Syrie
Syrie : Discours
du Président au soir
de la « Nuit du Destin »
Bachar al-Assad
Vendredi 9 août 2013
Je suis heureux de
rencontrer une telle assemblée de
patriotes en cette nuit bénie du
Ramadan, cette « Nuit du Destin » [Laylat
al-Qadr : nuit de l’avènement de la
prophétie], qui nous conforte dans notre
volonté de rester unis autour du bien,
de l’amour de la patrie, et du pacte
sans cesse réaffirmé pour sa défense
avec encore plus de détermination
malgré tous les défis et quels que
soient les dangers.
Aujourd’hui, nous
sommes réunis pour honorer la mémoire de
tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour
que la nation gagne en dignité, pour que
la parole soit celle de la vérité, pour
que notre solidarité entoure leurs
familles qui ont perdu ce qu’elles
avaient de plus précieux alors qu’ils
empruntaient le chemin de la gloire et
de la fierté, sans oublier tous ceux qui
sont désormais dans le besoin et
affrontent avec foi et ténacité les
fardeaux qui s’accumulent jour après
jour.
Nous sommes réunis
pour leur témoigner notre solidarité en
leur assurant que la patrie n'abandonne
pas ses enfants dans les épreuves et les
difficultés mais, au contraire, elle les
soutient tant sur le plan moral que sur
le plan financier. Nous ne sommes pas là
pour célébrer une fête, d’une part parce
que la tristesse et la désolation n’ont
épargné aucune maison et aucune âme de
ce pays, d’autre part parce que le mois
de Ramadan n’est pas nécessairement
propice à la fête comme le voudraient
certains rituels. C'est un mois de
recueillement et d'adoration destiné à
se purifier l'âme des impuretés
accumulées toute l'année, un mois
consacré à s’éduquer et à revoir ses
comportements pour les corriger ou les
récupérer, un mois pour restaurer son
humanité et en témoigner en s’occupant
des autres, de ceux qui ont faim et de
ceux qui endurent toutes sortes de
souffrances partout en Syrie.
Oui le mois de
Ramadan est un mois de compassion, mais
c’est aussi un mois de pardon, de
dialogue, de sacrifice et de Jihad au
sens propre de ce terme ; celui qui
dicte de travailler, d’aimer, de se
construire, de se réaliser, et que je
résumerai en disant que c’est le mois de
la régénération du corps et de l’esprit.
Pour la société, comme pour l’individu,
il est impossible de régénérer l’un sans
régénérer l’autre, l’équilibre de la
société résultant de la force de chacun
et inversement. Ce qui fait que si nous
voulons réformer la société, nous devons
encourager le dialogue entre tous ses
éléments et toutes ses tendances. Mais
pour que ce dialogue soit utile et
fructueux, pour qu’il ait du sens et de
l’essence, il faut qu’il soit franc et
transparent.
Oui nous avons
besoin
de la franchise et de
la sincérité enseignées et
consacrées par toutes
les
religions
célestes,
notamment dans les circonstances que
nous traversons. Parler de ce
qui se passe
dans le pays, de ses causes
et des solutions
proposées, ne
peut se faire qu’en dialoguant
franchement loin de toutes fausses
courtoisies ; lesquelles, en
l’occurrence, reviendraient pour la
société à faire la politique de
l’autruche, car si la société faisait le
choix d’enfouir sa tête dans le sable
cela reviendrait à enterrer la patrie.
C’est pourquoi je
continuerai à vous parler en toute
franchise, d’autant plus que les
circonstances font que la tâche est
maintenant plus facile qu’il y a deux
ans et quelques mois. À l’époque
l’agression était si incroyable et la
désinformation si énorme que beaucoup de
Syriens ont été dupés et sont tombés
dans le piège de l’incompréhension de ce
qui se passait. Que nous racontent-ils
encore ? Chaque chose qui nous arrive
est reprochée à l’étranger ?
Aujourd’hui, c’est tout le contraire.
C’est eux qui nous disent qu’il y a
conspiration, et c’est nous qui leur
rappelons qu’il y a aussi des raisons
internes à cela.
Nous devons voir les
choses de nos deux yeux pour en imprimer
une vision à trois dimensions. Nous
pouvons beaucoup discuter des choses
liées à la crise que nous traversons ;
mais moi, je pars toujours des questions
posées par l’homme de la rue directement
en ma présence ou par l’intermédiaire de
personnes qui me les rapportent. Je
pense que nous pouvons résumer toutes
les questions en une seule : « Quand
est-ce que la crise prendra fin ? ».
