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Cuba

La bonne vie à La Havane : la révolution verte de Cuba
Andrew Buncombe


Photo CSP

8 août 2007

Il y a vingt ans, après l’effondrement de l’empire soviétique, la petite île de Fidel Castro faisait face à une crise alimentaire. A présent, son réseau de petites fermes urbaines se développe, un "success story" organique qui est en train de nourrir le pays.

A ma droite se trouvaient des tomates révolutionnaires et à ma gauche des laitues révolutionnaires, tandis que dans le verre que je tenais à la main – rempli à ras bord et débordant de vitalité – se trouvait un jus de mangue révolutionnaire. Il était épais, brut et merveilleusement sucré. Il était organique aussi.

"Oui, il est très bon. Totalement naturel," dit Miguel Salcines Lopez, les sourcils perlés de sueur provoquée par un soleil de midi, tandis qu’il portait un verre à ses lèvres. "Cultiver des aliments de cette manière est beaucoup plus intéressante. C’est beaucoup plus intelligent" ajouta-t-il.

Prés de cinquante ans après que Castro, aujourd’hui en convalescence, et ses camarades aient renversé le dictateur Fulgencio Batista et prirent le pouvoir à Cuba, une nouvelle révolution, largement ignorée par la plupart des visiteurs et touristes, est en cours dans cette île des Caraibes. Et M. Salcines et sa petite ferme urbaine à Alamar, une banlieue à l’est de la capitale, La Havane, sont au centre d’une transformation sociale qui pourrait bien se révéler être aussi important que tout autre accomplissement de ces 47 ans de pouvoir castriste.

Poussé par le chute de l’Union Soviétique et l’impact désastreux sur une économie subventionnée, le gouvernement cubain a du prendre des mesures radicales pour nourrir sa population. La solution choisie – sans précédent aussi bien dans le monde développé que sous-développé – fut de créer une agriculture autosuffisante qui par nécessité était essentiellement organique.

Luara Enriquez, une sociologue à l’Université de Berkeley, Californie, qui a écrit de nombreux ouvrages sur l’agriculture en Amérique latine, dit : "Ce qui s’est passé à Cuba est remarquable. Il est remarquable qu’ils aient décidé de donner la priorité à la production alimentaire. D’autres pays dans la région choisirent la voie néolibérale et exportèrent "ce qu’ils avaient" tout en important la nourriture. Les Cubains choisirent la sécurité alimentaire et, dans cette optique, donnèrent la priorité aux petits agriculteurs."

Cuba est parsemée de plus de 7.000 jardins urbains, ou organoponicos, qui couvrent plus de 30.000 hectares. Ils ont été crées sur des petits lopins de terrain au coeur des cités ou entre les maisons coloniales croulantes qui jalonnent la Havane. Au cours d’un après-midi, j’ai visité un petit jardin de tomates et d’épinards qui avait été crée à quelques centaines de mètres de la Plaza de la Revolucion, une vaste superficie bétonnée d’où Castro et les hauts dirigeants président chaque année aux festivités du 1er Mai. Plus de 200 jardins à la Havane fournissent à la population plus de 90 pour cent de leurs fruits et légumes.

De tous ces jardins, le Vivero Organoponico Alamar est considéré comme celui qui obtient les meilleurs résultats. Crée il y a moins de 10 ans, le terrain de 0.7 hectare emploie environ 25 personnes et fournit toute une gamme de produits sains et bon marché à la population locale. Un tableau rédigé à la main et accroché à la boutique à l’entrée du jardin annonçait des mangues à environ 3 centimes la livre, des haricots noirs à environ 21 centimes et des bananes plantains à 18 centimes. Tout avait l’air d’avoir été fraîchement cueilli le matin même, ce qui était probablement le cas.

