capable de neutraliser le potentiel nucléaire de ses
rivaux stratégiques, Moscou et Beijing, pour assurer son monopole
sur le terrain militaire. Les Etats-Unis veulent déployer leur
bouclier antimissile non seulement en Europe mais aussi ailleurs
dans le monde pour pouvoir espionner tout ce qui se passe en
Russie et en Chine. Ils s’efforcent aussi d’accroître leur
arsenal offensif à un rythme supérieur même à celui de la
Guerre froide.
« Après l’effondrement de l’Union soviétique,
l’OTAN a perdu le caractère défensif qu’elle avait eu depuis
sa fondation en 1949 pour se transformer en un outil puissant et
agressif au service de l’oligarchie mondiale, soucieuse d’établir
sa mainmise à l’échelle planétaire. Le nouveau concept stratégique
de l’Alliance, adopté en avril 1999 grâce aux pressions des
Etats-Unis, envisage des fonctions novatrices et élargit son
domaine de compétence au monde entier, sans plus se borner à
l’Atlantique Nord. Le secrétaire actuel de l’OTAN, Jaap de
Hoop Scheffer, visite fréquemment l’Australie, la Nouvelle-Zélande
et le Japon. L’Alliance a aussi commencé à passer par-dessus
le droit international et le Conseil de sécurité des Nations
Unies. Entre temps, les USA stimulent l’expansion de l’OTAN et
refusent de ratifier le Traité sur les forces armées classiques
en Europe (FACE), s’arrogeant le droit d’agir sans la moindre
limitation et de configurer les troupes à leur guise.
« Les USA font n’importe quoi pour que la
Russie ne soit pas un acteur autonome. Les débats sur la défense
antimissile, l’Iran et le Kosovo n’ont pas engendré des
formules de compromis.
« Il est important que la Russie consolide
ses positions et récupère son potentiel géopolitique. Au début
des années 70, quand Moscou avait assuré la parité nucléaire
avec Washington, celui-ci s’était rendu compte qu’il ne
pourrait pas l’emporter sur le terrain militaire et il a accepté
de négocier sur un pied d’égalité, signant le Traité de défense
antimissile (ABM) en 1972 et les traités suivants sur la
Limitation des armes stratégiques offensives (SALT). La seule
chose que respectent les USA, c’est la force. S’ils se sentent
en position de force supérieure, ils ne font jamais de
concessions à personne.
« Pour neutraliser leurs visées d’hégémonie
mondiale, il faut ériger un pôle alternatif, et il existe
d’ores et déjà une base pour le faire : l’Organisation
de coopération de Shanghai (OCS).
« En fait, il semble quelque peu incorrect
de parler des forces étasuniennes. Les USA ont une puissance
militaire, une économie vigoureuse et une quantité énorme de
monnaie forte qu’ils peuvent imprimer à l’infini, mais leur
niveau géopolitique s’est effondré : les USA inspirent très
peu de confiance politique au reste du monde.
« En 1999, la Chine et la Russie ont signalé
devant l’Assemblée générale des Nations Unies qu’il fallait
préserver le traité ABM de 1972. Tous les pays ont voté cette résolution,
sauf quatre : les USA, Israël, l’Albanie et la Micronésie.
Ce vote témoigne de l’isolement international total des
Etats-Unis.
« Il sera impossible de régler la situation
au Moyen-Orient, dans les Balkans, dans la péninsule coréenne et
dans d’autres régions de la planète sans la participation de
la Russie. Ceci s’applique aussi à la Chine, qui est capable de
résister aux pressions des USA. La Chine jouit d’un grand
prestige dans le monde, possède une économie puissante et une
monnaie forte.
« L’OCS devrait recruter de nouveaux alliés
et conjuguer le potentiel des pays qui le souhaiteraient et
seraient capables de suivre une politique autonome. Il faut tout
d’abord proclamer officiellement le refus des visées d’hégémonie
mondiale des USA. Ensuite, la Chine et la Russie devraient dénoncer
devant le Conseil de sécurité des Nations Unes le déploiement
du système ABM étasunien en tant qu’action qui modifie
l’architecture de sécurité mondiale et menace l’ensemble de
la communauté internationale. La Chine, l’Inde et la Russie
pourraient former un front unique contre les diktats des USA. Il
est aussi possible d’envisager de stabiliser le système
financier mondial. L’OCS pourrait formuler une philosophie
novatrice fondée sur l’harmonie des civilisations et sur
l’usage rationnel des ressources naturelles. La plupart des
Etats soutiendraient sûrement ces mesures, j’en suis convaincu.
Un nouveau pôle politique, le pôle de la paix, verrait ainsi le
jour. La mission de l’OCS est de créer un nouveau modèle de développement
au profit de la civilisation humaine.
« Seule une alliance de civilisations
pourrait s’opposer à l’Empire étasunien : la russe,
dont l’orbite inclut la Communauté d’Etats indépendants
(CEI), la chine, l’indienne, l’islamique et la latino-américaine.
Il s’agit d’un espace immense où nous pourrions créer des
marchés plus équitables, notre propre système financier à
caractère stable, notre mécanisme de sécurité collective et
notre philosophie, fondée sur la priorité du développement
intellectuel de l’homme face à la civilisation occidentale
moderne qui mise sur les biens matériels et mesure la réussite
à l’aune des grandes demeures, des yachts et des restaurants.
Notre mission est de réorienter le monde vers la justice et le développement
intellectuel et spirituel. »
Voilà l’essentiel des idées d’Ivachov,
transmises par Ria Novosti.
Précisons que le général Leonid Ivachov est
vice-président de l’Académie des questions géopolitiques, et
qu’il a été secrétaire du Conseil des ministres de défense
de la Communauté d’Etats indépendants et chef du département
de coopération militaire du ministère de la Défense de la Fédération
de Russie.
Le 11 septembre 2001, date des tragiques événements
de New York qui ont servi de prétexte aux Etats-Unis pour jeter,
voilà presque six ans, les bases de leur politique génocidaire,
le général Ivachov était chef d’état-major des forces armées
russes. Quelqu’un de vraiment bien informé. Il vaut la peine
que notre peuple connaisse ses points de vue.
La Révolution cubaine, cela saute aux yeux,
s’est toujours préoccupée de l’éducation du peuple. C’est
partant de ma propre expérience que je suis très vite arrivé à
la conclusion que seule la conscience politique pouvait
l’emporter sur les instincts qui nous régissent. Compte tenu
des avancées technologiques, on parle maintenant de la possibilité
de manipuler les fonctions des cellules du cerveau. A quoi
servirait tout ça dans un monde où règne la valeur commerciale
des biens et services ? Quelle autorité en décidera ?
Par ce biais et par le vol éhonté des cerveaux (1) – un phénomène
sur lequel il ne faut cesser d’insister avec obstination – on
pourrait détruire ce qui vaut le plus en l’être humain :
son éducation à travers la conscience.
Les laboratoires produisent des médicaments qui
sauvent des vies, ce qui serait socialement très utile si on les
pouvait les mettre à la portée de tout le monde. Mais les
laboratoires fabriquent aussi toutes sortes d’armements qui
peuvent mettre fin à la vie humaine.
La publicité commerciale et la surconsommation
sont inconciliables avec la survie de notre espèce. Vous aurez
beau faire tous les calculs possibles, vous serez forcés de
constater que les ressources naturelles, l’espace, le climat, le
temps et le système, au rythme et dans la direction où ils vont,
ne le supporteront pas.
Fidel Castro Ruz
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