C’est une question qui se pose depuis le
début, voire depuis les premières heures
de cette crise en Syrie. Nous ne
pourrons y répondre tant que nous ne
serons pas capables de préciser qui
devra y mettre fin en premier, puis
comment... et ce n’est qu’ensuite que se
posera la question du quand.
Abordons ce sujet
selon une séquence logique. Celui qui
mettra fin à la crise c’est nous les
Syriens, personne d’autre que les
enfants de cette patrie par eux-mêmes et
de leurs propres mains. Il est vrai que
les facteurs externes sont fort
puissants et influents. Aujourd’hui,
nous le savons tous. Mais aussi
important que soit le rôle de
l’étranger, il n’est que catalyse ou
obstruction. Il peut allonger ou
raccourcir la durée de la crise mais,
comme nous l’avons souvent dit et
répété, il s’appuie sur nos propres
faiblesses.
Si nous nous
adressions à des étrangers, nous leur
parlerions de tous ces terroristes qui
débarquent en Syrie, des dizaines de
nationalités étrangères qu’ils portent,
du rôle joué par les États arabes,
régionaux ou occidentaux. Mais il se
trouve que nous nous adressons aux fils
d’une seule et même société. Par
conséquent, lorsque nous mettons tous
les facteurs externes de côté et que
nous constatons qu'il y a aussi parmi
les Syriens, un terroriste, un voleur,
un mercenaire qui tue pour l'argent, un
extrémiste, pouvons-nous dire qu’il
s’agit d’une importation étrangère ?
Non. C’est une fabrication de notre
société. Nous devons être clairs sur ce
point. C’est l’une de nos failles. Si
ces individus n’avaient pas existé, les
étrangers ne seraient pas entrés en
Syrie.
D’autres spécimens
existent. Je n’en citerai rapidement que
quelques exemples sans m’attarder sur
les multiples détails de « la grisaille
nationale »... J’ai déjà évoqué la
« grisaille politique » lorsque j’ai dit
que si tout citoyen a le droit de
choisir la nuance qui lui convient dans
le large spectre des options politiques,
il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit
de la patrie où il n’y a que deux choix
possibles : blanc avec la patrie ou noir
contre la patrie ! Au début de la crise
celui qui était dépourvu d’une
conscience nationale suffisante a pu
opter pour le gris ou la grisaille
nationale devenue, en pratique, le giron
du chaos et de la terreur. Ses multiples
« incubateurs » ont alors lâché les
monstres dans l’arène. Aujourd’hui,
nombre de ceux qui ont adopté cette
option ont compris leur erreur. Ils se
sont ravisés pour revenir dans le droit
chemin. Ils sont revenus dans le giron
de la patrie, mais trop tard ! Les
monstres avaient creusé leurs antres,
s’étaient multipliés et n’avaient plus
besoin de « couveuses ». Très vite, ils
ont lancé d’autres monstres et en ont
même importés quantité d’autres
de par delà les frontières de la patrie.
Je répète et
j’insiste, ceux-là qui se sont égarés
n’ont pas intentionnellement fait
fonction d’incubateurs. Ils le sont
devenus par ignorance. Certes, l’État
fait partie intégrante de la société,
mais il n’en demeure pas moins que la
société dispose d’un plus large espace.
Disant cela, je ne charge pas la société
pour nier la responsabilité de l’État.
Non. Je veux dire qu’en tant que membres
d’une même famille, la famille syrienne,
nous sommes responsables à des degrés
divers et selon la position que nous
occupons.
Sur ce point précis,
je dis que l’Histoire démontre que pas
une superpuissance n’a été capable de
vaincre un petit État resté solidaire.
Je le dis, parce que devant l’ampleur de
l’agression extérieure, certains en sont
arrivés à baisser les bras et à s’en
remettre à Dieu. Autrement dit, ils s’en
sont remis au principe de la délégation
et non au principe de l’action, oubliant
que c’est lorsque nous faisons notre
devoir que Dieu est de notre côté et que
la victoire est à nous. C’est pourquoi
si nous avons suffisamment conscience de
ce point précis et que nous nous tenons
ensemble, le blanc contre le noir, je
suis persuadé sans aucune hésitation ou
exagération que nous serons en mesure de
sortir facilement de cette crise, malgré
et à cause du sang versé et du prix
cruel que nous avons payé.