M. Salcines fit faire une visite rapide de son jardin, s’arrêtant de temps en temps pour montrer quelque chose dont il était particulièrement fier. Il y avait une serre à tomates qui avait produit cinq tonnes de fruits en six mois, une structure métallique pyramidale inventée de toutes pièces qui, selon lui, concentrait l’énergie naturelle et profitaient non seulement aux plantes mais aux jardiniers aussi ; un élevage de vers de terre grouillant d’une variété de vers de Californie, et les oeillets plantés au bout de chaque rangée de légumes qui attiraient les abeilles et les papillons. Il était très fier aussi de sa splendide récolte de menthe. "L’Hotel Nacional utilise notre menthe pour fabriquer ses mojitos ", dit il. "Parce qu’elle est organique".

Tous les organoponicos ne se ressemblent pas. Au Metropolitana Organoponico dans le centre de la ville, deux des quatre employés disent que le terrain appartient au gouvernement et que tout ce qui est produit est réparti 50-50. "C’est très bien. Ca signifie que les aliments n’ont plus besoin d’être importés dans la ville", dit l’un d’entre eux.

A Alamar, M. Salcines dit qu’après avoir produit leur quota d’aliments remis aux autorités, les travailleurs pouvaient vendre le surplus et partager les bénéfices entre eux. C’est ce sens de la coopération – ainsi que les repas gratuits pour les travailleurs – ajoutés à un idéalisme bien marqué à Alamar, le genre d’idéalisme socialiste qui a valu à Cuba de nombreux partisans à l’étranger, malgré le règne dictatorial de Castro et la répression de la dissidence. [hé, ho, je traduis, c’est tout – NDT]

De telles fermes existaient à peine à la fin des années 80. A cette époque, l’économie cubaine dépendait des subsides de son aîné politique, l’Union Soviétique. Son agriculture avait été organisée dans un but précis : produire le plus de sucre possible, que l’Union Soviétique achetait à plus de cinq fois le prix du marché (*), en plus d’acheter 95 pour cent des citriques et 73 pour cent du nickel. En échange, les Soviétiques fournissaient 63 pour cent des importations d’aliments à Cuba et 90 pour cent de son pétrole. Une telle relation rendait Cuba extraordinairement vulnérable. Avec l’effondrement de l’Union Soviétique, les aides se sont taries pratiquement du jour au lendemain. Soudain, l’avenir paraissait sombre.

C’est sur l’estomac des gens ordinaires que l’impact fut le plus durement ressenti. Les chiffres de l’ONU indiquent que le nombre de calories par jour et par cubain est tombé de 2600 à la fin des années 80 à entre 1.000 et 1.500 en 1993. En gros, les gens devaient se débrouiller avec une quantité de nourriture réduite de moitié. Sans aides et avec des ressources limitées, le régime Cubain prit la décision de chercher la solution à l’intérieur. En cessant d’organiser l’économie autour de l’exportation de "produits tropicaux" et de l’importation les aliments, la décision fut prise de maximiser la production alimentaire. Par nécessité, cela impliquait un retour aux fondamentaux ; sans pétrole soviétique pour faire marcher les tracteurs, il a fallu recourir à la traction animale ; sans fertilisants et pesticides, il a fallu recourir aux compostes et pesticides naturels et aux insectes (**). On estime que plus de 200 centres de biopesticides produisent chaque année plus de 200 tonnes de verticillium pour combattre le whitefly [  ? – les traducteurs en ligne n’ont été d’aucune secours pour trouver le nom français de cette sale bestiole, NDT] ; et 800 tonnes de beavaria pour combattre les scarabées.

Le professeur Jules Pretty, du département de biologie de l’université d’Essex, a récemment écrit : "Des tiges de bananes coupées recouvertes de miel pour attirer les fourmis sont placées dans les champs de patates douces pour combattre les parasites. Il existe 170 centres de vermicompostes, qui produisent chaque année entre 3000 et 9300 tonnes. Les techniques de rotation des cultures, de croisement des cultures et de la préservation des sols ont toutes été intégrées dans leur agriculture."

Cette révolution organique est une réussite remarquable. Le nombre de calories est désormais monté à 2.600 par jour, tandis que les estimations de l’ONU sur le pourcentage de la population souffrant de malnutrition est tombé de 8 pour cent entre 1990 et 1992 à 3 pour cent en 2000-2002. La mortalité infantile à Cuba est inférieure à celle des Etats-Unis tandis que l’espérance de vie, 77 ans, est la même.