C’est en toute
simplicité et avec le pragmatisme qui
convient que je vous répète que nous
n’exclurons aucun moyen susceptible de
nous sortir de cette crise qui nous
affecte tous et qui risque d’encore plus
détruire notre pays. C’est absolument
ainsi que nous nous comportons depuis le
début et c’est ainsi que nous
continuerons.
Il y a ceux qui ont
dit que le problème venait de la Loi,
nous avons modifié les lois ! Il y a
ceux qui ont dit que le problème venait
d’un article de la Constitution, nous
avons modifié toute la Constitution et
ceci après consultation référendaire !
Il y a ceux qui ont fait de mauvaises
propositions par manque de compétences
ou ignorance, et ceux qui les ont posées
par hypocrisie ou mauvaise foi... Malgré
cela nous en avons tenu compte partant
du principe que l’État ne doit pas
négliger une solution proposée par un
Syrien convaincu qu’elle pourrait
améliorer la situation.
Puis, il y a toutes
les solutions qui sont venues de
l'étranger. Nous les avons traitées de
la même manière, sans cependant perdre
de vue la souveraineté de la Syrie
définitivement non négociable. Cette
restriction étant précisée, nous avons
clairement annoncé que nous ne
refuserons aucune initiative et nous
avons commencé par accepter
« l’Initiative arabe ». Nul parmi vous
n’ignore les intentions cachées des
principaux États concernés qui ont exigé
l’envoi d’une mission d’observateurs
avec laquelle nous avons coopéré et qui
s’est soldée par un échec.
Suite à cette
première Initiative qui n’a pas réussi à
condamner la Syrie dans les termes
prémédités par les États arabes en
question, M. Kofi Annan est venu,
accompagné des observateurs onusiens. Là
aussi, nous avons coopéré et cette
deuxième initiative a abouti un à nouvel
échec toujours fomenté par des États de
la Ligue arabe. Ensuite, nous sommes
passés à « l'Initiative de Genève » et à
M. Lakhdar Brahimi. De nouveau, nous
avons coopéré et annoncé que nous nous
rendrions à Genève en sachant
parfaitement avec qui nous aurions à
négocier. On dit qu'une personne ne
représente qu’elle-même, mais ces gens
là n’en sont même pas capables et ne
représentent que les États qui les ont
créés, qui les payent, et qui leur
dictent ce qu’ils doivent faire ou ne
pas faire.
Nous avons donc dit
que nous irions dialoguer avec ceux-là
qui, comme vous le savez, prétendent
représenter le peuple syrien tout en
appelant à une intervention étrangère.
Ce n’est pas disserter que de dire que
lorsqu’on est soutenu par la force du
peuple, nul besoin d’aide étrangère.
Contre cela, leur argument devient
« l’armée tue le peuple », comme s’il
existait un seul exemple étayant l’idée
que dans un tel cas de figure l’armée ne
s’écroulerait pas aussitôt. Une armée du
peuple, issue du peuple, ne s’importe
pas de l’étranger ni ne se fabrique
dans leurs officines.
Si nous avons
réellement coopéré, ce n’était ni par
naïveté, ni parce que nous nous faisions
des d'illusions, mais d’abord et avant
tout parce que nous croyons en l'action
politique. C’est là une conviction à
condition que les intentions
sous-jacentes aux déclarations soient
sincères. D’ailleurs, nous reconnaissons
qu’un certain nombre de pays qui ont
collaboré aux initiatives successives
ont sincèrement travaillé à trouver une
solution, mais ils n’ont pas réussi à
l’emporter sur le terrain de la réalité.
Néanmoins, répondre favorablement à ces
initiatives était nécessaire pour aider
certains Syriens à découvrir une vérité
cachée qui leur avait échappé
et qui veut que l’action
politique et la solution politique
soient deux choses distinctes, cette
dernière étant plus globale, car si
l’action politique peut aider à la
solution, elle n’est pas la solution.
Elle fait partie de la solution.
D’autre part,
répondre favorablement à ces initiatives
était nécessaire pour permettre aux
Syriens dupés ou égarés de découvrir
toutes les autres vérités de la
situation et aussi pour permettre à ceux
qui, comme dans toute société, ne
raisonnent qu’avec des hypothèses et des
si... « Si vous aviez agi autrement,
nous n’en serions pas là ! »... Des
suppositions à n’en plus finir jusqu’à
ce que les hypothèses deviennent
réfutables, pour la bonne raison
qu’elles ne correspondent pas à la
réalité.
Plus important
encore, cette souplesse syrienne a aidé
les amis de la Syrie du monde entier,
que ce soit des individus, des partis ou
des pays à pouvoir travailler à la
défendre dans les différents forums.
Mais malgré leurs performances, je n’ai
pas cherché à nourrir les illusions
parce que les données concrètes dont
nous disposions n’étaient pas en faveur
du succès de leurs entreprises et que la
partie adverse refusait toute solution
politique. Ainsi, à chaque fois que nous
avons répondu favorablement à une
proposition elle versait dans la
dépression, voire l’hystérie comme ce
fut le cas de certains pays arabes en
particulier.
Il n’empêche qu’avec
le temps et malgré les vents contraires,
notre attitude a fini par faire tomber
les masques de tous ces responsables qui
s’acharnaient à prétendre que l’État
syrien ne cherchait qu’à détruire le
pays et même à qualifier de terrorisme
la solution sécuritaire qu’il a adopté,
comme si le terrorisme pouvait se régler
par la politique ! Je ne pense pas
qu’une personne saine d'esprit puisse le
croire, la politique pourrait
éventuellement jouer son rôle avant
qu’il n’apparaisse. Ce qui nous ramène à
la prévention par l’éducation, le
dialogue, l’économie performante, les
services sociaux... Les moyens sont
nombreux, mais une fois que le
terrorisme est apparu, s’est répandu, et
a commencé à détruire et à assassiner la
seule solution est de le frapper d’une
main de fer !
Il est important de
comprendre que le terrorisme et la
politique sont absolument antagonistes.
Il n’est pas possible de s’engager dans
une voie politique alors que le
terrorisme frappe partout où il peut. Il
est impératif de le frapper pour que la
politique puisse correctement suivre son
cours. Cela n'empêche pas d’emprunter
cette voie parallèle de la politique, à
condition qu’elle ne serve pas de
prétexte à arrêter le combat contre le
terrorisme !
Par conséquent, si
nous voulons trouver une solution nous
devons partir des faits et non des
illusions, comme c’est le cas de
certains. Nous pouvons comprendre que
dans ces conditions difficiles ils
puissent en arriver à se raccrocher à
des vétilles. Mais l’État ne peut pas se
comporter de la sorte et entrainer la
société dans sa chute. L’État doit
traiter avec la réalité.
Et la réalité, c’est
aussi la situation internationale avec
d’une part des États amis et honnêtes
ayant adopté à notre égard une position
invariable basée sur leurs principes qui
se trouvent être compatibles avec leurs
intérêts, ce qui est excellent ; et
d’autre part, des États ennemis et
perdus après avoir mal estimé la
situation et avoir compté sur des agents
qui les ont encore plus induits en
erreur, si bien qu’ils se retrouvent
aujourd’hui complètement déséquilibrés.
Quant à la situation
régionale au bout de ces deux ans et
demi, la majorité des États de la région
ont désormais une vision différente et
presque claire de la réalité à
l’exception de quelques-uns, peu
nombreux, qui ont adopté la doctrine
wahhabite et l’idéologie des Frères
Musulmans. Ceux-là ont versé et
continueront à verser le sang syrien
parce qu’ils considèrent que ce qui se
passe en Syrie est une occasion unique
qui consacrerait leurs doctrines
dévoyées et assassines, d’où leurs
déclarations hystériques suite à la
nouvelle donne internationale.
Ce qui fait qu’à
l'échelle nationale nous avons toujours
à combattre les gangs coupeurs de têtes
et de revenus ou des deux à la fois, des
mercenaires payés de l’intérieur ou de
l’extérieur, des voleurs, des repris de
justice en fuite depuis des années, des
extrémistes religieux selon
l’appellation consacrée mais qui n’ont
rien à voir ni avec la religion, ni avec
l’Islam.
Nous avons aussi une
opposition syrienne nationale qui s’est
impliquée dès le début de la crise dans
l’action politique et patriote, certains
de ses représentants sont présents dans
cette salle. Mais il existe une autre
opposition qui ne travaille pas dans
l’intérêt de la patrie mais pour ses
propres bénéfices. Certains de ses
représentants se sont empressés de nous
provoquer en demandant des postes dans
les institutions d’État et au
gouvernement contre l’arrêt des
manifestations, alors qu’ils n’avaient
aucune réelle influence sur quoi que ce
soit ! D’autres se sont fait grassement
payer par les pays du Golfe directement
ou indirectement par l'intermédiaire de
fonctionnaires de la Ligue arabe pour
qu’on ne dise pas quel était l’État
payeur. Ensuite, ils se sont mis à
courtiser les bandes armées et à accuser
l'Etat de terrorisme plutôt que de les
condamner. Leurs prises de positions ont
souvent changé en fonction de
l’évolution de la situation sécuritaire
et militaire sur le territoire national
et au gré de la situation
internationale. Aujourd’hui, certains
refusent le dialogue, d’autres disent
l’accepter mais en secret s’attirant
pour cela les foudres de leurs
comparses. Au total, il ne faut rien
attendre de cette deuxième opposition de
façade, elle est perdante tant du point
de vue moral que du point de vue
populaire et n’a aucun rôle à jouer dans
la résolution politique de la crise.