Tout le monde semble d’accord pour dire que cette nouvelle approche organique est bien plus efficace que l’ancien modèle soviétique qui mettait l’accent sur la production à tout prix. Fernando Funes, chef de l’Unité de recherche sur les Pâturages et Forages, a déclaré au magazine Harper’s : "Dans l’ancien système, il fallait 10 à 15 unités d’énergie pour produire une unité de nourriture. Au début, nous ne nous soucions pas des aspects économiques, (mais) nous nous sommes rendus compte à quel point le système était inefficace."

Une deuxième mesure prise par Cuba au milieu des années 90 pour de tenter la sauver l’économie fut de se lancer dans le tourisme de masse. Tandis que cette mesure a permis au gouvernement de récolter des millions de dollars, elle a aussi produit une société à deux vitesses où règnent des tensions et une division nette entre ceux qui ont accès aux devises et ceux qui doivent se débrouiller avec la monnaie nationale.

Par contraste, M. Salcines croit que la création des organoponicos - avec un assouplissement du contrôle de l’état qui autorise certains petits restaurants et entreprises privées – a été un succès. Il croit aussi que ces mesures sont fidèles à l’esprit de la révolution cubaine. "Rien n’est parfait," dit M. Salcines. "Mais si vous observez ce que le capitalisme a fait dans d’autres pays de la région, je crois que la situation des pauvres est bien meilleure à Cuba. Notre société est plus égalitaire."

Des experts, tels que le professeur Pretty, croient que Cuba pourraient bien être un des seuls pays au monde à posséder une agriculture autosuffisante. "Ils n’avaient pas le choix," dit il. "Leur seul choix était de faire appel à leurs propres ressources et de se demander s’ils pouvaient en produire plus."

Les partisans d’une agriculture organique, non intensive, pourraient citer Cuba comme un exemple que d’autres pays pourraient suivre plutôt que d’adopter un système agricole industriel et à grande échelle. Mais l’exemple cubain, qui nécessite beaucoup de main d’oeuvre, pourrait-il être reproduit sans la disponibilité d’un grand nombre de travailleurs ? "Je ne sais pas. Je pense qu’il est vrai qu’un tel système requiert beaucoup de main d’oeuvre," dit la professeur Pretty. "Le fait est que le système produit aussi beaucoup de nourriture... Les gens aussi sont plus proches de la production. (en occident) nous sommes préoccupés par l’origine des aliments dans nos assiettes. A La Havane, les gens sont plus proches de la production et cela peut avoir des effets psychologiques bénéfiques."

Le même jour de la visite d’Alamar, j’ai visité l’autre face de l’économie cubaine à deux vitesses. L’Hotel Nacional a acceuilli des personnalités telles que Winston Churchill et Fred Astaire, et plus récemment Naomi Campbell et Leonardo DiCaprio. Sur une pelouse surplombant l’océan, j’ai déboursé l’équivalent d’une semaine de salaire moyen cubain pour un mojito. Il était bon, mais il n’avait pas le goût de la révolution [pas assez de menthe, peut-être ? - NDT].

http://news.independent.co.uk/world/americas/article1217550.ece

* * * *

(*) note du traducteur – pas tout à fait exact. Il s’agissant d’un troc "pétrole contre sucre", fixé à un taux donné. De mémoire, 4 tonnes de pétrole contre une tonne de sucre. Les fortes fluctuations de prix (pétrole en hausse et sucre en baisse), pouvaient faire dire, plus tard, que l’URSS achetait le sucre "à cinq fois son prix". C’est sûr que ça changeait de l’époque où le prix du sucre cubain, ainsi que son quota, étaient fixés chaque année par décision du... Congrès des Etats-Unis.

(**) note du traducteur : une pensée pour notre ami cubain Jorge, qui étudiait certaines espèces de guêpes pour lutter contre un parasite de la canne à sucre. Jorge, si t’es pas à Miami, un abrazo fuerte !

Traduction Cuba Solidarity Project

© CSP - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.



Source : Cuba Solidarity Project
http://vdedaj.club.fr/...


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