Disant cela, je
n’agresse pas une personne en
particulier. Dans aucun de mes
précédents discours, je n’ai attaqué
l’opposition. Mais nous ne pouvons
franchement pas aborder la situation
intérieure sans donner à voir au citoyen
syrien toutes les données qui existent
réellement sur le terrain. Je dis que je
n’agresse personne, parce que si je le
voulais je pourrais citer des noms... Je
me contente d’exposer des faits.
Mais en fin de
compte, malgré la souplesse et le
pragmatisme du gouvernement syrien, rien
de ce qui a été entrepris de l’intérieur
ou de l’extérieur n’a amélioré la
situation. L’escalade continue, et
chaque Syrien quelle que soit son
affiliation politique, géographique,
ethnique, religieuse... en paye le prix.
Les massacres ambulants fauchent
toujours la vie des Syriens. Inaugurés à
Jisr al-Chogour, ils sont passés par
Karm el-Zeytoun, Hatla, Khan al-Assal,
et tant d’autres endroits... La cause
est désormais entendue et très claire
pour tous : la Syrie sera ou ne sera
pas, elle restera libre et indépendante
ou sera aux bottes de l’ennemi, elle
restera gouvernée par un État de droit
et des institutions ou deviendra un état
dirigé par des voleurs et bandits de
grand chemin.
La confrontation est
entre la patrie et ses ennemis, entre
l’Armée et les terroristes, entre l’État
et les hors-la-loi. À ce titre,
absolument aucune autre annonce n'est
désormais acceptable. Nous ne pouvons
plus témoigner de notre complaisance aux
égarés et aux inconscients. Ce serait,
sans exagérations, laisser détruire à
jamais l'identité culturelle syrienne et
notre tissu national. Nous Syriens
devons être pleinement conscients que
dans ces combats nous gagnerons ensemble
ou perdrons ensemble. Il n’y a pas
d’autres alternatives.
Nous avons tout
essayé, et il ne nous reste plus qu'une
seule option, celle de nous défendre et
de défendre notre pays par nous-mêmes.
Naturellement, tous les Syriens
attendent beaucoup de leur Armée
nationale. Tous fondent leurs espoirs
sur sa force. Tous espèrent que cette
institution pourra mettre fin à cette
situation aujourd’hui avant demain. Tous
espèrent que le combattant syrien sera
suffisamment puissant pour écraser les
terroristes. Mais nous savons tous que
la réalité est plus dure à vivre que le
rêve.
Ce que nos Forces
armées ont accompli relève presque de
l’impossible. Cette institution née au
lendemain de l’Indépendance, et surtout
suite à la création d’Israël, a été
formée pour la défense de la patrie
contre ce seul ennemi, contre un seul
front de longueur et de profondeur bien
délimitées. Ses structures combattantes,
ses tactiques, sa stratégie, son
armement n’avaient pas d’autre objectif.
Tout à coup, la voilà qui doit faire
face à quelque chose de différent,
quelque chose que très probablement
aucun autre État et aucune autre armée
de l’Époque moderne n’a eu à affronter.
Elle se devait de s’y adapter le plus
rapidement possible et en pleine
bataille, et ce fut le plus dur ! Mais
elle l’a fait avec brio et a réalisé des
percées très importantes sur tous les
terrains.
L’Histoire et les
romans historiques regorgent d’actes
héroïques qui néanmoins restent
exceptionnels. En toute honnêteté,
sachez que le nombre d’actes héroïques
accomplis par nos Forces armées est
difficilement croyable, tant au niveau
opérationnel qu’au niveau des sacrifices
consentis. Savoir qu’on va à la mort, y
aller, exécuter sa mission, risquer
d’être blessé... Nombreux sont les
officiers, et les simples soldats qui
après leur convalescence d’une première
blessure, sont repartis au combat une
deuxième, une troisième, une quatrième
fois ; avec à chaque blessure encore
plus de détermination. Certains d’entre
eux combattent toujours, alors que
d’autres sont tombés. Oui l’héroïsme est
un symbole !
Mais si nous voulions
opter pour un seul symbole, nous
pourrions difficilement le choisir tant
les actes héroïques sont nombreux. Qui
le pourrait ? C’est la vérité et nous
devons en être fiers aujourd'hui et pour
des générations à venir. Certes, nous
savions que nos soldats étaient
courageux, mais nous n’avions pas
imaginé jusqu’où ils iraient dans leur
héroïsme. Bien sûr, leur performance
reflète celle du peuple Syrien étant
donné que l’institution militaire est
issue de ce peuple et n’est pas isolée
de la société syrienne. Si donc vous me
demandiez d’évaluer nos Forces armées je
vous répéterais qu’elle a presque
atteint l’impossible dans les conditions
les plus dures d’une agression menée par
diverses grandes puissances et leurs
agents et leurs terroristes !
Si maintenant nous
cherchions à répertorier les exploits de
nos combattants sur une carte de la
Syrie, nous constaterions des
différences d’une région à l’autre, car
dans une bataille les facteurs en jeu
sont multiples. Il y a le facteur humain
lié aux officiers et aux soldats
eux-mêmes, il y a l’environnement lié à
la géographie et à la technicité
militaire, etc... Il est donc normal
qu’existent des variations régionales,
mais le plus important reste le facteur
populaire. J’en suis d’autant plus
convaincu que, bien avant la crise en
Syrie, lorsqu’on me parlait de la
victoire de la Résistance libanaise, de
ses tactiques et de ses armes, je
répondais invariablement que la
Résistance avait vaincu grâce à
son peuple. Aujourd’hui, nous retrouvons
cette même vérité en Syrie.
Ce soutien populaire
est partout présent dans le pays. Nous
l’avions constaté dès les premiers jours
du combat mené par les Forces de l’armée
nationale contre les terroristes. Ce
soutien se renforce de jour en jour
parallèlement à la prise de conscience
de plus en plus aigüe de la population.
Désormais, il y a une quasi-unanimité
qui évidemment conforte le moral du
combattant. Ne dit-on pas que le moral
des combattants est pour moitié dans la
bataille ? Mais même si nous admettions
que ce soutien ne concerne que les trois
quart ou la moitié de la population, il
n’en demeure pas moins que les résultats
sont là avec un taux de réussite
d’autant plus significatif qu’un soutien
logistique était présent.
La guerre à laquelle
est confrontée l'Armée arabe syrienne et
nos Forces armées en général, est une
« guérilla ». La majorité des gens
savent que c’est l'une des guerres les
plus difficiles et les plus dangereuses
pour n’importe quelle armée, aussi
puissante soit-elle. Un seul autre type
de guerre la dépasse, c’est la « guerre
populaire » menée à la fois par le
peuple et l’armée. C’est ce qui se passe
en Syrie et qui nous a réussi jusqu’ici.
En cette année 2013,
les forces ennemies ont senti qu’elles
n’étaient pas en mesure de remporter la
victoire décisive qu’elles escomptaient.
Il y a eu quatorze batailles pour la
libération de Damas avant le Ramadan, et
trois ou quatre autres batailles l’année
dernière. La semaine dernière il y a eu
la bataille de Badr, et hier celle d’Ababile...
À chaque fois, les forces ennemies ont
perdu, c’est pourquoi les États
concernés sont arrivés à la conclusion
qu’ils n’obtiendront pas ce qu'ils
cherchent. Leur restait la solution de
la « guerre d’usure », celle qui
prolongerait la crise, celle qui
rongerait et saignerait la Syrie. Pour
eux c’est désormais la solution qui
reviendra au même indépendamment de la
chute de l'État syrien et c’est ce
qu’ils ont décidé de poursuivre !
De notre côté, il ne
nous reste plus que « la guerre
populaire » dont je viens de parler. Il
est vrai que la bataille fait rage dans
les médias, sur les sites des réseaux
sociaux, et même au sein de la société
réelle ; mais la bataille décisive ne
s’emporte que sur le terrain. Les
difficultés économiques que nous
endurons, le recul des services publics
et privés et tous nos soucis de la vie
quotidienne en tant que Syriens, sont
liés à la situation sécuritaire. Nous
n’avons pas d’autre solution que de
frapper le terrorisme. Si nous
réussissons à intégrer encore plus de
régions, et si nous gagnons notre guerre
populaire, la solution sera facile et la
Syrie pourra sortir de la crise en
quelques mois avec la grâce de Dieu.
C’est une autre vérité. Je n’exagère
pas.
Maintenant, si les
média entendent ce discours, ils se
précipiteront pour dire que le Président
syrien a appelé le peuple à la guerre
populaire... Nous n'appelons pas à la
guerre pour la bonne raison que cette
guerre a commencé il y a plus d'un an et
qu’elle se déroule sur le sol syrien !
Je mets les points sur les « i » pour
que les choses soient bien claires.
Comment pourrions-nous mettre fin à
cette guerre et « renverser la table »
sur les autres pour rétablir la
stabilité et la sécurité, la Syrie ayant
été avant qu’ils ne débarquent un modèle
de sécurité non seulement au niveau du
monde arabe et du Moyen-Orient mais au
niveau du monde entier ? Nous n’avons
plus que cette solution, celle d’unir
l'armée et le peuple pour éliminer le
terrorisme. Je n’ai pas inventé cette
idée, elle est issue de notre
expérience. Dans les provinces où nous
l’avons mise en application, elle a
réussi à des degrés divers, mais elle a
réussi !
Puisque nous sommes
réunis en cette « Nuit du Destin » de la
dernière semaine du Ramadan, le mois du
pardon, nous ne pouvons pas ne pas
rappeler ce que j’ai dit et répété à
plusieurs occasions. La Syrie en tant
qu’État ne cessera pas de suivre cette
voie parallèlement à la frappe du
terrorisme, mais le pardon sera réservé
à ceux qui ont été trompés, non à ceux à
qui ont versé le sang, commis des
assassinats et des actes terroristes. Au
début, cette réserve a été refusée par
beaucoup de Syriens qui pensaient
qu’elle ne pouvait qu’encourager le
terrorisme. Mais après une si longue
période de crise, je peux dire que cet
acte de pardon a donné de bons résultats
sur le terrain. Le résultat n’est pas
garanti à cent pour cent car il y a
toujours quelqu’un de prêt à revenir
vers la déviance et la traitrise. Il
n’empêche que dans la majorité des cas
les efforts sont couronnés de succès.
De temps à autre,
vous entendez les médias parler de
personnes qui se sont rendues aux
autorités compétentes et ont régularisé
leur situation. Là aussi le pourcentage
de réussite est en nette augmentation,
ceci parce que la confiance dans l’État
s’est renforcée. On leur disait de ne
surtout pas se rendre parce que l’État
se vengerait. Mais l’État syrien a
prouvé qu’il protégeait tous les Syriens
quelle que soit leur appartenance
politique.
Et aujourd’hui, avec
le déclin des « couveuses » le tableau
est devenu moins sombre. Dans certaines
régions, des jeunes gens qui s’étaient
rendus et avaient déposé les armes se
sont engagés dans les premiers rangs de
nos Forces armées et sont tombés au
combat. Ils sont morts en héros non en
criminels, la nuance étant importante
ici-bas et dans l’au-delà.
Je suis convaincu que
nous devons continuer à encourager au
pardon et au dialogue en les associant
aux initiatives sociales et politiques
menées par un certain nombre de Syriens,
parce qu'elles se sont révélées
essentielles à la réussite des deux à la
fois. Nous avons, nous-mêmes, procédé de
cette manière après avoir accordé de
nombreuses amnisties sans nécessairement
les rendre publiques. Ce n’est donc pas
une question de publicité mais une
question d’action sur le terrain. Là
aussi les résultats ont été bons. C’est
pourquoi j’insiste à soutenir ces
initiatives sans relâche, car ce qui ne
pourra s’accomplir aujourd’hui le sera
demain. Et c’est pourquoi j’encourage à
rentrer chez eux les nombreux indécis
qui disent vouloir s’en sortir et
retourner à leur vie, mais qui ne le
font pas parce qu’ils ont peur. Je les
encourage à regagner leur place
naturelle sans crainte. Sinon, le combat
sera sans fin, nous serons les perdants
avec pour seul gagnant l'ennemi
israélien.
Nous sommes dans le
mois du bien, c’est à nous de
l’atteindre. Dieu nous a offert le bien,
mais si nous le voulons nous sommes
tenus de le chercher. Mais alors il faut
que nous sachions que nous ne pouvons le
trouver au mauvais endroit. Le bien ne
nous viendra pas de certains pays arabes
ou régionaux qui disent se soucier du
moindre petit village syrien, mais
restent très rassurés sur le statut de
Jérusalem et l'avenir des enfants
palestiniens sous occupation
israélienne. Le bien ne nous viendra pas
de ces pays qui se disent impatients
d’offrir la démocratie au peuple syrien,
mais qui privent leurs peuples du
minimum de droits humains et qui sont
déterminés à leur infliger des systèmes
politiques du Moyen-Âge et probablement
de l’époque de l'ignorance [Al-Jâhilîya],
sans parlement, sans partage des
décisions, sans partage des richesses ni
même de la patrie, sans partage de quoi
que ce soit.
Ces pays veulent
entrer dans l'Histoire... Ils y
entreront certainement, mais dans un
sous-chapitre intitulé : MORT,
DESTRUCTION, ARRIÉRATION, IGNORANCE. Ce
sont pratiquement les seules qualités
historiquement présentes chez eux et les
seuls cadeaux qu’ils peuvent offrir à
l’humanité. Non, le bien ne nous viendra
pas de la pensée de ces obscurantistes,
fondée par les wahhabites par le feu et
le sang puis politisée par les Frères
Musulmans par la violence, l'hypocrisie
et le crime.
Leur pensée
obscurantiste a semé la discorde entre
l'arabité de l'Islam, alors que le Coran
et le Prophète les avaient unis. Ils
sont les premiers à semer la discorde
entre le musulman et le musulman, puis
entre le musulman et le chrétien,
au moyen de leur confessionnalisme
détestable et meurtrier que toutes les
religions célestes ont condamné.
C’est cette même
pensée qui a inversé le conflit
arabo-israélien en conflit arabo-arabe.
Ils ont frappé les symboles de l'arabité
et de la résistance au colonialisme. Ils
ont attaqué les armées arabes comme cela
se passe maintenant en Syrie et en
Egypte. Ils ont collaboré avec l'armée
de l'ennemi israélien. Ils ont trahi
dans l’intérêt d’Israël et se sont
laissés humilier par les États-uniens
pour se garantir un simple siège, leur
seul intérêt.
Comment les
désigner ? Ce sont les
« néo-islamistes » ! Les Occidentaux ont
utilisé les « néo-chrétiens » pour
servir Israël en usant du christianisme,
et les voilà qui utilisent ces «
néo-islamistes » pour qu’à travers eux
l’Islam soit consacré au même service. À
vrai dire, le terme « islamistes » n’est
pas correct, nous ferions mieux de les
désigner par le terme « néo-ignorants »,
plus proche de la vérité.
Le bien ne nous
viendra pas de ceux-là. Il nous viendra
de toutes ces nobles personnes qui se
sont dressées partout dans le Monde,
aussi bien dans le Monde musulman que
partout ailleurs. Elles se sont tenues à
nos côtés en parole et en action. Elles
ont hissé le drapeau syrien. Elles ont
soutenu l’Armée arabe syrienne dans ses
combats contre le terrorisme. Elles ont
soutenu le peuple syrien qui défend
l’indépendance de son pays.
Le bien nous viendra
de vous les Syriens ! Il viendra de tous
les Syriens chrétiens et musulmans
concernés par leur appartenance à ce
pays et qui se sont engagés en toute
conscience, convaincus que les religions
et les lois célestes ne sont descendues
que pour un seul objectif, celui de
rendre notre vie meilleure. Par
conséquent, lorsque ces lois et
religions échouent à nous rendre
meilleurs et qu’au contraire nous allons
vers le pire, le problème n’est pas dans
la religion, le problème est en nous.
Le bien nous viendra
de ces héros qui valorisent leur patrie
et défendent leur peuple. Il viendra de
leurs familles qui souffrent patiemment
de leur absence pendant qu’ils se
battent sur le champ d’honneur, et de
leurs parents qui y ont envoyé un
deuxième fils pour terminer la mission
du premier qui est tombé. C’est de
ceux-là que le bien nous viendra, de
leur force, leur ténacité, leur foi et
leur patriotisme.
Je termine en
souhaitant qu’au prochain Ramadan la
Syrie aura récupéré sa santé, que la
paix et la sécurité règneront sur ce
pays cher à nos cœurs. Et à l’occasion
d’Id al-Fitr qui nous arrivera dans les
prochains jours, je vous dis « Puisse
chaque année à venir vous apporter la
paix ».
Dr Bachar al-Assad
Président de la République arabe
syrienne
04/08/2013
Texte traduit par
Mouna Alno-Nakhal
Texte original :
Sana-Syrie / Vidéo You Tube
http://sana.sy/ara/2/2013/08/05/495772.htm
http://www.youtube.com/watch?v=k0pPFZaSt8I&feature=youtu.be
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dossier Syrie
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